La Résurrection du Mauhl'Ahm - Christine Barsi - E-Book

La Résurrection du Mauhl'Ahm E-Book

Christine Barsi

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Beschreibung

Lorsqu’on lui assigne une mission au coeur d’une cité contrôlée par des Amibs rompus dans le trafic humain, ce que découvre l’officier Leynéa Shaynes la place dans une position délicate tandis que sa rencontre avec Mickaël, l’un des récents types d’esclaves transhumains, l’entraîne, en dépit de ses convictions et de sa programmation physique et mentale, dans une spirale dangereuse qui l’éloigne définitivement de ceux qui la dirigent. Les liens qui se créent malgré eux inciteront l’officier et l’AndroServe à opter pour des décisions en contradiction avec leur tempérament.
Témoins d’un conflit au sein des Trois Mondes, ils prennent parti pour ceux qui dénoncent les exactions commises par les Amibs scientiPsychs afin que leur hégémonie se brise et que les races opprimées se libèrent de leurs chaînes de souffrance et de mort. Malmené par l’officier talentueux qui ne tolère pas les créatures amoindries, l’AndroServe s’évertue à recouvrer ses caractéristiques originelles, mais la lourdeur du traitement auquel il a été soumis le plonge invariablement dans cette torpeur et ce rôle particulier qu’on lui a imposé. Il sera pris en charge par des instructeurs Odhontes maîtrisant l’art ancien, mais Mickaël voudra-t-il se réhabiliter alors que Leynéa Shaynes le méprise avec toute l’arrogance de ses compétences qui font d’elle l’un de ces êtres à part depuis sa naissance.


À PROPOS DE L'AUTEURE 


L’auteure puise son inspiration dans ses études en biologie et dans son métier dans les ressources humaines. L’auteure écrit depuis 1998 des romans de science-fiction et de fantastique. Elle est membre du Conseil d’administration de sa ville, afin de promouvoir la littérature. Plusieurs romans publiés et un recueil de nouvelles dont l’une, 'L’Avatar,' est lauréate du prix René Barjavel 2022.

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Christine Barsi

LA RÉSURRECTION DU MAUHL’AHM

Roman de Science-Fiction

 

Du même auteur

– Déviance

Roman, 5 Sens Éditions, 2017

– Teralhen (tome 1 du Cycle des Trois Marches)

Roman, 5 Sens Éditions, 2017

– Mutagenèse (tome 2 du Cycle des Trois Marches)

Roman, 5 Sens Éditions, 2018

– L’éveil du Dieu Serpent

Roman, 5 Sens Éditions, 2018

– Déviance II (Renaissance)

Roman, 5 Sens Éditions, 2019

– Déviance III (Les Aulnes Jumeaux)

Roman, 5 Sens Éditions, 2019

– L’œil Quantique et autres nouvelles

Recueil de nouvelles, 5 Sens Éditions, 2022

 

Saga des Mondes Mutants :

 

– SolAs

5 Sens Éditions, 2019

– La Passion de l’Arachnee (Tome 1 : L’Odyssée)

5 Sens Éditions, 2020

– La Passion de l’Arachnee (Tome 2 : Thanäos)

5 Sens Éditions, 2020

– La Passion de l’Arachnee (Tome 3 : Le Bal du Léviathan)

5 Sens Éditions, 2020

– Les Déviants Sacrés (Tome 1 : Le Grand Dessein)

5 Sens Éditions, 2021

– Les Déviants Sacrés (Tome 2 : La Quête du Dragaãnh)

5 Sens Éditions, 2021

 

 

Voici une phrase de George Bernard Shaw que j’apprécie beaucoup : « Vous voyez des choses et vous dites : « pourquoi ? », mais moi je rêve de choses qui n’ont jamais existé, et je dis : « pourquoi pas ? »

 

Et voici l’une de mes pensées personnelles qui me martèlent à l’esprit, ces temps-ci :

 

« Nous sommes, chacun, le dieu de notre univers en propre, mais nous devons appréhender le dieu de chacun des « autres », afin de créer un univers commun qui soit viable, cette fameuse réalité à multiples voies dont parlent notamment les physiciens du quantique.

Possédons-nous suffisamment, néanmoins, de cette aura de puissance qui nous transcenderait au point de faire émerger l’une de ces réalités au mieux de son essence ? »

 

Tableau

 

Les Trois Mondes

 

Prologue

Légendes obscures des univers connus et méconnus : Depuis la cité occulte, l’Odhonte androgyne scrutait une faille dans le temps du jour. Une faille qui, depuis Ethm, lui donnait accès à maints espaces en théorie impossibles à atteindre. Mais ilEl était celui par qui les potentialités s’avéraient disponibles. IlEl était celui de son peuple ayant capté la sagesse intemporelle de ceux de sa race. Un héritage ancestral qui ne manquait pas d’engendrer des turbulences, quand on devait l’exploiter. Et ce jour-là, ilEl le devait, ne serait-ce que pour sauver une vie sujette aux frasques d’une engeance misérable et profane.

 

Sous les frondaisons de quelques arbres étiques, proches de l’antre qui l’avait vu surgir, un Mauhl’Ahm scrutait l’ennemi en chasse. Un ennemi familier chassant non pas quelques monstres de la Zone Endémique, sur Fhenlone, mais des êtres tels que lui, des Ahms des Roches, sauvages dans leur manière d’appréhender l’existence, mais d’une humanité que ces chiens d’Amibs aux silhouettes alvéolaires ne pouvaient concevoir.

Posté sur un piton rocheux au cœur d’une contrée de hauts plateaux, les yeux protégés d’une couche minérale partiellement occultante afin de ne pas être ébloui par les astres diurnes, Naëlinh évitait leurs pisteurs tout en éloignant ces derniers de l’antre nourricier qui hébergeait un certain nombre des siens. Les Amibs employaient dans leur traque acharnée, des technologies de pointe hors sol qui leur permettaient de localiser, sans trop d’effort, les spécimens ayant eu l’imprudence de se déplacer, seuls, hors de leurs aires sécuritaires.

Quand ils débusquaient l’un de ces infortunés, les pisteurs des Amibs filaient dans les hauteurs et projetaient leur champ délétère afin de l’en envelopper. Les Amibs avaient tout le temps d’aller récupérer leur proie qu’ils soumettraient, par la suite, à leurs projets démoniaques. Naëlinh avait déjà perdu deux amis d’un antre voisin, ces dernières semaines.

Rendus plus enragés et plus exigeants au fil des années, les Amibs investissaient leur domaine sans vergogne, sans respect pour les accords signés par les Gouvernements des Trois Mondes.

Le Mauhl’Ahm ne savait pas, exactement, ce que devenaient les siens, une fois embrigadés au sein des dômes de Sharp comme cela se murmurait, mais des rumeurs se propageaient quant aux sévices auxquels étaient assujettis les malheureux captifs. Des rumeurs qui rapportaient des expériences d’asservissement à grande échelle, afin d’engendrer des esclaves à peu de frais au bénéfice des élites gouvernementales et de leurs armées.

 

Après quelques minutes d’une veille vigilante afin de s’assurer que leur antre ne serait pas découvert, Naëlinh se coula subrepticement dans une faille du plateau et disparut pour un temps.

