Hyper-parentalité - Bruno Humbeeck - E-Book

Hyper-parentalité E-Book

Bruno Humbeeck

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  • Herausgeber: Mardaga
  • Kategorie: Ratgeber
  • Sprache: Französisch
  • Veröffentlichungsjahr: 2022
Beschreibung

Vous êtes angoissé à l’idée de savoir vos enfants hors de votre vue ? Vous cherchez à contrôler leurs déplacements, leurs activités, leurs rencontres ? Vous anticipez tous leurs besoins ? Vous en permanence leur bonheur, en vous oubliant parfois un peu ?

Vous êtes sans doute un hyperparent ! Pas de panique, l’Hyper-parentalité n’est ni un défaut ni une maladie. C’est juste la preuve que vous souhaitez avant tout offrir à vos enfants un avenir heureux et épanoui. Mais comment faire pour arriver à lâcher du lest avant d’en arriver à l’épuisement ?

Dans cet ouvrage, Bruno Humbeeck propose d’aider chaque famille à se délester des attentes éducatives excessives qui peuvent entacher la relation parent-enfant. Faisant la chasse aux fausses idées, il explique le concept d’Hyper-parentalité et ses différentes formes et donne des pistes à explorer pour mieux vivre la situation en ces temps d’incertitudes. Mieux vivre son Hyper-parentalité dans le contexte actuel, donner envie aux enfants de grandir en dépit de l’imperfection du monde pour y trouver le bonheur, tels sont les objectifs visés par l’auteur et son ouvrage.

Retrouvez une relation sereine et apaisée avec vos enfants et adolescents !


À PROPOS DE L'AUTEUR

Bruno Humbeeck est psychopédagogue, docteur en Sciences de l’éducation de l’Université de Rouen et directeur de recherches au sein du service des Sciences de la famille de l’université de Mons (Belgique). Il est aussi l’auteur de nombreux ouvrages dont, chez Mardaga, Quelles pédagogies pour mon enfant ? et L’intelligence émotionnelle à l’école et en famille.

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Hyper-parentalité

Bruno Humbeeck

Hyper-parentalité

Apprendre à lâcher prise pour le bien des parents et des enfants

Introduction Que les hyper-parents lèvent le doigt !

Chaque fois que je donne une conférence sur un sujet lié à la parentalité, je devine que le public sera essentiellement composé non pas de parents, mais bien… d’hyper-parents ! Ce phénomène s’explique sans mal par le fait que l’idée de se déplacer et de passer une soirée à écouter quelqu’un traiter d’un aspect particulier ou d’une composante générale de l’éducation familiale ne peut trouver sa place que dans la tête de parents particulièrement soucieux de bien faire et terriblement désireux de ne rien laisser au hasard dans l’éducation de leurs enfants.

À chaque conférence, je leur parle donc de « leur » hyper-parentalité en prenant évidemment le temps de leur expliquer qu’il ne s’agit là ni d’un défaut ni d’une maladie ni même d’une quelconque faille, mais bien d’une tendance qu’ils développent parce qu’ils ont souhaité avec beaucoup d’enthousiasme la venue au monde de leur enfant et l’ont de ce fait quasiment convoqué à naître.

Je développe ensuite les signaux qui se cachent derrière l’idée de se comporter en parent hélicoptère, en parent drone et en parent curling. Le plus souvent, ils sourient parce que leur hyper-parentalité, somme toute, ne cause que des dégâts limités. Le moment de détente que leur offre, je l’espère, la conférence leur permet de réduire pour un soir la tension qui contamine parfois la relation qui les lie à leurs enfants, de limiter la pression qui pèse à l’occasion sur leurs épaules de parents et d’éviter que leur souci d’une parentalité parfaite ne prenne une telle consistance qu’il finisse par constituer pour leur enfant un fardeau trop lourd à supporter.

