Histoire philosophique et politique de l'Occulte - Ligaran - E-Book

Histoire philosophique et politique de l'Occulte E-Book

Ligaran

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  • Herausgeber: Ligaran
  • Kategorie: Ratgeber
  • Sprache: Französisch
  • Veröffentlichungsjahr: 2015
Beschreibung

Extrait : "La plus haute expression de l'Occulte, si nous en croyons ses historiens anciens et ses adeptes actuels les plus compétents, se trouvait dans l'enseignement des Mages. Nous avons écrit « ses adeptes actuels » car, présentement, à l'heure où toutes les convoitises se tournent vers les situations politiques, qui rapportent tout à la fois, honneurs et profits, sans grandes dépenses d'honnêteté ni de savoir, ou vers les principalats scientifiques, qui ..."

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EAN : 9782335034479

©Ligaran 2015

À la Mémoire de MON PÈRE

Et de CHARLES BOISSAY

À ALFRED SONNET

À mes Collègues de la Société « les Amis des Lettres »

Préface

Je suis très heureux de présenter au grand public des lecteurs sérieux un ouvrage destiné à appeler leur attention sur une branche particulièrement curieuse de l’arbre des connaissances humaines. Cet arbre, toujours grandissant, qui nous a donné en notre siècle tant d’admirables progrès : astronomie physique, analyse spectrale de la lumière, vapeur, télégraphe électrique, téléphone, et tant d’autres merveilles, nous offre en ce moment, dans l’étude du magnétisme, de l’hypnotisme, du spiritisme, des rameaux d’avenir, des espérances nouvelles, la science expérimentale ne dédaignant plus d’analyser des phénomènes qui, jusqu’à ces derniers temps, avaient été relégués dans le domaine des sciences dites « occultes ». En fait, dans la nature, il n’y a rien d’occulte, de surnaturel : il y a l’inconnu. Mais l’inconnu d’hier devient la vérité de demain.

J’assistais dernièrement à de curieuses expériences d’hypnotisme et de suggestion faites à la Salpêtrière. Dans ces expériences, d’éminents physiologistes, de savants docteurs de la Faculté, dont tes maîtres traitaient naguère encore le magnétisme de « simple farce », font, sans avoir l’air de le savoir, de véritables expériences magnétiques, continuant l’œuvre de Mesmer, de Deleuze, de Puységur, de Dupotet et de leurs émules ; sans doute, c’est sous un autre nom, sous une autre forme, et c’est surtout autrement étudié. La méthode expérimentale règne dans sa rigueur, l’étude des phénomènes est plus judicieuse, les travaux sont plus scientifiques, mais il s’agit, au fond, de la même question, et nous devons y applaudir. Entre des mains compétentes, cette très intéressante question sort de l’ornière dans laquelle elle était traînée. En général, les magnétiseurs étaient peu instruits, étrangers à l’esprit scientifique, désespérément incapables de savoir même de quoi il s’agissait, et plus incapables encore de diriger une telle étude dans une voie féconde. Aujourd’hui elle marche à grands pas. Sans doute on rencontre encore, dans le sanctuaire même de la science, des sujets, charmants d’ailleurs, qui, sans aucun intérêt, simulent des impressions qu’ils ne ressentent pas. Ces jeunes filles éprouvent un certain charme à laisser croire au grave professeur qu’elles subissenttels ou tels effets, puis qu’elles oublient tout de suite ce qui s’est passé pendant le sommeil magnétique, – lisez hypnotique, – et qu’ayant reçu un ordre pendant ce sommeil elles l’exécutent ensuite machinalement, sous l’influence d’une force mystérieuse. Mais on peut prendre des précautions. Pour ma part, j’ai toujours eu moins de confiance dans le magnétisé que dans le magnétiseur, dans le sujet que dans l’expérimentateur. En général, plus l’homme est savant, plus il est naïf, – quoique la réciproque ne soit pas vraie du tout. Une jeune fille de dix-huit ou vingt ans est souvent très malicieuse, même pendant le sommeil… hypnotique.

Toutes précautions prises pour n’être point dupé, on produit des phénomènes qui modifient profondément les idées admises jusqu’à ce jour sur la personnalité humaine et ses facultés. Je dis au sujet, en lui mettant dans les mains au paquet de cartons blancs, en lui affirmant que ce sont des portraits, de chercher le mien. Elle le trouve, constate la ressemblance imaginaire. Je le lui prends des mains, y trace une marque quelconque, de moi seule connue, et remets le carton dans le paquet en le mélangeant. Puis, je la prie ; à son réveil, de rechercher ledit portrait, en le lui offrant pour son album. À son réveil, sans se souvenir toutefois de l’objet dont il s’agit, elle va chercher au loin, sous une couverture d’un litd’hôpital où je suis allé le cacher, ledit paquet, dans lequel elle retrouve la carte marquée. Comment a-t-elle retrouvé cette carte dans cinquante cartons blancs identiques ? C’est ce qu’il est difficile de deviner. – Sans doute, en manipulant cette carte pour y « trouver » la ressemblance, le sujet peut avoir adouci un angle, donné un coup d’ongle, effacé le glacé sous la pression des doigts, etc. Mais, après avoir beaucoup cherché, nous n’avons rien découvert.

*
**

– Vous avez lu, mademoiselle, il y a huit jours, dans les journaux, lui dit un juge d’instruction, l’histoire de ce charbonnier qui a tué sa femme ?

– Non, monsieur.

– Comment ! vous ne vous souvenez pas ? Voyons ! ce charbonnier du coin de la rue de Sèvres, qui a tué sa femme parce qu’elle ne voulait pas boire de la tisane.

… Pas de réponse.

– Rappelez-vous, mademoiselle. Dans l’arrière-boutique, la femme était couchée, malade ; elle refusait de boire sa tisane, le charbonnier s’est fâché. On croit qu’il avait bu. Ils se sont disputés, et d’une bûche de bois il l’a assommée…

– Ah ! oui, le charbonnier, tout noir. Quel vilain homme, avec sa barbe et ses gros yeux. Il l’a assommée.

– Est-ce que vous l’avez vu ?

– Je crois bien. Je venais justement d’entrer dans la boutique…

– Vous êtes sûre qu’il l’a tuée ?

– Du premier coup de bûche.

– Si vous étiez appelée comme témoin, l’affirmeriez-vous en justice ?

– Certainement.

– C’est que, vous savez, il s’agit de sa vie. Si le fait est prouvé, il montera sur l’échafaud.

– Il a bien tué sa femme ! Ce ne sera que justice.