Chapitre 1 : Dans le bureau de la Prima

Introspection de l’officier Leynéa Shaynes : Je ne souhaitais à personne de connaître cet état de semi-mort, qui imprégnait chaque fibre des êtres que nous utilisions pour notre confort personnel. Que savions-nous de leurs aspirations, nous qui n’écoutions que nos pulsions intimes plutôt que le bien-être de nos semblables ? Nous avions été manipulés, nous-mêmes, au point que nous n’étions plus qu’un regard intérieur qui ne se portait jamais très loin, au-dehors de nous. Et cela, je le concevais parfaitement, moi qui devais instrumentaliser la conscience de mes soldats.

 

Il paraissait dormir.

Sa mobilité absolue donnait la chair de poule à Leynéa qui l’observait, depuis le bureau de la Commandante. L’officier avait pourtant déjà rencontré ce type d’être-serviteur, en vogue dans le système ; mais celui-là s’avérait singulier. Beau comme beaucoup de sa race, il débordait de son corps. Une aura à peine discernable l’enveloppait tel un halo de brume bleutée, et il braquait la jeune gradée de son bandeau de vision parcouru de teintes d’or brun.

Jamais encore, l’un de ces êtres ne l’avait fixée de cette manière insolite. Leynéa se retourna, pensant que l’AndroServe avait orienté son attention vers sa maîtresse ou un autre arrivant. Non. Personne ne se tenait derrière elle. Le regard de la créature s’était simplement rivé au sien sans raison. Embarrassée, l’officier se détourna une seconde fois en se persuadant avoir imaginé la scène ; puis elle oublia sa gêne, et décida d’attendre la commandante en admirant le décor du loden, la pièce de travail de son mentor.

Bien que l’occasion fût inhabituelle, ce n’était pas la première fois que Leynéa se rendait sur Zaibleihn au cœur des hauts quartiers de la cité de Fanaëtinê, Terres d’en-Haut, Premier Monde. À quelques reprises déjà, la Prima Commandante, comme l’on nommait l’officier supérieur en charge des troupes au sol, l’avait fait mander là-bas.

Quelques années s’étaient écoulées depuis que Leynéa avait intégré le corps d’armée de la PrimaForce, la flotte policière sur le Premier Monde. La jeune recrue y avait fait si bien ses preuves, en tant qu’officier, que sa hiérarchie lui avait promptement obtenu du galon. Et aujourd’hui, sous l’autorité directe de la Prima Commandante, elle dirigeait elle-même la section Thebh particulièrement célèbre et constituée d’une centaine de soldats placés sous ses ordres.

Sa convocation ne laissait, cependant, pas de la surprendre. Rien dans son planning, extrêmement minuté, ne l’avait préparée à ce rendez-vous ; la jeune femme était impatiente de connaître l’objet de ce dernier.

La persistante sensation d’être épiée revint en force la déranger ; Leynéa devait être plus fatiguée qu’elle ne l’avait cru. Ne voulant pas paraître pleutre, même à ses yeux, elle se retint de se retourner. Un bruit de pas affairés, dans la coursive extérieure, la prévint du retour imminent de la Prima. Crispée tout à coup, comme à chaque fois que cette dernière se trouvait dans les environs, la jeune femme se tint sur ses gardes.

– Leynéa ! Désolée pour ce retard, mais d’un autre côté, je ne m’attendais pas à ce que le « Nécron » te ramène aussi rapidement jusqu’ici.

La Prima passa devant l’AndroServe sans que celui-ci ne s’éveille de sa transe apparente. Le regard déconcerté que Leynéa glissa vers le semi-être n’échappa pas à sa supérieure.

– Tu as remarqué ma nouvelle acquisition ? Il nous vient en droite ligne du Multi-Mondes de Thaïrns. Modèle dernier cri. Ils font fureur auprès des Aurostres, en ce moment. En deux semaines standards, cet AndroServe a assimilé les ordres de base et plus encore. J’en suis enchantée.

Leynéa s’éclaircit la gorge. Invariablement, elle éprouvait un malaise singulier à être mise en présence de l’un de ces êtres à demi vivants. À plus d’une reprise, on lui avait proposé l’un d’entre eux ; elle avait refusé. Un certain nombre d’officiers de sa classe en possédaient, mais tous ne pouvaient y prétendre. Seuls, les Galhons Hoht Sehcur détenaient ce privilège. En tant que membre de cette confrérie d’armes, l’officier pouvait s’octroyer n’importe lequel de ces PrôtoHumains uniques. Mais pour Leynéa, c’était tout simplement s’arroger le droit d’exploiter un esclave, quoi que soient ces êtres aussi peu vivants et humains qu’ils puissent paraître. L’indifférence de la Prima à l’égard de « sa chose », plongeait la jeune femme dans des affres déroutantes.

Elle revint à l’instant présent, alors que la Prima l’observait d’une manière curieuse. Leynéa était consciente de l’intriguer. Cela avait toujours été le cas, et ce, dès les premières minutes de leur rencontre ; ce qui n’avait pas empêché la Prima de la sélectionner pour le poste actuel. La jeune femme crut bon de préciser :

– En effet, son magnétisme m’est apparu plus probant que celui des AndroServes de Première Zone.

– Celui-ci est un prototype sans précédent, en provenance directe de la Zone Endémique. Je pourrai t’en procurer un, si toutefois tu reviens sur ta position à leur sujet.

– Non, merci, répondit Leynéa en forçant un sourire sur ses lèvres du même vert-bronze qui noyait son regard.

La Zone Endémique, songeait-elle. Un mystérieux univers qu’il lui faudrait aborder, un jour ou l’autre. L’on disait que celle-là abritait des peuplades atteintes, pour certaines d’entre elles, du mal obscur qui les contraignait à habiter le ventre des gouffres que la lumière des astres ne faisait qu’effleurer.

En général, seule la périphérie des cités d’importance de Fhenlone était fréquentée par les voyageurs des mondes proches. Ce que l’on nommait Première Zone ne délimitait que cette région intermédiaire, située en bordure des cités. Étendues de plaines rases sans peu d’attraits, où se terraient nombre d’autochtones oubliés par les envahisseurs un moment, traqués à d’autres dans le cadre d’un commerce des plus illicites. Mais quand il s’agissait de la Zone Endémique… Le regard de Leynéa devint rêveur.

Par les cieux d’Antara ! La voilà qui s’abîmait dans cette introspection qui la chevillait continuellement, en lui ôtant une part non négligeable de ses pulsions de survie. Avec un effort presque drastique, la jeune femme bâillonna son esprit trop prompt à l’analyse et soutint l’attention vigilante de son officier supérieur.

– Eh bien, tu ne sais pas quel confort et quelle liberté tu te refuses ; mais enfin, du moment que cela n’affecte pas tes actions, au sein de nos armées, je n’ai pas à insister, n’est-ce pas ? Venons-en à l’objet de ma convocation.

La Prima Commandante lui indiqua l’un des fauteuils, près de son bureau, avant d’adresser un signe discret à l’AndroServe. Avec une lenteur extrême, et des mouvements d’une grâce presque hypnotique, ce dernier ferma l’accès au couloir extérieur, traversa la pièce et se déplaça derrière Leynéa qui ne put s’empêcher de frissonner, fascinée par l’aura de sa présence. Un instant, l’officier se laissa prendre à la fluidité lancinante des gestes de l’homme quasi absent. Celui-ci alla verrouiller, minutieusement, les portes donnant sur le couloir intérieur. La Prima tenait à la confidentialité de leur échange.