L’hyper-parentalité est une affaire sérieuse, mais ne doit en aucun cas être traitée avec gravité. C’est généralement par le biais d’une lucidité amusée qu’un parent parviendra le mieux à la maîtriser et même à s’en délester. Prendre conscience de sa tendance à faire preuve d’hyper-parentalité constitue un premier pas dans la direction d’une parentalité mieux dosée dans ses objectifs, moins ambitieuse dans ses prétentions et plus vivable dans le quotidien à la fois pour les parents qui ployaient sous la tâche éprouvante qu’ils s’étaient donnée et pour les enfants ou les adolescents qui, sous l’effet d’une parentalité pavée de trop bonnes intentions, finissaient par ne plus respirer sous l’effet d’une pression étouffante.

Aider chacun, dans la famille, à respirer, permettre à tout le monde de souffler, résister à l’asphyxie que produisent des attentes éducatives excessives, voilà donc le triple objectif de cet ouvrage. Pour cela, il faudra sans doute se donner les moyens de comprendre ce que signifie précisément l’hyper-parentalité en remontant notamment à ses sources. Cela nous permettra de mieux concevoir l’inconfort particulièrement intense que produit cette tendance éducative quand elle se manifeste dans le contexte social anxiogène que nous traversons actuellement.

L’hyper-parentalité est en effet encore plus difficile à vivre quand un parent perçoit que la qualité de l’éducation qu’il s’attache à donner à son enfant n’offre en réalité aucune garantie d’avenir parce que le monde est vécu comme profondément incertain. Ce livre, dans un tel contexte, peut alors se lire comme une sorte de « guide » pour permettre aux parents de se diriger par ces temps d’inquiétude avec davantage de sérénité en continuant à offrir à leurs enfants une éducation qui leur donne l’envie de grandir en dépit de l’imperfection du monde parce qu’ils perçoivent néanmoins que le bonheur y sera toujours possible.

Chapitre 1 L’hyper-parentalité, c’est quoi ?

1. Une question de mots

Le fait que les parents s’autodésignent sans trop de peine « hyper-parents » tient sans doute à l’ambiguïté sémantique fondamentale du concept. Au rayon des mots nouveaux, le terme « hyper-parentalité » n’a en réalité pas eu trop de mal à s’installer. En s’échafaudant à partir de la contraction de deux termes qui manifestaient déjà chacun une très grande popularité, le néologisme ne courait effectivement pas trop de risque. Le préfixe« hyper »et le mot« parentalité »font désormais partie du patrimoine linguistique populaire de tout un chacun, particulièrement dans le domaine de la pédagogie usuelle et de la pop psychologie. L’un et l’autre gagneraient cependant à être mieux définis. Leur imprécision d’origine les invite en effet à flotter dans un champ sémantique flou et parfois même un peu contradictoire.

Le préfixe « hyper » est issu du grec huper qui signifie « au-dessus »ou« au-delà ». Il a d’abord colonisé le jargon médical pour désigner un dysfonctionnement qui se produit par excès : hypertension, hyperacousie, hyperalgésie ont par exemple été utilisées pour désigner une pathologie qui se manifeste par un fonctionnement excessif du système ou de la fonction mis en cause. Dans le même temps cependant, le préfixe s’est répandu dans le registre langagier populaire où il s’est mis à signifier « super, vachement bien » et peut même, s’il poursuit dans cette direction, révéler que quelque chose ou quelqu’un est « hyper-top » ou « hyper-méga » génial.

Quand un préfixe est utilisé pour désigner à la fois un état pathologique et une qualité remarquable, il ne peut qu’être à l’origine d’ambiguïtés. L’hypersensibilité, par exemple, surfe actuellement sur ce double sens pour révéler, en s’installant dans cette zone sémantique grise qui organise la rencontre entre le vocabulaire pédagogique et celui qui appartient aumonde médical, tout à la fois un dysfonctionnement affectif etun signe d’élection. C’est cette même double acception qui explique que le terme d’hyper-parentalité est accueilli avec un léger sourire qui invite à tourner soi-même en dérision cet état faussement pathologique dans lequel vient se glisser un petit air de supériorité dans un domaine – la parentalité – oùle niveau de compétence attendu est particulièrement prisé. Êtrequalifié d’hyper-parent, c’est en quelque sorte être considéré comme un « super-parent » qui aurait un peu, légèrement ou beaucoup dérapé parce qu’il se serait laissé déborder par des prétentions excessives et des intentions éducatives trop proches de la perfection.