– Et vous, si vous étiez déclarée faux témoin, vous seriez condamnée sévèrement.

– Comment ! est-ce que je ne l’ai pas vu ?

– Eh bien ! dans ce cas, à votre réveil, vous trouverez sur la table une déclaration sur papier timbré. Vous la signerez.

En effet, un quart d’heure après, la jeune fille, réveillée, cherche la déclaration, la lit avec attention et la signe sans hésiter, avec le sentiment du devoir accompli.

*
**

– Vous connaissez, suggère-t-on à un autre sujet, vous connaissez l’infirmier qui a empoisonné hier six malades ?

– Qui donc ?

– Paul.

– Ah ! oui. Quel sournois !

– Le malheur est qu’elles sont mortes toutes les six cette nuit. On va les enterrer demain… Il leur en voulait. Et il a dit ce matin qu’il empoisonnerait tout l’hôpital.

– Le misérable !

– Du reste, il avait déjà étranglé sa mère !

– Oh ! les lâches !

– Qui ?

– Vous tous, parbleu. Comment ! vous ne pouvez pas lui donner un coup de couteau ?

– Et vous ?

– Moi ! Tout de suite.

– Non, attendez que vous soyez réveillée. Tenez, voilà un couteau. Mais n’allez le tuer que quand midi sonnera.

Un souffle sur le front réveille la jeune fille. Elle garde son couteau à la main, comme en proie à une hallucination, sans paraître se souvenir de l’épisode. Dix minutes se passent en conversations plus ou moins décousues. Midi sonne. Elle cherche l’infirmier, occupé au fond de la salle à verser une tisane dans une tasse, se précipite sur lui et… lui donne un coup de couteau dans le dos, en détournant la tête. – Il est superflu d’ajouter que l’infirmier était prévenu et que l’arme était un couteau de théâtre.

Nos lecteurs connaissent les travaux récents si remarquables de MM. Charcot, Dumontpallier, Luys, Liébault, Liégeois, Bernheim, Richet et de leurs émules, travaux d’où il ressort avec certitude que la suggestion imposée par l’expérimentateur à son sujet se substitue à sa propre volonté. L’hypnotisé devient un automate inconscient et agit suivant les ordres suggérés. L’acte ordonné peut être fixé à plusieurs jours, plusieurs semaines, plusieurs mois même de distance ; il sera accompli par le sujet, parfaitement éveillé, aussi sain d’esprit et de corps que vous on moi, en apparence aussi libre, et qui pourtant agira là sans responsabilité aucune. On a vu des personnes aller s’accuser chez le commissaire de police ou chez le procureur de la République de crimes imaginaires qu’elles racontaient dans les termes mêmes où on les avait dictés quelques jours auparavant. Une jeune fille qui aimait beaucoup sa mère, a tiré sur elle un coup de revolver avec le plus grand sang-froid, croyant l’arme chargée. Pendant une expérience, le professeur suggère à une dame l’idée de venir le voir tel jour, à telle heure. Ce jour-là, à l’heure exacte, par un temps épouvantable, elle arrive chez lui. « Je ne sais réellement pas pourquoi je viens, dit-elle ; j’avais du monde chez moi, j’ai couru pour venir ici, et je n’ai pas le temps de rester. C’est absurde, je ne comprends pas pourquoi je suis venue. Est-ce encore un phénomène de magnétisme ? »

On savait depuis longtemps que, dans l’état de magnétisation, le sujet est à la discrétion complète du magnétiseur. Les expériences nouvelles établissent qu’après être réveillé du sommeil hypnotique le sujet garde dans son esprit ce que l’expérimentateur lui a imposé.

Et remarquez qu’il ne s’agit pas ici de personnes malades, prédisposées à quelque genre d’hallucination, nerveuses ou hystériques (ce dernier terme étant pris dans son sens général, physiologique, et non dans son mauvais sens vulgaire). Il s’agit de la première personne venue. Sans doute, tout le monde n’est pas « hypnotisable » ; mais, sur cent personnes, hommes ou femmes, de dix-sept à trente ans, il y en a de vingt à trente sur lesquels les expériences réussissent.

Placée, sans s’en douter d’ailleurs, sous la domination psychique de celui qui l’a magnétisée, la personne à laquelle une suggestion a été communiquée obéira automatiquement à cette suggestion ; elle ira machinalement insulter, voler, assassiner, sans savoir pourquoi. Sa personnalité est modifiée. Elle sera convaincue de faits qui n’ont jamais existé.

Et maintenant, le moraliste demande : Qu’est-ceque la certitude humaine ? et embrassant les choses sous un aspect général, il se demande aussi où commence et où finit la responsabilité. Car, ce que l’hypnotisme fait tout d’un coup, l’influence de chaque jour le produit graduellement sur tous les esprits.

*
**

Les expérimentateurs commencent à aller très loin. Tout récemment, on a signalé la production, sur un sujet hypnotisé, de stigmatisations analogues à celles de Louise Lateau et de plusieurs saints dont l’histoire de l’Église est émaillée, et à l’une des dernières séances de l’Académie des sciences, on discutait l’effet produit par un vésicatoire imaginaire créé par simple suggestion ; tous les symptômes d’une vésication commençante ont été observés. On n’a pas oublié, du reste, l’histoire déjà ancienne de ce condamné à mort auquel on fit croire qu’on lui ouvrait les quatre veines et qui en mourut en effet, subissant les phases de l’agonie décrite par le médecin.

Physiologiquement, c’est déjà remarquable. Psychologiquement, c’est plus grave encore. À la suggestion de l’opérateur, la personne hypnotisée peut oublier complètement son propre nom et même sa personnalité, de femme se croire homme et réciproquement, de jeune se croire âgée ou enfant, s’imaginer même, en toute sincérité, être un animal quelconque, et par exemple, se croyant perroquet, chercher du grain, le recevoir, le croquer avec délices, etc., etc. Un verre d’eau pure peut être pris, à la volonté de l’opérateur, pour de l’absinthe, pour du cognac, pour une potion purgative, et en produire les effets, etc.

Ce n’est pas tout ; certaines expériences auxquelles j’ai assisté, mais qui ne me paraissent pas encore absolument inattaquables, tendent à établir que la pensée, de l’expérimentateur peut se transmettre à travers un mur, et même à une grande distance, et que, dans un certain état d’excitabilité, le sujet peut lire sans le secours des yeux. Récemment, un sujet du docteur Brémaud, assis dans une chambre au coin du feu, a entendu et répété la conversation que deux personnes tenaient à voix basse dans la rue, à une cinquantaine de mètres. On cite plusieurs cas de somnambulisme naturel dans lesquels les somnambules ont lu les yeux fermés, corrigé des écrits, calculé, rédigé des formules médicales, etc. Tout un nouvel ordre d’appréciations est ouvert pour l’analyste et le chercheur. Et, MM. les physiologistes ont beau dire, il me semble bien qu’il y a plus d’âme que de corps dans tout cela.