En passant tout près du fauteuil de Leynéa, les yeux quasi indécelables de l’être se vidèrent de leur langueur pour s’appesantir, avec une extraordinaire énergie, sur ceux de l’étrangère. Une fraction de seconde, un voile se leva pour lui sur une portion d’univers de ce monde qui n’incarnait pas le sien. L’orbe mental le percuta violemment avant qu’il ne retombe dans son apathie première ; mais lors de cette brèche si brève dans le temps, le halo de lumière qui flottait autour du singulier visage féminin l’avait comme aspiré dans sa spirale d’humanité. L’écran s’était occulté. Plus rien n’éveillerait l’AndroServe, que les ordres de son mentor sur qui les ondes de son être avaient artificiellement été branchées.

De son côté, Leynéa se ressaisit. Le bandeau de vision de l’AndroServe s’était nuancé, pour révéler une brillance soudaine provoquant l’apparition des yeux de celui-ci, habituellement à peine visibles pour ceux qui tentaient de les discerner. Cette observation avait failli replonger la jeune femme dans une consternation surprenante. La voix de la Prima la rappela à l’ordre.

– J’ai de nouveaux projets pour toi, Leynéa. Tu vas devoir mettre en sourdine la mission actuelle, et te focaliser sur celle pour laquelle je t’ai convoquée.

– Je vous écoute, Prima.

– Nous avons un problème sur Fhenlone.

– Le site d’où provient votre prototype ?

– Tu apprends vite, et tu raisonnes bien ! se contenta de remarquer la Prima Commandante. Oui, en effet. La production de ces PrôtoHumains se heurte à une série d’obstacles imprévus, auxquels personne ne s’attendait. J’aimerais que tu te rendes là-bas, et que tu enquêtes sur le sujet.

– De quoi s’agit-il, exactement ?

– Nul ne le sait précisément. Si mes informations s’avèrent justes, les flux « onde-matière » n’auraient pas suivi l’éthique convenue lors de la phase initiale. Des accusations ont été proférées à la face de la Congrégation ScientiPsych. J’ai besoin de tes yeux et de ton intelligence. Tu es l’un de mes meilleurs agents, Leynéa, et c’est là-bas que tu me serviras le mieux. J’aurais préféré m’y rendre moi-même, mais cela susciterait des soupçons… inutiles.

– Très bien, Prima. Quand voulez-vous que je parte ?

– Aussitôt que l’agent Penn Dienivaën sera ici. Je l’ai mandé lui aussi, mais il est sur le Second Monde et mettra plusieurs jours à revenir. J’ai besoin de son propre rapport avant de vous envoyer sur Fhenlone, lui et toi ; et puis, ce délai te donnera le temps de te préparer.

 

L’être voguait dans un néant de futilités et d’absence de pensées viables et ordonnées. Parfois, une étincelle dans ses rouages perfectionnés venait perturber l’équilibre artificiel qui l’abîmait profondément dans cette apathie perpétuelle. Aujourd’hui, pourtant, cette étincelle devenait incendie ; d’infimes mouvements avaient contrarié les fragiles mécanismes de contrôle exogène en lui. La fragrance d’un parfum qui s’éloigne, une ombre de femme puis une porte qui se ferme ; et de nouveau, l’absence rendue extrême par le départ impromptu de l’être-femme qui l’avait anormalement éveillé de sa transe. Le vide encore… et l’immanente présence de la Prima Commandante, jusque dans sa tête.

Chapitre 2 : Le Grand Amib

Archives scientiPsychs : La technologie des dupliquants, si elle s’avérait opérationnelle, amenait, à intervalles, son lot d’incidents fâcheux. Un dysfonctionnement dans les tubules ou dans le système de duplication de la matrice individuelle suscitait des malformations et des troubles psychiques qu’il était difficile de résorber pour celui qui en était le sujet.

 

Fhenlone, du Multi-Mondes de Thaïrns. Vaste univers de crevasses gigantesques marbrant le sol de leurs milliers de trous, découpés telles les bouches édentées des canuladans géants qui hantaient leurs abysses. Au centre de Fhenlone, retranchée derrière son dôme colossal se déployait Sharp, la plus compromettante des cités contrôlées en majorité par les Amibs, ces êtres humanoïdes, de formes et de structures alvéolaires variables. Ces derniers n’étaient pas nés sur Fhenlone mais provenaient d’Amibie, une autre des planètes de Thaïrns, éloignée de Fhenlone par deux stations transmagnétiques constituées d’un enchevêtrement de tubules convexes et duplicatrices d’identités physiques. Les Amibs s’avéraient pratiquement les seuls à utiliser ce système audacieux, car il impliquait un surentraînement mental et psychique leur permettant de quitter leur enveloppe corporelle d’origine pour intégrer le dupliquant au terme de leur voyage. Un voyageur qui ne serait pas amibien, mais accompagné par un Amib, pouvait subir les aléas du transfert sans incidence sur sa physiologie, du moins sans trop d’incidences. Dans l’une des salles de génération du complexe scientiPsych, strictement réservée à un personnel autorisé, un Amib en uniforme gris penchait son anatomie déroutante sur une table d’expérimentation sur laquelle était immobilisé un AndroServe connecté à une multitude de boyaux cylindriques.

– Le cycle est-il achevé, Vaerensk ?

Le prénommé Vaerensk releva pesamment sa tête triangulaire, et se tourna vers l’arrivant. Ses yeux, profondément incrustés dans sa face glabre et pâle, se distinguaient à peine au fond de leurs orbites.

– Cet AndroServe sera bientôt opérationnel. Oui… Quelques derniers tests au niveau de ses automatismes et nous l’acheminerons comme prévu, Grand Amib.

– La réussite de nos plans est nécessaire à notre Congrégation, mais également à l’intégrité de la Confédération, Vaerensk.

– Oui, Grand Amib.

– Cet AndroServe doit être livré en temps et en heure, à qui tu sais.

– Il sera prêt, Grand Amib.

– Très bien. Tiens-moi au courant, dès que ce sera le cas. Je veux m’assurer par moi-même de son conditionnement et des protocoles sur lesquels il aura été conçu.

Une fois qu’il fut parti, le scientiPsych en uniforme reporta son attention sur le corps inerte. Un ordre mental de sa part, propagé par le boîtier à son cou et traduit en dialecte primal, provoqua un mouvement brusque du PrôtoHumain. Redessinant le schéma de sa morphologie, les alvéoles de l’opérateur se contractèrent en une mimique de désapprobation instinctive. Il lui faudrait ajuster les réponses de l’AndroServe avant de le mettre en service. Sur certains des nouveaux prototypes, le langage source, très basique, utilisé dans les info-ondes, n’était pas des plus adaptés. Le développement d’un langage enrichi s’avérait d’ores et déjà à l’étude, dans les départements consorts.

