Déviance - Tome 2 - Christine Barsi - E-Book

Déviance - Tome 2 E-Book

Christine Barsi

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Beschreibung

Suite à sa métamorphose, Caitline Malhon doit parfaire son entrainement pour apprendre à contrôler ses nouvelles forces. C'était sans compter sur ses nouveaux ennemis, qui ne lui facilitent pas la vie...

Sur la lande des Pennines, dans le Yorkshire, en Angleterre, la rencontre de Caitline Malhon, avec le vampire Sean Mackrey a engendré une métamorphose irréversible chez la romancière.
Captive volontaire avec ses enfants au sein de la forteresse du vampire, Caitline apprend à vivre avec les transformations qui s’opèrent en elle du fait de son nouveau statut. Obsédé par la crainte de perdre son amante encore fragilisée, Sean n’a de cesse de lui inculquer les fondements de son univers vampirique afin qu’elle parvienne à se maîtriser. Il est accompagné dans cette initiation par la guérisseuse de ce secteur hanté du triangle de Barden, qui s’est attachée à leurs personnes dans le but de les préserver des dangers qu’elle entrevoit déjà.
En acquérant quelques certitudes sur la manière d’appréhender ses pouvoirs occultes, Caitline se décide à reprendre contact avec son éditeur, et d’amorcer le second tome de son roman Déviance au risque de se retrouver entraînée dans une spirale infernale dont ils ne sortiront pas indemnes du fait de l’influence même du manuscrit sur leur existence.

Retrouvez l'écrivaine Caitline Malhon, coincée entre fiction et réalité, pour un second tome qui vous tiendra hors d'haleine !

EXTRAIT

Caitline se laissa tomber sur une chaise près de la table de cuisine, et tout en observant la vieille femme rajouter une poignée d’un assortiment d’herbes de la lande dans le réceptacle contenant déjà l’eau, l’écorce et les racines, elle s’enquit :
– Que crois-tu que j’ai vu, Rany ? Que se passe-t-il ?
– Sean a des problèmes. Tu dois intervenir, mais uniquement lorsque tu seras prête. Agir trop tôt serait une catastrophe.
– J’ai ces images qui tournent en moi… emplies de confusion. J’ai le vertige.
– Tu ressens ce que ressent Sean. Ce n’est pas ton vertige, mais celui de ton mari.
– Ils l’ont drogué ?
La guérisseuse réfléchit brièvement :
– Ça m’a tout l’air d’un envoûtement.
– Envoûtement ? Un vampire ferait ça ?
– Non, pas de ce que je sais. Mais quelqu’un agit sur Sean. Quelqu’un de suffisamment puissant pour vaincre la barrière de l’esprit de ton mari. Sean est un vampire redoutable ; pour l’abattre, son adversaire doit être de son gabarit et le prendre par surprise. Qu’as-tu vu d’autre, ma fille ?
– L’obscurité… le mal… une ombre planant sur de l’eau. Des reflets sur une onde agitée. Une rivière, Rany. Sean étouffait.

CE QU'EN PENSE LA CRITIQUE

A propos du tome 1 :
Jeunes afficionados passez votre tour, ici ce roman relève plus du ‘Dracula’ de Bram Stocker : on y voit de la romance et des vampires, mais à quel prix ! Et ceux-là franchement, ils me font tout sauf rêver d’amour et d’eau fraîche, euh...de sang frais ! Un roman fort qui ne laisse pas indifférent, fait d’émotions à fleur de peau, qu’elles que soient celles qui émergent. - Sagweste sur saginlibrio.over-blog

À PROPOS DE L'AUTEUR

Christine Barsi est une scientifique et une artiste qui a fait des études en biologie et science de la nature et de la vie, cherchant à comprendre ce qui anime le genre humain. L’auteure travaille dans les ressources humaines, l’informatique et l’ingénierie, écrivant en parallèle depuis 1998 des romans de science-fiction et de fantastique, avec à son actif six romans publiés à compte d’éditeur.

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Christine Barsi

Déviance

Tome 2

Renaissance

Du même auteur

– Déviance, roman

5 Sens Éditions, 2017

 

– Teralhen, roman

5 Sens Éditions, 2017

 

– Mutagenèse, roman

5 Sens Éditions, 2018

 

– L’éveil du Dieu Serpent, roman

5 Sens Éditions, 2018

 

– Solas, roman

5 Sens Éditions, 2019

 

 

À tous mes lecteurs et lectrices qui m’ont vivement encouragée à poursuivre l’histoire de Déviance.

Notamment mes amies, Félicie Gantois et Patricia Graal, ainsi que ma sœur Agnès Larby.

