Dis, c'est quoi le harcèlement scolaire ? - Bruno Humbeeck - E-Book

Dis, c'est quoi le harcèlement scolaire ? E-Book

Bruno Humbeeck

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Beschreibung

Les adolescents sont les premières victimes, les principaux auteurs et les témoins réguliers, actifs ou passifs, du harcèlement, que ce soit dans leur milieu scolaire ou sur les réseaux sociaux.Brimades, rejet, moqueries, insultes : toutes ces formes de violence, visibles ou invisibles, scolaires ou périscolaires, échappent, pour la plupart, au contrôle des enseignants et des éducateurs. Pour trouver des solutions à cette problématique préoccupante, Bruno Humbeeck insiste sur l’importance de la parole. Parler avec des adolescents de harcèlement permet non seulement de décrire, analyser ou comprendre le phénomène, mais aussi, et surtout, d’indiquer des pistes et de dégager des solutions qui permettront à ceux qui le subissent de sortir de la situation de désespérance dans laquelle ils se trouvent.




A PROPOS DE L'AUTEUR 




Docteur en Sciences de l’éducation de l’université de Rouen, Bruno Humbeeck est psychopédagogue et directeur de recherche au sein du service des Sciences de la famille de l’université de Mons. Il est aussi l’auteur de nombreux livres, dont, aux éditions Renaissance du Livre, Et si nous laissions nos enfants respirer ? Comprendre l’hyper-parentalité pour mieux l’apprivoiser. Spécialiste en matière de harcèlement, Éric Debarbieux est directeur de l’Observatoire européen de la violence à l’école. Auteur de très nombreux livres sur la violence scolaire, il a également été délégué ministériel à la prévention de la violence scolaire en 2012.

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Dis,

c’est

quoi

le harcèlement scolaire ?

Bruno Humbeeck

Dis, c’est quoi le harcèlement scolaire ?

Renaissance du Livre

Avenue du Château Jaco, 1 – 1410 Waterloo

www.renaissancedulivre.be

Renaissance du Livre

@editionsrl

directrice de collection : nadia geerts

maquette de la couverture : aplanos

illustrations : maxime berger – diplômé des beaux-arts de tournai,maxime berger est, entre autres, l’illustrateur des collections« les outils de la résilience » et « polo le lapin » parues chez mols.maxime est également auteur-compositeur de chansons françaises.

mise en page : cw design

imprimerie : v.d.(temse, belgique)

isbn : 978-2-507-05591-2

Droits de traduction et de reproduction réservés pour tous pays.

Toute reproduction, même partielle, de cet ouvrage est strictement interdite.

Préface

En tant que « spécialiste » du harcèlement à l’école, il m’est devenu presqu’impossible de compter, depuis que le sujet est venu sur l’agenda politique et médiatique de mon pays, le nombre de demandes que des adolescentes et des adolescents m’adres­sent pour réaliser leur « travail personnel encadré » (TPE), comme on dit chez moi, l’équivalent du travail de fin d’études (TFE) en Belgique. Et cela con­cerne tout aussi bien les éducateurs et éducatrices spécialisés, les enseignantes et les enseignants (surtout du fondamental), le monde du travail social ou celui des soins infirmiers… Combien de mémoires, de devoirs, de masters, de thèses même ont pris le harcèlement entre pairs à l’école comme sujet ?

Ceci témoigne d’une intense mobilisation, inconnue encore il y a quelques années dans certains pays, malgré l’avance évidente des pays d’Europe du Nord, par exemple. Les médias y ont été pour beaucoup, parfois dans une telle récupération émotionnelle qu’elle en devient dangereuse, par un risque d’étouffement sécuritaire des expériences éducatives. Mais, en même temps, ce « tout harcèlement » devient une telle « mode » qu’il finit par lasser et entraîner le scepticisme, comme si c’était une « invention » de journalistes. Il faut donc encore sensibiliser, expliquer, mais avec raison, en s’appuyant sur les recherches les plus solides.

Le livre de Bruno Humbeeck est très précieux, par le fond et par la forme… Par le fond, qui résume de manière claire les fondamentaux de la recherche internationale, par sa forme dialogique qui permet des entrées multiples et vivantes. Le harcèlement est une oppression conformiste, exercée en groupe contre quelqu’un qui n’est pas « nous »… Pour être « nous », le groupe parfois exclut… Ainsi, nous autres, les adultes, nous avons une énorme responsabilité… Quand une société se tourne vers la xénophobie, vers l’intolérance, quand les pratiques du sexisme et les rejets homophobes progressent, pour ne parler que de ceux-là, comment s’étonner de voir se gangréner les relations humaines dans les écoles ?