 

Truenn Noërms longea l’enfilade des labhs de génération avant de quitter le complexe et accéder, par une cage ascensionnelle, à une large terrasse dominant cette portion de la cité. Les dômes translucides témoignaient d’une besogneuse activité, du côté de la Congrégation Scientipsych. Par contraste, la section ScientiTech paraissait vide et désœuvrée. Au-delà des premiers dômes, Truenn devinait plutôt qu’il ne l’observait, l’affairement de la zone commerçante en partie dissimulée sous son dôme dont l’opacité tranchait sur la transparence des autres.

Le Grand Amib réfléchissait aux différentes informations qu’il avait engrangées, récemment. Certains des membres de la Congrégation ScientiPsych répugnaient à se mettre au diapason des derniers arbitrages du Conseil ; certains, même, œuvraient à l’encontre de celui-ci. L’opérateur Vaerensk était peut-être de ceux-là. Certaines accusations d’origines encore indéterminées se multipliaient, ces temps-ci, le concernant. Pourtant, Truenn était conscient qu’il figurait l’un de leurs meilleurs opérateurs. L’Amib soupira. Il ne devait pas agir inconsidérément, mais peser chacune de ses décisions. L’enjeu s’avérait de taille, et la sécurité de la cité devait constituer son premier objectif.

Un bref courant d’air froid le fit frissonner. Il leva des yeux profondément enchâssés dans leurs orbites, vers la protection quasi invisible au-dessus de la cité. Des bandes de couleurs inquiétantes la parcouraient à intervalles. La climateek avait montré des failles, toute cette semaine. Ils devraient en débattre, lors du prochain Conseil. De même qu’il devrait demander le renforcement des équipes de surveillance, aux points stratégiques d’entrée dans la cité.

Chapitre 3 : Sharp, la cité des Dômes

Introspection de l’officier Leynéa Shaynes : Pénétrer le Multi-Mondes de Thaïrns et leur capitale, sur Fhenlone, s’avérait une succession de démarches aussi ennuyantes que frustrantes, mais j’y étais parvenue.

 

En tant qu’envoyée spéciale et ambassadrice de la Prima Commandante, Leynéa avait pu débarquer sur le sol de Fhenlone sans trop de complications. Jamais encore, une mission ne l’avait emmenée sur ce Multi-Mondes étrange de Thaïrns, au seuil de l’inconnu. Les portes de la cité des Dômes s’étaient ouvertes, pour elle et l’agent Penn Dienivaën, sans obstacle majeur ; le sauf-conduit de la Prima avait amplement suffi pour qu’on ne les considère pas, d’emblée, comme certains de ces indésirables qui pullulaient aux abords de la ceinture magnétique assurant la protection de l’inhumaine capitale.

Les premières images de l’officier en fonction : les dômes et leurs multiples annexes et passerelles qui reliaient ces mastodontes, les uns aux autres, dans un enchevêtrement de textures, d’escaliers et de rampes montants et descendants.

Penn Dienivaën l’assistait dans cette mission. Lui, avait déjà accompli plusieurs voyages sur Fhenlone pour la Prima ; il en connaissait suffisamment sur Sharp, pour s’avérer un partenaire précieux. Cependant, il avait sa propre mission à mener qui l’éloignerait de la cité. Quant à l’équipe de pilotage et leur escorte, ils étaient demeurés dans le vaisseau dans l’attente de leur retour, et se positionneraient sur une voie de navigation hors atmosphère.

Leynéa ne devrait donc compter que sur elle-même, et sans un convoyeur attaché à sa personne elle s’y serait inexorablement perdue ; elle bénissait son nouveau statut d’ambassadrice qui lui octroyait certains privilèges comme la présence de ce guide humain, plutôt que celle d’un AndroServe anesthésié et muet. Penn, lui, ne se marginalisait pas autant que Leynéa dans ce domaine ; il avait immédiatement accepté les services de l’un de ces PrôtoHumains sans se mettre martel en tête.

Depuis leur arrivée sur Sharp, le matin même, ils en avaient croisé quelques-uns qui accompagnaient les malheureux voyageurs dans ce labyrinthe infernal. À voir les expressions de ces derniers, Leynéa imaginait aisément les problèmes d’organisation auxquels ils avaient dû censément se heurter. En mission, l’officier ne manquait pas une occasion d’observer l’un de ces prototypes mis à la disposition des visiteurs de passage. Pour le moment, rien dans le profil de ceux-là ne révélait de spécimen de haut niveau technologique. Leynéa supposait que l’on gardait les plus perfectionnés, au sein même des dômes assurant la sécurité des congrégations. La jeune femme avait hâte de pénétrer dans ces sanctuaires singuliers d’où pulsaient des jeux de lumière fascinants.

La liste que lui avait remise la Prima, des personnalités à rencontrer, s’avérait suffisamment conséquente pour que son ambassadrice ne perde pas de temps dans les formalités règlementaires. Le délai qu’on lui avait octroyé à l’entrée de la cité, par le truchement de l’un des gardiens du temple sacro-saint, s’achèverait dans cinq jours sharpiens. Et dans ce court laps de temps, Leynéa devrait avoir interviewé une petite dizaine d’autorités compétentes aux fonctions très diversifiées. Quant à Penn, sa mission ne devait pas excéder ce délai ; il l’aurait rejointe avant que ce dernier ne soit écoulé.

Une fois dans l’unité qui lui était réservée, au sein de l’Hôstaël des Dômes, et une fois son coéquipier parti de son côté après quelques conseils à son intention, Leynéa s’était empressée de contacter l’office de mise en relation pour les émissaires diplomatiques, puis s’était prélassée dans la cabine douche de la salle de repos contiguë à sa chambre. Les jets de fusion mixte jaillissant des parois, et alternant le froid et le chaud, l’avaient décontractée instantanément.

Vêtue d’une soie absorbante de vêlinhon, confectionnée à partir du cuir d’un carnivore particulièrement redoutable hantant les fonds de Fhenlone, réputé pour ses spécificités lénitives, la jeune femme alla s’enquérir, sur l’écran subliminal, des éventuelles réponses à ses requêtes posées lors de son arrivée. Un seul nom s’affichait sur le pan photogène. Leynéa grimaça. Elle aurait apprécié un peu plus de réactivité. L’officier avait une heure devant elle, et choisit de l’occuper par des exercices mentaux appropriés et la vérification de ses implants qui nécessitaient des ajustements fréquents.

 

Son contact lui avait donné rendez-vous dans l’une des salles d’holoconférences octroyées aux hôtes de passage. L’ambassadrice ne verrait son interlocuteur que par le truchement d’un dispositif mécanique peu satisfaisant. Elle fulminait intérieurement, lorsque la ligne finit par s’établir. L’image tremblota sur l’écran avant de se stabiliser sur une silhouette floue, vaguement humaine. Seules, les teintes changeantes sur le faciès de son interlocuteur indiquaient qu’il devait s’agir d’un Amib. Dans l’ombre volontaire, les alvéoles se nuançaient au gré de l’humeur de son possesseur. Leynéa frissonna. Elle n’avait jamais beaucoup prisé la présence de ces êtres, dans son champ de vision. Enfin, celui-là n’était pas à sa portée et il lui fallait se faire une raison. Ces quelques jours la verraient en contact quotidien avec ces derniers. Ils pullulaient dans la cité.