Le mot « parentalité » est par ailleurs lui aussi nimbé d’imprécision. Apparu relativement récemment, il se confond souvent avec celui d’éducation familiale. Ce dernier, jusqu’à la fin des années 1980, était seul en scène pour désigner la forme éducative mise en mouvement par les parents en complément de l’éducation scolaire qui était du ressort de l’institution scolaire. Il était donc question par les termes« éducation familiale » et « éducation scolaire » de scinder deux mondes, celui de la famille et celui de l’école. Deux mondes certes perméables aux influences l’un de l’autre, mais suffisamment étanches pour susciter deux formes éducatives distinctes…

C’est dans ce contexte de séparation des sphères d’influence éducative que le mot « parentalité » a fait son apparition pour préciser la forme que prenait l’éducation familiale en se singularisant de plus en plus en fonction de chaque enfant. L’idée de parentalité s’est mise à désigner la façon dont chaque enfant à l’intérieur de la famille transforme l’éducation qu’il reçoit pour en faire quelque chose d’unique et de singulier. On peut effectivement éduquer ses trois enfants de la même façon, selon les mêmes principes et en adoptant des stratégies similaires, ils n’en feront pas moins chacun quelque chose de différent pour produire un développement singulier, particulier et toujours unique. La parentalité, c’est donc la façon dont l’enfant reçoit individuellement l’éducation qui lui est donnée par son parent et y réagit pour en faire un produit unique impossible à dupliquer. Elle est le résultat d’une pédagogie familiale qui s’est fondamentalement différenciée. Dans un contexte qui valorise l’épanouissement individuel, singulier et original auquel chacun est invité à participer, elle donne à l’enfant un rôle actif dans l’éducation qu’il reçoit de la part d’un parent qui ne dispose plus de suffisamment d’autorité pour se réserver le monopole ou l’exclusivité de la forme qu’il entend donner à l’éducation de ses enfants…

L’apparition du terme de parentalité suppose donc, dans son arrière-fond sémantique, d’envisager l’éducation non plus comme un acte d’imposition, mais comme un processus deconcertationconstant à travers lequel l’acte éducatif se construit dans l’interaction continue entre un adulte qui agit et un enfant qui, en réagissant à ce qu’il reçoit, le transforme continuellement. La parentalité n’est donc pas du ressort exclusif du parent et suppose de tenir compte de la part active que l’enfant y prend inévitablement. Dans cette perspective, l’hyper-parentalité ne doit évidemment pas être considérée comme la seule affaire du parent. Il faut également toujours tenir compte de la façon dont l’enfant, ou plus tard l’adolescent, participe à sa construction, à son maintien, à son évolution ou, par les tensions qu’elle provoque, à sa remise en question.

2. Les trois figures de l’hyper-parentalité

Quand un être humain entend se faire comprendre sans prendre le temps de préciser le sens des mots qu’il utilise, il a généralement recours à des images. Les métaphores en effet parlent plus vite que les explications et elles rendent facilement compte, par l’image qu’elles suggèrent, d’un phénomène en mettant en lumière de façon fulgurante les composantes essentielles de ce qui le constitue.

Chez les hyper-parents, trois figures métaphoriques de parents rassemblent la signification d’une parentalité hypertrophiée :

• un hélicoptère qui tourne sans fin autour de l’enfant pour contrôler ses mouvements et s’assurer qu’il est en sécurité ;

• un drone qui colonise lui aussi l’espace aérien pour lui apporter au plus vite tout ce qu’il y a de meilleur en étant à l’affût de ses besoins, de ses envies et de tout ce qui pourrait le combler de joie afin d’assurer une satisfaction continue ;

• un sport, enfin, le curling, qui traduit l’énergie que les parents mettent en balayant frénétiquement tout ce qui sur le passage de l’enfant pourrait freiner son évolution, pour influencer le mieux possible sa trajectoire et le conduire en droite ligne vers un bonheur absolu, total et permanent.