Bruno Humbeeck a fait un travail encore nécessaire, avec sa propre voix de clinicien. Le parti pris rédactionnel est de très grande pertinence… À n’en pas douter voici un « petit » livre qui atteindra son but et que, pour ma part, je n’hésiterai surtout pas à recommander à ceux qui m’interrogent, adolescentes et adolescents, adultes professionnels ou parents. Oui, l’adolescent de ce livre peut écrire un excellent travail de fin d’études…

Éric Debarbieux

Professeur à l’Université Paris-Est Créteil

Président de l’Observatoire européen de la violence à l’école

« Cela a commencé comme trois fois rien. Mais trois fois rien, quand on a 12 ans et qu’on vient de rentrer en secondaire, cela fait quand même déjà quelque chose. Surtout quand cela se répète… Trois fois rien plus trois fois rien plus trois fois rien, cela finit même par faire beaucoup. Et puis, ce qui est particulièrement pénible avec ces “trois fois rien”, c’est qu’on ne les sent pas venir. Sur le coup, pris isolément, ils ne comptent pas vraiment. C’est leur accumulation qui, à la longue, rend le quotidien particulièrement déprimant.

Au début, c’était une plaisanterie sans importance. Moquant mon acné, un type de la classe m’avait surnommé “calculette”. Les autres avaient ri. Moi-même, j’avais souri. Puis, ça a été “Calculette, on peut pas te calculer”. Et très vite ça s’est aggravé. “On peut pas encaisser ta tronche de rat !” ; “T’en as pas marre d’être toi ?” ; “Tes parents, tu leur as fait un procès ?” Ils riaient de plus en plus… Moi, là, pour le coup, je ne souriais plus du tout. J’étais complètement isolé. Je prenais chacune de leurs avanies de plein fouet comme un vent glacial sur le visage. Quand les larmes me venaient aux yeux, ils en rajoutaient une couche : “Tarlouze !”, “Fais gaffe, calculette, tu vas rouiller”. Je dis “ils”, au pluriel, parce qu’à partir du mois d’octobre, c’était lui plus tous les autres. C’était devenu eux tous, ceux qui riaient, ceux qui en rajoutaient une couche et aussi tous ceux qui se contentaient de sourire et laissaient faire. Il y en avait sans doute, peut-être, je n’en suis même pas certain, l’un ou l’autre qui ne trouvait pas cela marrant. Mais je ne les voyais pas, ils se faisaient transparents, opaques. Ils préféraient se taire et, eux aussi, laisser faire. Sans doute qu’ils ne tenaient pas à finir en “calculette” broyée sous les quolibets de tous ceux qui ne peuvent pas la calculer.

En janvier, c’est encore monté d’un cran. Ce n’était plus seulement des moqueries. Les mots, pour me faire mal, ne suffisaient plus. Ils ont joint les gestes à la parole. Tout était bon pour me faire adopter des postures de soumission. Ils ont commencé à me bousculer, à me frapper, à me secouer comme un prunier. Leur jeu préféré, c’était de me forcer à m’agenouiller, puis me contraindre à me mettre en position de “gueule en terre”. Un jour, un éducateur est arrivé et m’a surpris dans cette posture humiliante. Il leur a demandé ce qu’ils faisaient. Ils ont répondu en rigolant qu’ils s’amusaient, que c’était un jeu. L’éducateur m’a demandé si c’était vrai et, moi, comme un con, j’ai répondu “oui”. Il est parti sans se poser de questions. Mais ce n’était pas de sa faute, c’était de la mienne. Pourquoi avais-je répondu oui ? Par peur des représailles ? Par lâcheté ? Par crainte d’être traité de “balance” ? Pour les amadouer à travers le témoignage de ma loyauté ? Par désir, un peu fou, d’en faire des amis ou au moins de diminuer leur hostilité ? Je ne sais pas… Toujours est-il que j’ai dit oui, clairement, distinctement, stupidement. Eux, ils m’ont d’abord félicité. “Très bien, calculette. Là, tu as assuré”, me gratifiant de petites tapes amicales comme on le ferait à un brave chien qui a bien obéi à son maître. Puis, immédiatement, ils ont recommencé. “N’empêche, t’es quand même un couillon”, et les petites tapes sont redevenues des bourrades puis des coups. Comme on le ferait à un chien que l’on méprise parce qu’il est lui-même revenu chercher sa dose de brutalité auprès de ceux qui le martyrisent.