– Vaancka Schhenh ?

– Oui, Ambassadrice. Vous avez souhaité me rencontrer ?

Les alvéoles de l’Amib virèrent au rose sombre. Il aurait été intéressant d’avoir étudié le langage corporel de cette race étrange. Celui-là aurait enseigné, sans doute, de nombreuses choses à l’officier. Hélas, c’était une lacune dans l’apprentissage de Leynéa ; et cependant, cette dernière ne la regrettait pas vraiment. Cela aurait signifié de côtoyer ces êtres plus longuement. Non, les aptitudes de la jeune femme se trouvaient ailleurs.

– La Prima Commandante Novarkn, sur le Premier Monde, m’envoie afin d’initier des relations plus régulières entre nos deux communautés.

– D’où lui viennent ces ordres, Ambassadrice ?

– Du Laordyn, Gouverneur du Premier Monde. Je possède les attestations nécessaires que j’ai transmises aux gardiens de la cité.

– Je les ai en effet reçues, tout à l’heure. Je les lirai plus tard ; et si celles-là concordent avec vos dires, je permettrai des contacts ultérieurs. Vous étiez-vous déjà rendu sur Fhenlone, Ambassadrice ?

– Jamais encore, Premier Gouvern.

– Profitez donc de votre guide, pour qu’il vous fasse visiter les environs des dômes. Nous y avons de belles choses, Ambassadrice. Dès que j’aurai signé votre autorisation, vous aurez la possibilité de vous entretenir sans attendre avec le premier de vos contacts et celle de pénétrer dans les dômes.

L’interview s’achevait. Leynéa devrait patienter, en espérant que les documents remis par la Prima seraient convaincants.

 

Elle flânait dans les serres du pourtour des dômes, et admirait les hauts arbres exotiques qui ceinturaient de leurs larges troncs le parc artificiel. Son convoyeur lui avait rapporté que l’existence de ces végétaux prenait son origine, à l’extérieur de la cité. Les spécimens, à l’intérieur du champ de protection, avaient simplement été rapatriés. Les moyens qu’il avait fallu déployer, pour ce faire, avaient été incommensurables. Hors du champ, ces mastodontes se dressaient, généralement, aux abords des antres profonds ou même au sein de ces gouffres dont on n’était jamais parvenu à sonder les abysses.

– Certains chuchotent que des tribus d’aborigènes vivent, là-bas, dans ces avens, et qu’un jour ils ressurgiront pour réhabiliter Fhenlone tombée aux mains des Amibs.

– En a-t-on déjà observés ? interrogea la jeune femme intéressée, en levant le regard vers l’homme dont les propos instillaient en elle des pensées importunes.

Les traits du convoyeur lui parurent tout à coup grossiers, presque détonants dans ces lieux de verdure apaisants. Origine incertaine, songea encore Leynéa, en se détournant de son guide.

– Ce ne sont que de vieilles histoires, Officier. Je ne les rapporte que pour le folklore.

– Oui, bien sûr, se reprit son interlocutrice, tentant de masquer son désappointement derrière une neutralité prudente.

De retour dans sa chambre, Leynéa put voir, avec plaisir, que l’intégralité de sa liste avait été accordée à une exception près. Elle devrait rencontrer, l’après-midi même, le Gouvern du dôme de la Congrégation Marchande, ainsi que celui de la Congrégation Scientipsych. En attendant, un repos d’une petite heure lui ferait le plus grand bien.

Elle se réveilla le cœur battant, en proie à un horrible cauchemar. Dans ce dernier, elle s’était éclipsée discrètement hors de la cité et s’était promenée le long de gigantesques roches d’un matériau vert-noir impressionnant et inconnu. Des cris lugubres l’avaient attirée, plus près des bords… au risque d’y sombrer ; et puis, saisie d’un malaise singulier, elle s’était penchée… penchée au-dessus de l’un de ces précipices ténébreux… jusqu’à ce que l’abîme l’absorbe entièrement, dans une chute sans fin. Chute infinie au sein de la bouche dévoreuse, assaut d’un méli-mélo de roches. Leynéa percevait encore le vertige et la peur, entendait ses propres cris inarticulés tandis que le gouffre l’appelait, l’appelait…

Couverte de perles de transpiration, sous le choc des images fortes, la jeune femme repoussa les draps de la couche et se leva en titubant. Le rêve avait été si réel… ! Elle aurait pu décrire dans les moindres détails la roche découpée, l’ombre des fonds, une voix aussi… rauque. Une voix…, à présent elle s’en souvenait. La voix avait chuchoté… imploré ? La voix l’avait envoûtée, et c’est à cause de celle-ci que Leynéa avait basculé. À cause de… Ces fonds sordides étaient hantés.

Elle se remémora, alors, l’histoire contée par le guide, et ébaucha l’esquisse d’un sourire moqueur. Elle avait tout imaginé ! Ce n’était que le développement complexe d’un débordement de son esprit, à partir d’une bien innocente légende. « Qu’est-ce que tu peux être stupide, ma Grande… ! » s’invectiva-t-elle in petto.

Chapitre 4 : Les congrégations

Introspection de l’officier Leynéa Shaynes : Sous couvert de mon rôle d’ambassadrice, je me devais à la plus grande prudence afin d’appréhender ce qui se dissimulait derrière la beauté pervertie de cette cité et les secrets qu’elle recelait.

 

Le dôme de la Congrégation Marchande.

Sonore avant tout, et empli d’une activité intense et folle qui plongea l’officier dans une confusion désordonnée. Des gens se croisaient, s’invectivaient, haranguaient, s’interpellaient.

Leynéa n’en poursuivit pas moins son chemin, emboîtant le pas à son guide aussi sagement que possible. Au travers du dôme opaque, la lumière se distillait atténuée. Tout en progressant au sein d’un dédale de ruelles et de bâtiments sophistiqués, dans une tenue plus féminine qu’elle n’en était coutumière, la jeune femme jetait des coups d’œil curieux tout autour d’elle.

Des humanoïdes hantaient ces couloirs innombrables, dont les croisements et les circonvolutions démultipliaient leurs foules hétéroclites. Celles des Mondes de Thaïrns pour la plupart, et de leurs satellites. Des Amibs affairés, des Kneeils androgynes accompagnés de leurs inséparables rhobtails, ces sortes de petits êtres mi-machine mi-animal, d’un rang bien inférieur aux PrôtoHumains chers aux Fhenloniens, dont la présence immanente dans ces couloirs industrieux ne laissait pas de surprendre. Quelques rares Mauhl’Ahms de la Zone Endémique côtoyaient cette junte cosmopolite. Leur allure gracieuse et déroutante détonnait, même ici, dans cette confusion de chassés-croisés dynamiques.

Leynéa absorbait les informations, les digérait, les stockait quand elle ne les comprenait pas.

Au bout d’un temps relativement long, remontant ces chenaux et ces guets interminables, ils parvinrent à ce qu’elle imagina être un dock marchand de première importance. Le bruit s’était fait assourdi ; les sons étouffés n’étaient plus aussi agressifs, bien qu’au travers de ces derniers l’on devina une certaine avidité pour tout ce qui possédait la moindre préciosité.