 

À mon mari qui m’accompagne continûment dans tous les chapitres de notre existence commune, afin que je puisse me consacrer à la réécriture.

 

À mes enfants : Franck, Xavier et Marie-Laure ainsi qu’à mon petit-fils Benjamin, qui, chacun à leur manière, m’encouragent dans cette aventure littéraire.

 

À tous mes amis des réseaux sociaux qui ont été présents, pour moi, ces deux dernières années, et ont donné du sens à mon acharnement d’écrivaine.

 

À mes écrivains fétiches qui m’ont inspirée dans ce domaine du fantasque et du merveilleux.

Prologue

Extrait de Déviance par Caitline Marinenh : « Marinenh, mon pseudonyme, mon nom d’artiste, mon icône sacrée. Un nom qui coule ainsi qu’un torrent impétueux au plus profond de moi, mais ainsi qu’une rivière au cours tranquille tout en surface : une apparence ; une simple apparence. »

 

Publié quelques semaines auparavant, son manuscrit, Déviance, faisait la Une des journaux littéraires.

Heureuse qu’elle ait atteint le bout du chemin en ce qui le concernait, Caitline regrettait, cependant, que sa sortie ait réveillé l’intérêt des forces de police de York sur les derniers crimes commis dans le Yorkshire.

Stefan Henry, son éditeur, lui avait appris récemment avoir été contacté par l’un de ces messieurs de la Haute à ce sujet, l’interrogeant sur l’identité de l’écrivain derrière le pseudonyme. Caitline l’avait exhorté à ne pas la révéler. Plus tard, lorsqu’elle-même serait prête, et se serait assumée, elle s’amuserait à les approcher.

Mais pas maintenant.

Maintenant, elle avait de quoi s’occuper. Leur nouvelle demeure accaparait beaucoup de leur temps en réhabilitation, et elle devait organiser l’existence des enfants. Sa relation avec Sean se remodelait au jour le jour ; l’éducation qu’il lui donnait à elle et Peter, son premier né, afin qu’ils apprennent : pour elle à concevoir et surmonter le choc de la transmutation ainsi que la maîtrise appropriée de cette « renaissance », et pour Peter, plutôt pour le préparer aux années à venir alors qu’il appréhenderait à son rythme les conséquences de leur union, à Sean et elle.

Mais au-delà de ces conditions élémentaires, la jeune femme avait décidé de se remettre à l’écriture et d’amorcer le prologue d’un tome deux. Son côté macabre, en même temps qu’humoristique, probablement.

Caitline s’interrogeait déjà sur ce second « opus », à l’instar d’un musicien travaillant son œuvre et sa partition en vue d’une nième composition. Générerait-il, chez elle et son entourage proche, des répercussions significatives comme celles qu’avait provoquées le précédent tome de Déviance ? Les prémices d’une histoire personnelle inédite, un chamboulement d’une destinée qui se créerait continûment ?

Une gageure, peut-être.

Ou bien le signe que les êtres humains s’avéraient capables de bien d’autres exploits que de vivre le quotidien que l’on attendait d’eux, à l’instar de bons gros chiens fidèles ; le signe qu’ils étaient capables, au contraire, de se transcender pour atteindre le statut du dieu de leurs univers en propre.

Chapitre I : L’aîné des Malhon

Extrait de Déviance par Caitline Marinenh : « Peter s’interrogeait, guettant ce qui, en lui, enflait lentement, insidieusement. Saurait-il le juguler, le temps venu ? Certains soirs, l’angoisse en lui le bousculait, piétinait sa raison quand il songeait à ce qu’était cet artefact humain ou animal. »

 

Peter avait l’impression de vivre cette existence depuis des mois, alors que ça ne faisait que quelques semaines qu’ils avaient débarqué, ici, au château, dans ces montagnes du Yorkshire, lors d’une soirée inopinée. Une nuit, plutôt, qu’il n’était pas près d’oublier pour son côté totalement inattendu.

Il se souvenait encore de l’apparition du compagnon de sa mère, au début du printemps ; ce dernier lui avait fait sacrément d’effet. Peter n’était, pourtant, pas du genre à être affecté facilement. L’homme était grand, imposant, sombre dans son aura dont l’adolescent avait décelé l’identité derrière le masque.