Jusqu’au jour où il y a eu l’incident des toilettes. Celui-là, je ne peux même pas le raconter. Personne ne peut imaginer ce que c’est que d’avoir la tête enfoncée dans une cuvette de W.-C. à se demander si l’on va mourir de honte ou d’étouffement. À partir de ce moment, cela a été l’enfer. Mes résultats scolaires se sont effondrés. Me rendre à l’école était devenu un supplice. Je ne savais plus quoi faire pour y échapper. J’ignorais quelles limites ils s’étaient fixées, j’étais devenu leur jouet. Et toute la classe le savait. Certains y participaient, d’autres n’osaient pas intervenir… Ils auraient peut-être voulu, mais ils n’osaient pas. Je ne peux pas leur en vouloir, je les comprends même. Tant que c’était moi, ce n’était pas eux. Tant que c’était pour ma pomme, ce n’était pour celle de personne d’au­tre. Je les protégeais, en somme, en prenant sur moi toute l’agressivité de ceux qui s’étaient érigés en maîtres absolus de cette tribu sans foi ni loi qu’était à mes yeux, et aux yeux de tous, devenue notre classe.

Pour l’affaire du W.-C., par exemple, ils savaient tous. Ils ne peuvent pas dire le contraire. Il y a même une photo qui a circulé sur Facebook. On m’y voit agenouillé face à la cuvette. Personne autour de moi. Je donne l’impression d’agir volontairement et de plonger de ma propre initiative ma tête dans la merde… Au-dessus, un commentaire – “Calculette cherche ses lunettes au fond des toilettes” – accompagné d’un “lol” pour affirmer que, bien entendu, “c’est pour rire”… Et pour rire, ils ont ri. D’ailleurs, ils ont à peu près tous liké. Sauf moi évidemment, il faut pas exagérer. J’ai juste arrêté d’aller sur les réseaux sociaux, pour ne pas voir les commentaires. Parfois, je me dis que c’était encore pire : les commentaires, ce n’est pas parce que je ne les voyais pas qu’ils n’existaient pas. Ce n’est pas parce que je ne les lisais plus qu’ils disparaissaient.

Mes parents dans tout cela ? J’ai préféré les préserver de toute cette saloperie. Ils avaient assez de soucis comme cela. Et puis, ils m’aimaient tellement, ils n’auraient pas supporté. Ils voyaient bien, pourtant, que mes résultats scolaires s’écroulaient. Ils sentaient bien qu’à la maison j’étais terriblement irritable, que je m’énervais pour un rien. Ils ne comprenaient pas. Alors, ils se disaient que c’était l’adolescence, que ça partirait comme les boutons d’acné. Et ils repartaient à leur vie déjà tellement encombrée d’autres soucis. Je ne les retenais pas. Je ne voulais pas leur faire mal en leur racontant tout cela, ils se seraient effondrés. Si ça tombe, c’est moi qui aurais dû les ramasser à la petite cuillère. Or, je n’en aurais pas eu la force. Alors, quand ils me demandaient chaque soir “Ça a été à l’école ?”, je leur répondais invariablement “Comme d’hab”. Eux, spontanément, dans leur tête, ils ajoutaient le “oui”, et ça devenait “Oui, comme d’hab”. Du coup, moi, je m’en sortais sur tous les tableaux, je ne les inquiétais pas et, en même temps, je ne leur mentais pas. Bien sûr, ce qu’ils auraient dû entendre, c’est “C’était l’enfer, comme d’hab”, mais ça, ils n’auraient pas pu l’imaginer.

Ici encore, je ne peux en vouloir à personne. Je n’avais qu’à parler au lieu de me taire, au lieu de garder ce silence. Ce silence obstiné qui aurait fini par me tuer. Ce silence assourdissant, je le maudis maintenant. Il a été jusqu’à me faire croire que j’étais responsable de ce qui m’arrivait. Le silence, ce