Des échanges, des coups d’œil sur le passage de son convoyeur et d’elle-même. L’homme à ses côtés, un autochtone de Fhenlone si elle en jugeait par sa physiologie massive malgré quelques incohérences corporelles, rayonnait cette aura de mise en garde qui prêtait sa puissance à leurs deux personnes. Sans lui, en dépit de sa détermination visible, l’officier aurait paru bien fragile, faussement fragile sans doute, mais fragile cependant.

Le Gouvern amibien s’avéra plus intéressant que ne l’avait présumé, en premier lieu, l’ambassadrice. Il lui fournit des renseignements substantiels quant à la façon d’aborder les marchands de la cité, et se révéla très au fait pour tout ce qui touchait au Premier Monde et à la circulation des marchandises. Le sujet des AndroServes fut évoqué, et plus particulièrement celui de ce nouveau type qui faisait son apparition depuis peu. Mais quand Leynéa insista pour connaître la technologie utilisée et l’origine de ces PrôtoHumains, le Gouvern se replia derrière un comportement stéréotypé.

– Là n’est pas notre spécialité, Ambassadrice. Nos AndroServes sont ce qu’il y a de mieux dans nos échanges commerciaux entre nos mondes. Soyez-en assurée, mais ne me demandez pas d’en dévoiler les mécanismes à l’œuvre. Ceux des dômes scientiTech et scientiPsych en sauront toujours plus que nous autres marchands, sur ce sujet. Quoique je ne sois pas certain de ce que l’un quelconque d’entre eux vous en dévoile beaucoup plus que moi, dans ce domaine. Vous le comprendrez, n’est-ce pas ?

– Bien évidemment, Gouvern, mais j’espérais rapporter quelques bribes de votre savoir à notre Prima Commandante. Ces créatures reprogrammées proviennent-elles, toujours, de nos bastions de détention ?

– Je suis désolé de ne pas pouvoir répondre à votre requête. Avez-vous visité notre dôme, dans son entièreté ?

– Oui, Gouvern, je vous remercie. Le guide que l’on a mis à ma disposition est parfait.

Leynéa devinait que l’officiel marchand n’en dirait pas davantage. L’entretien s’achevait.

Bientôt, son guide l’entraînait en direction du dôme scientiPsych. Dans les hauteurs, dominant la foule grouillant en tous sens sur les voies et escaliers du dessous, des passerelles mécaniques réservées aux personnalités diplomatiques facilitaient grandement leur progression. Leynéa apprécia le confort octroyé par ces chenaux et ces goulets artificiels enjambant les niveaux inférieurs. Très peu de monde empruntait réellement les passerelles supérieures. À croire, qu’ils n’étaient pas forcément les bienvenus. Métal à la charpente torturée mêlé aux courbes plus harmonieuses des bois de Fhenlone. Ces sortes de trouées ou de boyaux en suspension, au-dessus du vide encombré par la multitude commune des étages secondaires, procuraient de drôles de sensations à la promeneuse. Son convoyeur, à quelques pas en avant, ne paraissait rien voir de la splendeur originale de ces espaces ouvriers.

Le Gouvern de ce second dôme se révéla taciturne et déplut à l’officier, quand son guide le lui présenta. Sur la défensive et agressif à la fois, il ne lui concéda que peu d’indications. Cependant, il accepta qu’elle les suive, lui et son escorte, tout au long de couloirs silencieux donnant sur un certain nombre de pièces encombrées, pour la plupart, d’appareillages complexes dont la finalité s’avérait loin d’être évidente, même pour l’ambassadrice qui possédait, en la matière, de solides notions. Le Gouvern scientiPsych se contenta de les passer en revue sans en expliquer le fonctionnement.

Quand ils parvinrent aux quartiers sécurisés réservés à la conception et l’automatisation de la production de masse et à l’usinage des AndroServes, il devint plus hermétique encore. À chaque amorce de couloir, fermé par des portes translucides, l’Amib pianotait sur un clavier surélevé fixé sur le côté droit.

Si elle voulait progresser dans son enquête, Leynéa devait prendre les choses en mains ; elle jeta un regard discret sur les doigts du Gouvern, tandis que ses pensées se vrillaient délicatement aux siennes en une tentative de contrôle bien rodée. Son esprit survolté, soudain, attaqua celui du Gouvern de manière insidieuse, afin que l’homme ne perçoive pas la plus infime rémanence de sa présence en lui. Tandis que les traits de l’Amib se délitaient, ce dernier infléchissait leur parcours et tournait abruptement dans une coursive particulièrement sombre et déserte dans laquelle il n’aurait jamais dû entraîner la jeune femme. Après plusieurs minutes de marche rapide, Leynéa voulut tenter sa chance ; et alors qu’ils dépassaient une série de salles aux portes closes, elle ouvrit naturellement l’une de celles-là sans qu’on l’y ait engagée, aiguillonnée par un instinct qu’elle savait infaillible. Dans l’ombre de ce qui semblait être un labh suréquipé, des voyants clignotaient ; au fond, sur une table oblongue : une forme inerte reliée à des câbles métalliques d’où suintait à intervalles, un liquide couleur rouille ou argenté. À peine Leynéa avait-elle esquissé un pas à l’intérieur et entrevu la scène, qu’elle se retrouva happée et tirée en arrière par l’un des hommes du Gouvern.

– On n’entre pas ici ! morigéna sèchement ce dernier, s’évertuant à se maîtriser. Cette partie du bâtiment est sous le secret.

– Je suis désolée, Gouvern. Je pensais que…

– Venez ! la coupa l’Amib ennuyé.

– Excusez-moi, mais… était-ce l’un de ces spécimens d’AndroServes ?

– Un de leurs congénères, oui.

– Comment cela ?

Intriguée, la jeune femme n’avait pu s’empêcher d’insuffler dans sa voix une trop grande curiosité. L’Amib perçut aussitôt son impatience, et se tut un long moment. Leynéa en profita pour accentuer son contrôle sur son interlocuteur. Tout en s’efforçant de juguler tout regain d’intérêt qui aurait porté à suspicion, elle fora de ses pensées l’esprit de l’Amib en prenant garde de ne pas l’alerter ni alerter, par la même occasion, ses sbires attentifs, et fouilla dans l’enchevêtrement mental à la recherche d’un indice, d’une information quelconque.

Les pensées de l’intruse se retirèrent d’emblée quand l’un des deux gardes, près d’eux, commença à s’interroger sur le comportement surprenant de l’émissaire venue du Premier Monde et de son Gouvern. Ce dernier ouvrit la bouche, la ferma, puis la rouvrit dans un même temps comme si les mots qui allaient sortir de sa gorge dépassaient sa volonté.

– … Plusieurs races peuvent être créées en fonction de leurs origines et des traitements qui leur sont associés, mais je vous demanderai de ne pas révéler cette facette de notre science, Ambassadrice.

– Je m’en abstiendrai, Gouvern. Ce nouveau type de Serve est-il lié à l’une de ces races dont vous parlez ?