*
**

De tous ces faits, et de tous ceux qui s’y rattachent, de près ou de loin, dans les sciences désignées sous le nom de sciences occultes, magnétisme, hypnotisme, spiritisme, aucun n’est nouveau, car on les retrouve – et bien d’autres – dans la magie et la sorcellerie des anciens âges ; c’est l’étude qui en est nouvelle, par le caractère scientifique qu’on lui imprime actuellement. Des centaines de pauvres gens ont été brûlés comme sorciers après s’être, de très bonne foi, accusés de crimes imaginaires. À mesure qu’elle s’agrandit et se développe, la science se fait plus éclairée et plus tolérante. Naguère encore – et il en reste autour de nous – des savants, entendant raconter un fait qu’ils ne comprenaient pas, disaient tout simplement ; c’est impossible, et s’arrêtaient là. Aujourd’hui, on commence à sentir qu’il est imprudent de s’exprimer ainsi. La vapeur, la télégraphie électrique, l’analyse spectrale de la lumière des astres, le téléphone sont tout simplement des merveilles. Impossibilités hier, vérités banales aujourd’hui. L’âme humaine, plus inconnue de nous que le système du monde, les planètes et les étoiles, l’âme humaine entre désormais dans le laboratoire de l’observation positive et même de l’expérimentation. Heureux seront les fils du vingt et unième siècle, qui approche à grands pas. Pour eux l’inconnu aura reculé ses bornes.

Mais, quoi que nous fassions, l’inconnu restera toujours plus considérable que le connu. L’homme est un infiniment petit perdu au sein de l’infinimentgrand. Le connu restera la goutte d’eau ; l’inconnu restera l’océan.

En voyant s’élever dans le cabinet de d’Alembert la pile des in-folios qui préparaient l’Encyclopédie, un érudit s’étonnait du volume de la publication… – Si l’on pouvait rédiger l’Encyclopédie de ce qui nous reste à apprendre, repartit le philosophe, toute la surface du globe, recouverte de papier, ne suffirait pas pour l’imprimer.

La recherche de l’inconnu sera toujours l’étude des esprits soucieux des plus grands problèmes de la création. Il en a été de même dès la plus haute antiquité historique, dès l’astrologie des Égyptiens et des Chaldéens, dès la magie du Moyen Âge, et dans tous les siècles, l’occulte, l’inconnu, a sollicité la curiosité studieuse des chercheurs.

On ne peut qu’applaudir l’auteur de cet ouvrage, M. Fabart, d’avoir voulu présenter l’historique de ces tendances de l’esprit humain. C’est l’histoire de l’esprit humain lui-même, envisagée sous l’un de ses aspects les plus intéressants.

CAMILLE FLAMMARION.

Première partie
CHAPITRE PREMIERLes Mages

La plus haute expression de l’Occulte, si nous en croyons ses historiens anciens et ses adeptes actuels les plus compétents, se trouvait dans renseignement des Mages.

Nous avons écrit « ses adeptes actuels » car, présentement, à l’heure où toutes les convoitises se tournent vers les situations politiques, qui rapportent, tout à la fois, honneurs et profits, sans grandes dépenses d’honnêteté ni de savoir, ou vers les principalats scientifiques, qui font des savants les hommes liges du qu’en dira-t-on, mais leur donnent, en échange de la liberté, la notoriété et l’opulence ; à la fin du dix-neuvième siècle, qui se fourvoie en un matérialisme désespérant ou en un positivisme niveleur, il existe encore, de-ci, de-là, quelques illuminés, « penseurs retardataires et prédestinés aux petites-maisons », comme on les appelle, qui rêvent la restauration de l’Occulte et prétendent en posséder ou en retrouver le secret. Pour ces amoureux de l’archaïsme, le bonheur de l’humanité dépend de formules cabalistiques et la véritable solution à la question sociale nous viendra de l’Inde et du Thibet, car c’est là seulement que la science de la Magie se serait perpétuée dans toute son intégralité. Et ils affirment, sur la foi de correspondants qui prétendent les avoir vus et entretenus, qu’il y a, en ces contrées mystérieuses, des hommes encore vivants qui furent les contemporains et les disciples de That-Hermès, le grand législateur de l’Occulte.

À ce compte – ou d’après ce conte – ces survivants de civilisations disparues chiffreraient leurs années par trois ou quatre mille, car, pour retrouver leur berceau, il faut nous reporter à une époque bien antérieure à Moïse, puisque ce prophète s’initia à l’école des Mages de l’Égypte, lesquels procédaient des Mages chaldéens qui s’élevèrent dans la famille de Sem, deux ou trois siècles après le Déluge.

Nous nous récrions contre l’invraisemblance d’une pareille assertion : la vie humaine a toujours été, à ce qu’il semble, beaucoup plus éphémère. Un centenaire paraît un phénomène de longévité à l’époque actuelle ; que penser alors de gens plusieurs fois millénaires ? Ces existences-là deviennent fabuleuses pour nous et nous nous rions volontiers de ceux qui y croient, ou font profession d’y croire. Cependant il ne faut pas oublier qu’à, côté des récits concernant l’âge étonnant de certains, continuateurs d’Hermès, on en fait d’autres, non moins invraisemblables qui, pourtant, s’appuient, sur des témoignages sérieux. Voici, par exemple, un évènement moderne que les adeptes de l’Occulte mettent à son actif et qui a pour garant de son authenticité les autorités britanniques chargées de le contrôler et contre l’influence desquelles il se produisait d’ailleurs.

Un fanatique indou, afin d’augmenter sa réputation de sainteté devant ceux de sa nation, prétendait pouvoir vivre sous terre, sans boire, ni manger, tout le temps des semailles à la récolte. Conformément à sa demande, on l’étendit dans un cercueil que l’on scella et on le mit dans une fosse profonde que l’on reboucha avec de la terre et sur laquelle on sema du grain. Pour plus de sécurité encore contre toute tentative de supercherie, une garde anglaise veilla, tour et nuit, aux alentours de la tombe et, ainsi, l’expérience devint tout à fait concluante. Six mois plus tard, quand le grain eut poussé et muri, on retira le patient de son cercueil. D’abord on le crut trépassé ; mais, après quelques passes et frictions faites à la manière qu’il avait indiquée avant son enfouissement, il revint réellement à la vie et à la santé ! !…

C’est aussi dans l’Inde, comme chez d’autres peuples de civilisation primitive, que l’on trouve des hommes qui se rendent – ou paraissent tels – insensibles à la douleur physique et peuvent impunément absorber des poisons et manier des serpents venimeux.

