Histoire de l'hôpital Necker - Ligaran - E-Book

Histoire de l'hôpital Necker E-Book

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Extrait : "Vers la fin du XVIIIe siècle, les auteurs qui se sont occupés des hôpitaux nous ont laissé un tableau sombre et terrible de certains de ces établissements..."À PROPOS DES ÉDITIONS Ligaran : Les éditions Ligaran proposent des versions numériques de grands classiques de la littérature ainsi que des livres rares, dans les domaines suivants : • Fiction : roman, poésie, théâtre, jeunesse, policier, libertin. • Non fiction : histoire, essais, biographies, pratiques.

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À MON ONCLE DUMERGUE

À MON MAITRE ET PRÉSIDENT DE THÈSE

M. LE PROFESSEUR LABOULBÈNE

Professeur d’histoire de la médecine à la Faculté de médecine de Paris,

Membre de l’Académie de médecine,

Médecin de l’hôpital de la Charité,

Officier de la Légion d’honneur.

Avant de commencer l’histoire de l’hôpital Necker depuis sa fondation jusqu’à nos jours, avant de raconter comment cet établissement porta successivement les noms d’hospice de Charité des paroisses Saint-Sulpice et du Gros-Caillou, d’hospice de l’Ouest et enfin d’hôpital Necker, nous tenons avant tout à remercier publiquement M. le professeur Laboulbène. Que notre président de thèse reçoive donc ce faible témoignage de gratitude et de reconnaissance pour les encouragements qu’il nous a donnés et pour les savantes leçons qu’il n’a cessé de nous prodiguer pendant le cours de nos études.

Ce travail est divisé en quatre parties :

 

I. Histoire de la fondation de l’établissement sous le nom d’Hospice de Charité et administration de la Maison par Mme Necker.

II.Époque de la Révolution française, Hospice de l’Ouest, puis Hôpital Necker, et transformations successives de l’hôpital sous ce dernier nom.

III. Hôpital Necker actuel. Hygiène. Chauffage. Ventilation. Mortalité. Service médical.

IV. Pièces annexées.

PREMIÈRE PARTIEHospice de Charité des paroisses de Saint-Sulpice et du Gros-Caillou
Fondation de l’établissement et administration de Mme Necker à « l’Hospice de Charité »

Vers la fin du XVIIIe siècle, les auteurs qui se sont occupés des hôpitaux nous ont laissé un tableau sombre et terrible de certains de ces établissements ; l’Hôtel-Dieu, le plus mal tenu, il est vrai, faisait dire à Tenon, Rapport sur les hôpitaux, page 149 : « L’Hôtel-Dieu est bâti contre l’intérêt des pauvres, de la Société, ses propres intérêts, les règles de l’art de guérir et en même temps contre celles de la prudence, » et dans le rapport de la commission chargée par l’Académie de médecine de l’examen du projet d’un nouvel Hôtel-Dieu, on lit cette phrase (page 71) :

« La conservation de cet hôpital produit donc le même effet d’une sorte de peste qui désolerait constamment la capitale. »

L’état des malades, dans cet hôpital, était déplorable ; empilés jusqu’à six dans des lits de 4 pieds 4 pouces de large, obligés pour s’y placer de se mettre trois à la tête et trois aux pieds, perchés quelquefois jusque sur le ciel de lit, ces malheureux ne pouvaient goûter ni repos, ni sommeil ; toutes les règles de l’hygiène étaient méconnues ; entassés au point de n’avoir qu’une toise cube d’air par personne, respirant un air profondément vicié par leur présence et par toutes sortes de déjections et de détritus, les malades vivaient dans une promiscuité redoutable pour leur guérison. Quelle que soit la maladie qui les avait amenés, dans les jours d’encombrement tous étaient confondus ; on plaçait un entrant dans le lit d’un galeux qui venait de mourir, quelquefois sans enlever le mort, et les convalescents, les phtisiques, les fiévreux, les varioleux, les fous et les enragés, tous atteints de la gale et dévorés par la vermine, vivaient dans les mêmes salles sans nul souci de la contagion.

Justement émue de l’aspect de tant d’infortunes et de misères, une des dames les plus charitables du temps, Mme Necker résolut d’utiliser le pouvoir de son mari, directeur général des finances, pour venir en aide aux malheureux. La question des hôpitaux était alors souvent agitée, et le gouvernement s’occupait à juste titre de les améliorer.