2.1. Le parent hélicoptère

« Tu es où ? Tu es avec qui ? Tu reviens quand ? » Contrôler les déplacements de son enfant dans l’espoir de ne lui faire courir aucun risque et de ne l’exposer à aucun danger pousse un parent à se métamorphoser en hélicoptère. Ce penchant sécuritaire peut s’avérer épuisant pour le parent et contraignant pour l’enfant chaque fois qu’il constitue un frein à la sérénité du premier ou un obstacle à la quête d’autonomie du second. Tout contrôler s’avère effectivement vite impossible dans un monde où le danger peut tout aussi bien prendre la forme d’un virus invisible, d’un véhicule conduit par quelqu’un qui n’est pas en état de le faire, d’une rencontre virtuelle ou même d’un attentat qui frappe à l’aveugle. S’empêcher d’agir à l’écart de son parent peut également devenir vite pesant pour l’enfant quand une force intérieure le pousse à s’aventurer hors des sentiers balisés par l’adulte et à découvrir le monde par lui-même.

Cette tendance, comme tout ce qui constitue l’hyper-parentalité, résulte en réalité de trop bonnes intentions éducatives dans un contexte environnemental vécu comme potentiellement dangereux et virtuellement menaçant pour l’enfant ou l’adolescent. On peut donc agir sur cette tendance soit en disciplinant sa propension à agir en hélicoptère pour un oui ou pour un non, soit en modulant la vision qu’on se fait du monde chaque fois qu’on considère celui-ci un peu trop systématiquement comme porteur de dangers…

Il faut toutefois veiller à ne le faire que si l’attitude de « parent hélicoptère » est vécue comme excessivement énergivore pour le parent ou véritablement liberticide pour l’enfant. C’est ce qui se produit notamment chaque fois qu’il est question de mettre de la tension dans la relation éducative en soumettant à une pression difficilement supportable celui qui vit cette relation comme aliénante. Un« parent hélicoptère »qui ne souffre pas et un enfant qui parvient à sourire des conduites de son parent à coup de phrases comme « Maman s’inquiète tout le temps pour un rien » ou « Mon père, c’est un vrai “papa-poule” »sans que les attitudes parentales lui posent un véritable souci ne doivent pas se mettre une pression supplémentaire en luttant contre une tendance qui, rappelons-le, n’est ni bonne ni mauvaise en soi.

Ranger l’hélicoptère au placard, ce n’est pas sacraliser l’insouciance en renonçant à se montrer attentif à la manière dont notre enfant ou notre adolescent se met plus ou moins en danger dans le monde mis à sa portée. C’est accepter de faire confiance au sens plein du terme. Cette confiance doit porter sur ce que l’enfant ou l’adolescent fera de son autonomie chaque fois qu’il manifestera l’audace prudente dont il faut nécessairement faire preuve quand il s’agit de s’aventurer hors de sa zone de confort pour agir et faire des expériences nouvelles sans pour autant se mettre en danger.

L’audace prudente est un concept déjà imaginé par Aristote qui indiquait par cet oxymore l’attitude nuancée du marin qui, refusant toute témérité, ne reprend la mer au-delà d’une tempête qu’après s’être au préalable montré suffisamment attentif à identifier les dangers qui menacent, et qui, mesurant les risques, se refuse néanmoins dans le même temps l’inertie prolongée que sous-entendrait une prudence excessive. L’audace prudente, c’est celle du marin qui conçoit que, même si les bateaux sont plus en sécurité dans les ports, ils n’ont pas été conçus pour y demeurer éternellement ; leur destin de bateau les convie, un jour ou l’autre, à la nécessité de reprendre la mer. Imaginer son enfant, dès son plus jeune âge, capable de faire preuve de cette audace prudente et l’éduquer dans cette direction est sans doute la meilleure façon de produire une éducation qui conduit à l’autonomie et stimule chez l’enfant une confiance en lui-même suffisamment stable.