Doivent-ils cette immunité particulière à la pratique de l’Occulte ? D’aucuns l’affirment, tandis que d’autres n’y veulent voir que la conséquence d’organisations ou de maladies spéciales, ou la fantasmagorie apparente de trucs cachés.

Quoi qu’il en soit à cet égard, « science réelle, névrose ou prestidigitation », l’histoire de l’antiquité renferme une foule de faits analogues et nous rappellerons, en nous autorisant du « Lévitique », que les magiciens de Pharaon luttaient contre les miracles de Moïse à coups de prodiges : ainsi, par leurs formules cabalistiques, ils changèrent la poussière en moucherons, l’eau en sang et une baguette en serpent. Et, jusque-là, la seule supériorité de Moïse sur eux fut que son serpent, « celui du miracle par Jéhovah », dévora le leur, « celui du prodige par l’Occulte. »

Sans doute, beaucoup de lecteurs ne voudront accorder à ce que racontent les Livres Saints, concernant notre thèse, qu’une valeur purement historique et contingente. Nous nous garderons bien de critiquer leurs réserves ; nous n’acceptons nous-même que sous bénéfice d’inventaire ce que nous avons lu ou entendu raconter touchant l’astromancie des Chaldéens, la kabbale des Hébreux, la théurgie des Arabes, la sorcellerie du Moyen Âge, la Magie, en un mot, plus ou moins complète, plus ou moins puissante de toutes les époques et de tous les pays. Notre unique but est d’inciter à l’étude sérieuse de la question, en l’exposant dans toute son ampleur, comme origines, comme développements et comme conséquences immédiates ou futures.

 

D’après une étymologie généralement acceptée, le mot « Magie » viendrait du chaldéen « magdin » qui signifie « science ».

C’est en effet de la Chaldée que les Mages sortirent pour rayonner sur tout l’Univers et l’appellation de « science », appliquée à leur enseignement, à leurs pratiques, à leur savoir, n’est point trop ambitieuse. Ils furent astronomes, philosophes, médecins, poètes, musiciens, législateurs, etc… c’est-à-dire qu’ils possédaient toutes les connaissances exactes et les idées spéculatives auxquelles il fut donné à l’antiquité de s’élever.

Les premières notations de l’humanité eurent évidemment trait à l’astronomie.

Dans le silence de la nuit, les peuples pasteurs observèrent le cours régulier des astres et ils en vinrent à connaître exactement le temps de leurs révolutions. C’était, à la fois, pour eux, une occupation utile et agréable, agréable en ce sens qu’elle atténuait l’ennui du désœuvrement nocturne, utile, parce qu’elle leur permettait de prévoir, avec une exactitude suffisante, le retour des bonnes et des mauvaises saisons.

Dans la majesté et le silence des nuits étoilées, ils occupaient aussi leur pensée de la cause qui avait allumé et projeté tous ces flambeaux dans l’espace : cette cause résida dans l’hypothèse d’un Dieu créateur et conservateur.

« Dieu-Providence » : voilà donc le premier bégaiement de la philosophie, la première pensée religieuse que le Ciel communiqua à la Terre. Et c’est sous l’empire de cette pensée que les Mages disaient, bien avant saint Paul, en parlant de l’Inneffable : « En Lui nous sommes, dans Lui nous nous mouvons et par Lui nous vivons. »

Quels avaient été leurs initiateurs ? L’histoire se tait ; mais nous pouvons leur supposer une longue série d’ancêtres, contemplateurs de l’Univers, qui, patiemment, à petits pas, menèrent l’humanité du concept primitif, la cause d’ensemble « Dieu », à la conception de causes secondaires et médiatement actives. C’est surtout à la connaissance, à la détermination de ces dernières que s’appliquaient les Mages.

Pour n’être point distraits dans leurs recherches et conserver la tradition des découvertes antérieures, ils formèrent entre eux une association sacro-politique, dans laquelle on ne pouvait entrer que graduellement, après un stage fort long, et, surtout, après avoir donné des preuves évidentes d’aptitude et de soumission intellectuelles. Ils acquirent bien vite, ainsi organisés hiérarchiquement, au milieu d’une société plus ignorante qu’eux, le prestige de la sagesse et ils y devinrent juges de tous les différents.

Ce furent eux aussi qui conservèrent la tradition du Monothéisme pur, quand l’idée initiale de « Dieu-Providence » s’oblitéra, s’émietta en une foule de déités souvent ennemies les unes des autres, dans l’absurdité et les horreurs du Paganisme. Mais, cette tradition, ils la renfermèrent dans les arcanes de leurs sanctuaires et les seuls initiés, ayant franchi les limites de l’adeptat, recevaient l’intégralité de l’enseignement magique.

Peut-être même, sans le vouloir expressément, les Mages contribuèrent-ils pour une bonne part à pervertir l’idée religieuse dans le peuple qu’ils dominaient et le poussèrent-ils au fétichisme barbare.

De l’idée mère que l’homme est le summum de la création, son but principal, ils avaient déduit cette conséquence que tout, dans la nature, est à destination de l’humanité et que tout, par conséquent, doit être étudié à ce point de vue spécial. De là leurs investigations terrestres, pour trouver des remèdes à tous les maux, et l’analyse constante du ciel, pour déterminer l’influence particulière de chacun des astres sur les habitants de notre globe. En un mot, ils cherchaient à opérer là-haut, de même qu’ici-bas, la sélection du salutaire et du pernicieux.

À voir ces sages en longues et muettes contemplations devant le firmament, le vulgaire supposa qu’ils l’adoraient : les Mages faisaient de l’Astromancie ; lui, pensant les imiter, tomba dans l’Astrolâtrie…

« Double erreur, folies équivalentes que celle d’adorer les astres et celle de les interroger ! » s’écrie-t-on généralement.