Étant données les idées du jour, M. Necker, directeur général des finances, alors tout puissant, n’eut pas grande peine à obtenir du roi une somme de 42 000 livres qui devait être prise tous les ans sur les fonds de la loterie royale, pour faire l’essai d’une maison de charité de 120 lits.

Cet établissement devait être sous la haute direction de Mme Necker, qui se chargeait de veiller à tout et se faisait forte de démontrer victorieusement qu’avec une somme minime, relativement aux autres hôpitaux, grâce à une bonne administration, elle ne mettrait qu’un malade par lit au lieu de quatre ou cinq, « en les soignant avec toutes les attentions de la plus tendre humanité ».

L’argent trouvé, il fallait un local.

Les Bénédictines de Notre-Dame-de-Liesse venaient d’être supprimées. Ces religieuses, établies, en 1631, à Réthel, diocèse de Rheims, avaient quitté ce pays pour fuir les malheurs de la guerre. Elles se réfugièrent rue du Vieux-Colombier, à Paris, où la duchesse de Longueville et la comtesse de Soissons les prirent sous leur protection, et là se consacrèrent à l’éducation des jeunes filles. En 1649, elles prennent possession d’une propriété connue sous le nom de Jardin de l’Olivet, au-delà de la barrière de Sève, où plus tard elles firent élever une chapelle. Peu à peu le nouveau couvent devint désert, et en 1775 il n’y avait plus que sept religieuses.

En 1778, par suite de leur suppression, l’immeuble était devenu vacant, et sur les conseils de M. Colombier, inspecteur général des hôpitaux et établissements de secours, Mme Necker choisit cette vaste maison pour y établir l’hospice de 120 lits.

La date exacte de ce fait se trouvait difficile à préciser, et les archives de l’administration générale de l’assistance publique n’ayant à aucune époque, même antérieure aux incendies de mai 1871, possédé de fonds relatifs à l’histoire de l’hôpital Necker, il a fallu nous en rapporter à nos recherches personnelles. Or voici ce que nous trouvions à ce sujet : Tenon, dans son mémoire sur les hôpitaux, ne donne pas de date ; il dit seulement « que l’on est redevable de cet établissement aux soins et au talent d’une dame à qui les hôpitaux et les prisons ont de grandes obligations ». Camus et Duquesnoy (Rapport au Conseil général des hospices sur les hospices et hôpitaux de Paris) disent que Mme Necker forma, en 1778, le projet de cet établissement. Dans le rapport fait au Conseil général par un de ses membres sur l’état des hôpitaux et hospices de 1804 à 1814, nous trouvons cette phrase :

« Le roi ayant accordé, en 1779, 42 000 livres, etc., etc. » D’après Husson, c’est en 1776 que les 42 000 livres avaient été données.

La cause de ces allégations contradictoires provient de ce que Mme Necker, pour éviter de mettre son établissement sous la domination de l’archevêque de Paris, « avait éludé les lettres patentes ». Ces lettres patentes donnant une date auraient empêché toute incertitude. En leur absence, on aurait pu néanmoins se rapprocher de la vérité, ce qu’avaient fait Camus et Duquesnoy, car en consultant les rapports et les registres de l’hospice, publiés régulièrement pendant les dix premières années, c’est-à-dire pendant la gestion de Mme Necker, on trouve des preuves certaines que l’établissement a été fondé en 1778.

Ces rapports et ces registres ont été rédigés par un commis des finances nommé Accard, sous la direction de Mme Necker. Le premier, fait pour l’année 1779, édité par l’imprimerie Royale en 1780, dit (page 4) : aprèsune épreuve de plus d’une année ; et ailleurs (page 15) :

« On remarquera que le jeune médecin (M. Galatin) qu’on a employé la première année n’a pas voulu de rétribution. »

D’un autre côté, le curé de Saint-Sulpice disait en 1778 : Enfin, nous avons un hospice de charité qui sera comme l’infirmerie de la paroisse.

Il nous était donc permis de penser que l’ancien établissement des Bénédictines de Notre-Dame-de-Liesse avait été aménagé pour devenir un hospice vers la fin de 1778.

Des recherches faites aux archives nationales nous permettent de préciser exactement les dates.