Cette confiance doit cependant aussi porter sur les différents environnements au sein desquels devra évoluer l’enfant. Il faudra en effet nous donner les moyens de nous convaincre que cet environnement ne tend pas des pièges pour créer du danger ou pour menacer l’intégrité physique ou psychologique de l’enfant. Cette confiance globale en soi, en l’autre et en l’environnement s’appelle la confiance fondamentale. Elle nous permet de vivre relativement sereinement en ayant pleinement conscience de la finitude existentielle d’un être humain (nous allons tous mourir), de la solitude fondamentale dans laquelle elle peut nous plonger (ceux qui nous entourent mourront un jour ou l’autre) et de l’inévitable incertitude qui gouverne tout cela sans que ces trois idées consubstantielles de la nature humaine nous angoissent constamment.

Éduquer l’enfant et/ou l’adolescent à l’audace prudente et s’attacher à construire en soi cette confiance fondamentale qui fait naturellement baisser le niveau d’anxiété et qui permet de mieux canaliser l’angoisse : voilà sans doute deux pistes à creuser pour le parent hélicoptère si ce trait de fonctionnement parental devient trop pesant pour lui-même, pour son enfant ou pour la relation qui les lie l’un à l’autre.

> Voir guide autoréflexif

2.2. Le parent drone

« Je veux le meilleur pour toi : la meilleure école, le meilleur enseignant, le meilleur stage, le meilleur jouet, le meilleur vêtement, le meilleur équipement, “tout ce qu’on veut” pourvu que ce soit le meilleur ! » « Je veux également que tu ne sois jamais déçu(e), je te veux toujours comblé(e), éternellement satisfait(e), constamment content(e). En conséquence, j’anticipe tes désirs. Je devine tes souhaits. Je préviens tes envies et je découvre tes besoins avant même que tu les exprimes ». C’est cela un parent drone : comme un parent hélicoptère amélioré qui, au moindre signal, vole au-devant de son enfant pour assouvir ses manques et pour lui offrir ce qu’il y a de mieux pour le combler.

Le parent drone, évidemment, risque vite de s’épuiser en cherchant en permanence à mettre l’excellence à disposition de son enfant et en se jetant sur tout ce qui de près ou de loin pourrait répondre à une attente ou remplir un manque. Il n’est pas non plus toujours facile pour l’enfant de remplir le cahier des charges que lui impose un parent. L’enjeu du parent drone seradès lors d’accepter l’imperfection, l’incomplétude et l’inachèvement de tout ce qu’il offre à son enfant à travers l’éducation qu’il lui donne.

L’apprentissage de l’imperfection fondamentale qui se cons­titue aux trois niveaux d’une conduite humaine (nous devons revendiquer notre imperfection fondamentale, reconnaître aux autres le droit absolu de l’être et accepter l’idée que nous vivons dans un monde imparfait) constitue sans doute une piste essentielle qu’il convient de creuser pour s’autoriser le lâcher-prise et pour permettre aux parents drones de s’accorder des momentsde relâche totale ou partielle plus ou moins durables qui ne sont plus considérés comme des failles éducatives dont il y aurait lieu de se culpabiliser.

> Voir guide autoréflexif

2.3. Le parent curling

Le curling est un sport étrange. Il consiste à lancer un palet en direction d’une cible pour s’en rapprocher le plus possible. Jusque-là, il ressemble à une pétanque sur glace relativement ordinaire. Il devient cependant étonnant quand deux des membres de l’équipe se mettent à balayer frénétiquement la glace de façon à en faire fondre une fine particule en espérant ainsi influencer la trajectoire du palet en accélérant notamment le mouvement de glissade.

L’idée que le « lancer-lâcher » en direction d’une cible dont il faut se rapprocher constitue une métaphore satisfaisante pour évoquer l’acte d’éduquer n’est pas nécessairement saugrenue. Accompagner d’un mouvement harmonieux de lancer le cheminement d’un enfant qu’il faudra bien lâcher à un moment ou l’autre pour qu’il poursuive le mieux possible sa route vers son épanouissement et son aspiration au bonheur, c’est là sans aucun doute une belle façon de suggérer ce qu’on attend d’un parent.