Peter n’avait pas à se glorifier ; il avait lu le journal de sa mère, peu de temps auparavant, devinant beaucoup plus que ce que relatait ce dernier. Il avait conservé ces informations par-devers lui, mais avait compris, alors, le comportement de Caitline dont la fragilité l’avait longtemps préoccupé. Et contre toute attente, les pages du journal qui contaient sa rencontre tumultueuse avec le buveur de sang l’avaient rassuré. Aujourd’hui, alors que ce mois de mai 1959 annonçait les douces fragrances florales de la saison, la conjoncture avait bien changé. Ce fardeau inconfortable qui tannait Peter, ces dernières années, ne pesait plus sur ses épaules.

La présence de James Malhon, son père d’adoption récemment décédé, avait été pour lui une longue période de désarroi et de malaise dans leur vie. Sa mort l’avait également soulagé d’un poids énorme. Puis il avait pris sur lui la responsabilité de son petit frère et de sa mère, particulièrement instable avant l’apparition de Sean dans leur demeure.

Sean !

Le mystère autour de sa personne ne s’était pas levé, quand bien même ils le côtoyaient au quotidien. Même aujourd’hui, alors que sa véritable individualité lui avait été révélée. Un vampire, un être qu’il avait cru qu’il n’existait que dans les légendes des vieilles gens de la région.

Et que penser des quelques bribes d’un éveil inquiétant qu’il devinait héberger lui-même, tel un animalcule dans la fange de son inconscience et qui exigeait de s’illustrer ?

Sa mère lui avait promis de lui expliquer ce qu’il devait savoir le concernant, lui, Peter. Quoi ? Qu’y avait-il à comprendre de plus que ce qu’il avait appris, si récemment ?

Une prescience à son propos venait bousculer, certaines de ses certitudes encore si fragiles. Il était si jeune ! Pas même adulte ; tout juste sorti de l’adolescence. Il ne voulait pas voir, pas changer ; juste demeurer le garçon qu’il avait été, encore hier.

Néanmoins, il flairait à intervalle des prémices d’une noirceur qu’il ne décryptait pas, qu’il n’avait jamais permis qu’elle surgisse de lui pour s’incarner dans leur sphère de réalité. Qu’était-il dans les tréfonds de son être ? Il allait devoir se surveiller, surveiller les vagissements d’un état intime qui tentait très progressivement de rejaillir à la lumière. Il allait devoir interroger sa mère, interroger s’il le fallait l’être inquiétant que représentait Sean en dépit de sa bonne volonté et de sa persévérance à les accueillir avec un plaisir non dissimulé.

Chapitre II : Les mémoires de Rany

Extrait de Déviance par Caitline Marinenh : « Le principe actif des simples1 ne résidait essentiellement que dans le rythme de l’astre lunaire et des saisons. Ne pas en prendre conscience tenait de l’ineptie pour une guérisseuse usant des énergies subtiles. »

Extrait… : « Les sorcières n’existaient pas, pourtant celle-ci jouait bien son rôle. »

 

Rany se souvenait.

À intervalle, les concepts revenaient à sa cervelle capricieuse. Les premières années de son enfance, au sein d’une famille de la région, où ses sœurs et elle n’avaient pas leur mot à dire dans le quotidien des Fawkes.

Étant la benjamine, ses sœurs se chargeaient d’elle davantage que sa mère ou son père. D’ailleurs leur père n’avait d’attention que pour ses deux aînés, des garçons, « les hommes de la maison », toujours à trainailler au-dehors, tandis que les filles devaient vaquer au bien-être et à la logistique familiale ; ce qui comprenait aussi bien le potager, que la cuisine ou encore les animaux de la ferme qu’il fallait nourrir et tuer en temps et en heure.

En dépit de la présence pesante de ses sœurs, Rany parvenait régulièrement à échapper à leur vigilance pour partir vadrouiller alentour, atterrissant invariablement dans le cottage décrépi de son arrière-grand-mère, la guérisseuse du hameau de Burnsall qui la tolérait plus qu’aucune autre.

 

GrandMa Sitwell, la mère de la mère de sa mère, s’avérait peu causante, peu sociable ; et pourtant, dans sa chaumière de guingois qui arborait la rose blanche, l’emblème du Yorkshire, se croisaient nombre de gens du pays venus chercher quelques remèdes à leurs maux habituels.

Plus d’un siècle que GrandMa avait quitté la Terre pour accéder, peut-être, à une meilleure vie, à ce qui se disait alors. Une meilleure vie ! Comme si l’on pouvait connaître les prétentions des dieux, là, en haut !

Rany ne croyait qu’en l’efficience de ses préparations à base de simples, d’herbes et de plantes. Elle avait été jeune, oui. Mais sa vie, comme celle de beaucoup d’autres, n’avait pas été facile. Comme tous les gens de sa condition, elle avait trimé ainsi que ses sœurs, ses frères et ses parents, ainsi que tous ceux des villages proches dans les Craven2.