Il résulte des documents que nous donnons à la fin de ce travail, que les 42 000 livres furent accordées suivant décision du roi, le 5 septembre 1778 ; quant à la première ordonnance pour toucher cette somme, elle est datée du 13 septembre de la même année, mais Louis XVI avait dû s’engager beaucoup plus tôt, et l’on comptait sur sa promesse, puisque dans une note manuscrite, due probablement à la plume de M. Accard, Mme Necker dit : « J’ai dépensé, depuis le 2 juin jusqu’au 1er septembre, pour neuf sœurs, un portier, un jardinier et deux domestiques que j’ai entretenus à l’hospice, afin de tout préparer pour la réception des malades… 287 livres » et elle détaille la manière dont elle a dépensé les 42 000 livres. Cette note manuscrite que nous donnons comme document nous apprend que les malades sont entrés le 27 septembre 1778, car en donnant la dépense du mois de septembre de cette année, il est dit :

« La dépense du mois de septembre pour les 14 personnes de service, les malades n’ayant été pris que le 27 de ce mois, et la dépense des malades pendant les trois jours s’est élevée à 506 livres 15 sols. »

Enfin, pour compléter tous ces renseignements, nous avons retrouvé une copie du bail passé pour la location de la maison entre le sieur Jacques Montgolfier, négociant, économe des biens du monastère de Notre-Dame-de Liesse et le Messire Jean-Joseph Faydit de Tersac, curé de Saint-Sulpice, par devant Me Jacques-Claude Perron et Jean-Pierre Dosne, conseillers du roi, notaires au Châtelet de Paris, pour le bail fait pour neuf ans à partir du 1er juin 1778, moyennant 3 600 livres par an pour l’immeuble et 600 livres par an pour les meubles. Dix mille livres furent versées pour tenir lieu de la valeur des meubles.

L’expédition que nous avons eue entre les mains avait été faite sur la demande de Mme Necker, et voici à quelle occasion.

Ne se souciant pas d’être entravée dans son administration, la femme du fameux financier « avait éludé les lettres patentes » qui auraient mis son établissement sous la domination de l’archevêque de Paris. Or, le bail passé entre le curé de Saint-Sulpice et le sieur Montgolfier économe des biens de Notre-Dame-de-Liesse portait que dans le cas où l’immeuble loué serait vendu, soit à l’amiable, soit par autorité de justice, ledit bail serait résilié de droit du moment de la prise de possession des acquéreurs. On conviendra que c’était s’engager imprudemment quand il s’agissait d’un établissement aussi important et qui avait exigé tant de premiers frais. Mme Necker ne dut pas être consultée sur la rédaction du contrat, car elle s’en plaint dans la note où elle en réclame une expédition.

Mais il advint ceci : mécontent sans doute de n’avoir pas la haute main sur cet établissement fondé par une étrangère, l’archevêque de Paris manifesta l’intention de réunir ce qui avait été Notre-Dame-de-Liesse à la communauté de Sainte-Périne de Chaillot, qui était complètement ruinée, à tel point que la supérieure demandait la surséance pour les dettes de la maison. En opérant la réunion de ces biens, l’archevêque devenait maître de la situation, car il pouvait à son gré, en faisant exécuter les clauses du bail, mettre Mme Necker en demeure ou d’accepter sa domination ou de quitter la place, ce qui ne pouvait se faire sans des frais qui auraient ruiné le nouvel établissement. Mais il avait compté sans M. Necker ; il y eut entre ces deux personnages un échange de correspondances qui n’eut pas le résultat qu’en attendait l’archevêque.

Ce dernier débuta par annoncer au directeur général l’intention qu’il avait de réunir Sainte-Périne de Chaillot et Notre-Dame-de-Liesse, si du moins le directeur général n’y voyait pas d’inconvénient. Aussitôt Mme Necker demande une expédition du bail et quand elle en voit les clauses désastreuses pour la durée du nouvel établissement, elle charge son mari de la négociation. Aussi M. Necker répond à l’archevêque que le bail est très avantageux pour les propriétaires, que l’immeuble vaut 60 000 livres au plus et que le loyer représente une valeur de 72 000 livres, que par conséquent dans l’intérêt du propriétaire il vaut mieux résilier le premier bail et en passer un autre pour trente ans. On doit considérer d’ailleurs les dépenses faites pour l’aménagement, 60 000 livres au minimum, et un bail de neuf ans n’est pas suffisant pour indemniser de tant de dépenses. Il ajoute enfin que l’établissement sera ruiné quand bien même le nouveau propriétaire renoncerait au droit de résiliation du bail.