Pas de souci donc à associer l’image de lancer à celle de l’éducation d’autant que l’action éducative parentale suppose évidemment l’aptitude à lâcher son enfant au bon moment dans tous les domaines où il devient capable de faire preuve d’autonomie. Par contre, l’image de ces balayeurs frénétiques convient davantage pour évoquer ce qui se passe dans l’hyper-parentalité quand il est question pour le parent de contrôler, le mieux possible et jusqu’au bout, la trajectoire future de son enfant en évacuant notamment tous les obstacles qui se présentent à lui et en influençant le plus positivement possible leur évolution dans le sens souhaité. C’est cela qu’évoque l’image du curling : celle d’un parent tellement soucieux du devenir de son enfant qu’il met toute son énergie à balayer le terrain devant lui pour ne surtout rien laisser au hasard et se donner l’illusion qu’il peut par sa propre action de parent exercer un contrôle parfait sur l’évolution de sa trajectoire.

Se convertir en parent curling quand le monde révèle sans fard toutes ses imperfections n’est évidemment pas, nous le verrons dans les pages suivantes, une sinécure. Cela paraît d’autant plus vrai dans la « société du déclassement » qui est la nôtre. Au sein de celle-ci, huit enfants sur dix occuperont un statut social inférieur aux nôtres ;il leur faudra par ailleurs effectuer cinq années d’étude supplémentaires pour espérer occuper une fonction équivalente à la nôtre.

Pour sortir de cette épuisante tâche de contrôle, un parent doit à tout prix accepter le principe d’incertitude et se donner les moyens de lâcher prise par rapport à l’idée que tout dépendrait de son action. À cette fin, nous développons en encadré la manière dont l’inquiétude partagée peut être à la base d’une technique particulièrement bien adaptée à l’action éducative telle qu’elle gagne sans doute de nos jours à se réaliser au sein des familles.

> Voir guide autoréflexif

L’inquiétude partagée

L’inquiétude partagée est une façon d’être ensemble qui se nourrit d’une peur commune, mais qui s’efforce de la dépasser en réfléchissant l’un avec l’autre à ce qu’elle signifie. Quand elle réunit un adulte et un enfant, cette inquiétude partagée est donc tout à la fois une manière pour l’adulte de se mettre à hauteur d’enfants par les mots qu’il utilise et en lui montrant qu’il le considère comme un véritable interlocuteur parce qu’il s’intéresse vraiment à la manière dont son modèle du monde évolue en fonction de ce qu’il apprend par exemple d’une pandémie qui secoue le monde ou d’une guerre qui le brutalise… Il ne faut surtout pas demeurer au niveau des émotions en considérant l’enfant, comme cela se lit un peu partout, comme une simple éponge des émotions adultes. L’être humain dispose en effet de cette fabuleuse aptitude à transformer sa peur en inquiétude chaque fois qu’il invite son cortex à visiter l’état émotionnel pour en faire quelque chose de suffisamment réfléchi pour être partagé et pour faire alors l’objet d’une réflexion commune. C’est cela que nous devons faire avec les enfants : élever l’émotion au rang d’un état d’âme qui mobilise le cortex et suscite la réflexion. Pour cela, il faut évidemment que, à l’école comme à la maison, les adultes soient suffisamment outillés1 pour sortir des schémas simplificateurs profondément anxiogènes qui mettraient, par exemple, en scène un homme diabolique qui ne rêverait que de détruire le monde à l’intérieur d’un peuple essentiellement belliqueux qui ne penserait, lui, qu’à la guerre. Cette double perception associée à des images de chars d’assaut puissants et d’êtres humains en détresse ne peut évidemment que provoquer de l’angoisse quand on refuse d’en parler et de la peur quand on se contente de subir toute la violence qu’elles contiennent… Or, il existe aussi d’autres images : celles qui montrent que la plupart des hommes veulent la paix, qu’un certain nombre d’entre eux s’acharnent à la construire, à la reconstruire ou à la consolider. En définitive, seule une minorité, rendue folle par un pouvoir qu’ils pensent sans limites ou par une humiliation dont ils veulent sortir par la force, souhaite vraiment la guerre. Les images de guerre constituent par nature des imagesphobiques