Le harcèlement intime - Bruno Humbeeck - E-Book

Le harcèlement intime E-Book

Bruno Humbeeck

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  • Herausgeber: Mols
  • Kategorie: Ratgeber
  • Sprache: Französisch
  • Veröffentlichungsjahr: 2022
Beschreibung

L’amour et l’amitié ne devraient évidemment, en principe, pas entretenir de rapport avec le harcèlement et les comportements d’agressivité qu’il suppose. Mais voilà, chez l’être humain, tout est décidément bien complexe et, lorsque les jeux de l’amour se mêlent à des jeux de pouvoir, un noble sentiment peut très bien s’emmêler d’intentions diaboliques.
Lorsque celui qui est épris ressent l’impression de vivre sous emprise, lorsque celui qui est aimé éprouve le sentiment de gouverner un empire ou lorsque celui qui aime éprouve son affection comme une véritable aliénation, alors l’amour ou l’amitié se transforme en véritable piège pour celui qui y succombe.
Ce livre permet d’identifier ces états affectifs contaminés par les rapports de pouvoir, gangrénés par des relations de domination et rendus invivables par des liens d’autorité vécus comme aliénants. Il propose des grilles d’analyse pratiques par lesquelles il devient possible de nommer ce que l’on vit, d’identifier précisément ce que l’on subit pour se donner surtout les moyens de s’en affranchir en rendant ainsi à l’amour et à l’amitié ses lettres de noblesse qui en font les plus belles conquêtes de l’esprit humain.


À PROPOS DE L'AUTEUR


Bruno Humbeeck est docteur en psychologie de l’Université de Rouen. Il est actif à la fois sur le terrain, en tant que travailleur psychosocial, et dans le domaine de la recherche, en tant que collaborateur scientifique. Cette double approche des questions de société contribue à rendre sa vision particulièrement convaincante. Il est aussi formateur et auteur de plusieurs publications dans le domaine de la maltraitance, de la toxicomanie et de la prise en charge des personnes en rupture psycho-sociale. Spécialiste de la résilience, il travaille à ce titre avec Boris Cyrulnik et Jean-Pierre Pourtois.
Bruno Humbeeck est de plus en plus présent sur les TV et médias en France. Régulièrement interrogé sur France Inter par Ali Rebeihi. A participé à des événements organisés à l’auditorium du Louvre, en association avec les Beaux-Arts de Bruxelles également. Outre des émissions plus ponctuelles…
Il est l’auteur de nombreux ouvrages publiés aux éditions Mols dont les derniers sont : De Blanche-Neige à Harry Potter, des histoires pour rebondir et Leçons d’humour. Rire pour Rebondir. L’humour comme instrument du vivre ensemble (et aussi, mais uniquement en version numérique : Pédagogies douces en période de confinement).


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Le harcèlement intime

De Bruno Humbeeck, aux Éditions Mols:

L’humour pour aider à grandir

L'estime de soi pour aider à grandir

La narration de soi pour grandir

De Blanche-Neige à Harry Potter, des histoires pour rebondir

Polo le Lapin se bouche les oreilles

Fifi l’éléphant et la souris Marcel qui le harcèle tout le temps

Leçons d’humour

Pédagogies douces en période de confinement (en version ePub)

En collaboration avec Bruno Humbeeck, aux Éditions Mols :

Berceaux maudits de Marie Cauderlier

Bruno Humbeeck

Le harcèlement intime

Quand le harcèlement contamine la sphère privée

Illustrations de Maxime Berger

© Éditions Mols, 2022

Collection Être et Conscience

www.editions-mols.eu

INTRODUCTION

Le harcèlement, quand il se réalise au travail, au sein des équipes, ou à l’école, entre pairs, a besoin du groupe pour s’étaler au grand jour. Il se manifeste en réalité chaque fois qu’un public, en prenant la place de spectateurs de la scène de prise de pouvoir, adoube le dominant en le regardant manifester ostensiblement sa puissance face à un dominé mis ostensiblement en position d’impuissance à s’y opposer.

Le spectateur agit alors en figeant le dominant et le dominé dans leurs rôles respectifs. Sans lui, le spectacle mutilé de ceux qui lui donnent son sens perd toute signification. La mise en scène publique du harcèlement est donc nécessaire à la mise en acte du phénomène lorsque le harcèlement prend une forme groupale.

Sans ces « spectateurs agissant », devenus, pour l’heure, véritables spectacteurs, le dominant ne l’est qu’à ses propres yeux et, perdant de sa superbe au regard des autres, ne trouve bientôt plus d’intérêt dans les manifestations stériles de ses prises de pouvoir.

C’est donc le groupe qui met en place les conditions du harcèlement scolaire et de la forme qu’il prend quand, dans le monde professionnel, il s’appuie sur des mécanismes similaires de prise de pouvoir et d’expression de la puissance.

Quand il prend d’assaut la sphère intime et s’ébaudit dans le huis-clos des existences privées, l’agressivité hiérarchique s’appuie inévitablement sur d’autres mécanismes. Dans le contexte d’une relation interpersonnelle, c’est en effet l’autorité affective que l’un se donne par rapport à l’autre qui lui permet de manifester sa puissance de façon nuisible.