– Plus ou moins. Mais dans cette œuvre de modelage, cette… création, si vous voulez, il y a plus encore. Nous avons atteint un seuil technologique qui nous permet de…

L’esprit de l’Amib se verrouilla soudain, et Leynéa, en dépit de sa maîtrise singulière, ne put rien obtenir de plus que les quelques notions qui n’avaient pas encore été exprimées. Plusieurs secondes plus tard, un étranger croisait leur chemin. À la stupéfaction de la jeune femme, le Gouvern et ses gardes inclinèrent la tête dans un salut impeccable. Elle copia leur exemple, et l’homme qui s’arrêtait à leur niveau se mit à l’examiner curieusement.

– Grand Amib…

– Que faites-vous dans ces quartiers sécurisés, Gouvern Ahrisan ?

– C’est une erreur qui ne se reproduira pas, Grand Amib. Je… Je ne m’explique pas ce qui…

– Prenez garde de ne pas réitérer ce genre de bévue. Même accompagnée de votre autorité, cette ambassadrice n’a pas à circuler dans cette partie du dôme.

Puis se tournant vers celle-ci, il l’invita de la manière la plus diplomatique qui soit :

– Venez, Madame, je vous libère de la présence de notre Gouvern. Notre entrevue pourra se poursuivre, dès que nous aurons regagné des lieux plus civilisés.

 

« Derrière l’un des salons réservés aux hôtes de marque, une alcôve assez large pour nous recevoir, le Grand Amib et moi-même. Ce dernier attendit que je me sois installée dans l’un des fauteuils de l’endroit, pour m’y rejoindre et me fixer d’un regard glacial.

– Qu’avez-vous fait à notre Gouvern, Madame, pour qu’il agisse de cette manière inconsidérée ?

– Je réitère mes excuses, Grand Amib, j’ai ouvert par erreur une porte qui n’aurait pas dû l’être.

– Ce n’est assurément pas de cette porte dont il s’agit, Madame, mais des couloirs empruntés. Nous n’introduisons jamais d’étrangers dans cette partie du Dôme, et je m’étonne à juste titre que vous vous y soyez trouvée tout à l’heure.

– Je ne comprends pas…

Réalisant qu’il ne servait à rien de poursuivre dans cette direction, il avait suggéré :

– Oublions cet incident, Madame.

Le regard de l’Amib me transperçait maintenant, comme pour deviner ce qui, en moi, l’intriguait. Je sentais sur ma personne son attention pesante. Il était d’une tout autre carrure, et je devais me méfier. Cependant, son attitude et la puissance psychique que je percevais en lui, derrière cette façade sociale, m’intéressaient au plus haut point. Plongée dans mes réflexions, sa voix bien timbrée me surprit et il se décrispa.

– Que pensez-vous de notre cité, Madame ?

– Fascinante, Grand Amib. Et vos dômes bien mystérieux.

Je ne pus m’empêcher de sourire à mon tour et, curieusement, l’Amib en fit autant. Un courant singulier passa entre nous que je ne m’expliquais pas, sur l’instant. Je me renfermais aussitôt, et l’Amib dut déceler mon retrait, car son sourire disparut et ses yeux s’étrécirent.

Inimitié soudaine.

Je m’en voulus.

Mes perceptions trop sensitives se jouaient de moi régulièrement, et cet Amib répondait au quart de tour à mes émotions. Ce qui n’aurait pas dû advenir. Serait-il capable de me soutirer des informations, à mon insu, comme cela m’arrivait moi-même pour d’autres ? Je ne le souhaitais pas. Ses vêtements dissimulaient à merveille les particularités de son espèce et j’aurais pu oublier qu’il appartenait à une race dont je me défiais très naturellement, s’il n’y avait eu son visage aux alvéoles mouvantes. Ses yeux, en contrepartie, s’avéraient beaucoup moins enfoncés dans leur orbite que pour ceux de son espèce, et lui donnaient un air plus qu’humain qui m’attirait. Peut-être avait-il, à l’instar d’un certain nombre d’entre nous, une double origine ?

Nous nous quittâmes, après qu’il se fut assuré lui-même de ce que je ressorte de son dôme sans plus enfreindre aucune des règles de sécurité et de confidentialité du site. Son dernier regard, qu’il fit glisser sur moi, me fit amplement comprendre que je l’intéressais, et je frissonnais par anticipation tout en espérant ne plus avoir à croiser son chemin dans le futur. »

 

Ce furent ces impressions écrites, pêle-mêle, que l’officier retrouva des mastres plus tard, quand elle parcourut le vieux « journal de bord » tenu dans son unité de l’Hôstaël des Dômes, le soir, après son immersion dans les dômes.

Chapitre 5 : Infiltration clandestine

Introspection de l’officier Leynéa Shaynes : Les extensions implantées au sein de ma chair et de mes membres, si elles s’avéraient un handicap quand on considérait que je n’appartenais plus, tout à fait, à cette humanité dont je me targuais, et que je n’avais pas vraiment eu le choix de leur présence en moi, s’avéraient cependant un miracle de technologie que j’aurais été bien stupide de ne pas exploiter.

 

Nocturne.

Leynéa avançait, prudemment, dans la nuit artificielle que matérialisait l’appareillage invisible, situé sur le champ protecteur au-dessus de la cité. Absorption de la lumière ; destruction de photons, à leur entrée dans la zone contrôlée par la ceinture magnétique. Astuce innovante des forces amibiennes, afin d’avoir la main mise absolue sur la gestion de l’alternance nuit-jour, du climat et des énergies de Sharp.

Tout en longeant les bâtiments et demeures sharpiennes, l’officier songeait au bénéfice d’une telle invention. Bien que technologiquement en avance sur Fhenlone et Amibie, le Premier Monde n’avait pas adopté de mesures aussi extrêmes. Et heureusement.

Aux yeux de Leynéa, sur Sharp tout paraissait vivre sur un rythme régulier et contrefait très ennuyeux. Sur le Premier Monde, au contraire, les cieux n’étaient jamais prévisibles, jamais conformes à ce que l’on attendait d’eux. Il pouvait se passer des jours ou des mastres sans que la lumière ne vienne les inonder de son aura de clarté apaisante et puis tout à coup, l’obscurité. Sur le Second Monde, celui de sa naissance, c’était encore différent. Pas de séquence à proprement parler, plutôt un lent continuum de mouvances, de paresseuses évolutions mutagènes. Aucun changement brutal, aucun bouleversement, mais pas de permanence non plus. Une variation du climat dans son ensemble s’annonçait longtemps à l’avance, mais se découvrait nouveauté, empruntait une existence inédite sans repère véritable avec l’histoire du Second Monde.

Parfois, comme ce soir, Leynéa se surprenait à rêver d’Antara et de ses légendes envoûtantes, de son climat d’une indolente inconstance, mais aux déclinaisons infinies. Si elle se fiait à ses lointains souvenirs, le Second Monde et Antara, sa plus belle région, brillaient d’une aura qui la transcendait encore près de quatorze années standard après qu’elle les ait quittés pour le Premier Monde.

Ce soir, les ondoiements de l’air ambiant faisaient danser quelques-unes de ses mèches échappées du bandeau de tissu qui ceignait son front et maintenait sa chevelure. Équipée d’un champ holo qui la dérobait partiellement à la vigilance des sentinelles, elle avait quitté son unité quelque quinze minutes plus tôt, et se dirigeait vers les quartiers scientiPsychs fréquentés l’après-midi même. Auparavant, elle avait pris soin d’endormir le garde posté près de la porte de l’hôstaël, et tentait désormais de repérer les passerelles de métal et de bois qui la mèneraient le plus sûrement à sa destination.