La réponse de l’archevêque, commencée sur un ton assez vif, met en parallèle les besoins d’une communauté dans la misère avec ceux d’un établissement nouvellement fondé et aux sentiments d’humanité invoqués par le directeur général, il oppose sa promesse, les droits acquis, etc., etc., puis tout d’un coup, il revient sur un ancien projet que lui avait soumis le curé de Saint-Sulpice. Celui-ci l’avait engagé, dit-il, à faire l’achat de l’immeuble de la rue de Sève. Cela arrangerait tout, n’empêcherait pas la réunion des deux maisons, tirerait les sœurs de Sainte-Périne d’embarras et, d’un autre côté, il n’y aurait rien à craindre d’un nouvel acquéreur étranger. Seulement il fait ses conditions.

« Vous devez comprendre, dit-il, combien il est juste que je sois assuré de jouir sur cet hôpital de tous les droits qui sont dus à mon siège et que j’ai énoncés dans une note ».

C’était justement ce que l’on voulait éviter à tout prix. Dans sa lettre l’archevêque demandait des lettres de surséance pour les dettes des religieuses de Sainte-Périne de Chaillot, afin d’avoir le temps d’arranger les affaires. Le directeur général transmet la demande à Amelot, qui refusa net, en disant que les créanciers étaient des fournisseurs exempts de droit de ces sortes de mesures, et Necker engage l’archevêque à donner aux sœurs de Sainte-Périne de Chaillot le conseil de vendre les biens qu’elles possédaient en province.

C’est ainsi que se termina cette petite lutte. Notre-Dame-de-Liesse et Sainte-Périne ne furent pas réunies, l’archevêque en fut pour ses offres. La communauté de Sainte-Périne vendit ses biens à Compiègne, sans se voir accorder la faveur qu’avaient les hôpitaux d’être dispensés des frais de vente, faveur qu’elles réclamaient à grands cris en arguant de leur profonde misère.

Mme Necker resta maîtresse de la situation et garda la place, mais elle n’oublia pas les désagréments que lui avait attirés le curé de Saint-Sulpice, par la mauvaise rédaction du bail, et elle n’était pas éloignée de croire qu’il y avait eu connivence entre lui et l’archevêque.

Quant au nom que portait l’hospice, nous le trouvons cité, par le peu d’auteurs qui s’en sont occupés, sous le nom d’hospice des paroisses de Saint-Sulpice et du Gros-Caillou, et cependant, dans les registres que tint Mme Necker pendant les dix années de sa direction (1779-1788), l’hospice est désigné sous le nom d’hospice de Charité.

Quoi qu’il en soit, le choix de l’Établissement des Bénédictines n’était pas heureux. Malgré la situation générale de l’immeuble qui était entouré de jardins et assez isolé, il n’était pas dans de bonnes conditions d’hygiène, car les salles étaient basses, les dortoirs transformés n’avaient pas les dimensions convenables pour recevoir autant de lits, les croisées trop hautes et, comme il arrive dans tout établissement détourné de sa destination première, il y eut de grandes difficultés d’aménagement ; on passa outre. Mais nous verrons plus tard les résultats de cette installation défectueuse, et nous rapporterons les jugements cruels que l’on ne ménagea pas à cet établissement.

Nous allons, pour le moment, laisser la parole à Mme Necker, et transcrire à peu près in extenso une partie du premier rapport qu’elle fit :

« Pour servir, dit-elle, aux personnes charitables qui voudraient prendre modèle et pour démontrer combien il fallait peu pour soulager les malheureux quand l’ordre et la charité régnaient dans une maison ».

Il est certain qu’au point de vue administratif, peu d’établissements hospitaliers étaient aussi bien tenus et cela à peu de frais, 17 sols environ par malade et par jour, du moins au début, car la journée augmenta quand les franchises furent supprimées et que la Révolution eut changé l’organisation des hôpitaux.

Hospice de Charité sis près la Barrière de Sèvres à Paris

Imprimerie royale, MDCCLXXX

HOSPICE DE CHARITÉ

 

Institution, règles et usages de cette maison.