Mais pour elle, GrandMa avait fait la différence. Son existence s’était déroulée d’une manière divergente, plus sauvage dans un sens, davantage d’autonomie aussi, mais aussi plus de solitude et une grande indépendance. Ce qui impliquait une certaine maîtrise de ses choix personnels, qu’on lui avait longtemps enviés.

Devenir guérisseuse tenait du sacerdoce, et ces braves gens et leur langue bien pendue ne s’étaient pas demandé si les contreparties, pour elle, n’avaient pas été plus laborieuses que son choix lui-même.

Pourtant, leur a priori s’avérait fondé, Rany n’aurait opté pour aucune autre voie que celle qu’elle empruntait depuis beaucoup plus d’un siècle, maintenant. Plus d’un siècle ! Chaque fois que son âge remontait à sa mémoire, les lourdeurs incompressibles se rappelaient dans ses vieilles jambes, ainsi que la raideur de leurs articulations séniles.

Préparer les décoctions lui prenait dorénavant un temps infini. Cependant elle ne vivait que pour celles-ci, pour ôter les douleurs des autres ainsi que les siennes, mais surtout pour transférer son expérience et ses acquis, en faire don à celui qui les recueillerait, qui en serait le dépositaire.

De ce point de vue, Rany était gâtée. La jeune Caitline se révélait une élève modèle, digne de son haut lignage de guérisseuse. Avide de connaissances, mais d’une patience et d’un enthousiasme qui gagnait le cœur des plus endurcis.

Rany était heureuse que la jeune fille d’alors ait pu affronter le chemin des défunts, en triompher pour revenir à la vie, et rejoindre Sean dans son voyage éternel. Deux belles âmes dans son sillage qu’elle se devait d’accompagner, afin de s’assurer de leur devenir à eux et à leurs rejetons. Des temps difficiles renaîtraient bientôt, pour eux ; elle serait à leur côté.

La guérisseuse se souvenait de la fois où Sean la lui avait ramenée, faible créature au seuil d’une mort quasi certaine. Rany avait fait ce qu’elle avait pu, et ce peu avait dû peser dans la balance le jour où les dieux avaient pris leur décision. Mais Sean avait fait beaucoup plus encore. Sans lui, sans sa dévotion désintéressée, la jeune fille intrépide, autant qu’imprudente, ne serait plus de ce monde.

Ce rappel en fit revenir un autre, beaucoup plus ancien.

Toute jeune, Rany se promenait dans la lande pour cueillir des simples pour GrandMa Sitwell lorsqu’un miaulement misérable avait attiré son attention. Ce jour-là, elle avait rapporté chez GrandMa une sorte de petite loque pitoyable et trempée, maigre et affaiblie. Les piaulements de la bestiole, quand elle l’avait remontée du trou d’eau dans lequel celle-ci avait basculé, avaient été si ténus que Rany avait cru qu’elle ne passerait pas la nuit.

Elle et GrandMa avaient fait tout ce qu’elles avaient pu et, une fois de plus, le miracle s’était accompli. Le chaton avait survécu ; Rany avait déployé beaucoup d’efforts pour lui, pour le nourrir, lui donner le biberon, le soigner, le bercer, jusqu’à ce qu’il devienne une belle bête de chat qui la suivait telle une ombre dans le moindre de ses cheminements.

Elle ne l’avait jamais ramené à la maison ; ses sœurs et ses frères l’auraient battu et torturé, jusqu’à ce qu’il en crève.

Ça avait été l’un des innombrables secrets que GrandMa Sitwell et elle avaient partagés. Eh bien ! La jeune Caitline lui avait fait cet effet-là, à l’époque de sa chute dans les trous de Troll. Sean l’avait portée jusqu’à sa masure, priant la guérisseuse de contrer le mauvais sort et de prodiguer à sa protégée les soins salvateurs.

Ensuite, Rany avait été le témoin discret de la passion croissante de Sean pour ce petit chat humain. Une passion qui avait pris son temps pour croître à la lumière. Mais Sean était un être précieux, l’un de ces êtres prodigieux, que les guérisseuses, de mère en fille, se rappelaient le nom et préservaient l’existence en la dissimulant.

Un secret bien gardé qui aurait fait fuir les plus téméraires. Il avait fallu le cran d’une toute jeune fille, pour détourner le mal en lui ainsi que les chimères qui le tiraient vers une déchéance à long terme.