Le grincement discret des rouages et des armatures tendues, loin au-dessus du sol, la faisait crisser des dents. Du haut de son perchoir actuel, un carrefour donnant sur plusieurs artères, elle pouvait distinguer tout en bas, des silhouettes diffuses à peine discernables dans la nuit de Sharp. L’absence de son convoyeur était sans importance ; Leynéa avait enregistré parfaitement le parcours emprunté dans la journée ; son sens de l’orientation accomplissait le reste.

Elle se retrouva, bientôt, aux abords de l’une des entrées secondaires entraperçues lors de sa précédente visite. Elle hésita. Les codes d’accès trottaient dans sa tête, mais elle devait les transcrire, correctement, au premier essai. Elle n’aurait pas de seconde chance. Le système de sécurité était conçu de telle manière qu’un code erroné provoquerait le déclenchement immédiat des alarmes de la cité. Indécise, presque inquiète d’un éventuel échec, l’officier laissa cependant ses doigts esquisser les signes préenregistrés ; lorsqu’un déclic lui apprit qu’elle ne s’était pas trompée, elle exhala un souffle ténu, le libéra d’entre ses lèvres fébriles.

Quand elle se faufila dans l’embrasure de l’entrée, elle eut un temps d’arrêt. Le silence. Aucune présence, à cette heure, de ce côté. Méfiante et stupéfaite du peu de cas que l’on faisait des entrées secondaires, la jeune femme marqua un autre temps d’attente puis se lança. Sur les dalles feutrées, ses pas ne s’entendaient pas.

D’une démarche souple, sur le qui-vive, elle progressait le long de coursives sombres et étroites. Son esprit perçait les parois, à l’affût d’un quelconque vigile. Leynéa était très consciente des sondes de détection branchées à intervalles ; cependant, la combinaison qui la revêtait, ce soir, de la tête aux pieds, constituée d’un matériau sensible aux ondes reçues, déviait ces dernières et la rendait indécelable. Si on la découvrait cette nuit, hantant les dômes et leurs sacro-saints sépulcres – façon de parler, songea la simili ambassadrice –, les répercussions politiques en seraient désastreuses.

Chapitre 6 : L’embuscade

Prophéties des Antres-villages de la Cité Primordiale : Les cités du Premier Monde, les régions d’Antara, de l’Odhonie et de la Jurashie sur le Second Monde ainsi que les Mondes de Thaïrns constituaient un univers grandiose dont les oracles annonçaient qu’il se refermerait sur lui-même si l’on n’écoutait pas le chant des peuples insoumis.

 

Le dôme scientiTech que la jeune femme visita, le lendemain, s’avéra finalement le plus passionnant avec ses multitudes de salles emplies de trésors de technologie aussi étonnants que des objets de la taille d’un œuf qui pulsaient une radiation censée neutraliser certaines ondes de longueurs spécifiques. Subrepticement, et à titre préventif, Leynéa s’éloigna de l’objet, peu encline à tester cette petite chose d’apparence inoffensive sur sa propre physiologie et sur ses implants.

Elle eut affaire, cette fois, non pas au Gouvern des lieux, mais à l’un de ses assistants prolixe en informations. On lui permit de pénétrer dans un sanctuaire, réservé à un certain nombre d’AndroServes non encore intégrés dans cette psyché particulière qu’ils connaitraient bientôt, et n’ayant pas assimilé ce nouveau rôle qu’on allait leur imposer et vouloir leur faire jouer. Quelques-uns étaient parqués dans une cellule magnétique, d’autres assis sur des bancs ou allongés sur des tables, déjà apathiques, prêts à se soumettre au processus de larvation psychique ; d’autres encore, affalés au centre d’un dôme inversé à même le sol, attendaient, résignés, que leur tour vienne. Certains présentaient des éléments métalloïdiques insérés à leurs membres ou leur torse, d’autres aucun, d’autres encore en étaient littéralement saturés.

Trois soldats en faction veillaient sur la salle. Seulement trois, nota l’œil exercé de l’officier. Il n’en fallait pas davantage, avec une docilité pareille. Aussitôt entrée, Leynéa s’efforça de ne pas ressentir cette espèce de dégoût incoercible qui l’incitait, chaque fois, à éviter la présence de ces êtres dégradés tenant plus de l’animal végétatif ou d’un robmécanique que de l’homme dans sa pleine conscience – quoique chez les animaux, on ne rencontrait que rarement une telle sujétion. Ces créatures provenaient-elles bien de ces bastions de détention qui servaient à fournir le matériau humain pour la conception des AndroServes ? Selon les chartes en vigueur, dans les Trois Mondes, c’est ce qui était annoncé. Les prisonniers les plus réfractaires et les plus dangereux se voyaient offrir cette sorte de rédemption. Ceux qui acceptaient cette voie étaient acheminés sur Sharp, afin d’y être traités et formatés dans l’objectif de servir les autorités militaires et gouvernementales. Pour les autres, les récalcitrants, ils demeuraient captifs des geôles de ces bastions jusqu’à leur mort. L’officier de la PrimaForce était là, aujourd’hui, pour s’en assurer, mais les rumeurs qu’elle avait interceptées, tout récemment, rapportaient bien d’autres histoires.

Il existait des controverses, mais ces dernières ne pénétraient pas leur microcosme engagé au sein des cités. Si les polémiques étaient étouffées pour la majeure partie d’entre elles, certaines perduraient, néanmoins, dans les profondeurs des zonars, ces lieux dissimulés au fond des puits et des galeries souterraines, hors des enceintes d’Ystérian sur le Premier Monde, ou d’Antara sur le Second et de Sharp sur Fhenlone. Des créatures peu connues des populations asservies habitaient ces zonars que l’on disait des accès directs vers les enfers de l’obscurantisme, alors même que Leynéa suspectait qu’ils incarnaient, au contraire, un certain renouveau.

L’officier avait eu l’occasion de croiser certains de ces humanoïdes, lors de confrontations occultes dont elle s’était débrouillée, ensuite, pour ne pas les révéler. Les représentants des forces armées étaient censés ne pas nouer de ces contacts révolutionnaires. Toute ingérence au sein de ces cercles abscons s’avérait rapidement détectée par les Normes, ces mouchards originaires des Satellites de Thaïrns et à la solde des généraux des trois grandes cités. Ceux-là étaient spécifiquement éduqués pour repérer les affects de ceux qui partaient régulièrement hors des secteurs humanisés, c’est-à-dire ceux sous la coupe des gouvernements dédiés.

Avec les années, Leynéa avait su développer ce qu’elle qualifiait en son for intérieur « d’écrans de fumée de pensées » ou de « machineries mentales » particulièrement efficaces contre ces intromissions ou ces incursions psychiques. Après chaque sortie hors des périmètres contrôlés par les armées, Leynéa et ses soldats avaient droit à ces précautions d’usages comme on les appelait dans le milieu. Lors de ces dernières, Leynéa ne laissait plus filtrer, désormais, que ce qu’elle subodorait anodin et peu compromettant au regard de sa hiérarchie.

Les PrôtoHumains