La vie conjugale ou la sphère amicale quand elle est contaminée par des rapports de force toxiques devient le théâtre d’une souffrance d’autant plus lourde qu’elle est invisible, d’autant plus difficile à vivre qu’elle est muette. Elle se gonfle de la force que prend la terreur quand elle se vit dans l’ombre et se subit à l’abri des regards. Contrairement au harcèlement de groupe, dans le harcèlement intime, c’est l’absence de spectateurs qui en accroît la virulence quand celui qui se déclare maître des lieux ou s’autoproclame « tyran » dans la relation affirme haut et fort qu’il n’a besoin de personne pour le confirmer dans ce statut de toute-puissance qu’il s’est attribué.

Nous examinerons dans les pages qui suivent comment se construit cette forme de harcèlement quand elle ouvre la porte des vies de couples. Nous verrons ce qui la définit et tenterons de déterminer les critères qui permettent de poser que la relation interpersonnelle conjugale toxique peut effectivement être considérée comme harcelante.

La définition, sous forme de critères, que nous aurons donnée au phénomène permettra ainsi de concevoir comment il est possible de déconstruire la problématique et, ce faisant, de sortir de la situation de harcèlement conjugal dans laquelle un des partenaires semble s’être enfermé inexorablement.

Nous envisagerons, dans la même perspective, la façon dont se constitue le harcèlement lorsqu’il parasite une relation amicale. Là aussi il sera essentiellement question de mieux circonscrire le phénomène pour se donner les moyens, en le connaissant, en le comprenant et en l’analysant, d’en déjouer les mécanismes pour sortir de l’emprise dans laquelle se sent piégé celui qui vit la relation amicale toxique comme une forme de harcèlement.

LES RAPPORTS DE DOMINATION AU SEIN DES COUPLES : LE HARCÈLEMENT CONJUGAL

Pouvoir

Il la saisit au vol

L’empoigne par le milieu du corps

La ceinturant de ses doigts robustes

Il la réduit à l’impuissance

Paul Éluard

Le harcèlement conjugal : quand « l’amour » vire au harcèlement

Isabelle : Piégée dans son couple…

Isabelle, une femme de quarante-huit ans, décrit particulièrement bien la situation de harcèlement conjugal qui lui fait vivre un enfer permanent avec Raphaël, qu’elle décrit comme un manipulateur extrêmement dangereux qui, pendant plus de vingt ans, l’a tenue complètement sous son emprise en manifestant une autorité tyrannique que rien, dans les années de construction du couple, ne laissait augurer :

Je l’ai rencontré quand j’avais à peine 18 ans. C’était un garçon timide, sympa, très prévenant. Il s’est d’abord positionné comme un copain en prenant régulièrement de mes nouvelles, sans arrière-pensée apparente. Je n’ai pas eu le coup de foudre, juste le sentiment agréable d’avoir rencontré quelqu’un d’attachant. J’étais d’ailleurs en couple à cette époque avec un de ses amis. Je l’ai seulement trouvé « sympa » à une époque de ma vie où j’avais sans doute besoin de ce type d’attention qui, sans déchaîner de passion, vous donne le sentiment d’avoir de l’importance et de susciter de l’intérêt.

Je l’ai donc « rangé dans un coin de ma tête », comme un gars sympa sur lequel je pouvais m’appuyer en cas de besoin mais il n’était pas question, dans les premières années de la relation, de le considérer comme un compagnon possible. La relation s’est ainsi construite lentement, pas à pas, ou je devrais plutôt dire brique par brique, tant c’est un véritable mur que progressivement il s’est mis à construire autour de moi.

Je me sentais bien entendu convoitée et sa séduction, toute en douceur, restait toujours attentive aux marques d’assentiment et au consentement que je laissais paraître. Rien ne laissait présager que cette conquête lente allait un jour laisser toute la place à des comportements humiliants, à des conduites dégradantes et à des attitudes terrorisantes.

Les premières briques du mur n’avaient d’ailleurs pas cette fonction. Elles visaient seulement à faire le vide autour de moi, à m’isoler, je dirais même, à me désoler au sens plein du terme. Ce n’était par ailleurs pas bien difficile. Mon univers, à cette époque, s’était sensiblement appauvri. J’avais perdu mon père, ma mère et ma grand-mère, mes trois socles affectifs et je sortais d’une rupture. Je me sentais à la fois très seule et complètement paumée. C’est là qu’il a commencé son œuvre de séduction massive. De guerre lasse, j’ai fini par céder…

Il m’a semblé très rassurant dans un premier temps avec son apparence un peu placide et sa façon d’être mal à l’aise avec la sexualité qui le rendait, à mes yeux, plus attendrissant encore. Je ne cherchais de toute façon pas à m’épanouir sur le plan sexuel mais davantage à être protégée par quelqu’un qui s’intéresse réellement à moi. Il se montrait au début très facile à vivre. Il aimait rire et n’élevait jamais la voix. Les toutes premières années de notre relation se sont déroulées sans encombre.