Rany avait également eu sa propre histoire avec Sean. Une histoire relatant les méandres d’une longue amitié au sein des collines de la région ; alors que la révolution industrielle, tout en permettant le développement des industries du textile et du charbon notamment, amenait le chaos dans les villes et engendrait les premières épidémies de choléra en 1832 et 18483.

De guérisseuse, l’expérience de Rany avait emprunté les couleurs de la sorcellerie après avoir rencontré le vampire ; à la suite de quoi, son statut de gardienne de Barden avait éclos dans la tête des patriarches de son pays. Une longue histoire, à vrai dire, qui se comptait en décennies.

 

Les os de la guérisseuse protestaient dans sa vieille carcasse qui avait vécu plus que sa part, et qui pourtant perdurait bien au-delà de ce que les gens d’ici pouvaient imaginer. Mais sa mission n’était pas achevée, sur cette terre ; il demeurait quelques actions indispensables qui nécessitaient sa présence au sein des vivants.

Le château et ses habitants la requéraient.

Le temps viendrait où cette dernière assumerait tout son sens, et ses amis solliciteraient son aide. Il en allait de l’équilibre des forces en jeu, bien au-delà des frontières de ce pays et de son rôle. Ensuite, les esprits du monde d’en haut décideraient de son sort à elle. Rany serait heureuse, alors, de les rejoindre, et d’entamer de nouvelles tâches.

Dans l’intervalle, elle devait prendre soin des hôtes du château, de l’être fort qui en était le détenteur et de sa compagne. Les enfants ne faisaient que rajouter à l’urgence à venir.

L’ancêtre empruntait la sente de la prairie en contrebas, cherchant les simples et les plantes qui sauraient, le moment venu, pallier les divers maux et souffrances que rencontreraient inévitablement ceux qu’elle protégeait envers et contre tous. Si Rany tenait son talent de sa grandMa, celle-ci, au travers des générations, le tenait des tout premiers habitants du Comté.

Dans la culture orale, les Celtes avaient envahi la région et imposé leurs mœurs, leur religion, leur Panthéon de dieux. L’immortalité de l’âme s’avérait une croyance très ancrée chez eux, ainsi que la transmission du savoir. Leurs druides célébraient leurs rites polythéistes, au cœur de sanctuaires préservés des profanes.

La guérisseuse se qualifiait régulièrement de prophétesse et de médecin des âmes et des corps, une Banfaith ; très certainement, un maillon de son passé antédiluvien qui se rappelait à elle immuablement.

L’aurore. L’heure des plantes solaires.

Après un bain rituel dans l’une des sources des Craven, équipée de son baluchon traditionnel aussi antique que sa charpente squelettique, Rany s’était mise en marche, bien décidée à cueillir de l’angélique, de la menthe, de la chélidoine, de la camomille… Quelques feuilles d’arbrisseaux endémiques et quelques scions accompagneraient les mixtures, que plus tard, elle concocterait. Avec le printemps, les fleurs sauvages des prairies offraient une diversité appréciable tandis que le substrat calcaire des vallons et les tourbières apportaient cette note si particulière à cette contrée.

Les pluies qui ruisselaient depuis plusieurs jours, sur la roche calcaire et la dolomite, activaient leur dissolution et généraient ces formations géologiques qui couraient sur le sol en le zébrant de trouées parallèles. Les lapiaz contenaient des sels saturés en minéraux et sédiments qui possédaient des propriétés remarquables et offraient à leur tour d’innombrables opportunités de broyats pour ses préparations délicates.

La guérisseuse maîtrisait l’art obscur de ces antres et vallées glaciaires, de ces collines des Pennines et de ces landes balayées par les vents. Les chroniques minières des Yorkshire dales4 avaient concouru à éparpiller sur les sols les poudres noires ou blanches des minerais cachés, enrichissant à leur manière le cycle de vie dans le pays.

Se relevant et observant l’astre du jour dans sa lente progression vers l’ardente lumière, Rany poursuivit son chemin vers l’une des ravines hantant le secteur d’Appletreewick. Les ombres sinistres qui en cernaient les flancs offraient d’autres abris qu’elle souhaitait étudier.

Certaines plantes privilégiaient ces zones de pénombre propices à ce qu’elle nommait, elle, les racinaires. Des plantes à l’accroche profonde, du fait de leur système de racine surdéveloppé qui s’ancrait dans la roche jusqu’au cœur pour en pourfendre le soc et en absorber les sels minéraux essentiels à leur croissance. Ces plantes discrètes possédaient leur poids de richesses ignorées du commun des mortels. Rany se faisait fort d’en extraire, par la suite, le précieux suc qui lui permettrait de préparer ses recettes ancestrales.