Nous prendrons la liberté d’y contredire quelque peu. L’Astrolâtrie qui, plus tard, se fondit dans le panthéisme chaotique et discordant, comme, par exemple, celui des Égyptiens, des Grecs et des Romains, était incontestablement une dégénérescence, une dépravation de ridée religieuse ; mais faut-il en juger de même, au point de vue scientifique, pour l’Astromancie, appelée plus tard Astrologie ? Celle-ci a eu, de tout temps, des défenseurs parmi les savants les plus en relief et il nous suffira de citer, au hasard, les noms de Pythagore, Platon, Hippocrate, Galien, dans l’antiquité, et, plus près de nous, ceux de saint Thomas d’Aquin, Paracelse, Roger Bacon et Képler, pour prouver que la théorie de l’influence astrale sur nos destinées, enseignée par les Mages et base première de la divination, ne sembla pas toujours aussi vaine qu’on se plaît, après Voltaire, à la qualifier présentement.

De la Chaldée, les Mages se répandirent en Égypte, chez les Hébreux, – (Moïse et Salomon furent Mages), – dans les Indes, – (où l’on en retrouve encore,) – en Grèce, dans les pays de sujétion romaine et dans la Gaulé, – (où ils prirent le nom de Druides). On peut dire sans exagération, qu’avec eux, l’Occulte domina le monde entier ; et, lors même que leurs personnalités devinrent en butté à la haine des gouvernants et à l’animadversion des prêtres, ceux-ci n’en conservèrent pas moins, dans leurs palais et leurs temples, tout ou partie des pratiques de la kabbale prises à l’école des Mages.

Les pythonisses, les sibylles, les augures, les devins, les prêtresses-sorcières de la Gaélique ; toute la foule des vaticinateurs, – nécromanciens, onéirocrites, théurges, alchimistes, thaumaturges, astrologues réguliers ou irréguliers, sorciers et médiums, – descend, en droite ligne, de That-Hermès, et retracer l’histoire de leur processus et de leurs luttes, c’est écrire la genèse intellectuelle, morale et religieuse de l’humanité.

On pourrait consacrer à cette œuvre des in-octavo entiers, sans en diminuer l’intérêt, mais ce serait un trop grand effort pour nous et nous nous bornerons à l’exposé suivant :

– 1° l’Occulte chez les Hébreux, en Grèce et à Rome, en Gaule ;

– 2° la Sorcellerie au Moyen Âge et l’Alchimie ;

– 3° la Théurgie, – spiritisme et magnétisme – à l’époque moderne.

Ces trois divisions correspondent à trois états particuliers de la Magie, (expansion, déchéance, rénovation), et elles nous fourniront l’occasion d’utiliser, dans l’ordre, quelques documents intéressants, particuliers et inédits, qui nous ont porté à écrire ce livre, bien qu’il en existe déjà de nombreux et fort attrayants sur la même matière.

CHAPITRE IIL’occulte chez les Hébreux

Nous n’en commencerons l’histoire qu’à partir de Moïse. Il y eut bien avant lui quelques manifestations de l’Occulte : ainsi, par exemple, Joseph, fils de Jacob, pratiquait l’Onéïrocritie, – (science de la divination par les songes,) et les prédictions qu’il fit au grand échanson, au grand panetier, et au Pharaon lui-même, prouvent l’excellence de sa méthode, puisqu’elles se réalisèrent.

Moïse, en interdisant formellement, et sous les peines les plus sévères, toute pratique de la kabbale, et toute relation avec ceux qui l’exerçaient, nous fournit un point de départ certain, pour évaluer l’intensité de la foi que l’on avait alors au supernaturel. – Moïse, qui avait étudié à l’école des Mages, et qui, savait combien leur influence pouvait contrebalancer la sienne ; – Moïse, qui résolut ce problème, difficile entre tous, d’arracher un peuple à la servitude et de lui donner une patrie, fulmina contre l’Occulte les premiers anathèmes dont on puisse parler en toute sécurité historique, puisque les textes nous en sont parvenus.

En voici quelques-uns :

– « Vous ne souffrirez point ceux qui usent de sortilèges et d’enchantement ; vous leur ôterez la vie. »-(Ex., ch. XII, § 11. v. 18.)

– « Si un homme – dit le Seigneur – se détourne de moi pour aller chercher les magiciens et les devins, et s’abandonne à eux par une espèce de fornication, il attirera sur lui l’œil de ma colère et je l’exterminerai du milieu de mon peuple. » (Lévit., chap. XXII, § 1, v. 6.)

– « S’il s’élève au milieu de vous un prophète, ou quelqu’un qui dise qu’il a eu une vision en songe et qui prédise quelque signe ou quelque prodige ;

Et que ce qu’il avait prédit soit arrivé, et qu’il vous dise en même temps : Allons, suivons les dieux étrangers qui vous étaient inconnus………

Que ce prophète, ou inventeur de songes, soit puni de mort. » (Deut., ch. XIII.§ 1. v. 1, 2, 3, 4, 5.)

– « Lorsque vous serez entrés dans le pays que le Seigneur Dieu vous donnera, prenez bien garde de ne pas vouloir imiter les abominations de ces peuples ;

Et qu’il ne se trouve parmi vous personne qui… consulte les devins, et qui observe les songes et les augures, ou qui use de maléfices,

De sortilèges et d’enchantements, ou qui consulte ceux qui ont l’esprit de Python et qui se mêle de deviner, ou qui interrogé les morts afin d’apprendre d’eux la vérité,

Car le Seigneur a toutes ces choses en abomination. » (Deut., XVIII.§ 11. v. 1, 2, 3, 4.)

Ainsi, historiquement parlant, et au point de vue de la pérennité de la croyance à l’Occulte, voilà qui est concluant : Moïse adjure son peuple de s’éloigner des devins, des magiciens, des enchanteurs, de ceux qui expliquent les songes, des augures, de ceux qui font des sortilèges et des maléfices, de ceux qui devinent par l’esprit de Python, de ceux qui interrogent les morts, de ceux qui prophétisent, lesquelles personnes, maudites de Jéhovah, sont en grande faveur chez tous les peuples circonvoisins. Et la raison qu’il donne, lui, l’interlocuteur, l’inspiré de Dieu, ce n’est point que ces abstracteurs d’avenir abusent de la crédulité populaire et lui débitent des mensonges ; il va même jusqu’à admettre que ce qu’ils prédisent arrivera ; mais il a peur qu’ils ne détournent le peuple du culte de Jéhovah, son Dieu à lui, pour lui faire prendre des dieux étrangers.