Le tournant s’est situé avec ma grossesse. Nous rencontrions des difficultés à la mettre en route et il ne supportait pas cette situation. C’est là qu’il a commencé à me rabaisser systématiquement : « C’est à cause de ton âge, tu es trop vieille, d’ailleurs si tu es avec moi, c’est parce que tu n’avais pas eu d’autre choix. Au moment où tu m’as connu, tu n’étais pas bankable sur le marché matrimonial. » Tout s’enchaîne alors brutalement. Les remarques visent de plus en plus à blesser et elles touchent de plus en plus souvent leur cible. Cela devient son activité principale. Les remarques ironiques succèdent à des sarcasmes eux-mêmes enrobés de propos blessants touchant aussi bien mon apparence physique que ma manière de cuisiner ou de recevoir. Tout devient prétexte à m’enduire de honte. Moi, j’encaisse les coups. La naissance de notre enfant ne change rien à l’affaire. Au contraire, très vite il l’utilise comme public pour me dévaloriser devant lui. Nos rares amis exercent le même rôle de spectateurs tout acquis à sa cause et lui permettent de faire passer pour de l’humour ce qui n’est exprimé que pour me blesser.

Toutes mes tentatives de réaction lui permettent de me dévaloriser de plus belle, en me faisant passer pour une « pisse-vinaigre » si je ne ris pas de ce qu’il dit pour me dégrader, une « hystérique » si je craque émotionnellement face à ses agressions psychologiques, une « incapable » si pour une raison ou l’autre (ouvrir une bouteille de vin, réparer une lampe…) j’ai la faiblesse de solliciter son aide. Les « tu as vu comme elle est folle », « elle n’a aucun humour », « tu es décidément une bonne à rien », prononcés comme des sentences devant nos amis et devant notre enfant, finissent de saper ce qui me restait de confiance en moi… Comme je suis de plus en plus aux abois émotionnellement, je finis par en payer le prix professionnellement. Il en profite pour souligner le fait que je ne suis en mesure de résister à aucune pression et qu’il vaut mieux que je renonce à mon emploi. J’ai la faiblesse de le laisser orienter mon choix professionnel et je démissionne. Le piège se referme et j’ai l’impression d’avoir moi-même donné un tour de clé. Pourquoi ai-je donné du poids à son avis au point de le suivre ? Comment ai-je pu lui laisser cette opportunité de se mêler de ma carrière et de m’empêcher de travailler, non seulement en m’incitant à quitter mon travail, mais aussi en freinant tout ce que je pouvais faire pour en rechercher un autre, prétendant à chaque fois être plus lucide que moi à propos de ce qui était bon pour moi ?

Ses attaques verbales se sont, à partir de ce moment-là, démultipliées, visant le plus souvent le champ de l’intime, afin de me blesser profondément. Il se met à contrôler mes pensées – je sais mieux que toi ce que tu penses –, à me dire comment m’habiller – je connais suffisamment tes défauts pour savoir comment les camoufler. Mais là où évidemmentil frappe le plus fort, c’est quand il dénigre mes capacités à être une bonne mère. Sur ce point-là, il frappe avec application, de manière chirurgicale… Je me sens d’autant plus impuissante pour y faire face qu’il s’y prend merveilleusement pour tenter de faire créditer par mon fils la thèse de ma prétendue folie. Sa stratégie d’emprise est bien rodée. Il me rend folle et lorsque je sors de mes gonds, même timidement, il prend à témoin ceux qui m’entourent de mes accès de folie. Il les prétend injustifiés parce qu’il dénie systématiquement toutes les injures qu’il profère. Juste après les avoir déversées, il est capable de nier les avoir dites. Il est sur ce point d’une mauvaise foi renversante et particulièrement déstabilisante quand on finit, face à son aplomb, par douter de ce que l’on a entendu ou de la manière dont on l’a interprété. La confusion qu’il jette dans mon esprit m’expose alors au risque d’adhérer moi-même à l’idée de ma propre folie ou, au moins, de ma trop grande instabilité émotionnelle. Et s’il avait raison ? Si j’étais moi-même trop sensible ? Quand un tel doute s’installe, il est déjà trop tard. L’emprise est telle qu’elle nous fait, en tant que victime, adhérer aux hypothèses de notre agresseur. C’est cela le propre de la manipulation. Me rendre dingue pour me faire passer pour une dingue aux yeux des autres et finalement aux miens propres.

Quand je commence à envisager une séparation, il devient encore plus agressif et recourt au chantage par rapport à notre enfant. Je suis folle, tout le monde le sait, et il en aura la garde exclusive. Mes velléités de départ me semblaient réclamer tant d’énergie et je me sentais tellement seule pour les concrétiser que je prenais mon mal en patience guettant les plus petites éclaircies pour me faire croire à un retour possible du beau temps. J’en suis là. En réalité, je n’attends même plus le beau temps. Je veux juste que cette pluie glaçante cesse un peu, qu’elle m’épargne juste un moment pour que je cesse de prendre chacune de ses gouttes comme un véritable coup de couteau… Je sais que je peux demander de l’aide.

Les facteurs facilitants du harcèlement conjugal