Lorsqu’elle emprunta une vague sente à peine discernable, le long du flanc parcouru du mouvement d’ombre lumière en provenance du ciel au-dessus de sa tête, elle se fit prudente. Son corps décharné ne supporterait pas la moindre chute dans les profondeurs oubliées. Qui serait venu, ensuite, la chercher ? Plus aucun des gens des bourgs voisins ne s’aventurait, dans ce secteur hanté par les Trolls et les Barguest5. Seuls, ceux du château l’auraient osé. Et pour cause !

Son rire de vieille chouette jaillit de sa gorge maigrelette pour se tarir aussitôt à la pensée de Sean, de Caitline et des enfants. Elle devait se hâter, car c’est pour eux qu’elle se trouvait là, si tôt, ce matin.

 

Son exploration n’avait rien donné. Il lui faudrait revenir, ces prochains jours. Les petites pousses découvertes n’étaient pas aussi matures qu’elle l’avait escompté ; à ce stade, il n’aurait servi à rien de les extraire de leur couche rocheuse. Le délicat équilibre des forces de la nature nécessitait de la patience. Beaucoup de patience et de doigté. Violer cette loi n’aurait eu aucun sens. Elle reviendrait.

Chapitre III : Le château des Mackrey

Extrait de Déviance par Caitline Marinenh : « J’ai hâte que vienne le temps de ma maturité. »

 

Caitline admirait une branche de houx au cœur d’un arbuste grimpant. Les petites baies fleuries jetaient des éclats rubis dans la nuit. La pâleur de l’astre lunaire contrastait avec le ciel indigo et les graines d’étoiles qui le parsemaient. C’était beau ! Majestueux. Beaucoup plus beau que dans son état précédent.

« Son état précédent », c’est ainsi qu’elle se voyait dans l’histoire d’avant. Une histoire qui n’avait plus lieu d’être, mais qui pourtant se poursuivait, sur une autre trame. Une trame qu’elle n’avait pas souhaitée, mais que dorénavant elle aurait revendiquée plus que tout au monde.

Ses perceptions s’étaient aiguisées en même temps que la confirmation de sa condition, en même temps que ses pensées se modifiaient pour emprunter un schéma plus percutant, que ses membres se renforçaient et que l’énergie en elle pulsait une vigueur maléfique, bien que jugulée.

Il ne s’était écoulé que quelques semaines depuis que Sean avait provoqué en elle la métamorphose, que les sens affolés du vampire avaient trahi l’homme en lui pour faire d’elle son égérie, un être plus tout à fait humain et en même temps tellement humain ! Récemment, Sean avait amorcé avec elle un entraînement régulier, bien qu’encore superficiel. Il refusait de dépasser le seuil de tolérance de l’organisme si fragile encore de sa femme. Comme il se refusait d’alimenter trop rapidement son esprit prompt à engranger des secrets qui pourraient la bouleverser.

L’imaginaire de Caitline s’était accru avec son statut. Ses dons d’écrivaine s’étaient développés au-delà de toute prévisibilité, au point qu’elle croyait vivre pleinement les scènes qu’elle couchait sur le papier ; des scènes bien plus tangibles que ce qu’elle expérimentait, encore, l’hiver dernier. Celles-ci s’inscrivaient dans sa réalité, dès que les mots affleuraient à son subconscient.

C’était perturbant, mais les sensations se révélaient fascinantes, presque magnétiques. Une situation qui l’amenait à des intermèdes cocasses ; son entourage s’avérant susceptible d’intercepter les représentations qu’elle projetait et martelait instinctivement, allant jusqu’à les sublimer, chez elle et chez ceux qui les recevaient.

Là aussi, du travail d’ajustement s’imposait. Elle s’y astreindrait, et s’y attèlerait avec d’autant plus de plaisir que celui-ci engendrerait des divertissements et des exutoires au trop-plein du quotidien.

Sean voulait sauvegarder ces dons précieux chez elle. Il la couvait comme une poule ses poussins, inquiet qu’elle n’outrepasse la marge subtile entre santé mentale et folie qui guettait invariablement chaque vampire nouveau-né.

Ne concevant pas de sacrifier des êtres, la jeune femme se nourrissait d’agneaux tout en leur laissant la vie sauve ; à intervalle, elle se sustentait d’aliments humains pour donner le change à leur entourage, histoire de ne pas les alarmer.