En fait, Moïse, élève des Mages, s’écarta de leur méthode, en arrachant les Hébreux à l’oblitération religieuse du Polythéisme et, à cause de cela, il fit, de ses compagnons d’infortune, un peuple qui conserva sa langue et sa religion, malgré la jalousie active des nations qui les environnaient, malgré les plus grandes calamités et les plus épouvantables bouleversements que l’histoire ait jamais enregistrés. Ce succès n’eût point été obtenu, si, à l’exemple de ses maîtres, il eût séquestré l’enseignement du Monothéisme dans les arcanes d’une corporation fermée et d’une science inaccessible au vulgaire. Moïse fut donc le plus remarquable de tous les Théurges, puisqu’il trouva dans l’Occulte la formule libératrice d’un peuple.

Rappelons ici, et pour mémoire seulement, sans y insister, que, pendant les quarante années qu’ils passèrent dans le désert, les Israélites furent témoins de prodiges qui, s’ils étaient des miracles divins, selon l’enseignement des Livres saints, n’en revêtaient pas moins, dans certains cas, une apparence cabalistique.

Ainsi, pour qu’elle engloutisse l’armée égyptienne, Moïse étend sa baguette sur la mer Rouge ; pour faire jaillir l’eau du rocher, il le frappe de cette même baguette ; pour guérir ceux qui souffrent de la morsure des serpents, il les force à regarder une représentation de Python qu’il a fait placer en différents lieux du camp, etc… toutes pratiques que l’on retrouve dans le grimoire des enchanteurs, des nécromanciens, des sorciers de tous les temps.

Les textes cités ordonnent la proscription de ceux qui prophétisent l’avenir, même quand leurs prédictions se réalisent ; ils n’ont pourtant pas empêché que, du temps de Moïse et jusque dans sa famille même, il y eût des prophètes et des prophétesses.

Ainsi, Marie, sa propre sœur, prophétisait. Plus tard, à l’époque des Juges, nous trouvons Déborah en possession de la même faculté. Sous le roi Josias, il y avait à Jérusalem la prophétesse Olda qui prédisait selon la voie du Seigneur. Et, depuis rentrée des Hébreux dans la terre Chanaan jusqu’à la ruine de Jérusalem, sous le règne de Titus, c’est-à-dire pendant une période de quinze cents années, nous voyons apparaître, – aux époques malheureuses surtout, telles que les captivités – une longue suite d’illuminés ou voyants que remplit l’esprit de Dieu. Simultanément, et à côté de ceux-là, d’autres surviennent qui prophétisent, eux, par Astaroth, Asmodée, Thor, Baal, etc… divinités des peuples voisins, l’officine rivale du sanctuaire de Jéhovah, les prophètes du Démon en opposition avec ceux de Dieu.

Les vrais prophètes, ceux du moins que l’on considérait comme tels, fulminaient, à l’exemple de Moïse, d’énergiques anathèmes contre leurs rivaux.

Jérémie s’éleva tout particulièrement contre Hananias, Achab, Sédécias, Séméias. Ézéchiel récrimina amèrement contre les fausses prophétesses, – les ancêtres des sorciers du Moyen Âge, – qui surprenaient la confiance et les faveurs du peuple juif.

– « Elles ont détruit la vérité de ma parole, – fait-il dire au Seigneur – dans l’esprit de mon peuple, pour une poignée d’orge et un morceau de pain. » (Ezéc., ch. XIII, § 11, v. 19.

La grande raison invoquée par les prophètes de Jéhovah – les prophètes officiels, disons-nous, – c’est que les autres induisaient au culte des idoles ou à une observance insuffisante de la loi du Sinaï ; mais il ne nous semble pas qu’au point de vue de la prévision de l’avenir, ceux-ci fussent inférieurs aux premiers.

Il arrivait même parfois qu’un prophète changeait de catégorie, de faux devenait vrai, et inversement.

« Balaam, fils de Béor, devin de profession et faux prophète, fut mandé par un roi ennemi, en guerre avec le peuple d’Israël, pour maudire celui-ci par Astaroth. Mais, comme, à cet effet, il se rendait, monté sur son âne, en un lieu élevé, soudain l’âne parla et l’esprit du Seigneur vrai Dieu emplit le faux prophète. Et celui-ci, à la grande stupéfaction du roi qui l’avait payé pour faire le contraire, bénit Israël et lui présagea la victoire ; ce qui arriva. »

Comme deuxième exemple, nous rappelons sommairement, toujours d’après la Bible, l’aventure de Jonas, qui, s’étant détourné de l’ordre de Dieu, ne reprit sa mission de vrai prophète, qu’après avoir passé trois jours et trois nuits, mystérieux châtiment, dans le ventre d’un poisson.

Quelle était en réalité au point de vue de l’Occulté, de la question spéciale que nous traitons, la différence essentielle entre les vrais et les faux prophètes ? Il n’y en a pas : dans les deux camps, on trouve les mêmes procédés d’induction et de déduction pour les évènements futurs, et la vie d’ascétisme, que menaient généralement les uns et les autres, fait partie des prescriptions de la Magie, aussi bien que des ordonnances mosaïques relatives aux membres du sacerdoce.

On évoquait aussi des morts chez les Hébreux et, cela, encore, et toujours, malgré les textes de Moïse. Citons :

– « Alors Saül dit à ses officiers : Cherchez-moi une femme qui ait l’esprit de Python, afin que je l’aille trouver et que je sache, par elle, ce qui doit nous arriver. » – Le roi Saül avait jusque-là persécuté à outrance tous les pratiquants de la kabbale. Bien des fois nous trouverons cette contradiction chez les gouvernants.

– « Vous savez tout ce qu’a fait Saül et de quelle façon il a exterminé les magiciens et les devins de ses terres ; pourquoi donc me dressez-vous un piège pour me faire périr ? »

Ainsi parla la Pythonisse aux envoyés du roi ; mais elle eut le serment de celui-ci qu’on ne lui ferait aucun mal.

– « Cette femme lui dit : Qui voulez-vous que je fasse venir ? – Il lui répondit : Faites venir Samuel. »

L’homme de Dieu était mort depuis longtemps déjà.

– « La femme ayant vu apparaître Samuel jeta un grand cri… » (Les Rois, ch. XXVIII, § II, v. 7,9, 12.)

 

Si nous quittons maintenant l’Ancien Testament pour ouvrir le Nouveau, nous y trouverons affirmés des faits de voyantisme, d’évocations, d’enchantements et, de plus, l’action directe d’un monde « occulte », inclus dans le nôtre, et agissant, pour ou contre nous, soit qu’on l’y sollicite ou l’y provoque, soit qu’il le fasse spontanément, par bienveillance ou par malice.