Sean s’abstenait de la juger ou de minimiser ses intentions et ses actes. Il cherchait à révéler, au contraire, le diamant de cette cosse qui la définissait. Mais y en avait-il un, quelque part, au fin fond de son intimité spirituelle ? Caitline en doutait. Une kyrielle de problématiques se manifestait, au fil des jours, qu’elle ne parvenait pas toutes à gérer dans l’ordre adéquat, dont son mode d’alimentation qui ne s’avérait finalement pas le plus complexe.

 

La jeune femme leva le regard vers la façade du château en contrepoint de l’obscurité. Celui-ci reflétait une aura sinistre et noire qui aurait dû la tourmenter, mais la rassurait tout au contraire.

Les travaux avaient bien avancé. La façade avait été rénovée sur la partie principale, tandis que l’arrière et les pignons exposaient encore leurs échafaudages disproportionnés. L’intérieur de la bâtisse était en chantier pour certaines des pièces secondaires. La peinture séchait encore dans d’autres pièces, tandis que les chambres et le spacieux salon avaient été complètement remis en état pour apporter tout le confort possible à ses habitants.

Sean n’avait pas lésiné sur les dépenses. Sa fortune semblait incommensurable. Seules les dépendances attendaient toujours la maintenance nécessaire et la réfection, extérieure comme intérieure.

La basse-cour qui hébergeait notamment l’écurie et le chenil, ainsi qu’un four à pain, avait plus ou moins été modernisée. Les jardins et le parc en friche, au-dessus de l’abîme rocheux, devraient être nettoyés. Le jardinier et son pool d’aides travaillaient sur le projet, depuis le début de la semaine. Avec la nouvelle saison, le foisonnement végétal s’en donnait à cœur joie pour embraser l’espace de leur exubérance.

Dans cette lumière printanière, la vie jaillissait de partout, en lutte pour une existence parfois précaire, parfois expansive et généreuse ; la vie gagnait cependant, chaque fois. Quel concept avait prévalu en ce qui la concernait, elle ?

La vie ou la mort ?

Une question qu’elle se refusait d’approfondir. Quand son œuvre d’écriture et de réécriture lui octroyait un répit dans son inlassable besogne d’auteure prolixe, Caitline appréciait d’accompagner les jardiniers dans cette tâche manuelle qui lui libérait l’esprit de tous les miasmes qu’elle ressassait continûment.

Des réminiscences de leur emménagement dans le cottage de Westminster Road, en janvier dernier, la replongèrent dans cette étape fatidique ayant entraîné les drames qui s’étaient succédé, par la suite, jusqu’à son existence actuelle. C’était l’hiver alors, et la belle demeure lui avait paru dormir d’un sommeil comme l’on en voit dans les contes de fées.

Leur venue, à elle et aux enfants, avait comme exorcisé le cottage de toutes ses ombres ensorcelées, du rez-de-chaussée jusque dans les combles qui avaient accueilli son univers de romancière ; c’est d’ailleurs au sein de cet espace privilégié que les pages de son manuscrit Déviance avaient émergé.

Le cottage de Westminster possédait, à l’instar du château actuel, sa pelouse arborée en façade et son parc en dormance à l’arrière. Aujourd’hui, là-bas, la neige et les ronciers avaient fait place au printemps et à ses arborescences fleurées. Le cèdre qui frappait aux carreaux de l’ouverture hexagonale, au plus haut de la maison, avait disparu pour un chêne au tronc massif dont le port majestueux et les branches maîtresses grimpaient à l’assaut de l’une des tours de la forteresse des Mackrey.

Si le cottage de Westminster s’était inscrit dans un environnement citadin avec ses belles maisons voisines qui apportaient de l’effervescence à l’endroit, ici, au château, il n’y avait que la lande et les collines alentour pour agrémenter leur cadre de vie, ainsi que les murs et les contreforts imposants qui les isolaient du reste du monde. Mais la solitude n’avait jamais effrayé la jeune femme qui y trouvait, au contraire, l’occasion d’une plénitude renforcée et bienveillante, apaisant, chez elle, les griffes d’un passé récent de violence et de peurs.

Caitline reporta son regard, vers la façade austère. Des meurtrières, symbole d’une époque révolue, déchiraient encore les flancs dans les hauteurs de la bâtisse. Dans leur chambre, les enfants s’apprêtaient à dormir. Niché dans ses draps, cramponné à Teddy son vieil ours en peluche, Tommy devait déjà débuter la phase délicate qui précède le sommeil. Caitline commençait à bien gérer et bien connaître cette étape cruciale pour les populations communes, elle qui s’était éloignée d’une mortalité qu’elle avait crue, jusque-là, une banalité.

Ça ne l’était plus.