L’Évangile parle surtout de l’action du Démon, ou mieux des démons, car, ici, l’Adversaire de Dieu devient Légion. Le Christ lui-même, en tant qu’homme, se trouve en butte à sa malice. L’existence des bons Esprits, comme contrepartie des mauvais, y est également démontrée.

– « Alors le Démon le transporta, (Jésus), hors de la Ville sainte, sur le haut d’une montagne, et, lui ayant montré de grands biens, les puissances terrestres, il les lui promit si, se prosternant devant lui, il voulait l’adorer.

– Mais Jésus répondit : Retire-toi, Satan. Il est écrit que tu ne tenteras pas le fils de Dieu, ton maître… Et, Satan s’étant retiré, des Anges vinrent qui adorèrent et servirent Jésus. » (Math., IV.)

 

Tout, dans l’enseignement et les actes du Christ, justifie la croyance à l’Occulte ; on n’a que l’embarras du choix pour les citations. En voici des plus concluantes :

– « Sur le soir, on lui présenta plusieurs possédés, (on les appelle aujourd’hui « obsédés » ou « suggestionnés ») – et il en chassa les malins Esprits par sa parole… » (Math., VIII-16)

– « Les Pharisiens disaient de lui : Cet homme ne chasse les démons que par la puissance de Béelzébub, prince des démons. Jésus leur répondit : Si c’est par Béelzébub, par qui donc vos enfants les chassent-ils ? (Math., ch. XII… 24.27.)

– « Alors, Jésus ayant appelé ses douze disciples, leur donna puissance sur les Esprits impurs pour les chasser. Rendez la santé aux malades, ressuscitez les morts, guérissez les lépreux, chassez les démons… » leur dit-il. (Math., x… 1.8)

 

Passons maintenant à quelques faits de voyantisme ou d’apparitions puisés à la même source.

– « Un ange apparut à Zacharie pour lui annoncer que sa femme enfanterait un fils nommé Jean.

– « L’ange Gabriel apparut à Marie et la salua en ces termes, etc…

– « Un ange apparut aux bergers qui passaient la nuit dans les champs et leur annonça la naissance du Sauveur » (St Luc, ch. I et II)

 

Aux partisans de l’Astrologie, l’Évangile fournit cet argument :

– « Des Mages de l’Orient virent apparaître une nouvelle étoile au Ciel et ils comprirent qu’un Messie était né. Cette étoile les guida jusqu’à Bethléem… »

 

Les actes des Apôtres – 2e partie du Nouveau Testament, – ne sont pas moins explicites.

Au chap. XIII, il est parlé d’un nommé Simon, qui, exerçant la magie, avait tourné les esprits des habitants de Samarie par ses enchantements.

Au chap. XIII, il est raconté que Barnabé et Paul, au nom du Seigneur, frappèrent de cécité un juif magicien et faux prophète, habitant Paphos dans l’île de Chypre, lequel avait pour nom Bar-Jésu, et pour surnom « Élymas », qui signifie « magicien ».

Dans le chap. XVI, il est fait mention d’une servante qui, « ayant un esprit de Python, apportait un grand gain à ses maîtres en devinant ». Paul, par sa parole, chassa d’elle l’esprit prophétique, ce qui rendit les maîtres de la servante si furieux, qu’ils firent mettre le saint apôtre en prison. Cela arriva à Thyotire, ville de Macédoine, placée alors sous le joug de Romains.

Enfin, pour terminer, disons que le chap. XIX contient ce renseignement, que des exorcistes juifs allaient, de ville en ville, pour chasser les démons, moyennant salaire. Afin d’avoir plus de succès, ils changèrent leur façon de procéder : à l’exemple de Paul, ils imposèrent les mains, en invoquant le nom de Jésus.

Mais la nouvelle méthode leur réussit mal : le démon leur répondit. : « Je connais Jésus et je sais qui est Paul. – Vous, qui êtes-vous ? » Puis, au lieu de s’enfuir, il les maltraita. Cela se passait à Éphèse.

Dans le chapitre XII de la première Épître de saint Paul aux Corinthiens, parmi l’énumération des dons du Saint-Esprit, l’apôtre cite celui de faire des miracles, celui de prophétie, celui de parler plusieurs langues, celui de guérir les maladies etc… tous ces dons constituant une diversité d’opérations surnaturelles. Quand nous traiterons dû Spiritisme et du Magnétisme, nous retrouverons les mêmes facultés dans les médiums parlants, guérisseurs, inspirés, à effets physiques, polyglottes, etc.

L’Apocalypse de saint Jean, le dernier des livres du Nouveau Testament, serait, au dire de certains alchimistes, le récit allégorique de toutes les opérations du « Grand-Œuvre », lequel consiste principalement à transmuer de vils métaux en or pur et à prolonger la vie humaine au-delà de toutes limites. Mais le sens en est si caché que, généralement, on meurt pauvre et jeune sans l’avoir débrouillé, quelque application qu’on y mette, et que l’Apocalypse a dû servir de modèle à bien des traités de métaphysique, très en vogue à leur apparition, et tombés depuis dans un profond oubli. L’incohérence et l’ambiguïté y sont toujours en lutte contre la raison du lecteur. C’est d’ailleurs par le sens mystique de leurs phrases, tout autant et plus peut-être, que par le prodige qu’ils offraient à l’admiration des masses, que les hiérophantes sont toujours parvenus à les dominer.

Maintenant, pour en terminer avec l’Occulte chez les Hébreux, deux lignes d’après la Chronologie sacrée.

On y voit que tous les sages de la Grèce sont postérieurs aux prophètes juifs, dont le dernier Malachie vivait environ deux cents ans avant Platon.

Cette circonstance nous amène à conclure une filiation directe entre les pythonisses, les sibylles, les augures grecs et romains et les prophètes de l’Ancien Testament. Les uns et les autres eurent une situation officielle, agréée par le sacerdoce, et c’est à côté d’eux que, irrégulièrement, s’élevèrent, dans les deux religions, les devins et les devineresses de bas étage, auscultant l’avenir, « pour une poignée d’orge et un morceau de pain », selon l’expression dédaigne d’Ézéchiel.