Aujourd’hui, son corps n’assimilait plus cet état de fait. À des périodes variables de la journée, celui-là se figeait dans une immobilité de glace qui la surprenait encore et qu’elle s’évertuait de contrer sans toujours y parvenir ; elle s’y exerçait, néanmoins, avec plus ou moins d’habileté, consciente que de sa persévérance découlerait une plus grande liberté d’action.

Pourtant, il n’était pas vrai que les rêves fuyaient les vampires. En ce qui la concernait, les rêves hantaient ses nuits ainsi que des feux follets capricieux dont elle apprenait, tout juste, à en maîtriser les verrous.

Sean lui avait expliqué que le vampire, en chacun d’eux, se distinguait en fonction de critères imprévisibles. Sean lui avait assuré qu’il connaissait ces phases particulières de son sommeil, mais il lui avait aussi précisé que nombre de leurs congénères n’appréhendaient que le vide d’une inconscience dénuée de toute signification. Caitline était heureuse que pour Sean et elle, ce soit différent. Rêver procurait des sensations inimaginables ; elle avait l’impression que son appartenance à cette caste, au sein de laquelle son être s’enfouissait désormais, en avait accru les effets.

Son regard, un instant absent, revint aux chambres de l’étage, franchit la matérialité des murs. Tommy s’était endormi ; son souffle régulier le lui affirmait.

Elle sourit, émue des sentiments qu’elle nourrissait pour ses enfants. Quant à Peter, la lumière diffuse qui traversait les voiles de tissus de sa fenêtre révélait qu’il veillait toujours, sans doute accaparé par quelque activité propre aux adolescents. Elle le savait passionné de musique et de lecture. Il ne s’assoupissait généralement qu’aux petites heures du matin, alors que Sean et elle s’ensevelissaient dans un sommeil profond que bien peu de choses auraient pu déranger, à l’exception de sa seule volonté à vaincre la léthargie dès la fin de matinée afin d’accompagner la journée de Peter et de Tommy ainsi que des gens de la demeure.

En songeant à Sean, Caitline réagit ; elle devait le rejoindre. C’était l’heure précieuse où lui et elle goûtaient une solitude à deux, chèrement acquise. Il lui manquait déjà, alors qu’ils se côtoyaient en permanence.

Chapitre IV : Apprentissage d’un vampire

Extrait… : « S’élever au-dessus de la plèbe n’avait jamais été ce à quoi aspirait Caitline Malhon – Caitline Marinenh de son nom d’auteure. Aujourd’hui, dans son état de vampire, il en allait différemment ; aucune autre option que de s’élever, si elle voulait survivre. Dire qu’elle avait écrit ces centaines de lignes sur les vampires, au cours de sa précédente existence ! »

 

– Caitline, ce n’est pas ainsi que tu dois appréhender cette situation. Songe que tes possibilités sont beaucoup plus vastes que celles auxquelles tu étais accoutumée. Tu dois penser plus grand, chaque fois que tu envisages une action. Tes muscles sont encore ceux d’un bébé, comparés à la dureté qu’ils acquerront, plus tard, lorsque tu les auras entraînés. Tu te dois de les protéger de trop brusques impulsions, mais tu ne dois pas hésiter à accroître leur amplitude. Tout est dans le dosage de tes intentions et de leur maîtrise.

Caitline esquissa une moue de frustration.

– C’est facile pour toi, Sean ; mais pour moi, tout est nouveau.

– J’en suis convaincu, ma chérie. Chacun de tes gestes te coûtera, mais par la suite tu les apprécieras à leur juste mesure.

Elle lui sourit. C’était tellement miraculeux qu’ils aient fini par se trouver, elle et lui ; tellement magique ! Souvent, elle devait faire un effort pour réaliser qu’il était là, à ses côtés, qu’il ne risquait plus de mettre sa vie en danger par une humeur incontrôlée. Sean et elle ne formaient dorénavant qu’un seul être, du moins le voyait-elle ainsi. Ils ne supportaient plus la moindre séparation, le moindre éloignement délibéré ou pas.

Il l’observait, conscient de ses pensées à leur propos, conscient de la plus infime de ses réflexions. Ça aussi, c’était miraculeux : leur partage assidu. Certains auraient considéré cette prédisposition comme une plaie, une fatalité sur le long terme. Sean et elle le considéraient comme une bénédiction.

– Concentre-toi, et projette hors de toi un concept désirable, Caitline. Exprime-le dans notre matérialité.

– Difficile de croire que ce que je veux se concrétise, Sean ; du moins de croire que ma volonté sera suffisamment prégnante pour atteindre quiconque, et le persuader d’agir comme je le souhaite.