CHAPITRE IIIL’occulte en Grèce et à Rome

Le Panthéon païen abrita trente mille déités de rang, de préséance diverse. Chaque contrée, chaque ville, chaque famille, chaque individu avait son génie particulier, comme nous avons les saints. Mettons, à la tête de cette phalange d’immortels, un dieu, ou génie, plus puissant que tous les autres pris individuellement, mais plus faible qu’eux réunis, aussi changeant dans ses résolutions, aussi capricieux qu’un tyran terrestre ; de plus, quelques déités de moyenne puissance, parfois rivales du maître de l’Olympe, et nous aurons la raison de la grande vogue dont, malgré les ordonnances des gouverneurs, jouissaient tous ceux qui, à un degré quelconque, pratiquaient la science de l’augure et de l’incantation dans l’ancienne société grecque ou romaine.

Il suffisait alors, selon la croyance vulgaire, de deviner et de forcer la volonté de quelques-uns de ces génies bons ou mauvais, selon les circonstances, pour obtenir ce que l’on désirait le plus ; aussi les proscriptions dont on enveloppa l’Occulte, « qui devint l’art de violenter les dieux », ne servirent qu’à l’édifier davantage.

D’ailleurs l’Olympe était vraiment par trop semblable à la terre, pour qu’on ne songeât point à l’influencer.

Analysons, à cet égard, une des fables racontées par les mystagogues, dont était composée la genèse païenne, et déduisons les conséquences qu’elle comporte, au point de vue de la foi antique, dans l’efficacité de l’Occulte.

– « Au plus haut de l’Olympe, Jupiter trônait et les dieux, ses subalternes, assis en hémicycle à ses pieds, observaient le moindre de ses gestes, le plus insignifiant de ses regards.

Ce jour-là, la majesté divine n’était point radieuse ; le Maître de l’Univers fronçait le sourcil, sous l’obsession de quelque pensée importune et sa main, guidée par la colère, avait saisi les foudres qui ébranlent le Ciel et la Terre.

Tout tremblait d’une crainte indéfinie et un silence implacable mettait chaque déité en interrogation devant sa propre conscience. Pour tout dire, en un mot, les dieux et les déesses redoutaient d’avoir, à leur insu, provoqué le ressentiment de Jupiter et ils savaient sa vengeance terrible.

Vénus, elle-même, la plus choyée, la plus familière de ses filles, n’osa point lui demander ce qu’il méditait ; ce fut lui qui rompit le silence.

– « J’ordonne à Mercure, dit-il, de prendre Prométhée et de l’aller attacher sur le Caucase, où un vautour lui dévorera les entrailles !… Et, cela, indéfiniment, car je donne à Prométhée l’immortalité dans la souffrance. »

Après qu’il eût ainsi parlé, les dieux et les déesses, cessant de trembler pour eux-mêmes, reprirent leur sérénité et leurs plaisirs habituels ; Minerve seule se tint à l’écart de la joie générale, pour gémir sur le sort du malheureux Prométhée.

Quel était donc le crime qu’il avait commis et que Jupiter, le Justicier, réprimait par un châtiment si effroyable ?

La légende nous apprend que Prométhée, inspiré par Minerve, avait dérobé au soleil une étincelle du feu qui donne la vie à toutes choses et qu’il en avait animé une créature faite de ses mains. Pour avoir ainsi empiété sur les attributions divines, Prométhée souffrit des tourments sans cesse renouvelés, jusqu’à ce que Hercule tuât le vautour et rompit les chaînes dont Mercure, pour obéir à Jupiter, l’avait chargé.

Alors la décision solennelle du plus puissant de tous les dieux se trouva cassée par l’entreprise d’un héros appartenant à l’humanité, et Prométhée reprit la vie paisible d’un simple mortel, sous l’œil de Jupiter indifférent. »

Donc, d’après cette fable, l’immutabilité n’était point un des attributs essentiels de la Divinité ; et, partant de là, on crut se rendre ? les dieux plus ou moins favorables, à l’aide de formules ou pratiques dont les hiérophantes prétendaient avoir le secret et le monopole.

Le peuple admit cette prétention d’autant plus facilement qu’en matière religieuse il s’est toujours attaché plus à la forme qu’au fond, et que les cérémonies du polythéisme, réglées par les prêtres, portaient plus à l’enthousiasme qu’à la réflexion.

Les dieux que l’on invoquait n’étaient, en réalité, que les membres d’une humanité agrandie ; ils en avaient, au suprême degré, toutes les vertus et aussi tous les défauts, voire les vices ; mais, à cause de cela précisément, on les jugeait plus accessibles, plus facilement secourables, quand on pouvait surprendre ou gagner leurs sympathies. Et sur les premiers échelons de l’échelle mystérieuse, qui unissait l’Olympe à la terre, le prêtre se tenait en équilibre, tout à la fois pour servir de truchement, d’intermédiaire et pour empêcher les fidèles de monter assez haut pour y voir clair.

Sans aucun doute, l’histoire de Prométhée ne fut, à l’origine, qu’une allégorie ingénieuse pour peindre l’irascibilité des rois de la terre contre les affranchis de l’idée, contre ceux qui cherchaient à animer l’humanité du feu de leurs conceptions sociales et philosophiques, contre les novateurs qui voulaient élever des esclaves à la dignité d’hommes. L’ingéniosité même de l’allégorie la poussa jusqu’au rang de vérité révélée et il en fut ainsi pour quantité d’autres fables, imaginées d’abord pour charmer l’amertume de la foule, qui finirent, à la longue, par terrifier et comprimer, parce que ceux contre qui elles étaient dirigées, les gouvernants et les prêtres, s’en emparèrent et en firent des articles de foi inéluctables.

C’est par cette raison que nous pouvons nous expliquer comment les mythes les plus disparates firent partie d’une même doctrine religieuse ; comment, par exemple, on invoqua avec la même ferveur la chaste Hécate et l’impure Aphrodite ; comment Jupiter eut des autels multiples, où on l’adorait comme le Régulateur de l’Univers, bien qu’au gré de ses passions et de ses caprices il mît souvent le trouble moral et le trouble physique partout.

Aujourd’hui, nous haussons les épaules devant de telles inconséquences, et nous nous étonnons que tous les sages de l’Antiquité n’aient point mis leur argumentation si puissante à l’encontre du polythéisme chaotique. Quelques-uns, cependant, l’ont essayé ; mais ils n’ont que peu ou point réussi dans leur guerre à l’absurde.

Après tout, l’absurdité elle-même n’est que relative, en matière de dogmes : toutes les conceptions sur les origines et les fins de l’humanité ont leurs côtés faibles ; un redoutable point d’interrogation commence et finit chaque système le mieux équilibré.

Ce n’était donc point par de nouveaux articles de foi, heurtant d’autres articles admis, que l’on pouvait détruire le polythéisme : une morale plus douce, plus simplement définie, devait seule opérer la transformation des croyances populaires.