L'Embranchement de Mugby - Ligaran - E-Book

L'Embranchement de Mugby E-Book

Ligaran

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Beschreibung

Extrait : "Monsieur l'employé ! où sommes-nous donc ? — A L'Embranchement de Mugby, monsieur. — Il est bien éventé, ce me semble ? — Oh ! oui, monsieur, il l'est beaucoup en général. — La nuit est-elle encore pluvieuse ? — Oui, il pleut à verse. — Ouvrez-moi la porte, je veux descendre. — Vous avez trois minutes d'arrêt."

À PROPOS DES ÉDITIONS Ligaran :

Les éditions Ligaran proposent des versions numériques de grands classiques de la littérature ainsi que des livres rares, dans les domaines suivants :

● Fiction : roman, poésie, théâtre, jeunesse, policier, libertin.
● Non fiction : histoire, essais, biographies, pratiques.

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Histoire de Charles Dickens

D’APRÈS JOHN FORSTER

De tous les romanciers anglais contemporains, Charles Dickens est le plus fécond et le plus populaire. Il naquit le 7 février 1812. Son père, employé aux bureaux de la marine, résidait alors à Portsmouth. La trace des premières impressions de son enfance était restée très vive chez l’illustre écrivain. De même que Walter Scott se rappelait les étranges remèdes appliqués, lorsqu’il avait trois ans, à sa jambe malade, et comment on l’emmaillotait, par exemple, dans une peau de mouton toute chaude, de même Charles Dickens parlait volontiers du petit jardin où il avait fait ses premiers pas, sous les yeux de sa bonne qui le surveillait à travers un soupirail de cuisine, de ses goûters en compagnie d’une petite sœur aînée, du jour où il avait vu, pour la première fois, des soldats faire l’exercice, spectacle qui paraissait l’avoir singulièrement frappé. Il racontait aussi comment, en 1814, il était venu à Londres avec ses parents par la neige. De Londres, M. Dickens avait été envoyé à l’arsenal de Chatham. « C’est là, disait plus tard Charles, que quelqu’un – (je me suis souvent demandé qui elle était et quel chemin elle avait pris après sa mort), – me chantait doucement l’hymne du soir, et je pleurais sur l’oreiller, soit de remords d’avoir donné un coup de pied à celui-ci, soit de chagrin d’avoir été taquiné par celui-là durant le jour. »

La maison qu’habitaient les Dickens était blanchie à la chaux, avec un jardinet devant et derrière ; elle n’offrait rien que de très modeste ; mais, à peu de distance, sur la grande route, se dressait dans un site charmant une belle demeure, Gadshil place, que le petit Charles se promit à première vue d’acheter quand il serait un homme. Ce rêve, qui devait se réaliser, remplit son enfance ; il a écrit depuis avec son originalité habituelle une vision qui lui vint de cette enfance bizarre et méditative :

« J’étais à moitié chemin entre Gravesure et Rochester ; le fleuve, s’élargissant à vue d’œil, portait vers la mer des navires aux voiles blanches ou tout noirs de fumée, quand je remarquai au bord de la route un singulier petit garçon :

Holà ! lui criai-je, d’où donc es-tu ?

– De Chatham, répondit-il.

– Et que fais-tu ici ?

– Je m’en vais à l’école.

Je le rejoignis et nous marchâmes ensemble. Bientôt le petit garçon reprit : « Nous arrivons à la colline où Falstaff se rendit pour détrousser ces voyageurs, vous savez ? et se sauva.

JE REMARQUAI AU BORD DE LA ROUTE UN SINGULIER PETIT GARÇON.

– Tu connais ton Falstaff ?

Très bien, répondit le petit bonhomme. Je suis vieux, j’ai neuf ans, je lis toute sorte de livres ; mais arrêtons-nous, s’il vous plaît, au sommet de la colline, et regardez la maison qui est là.

– Tu la trouves à ton goût ? demandai-je ?

– Dieu vous bénisse, monsieur ! Je n’avais pas la moitié de l’âge que j’ai, que c’était déjà une fête pour moi d’être amené ici devant elle. Et aujourd’hui que j’ai neuf ans, je viens tout seul la regarder. Mon père, me voyant l’aimer si fort, m’a toujours dit : « Si tu as de la persévérance et que tu travailles dur, tu pourras peut-être, un jour à venir, y demeurer. Quoique ce soit impossible ! » ajouta le petit garçon avec un soupir étouffé, mais en ouvrant les yeux de plus belle pour embrasser sa chère maison.

« Je fus assez surpris de ce que me conta là le singulier petit garçon, car il se trouve que cette maison est la mienne, et j’ai lieu de croire qu’il a dit la vérité. »

Le singulier petit garçon n’était autre que lui-même, vous l’avez deviné ; il était en effet très chétif et souffreteux, sujet à des spasmes qui lui interdisaient tout exercice violent. Il n’excella jamais dans les jeux de force et d’adresse prisés si haut par ses compatriotes, mais il avait grand plaisir à regarder les autres enfants s’amuser de la sorte. Cet état maladif se trouva pour lui un avantage inestimable, car il lui dut le goût passionné de la lecture, son unique distraction. Il s’y livrait sans que personne prît grand soin de le diriger, ses parents, chargés de famille, ne pouvant guère s’occuper de lui. Cependant, sa mère lui enseigna les premiers rudiments de l’anglais et du latin ; elle lui donnait régulièrement une leçon tous les jours. Ensuite il fréquenta une école mixte pour les garçons et pour les filles avec sa sœur Fanny. Devenu grand, il voulut revoir cette école, mais, depuis des siècles, lui dit-on, elle était démolie. Une nouvelle rue passait sur ses ruines. Charles ne retrouva pas moins en imagination la boutique du teinturier, située au-dessous de l’escalier, où il était tombé si souvent, le décrottoir dans lequel il se prenait la jambe assez ordinairement, en s’efforçant de nettoyer son petit soulier. « La maîtresse du lieu, disait-il, ne tient aucune place dans mes souvenirs, mais certain roquet, gonflé de graisse et couché sur l’éternel paillasson dans un long couloir étroit, triomphe du temps, en revanche. L’aboiement de cette bête hargneuse, sa manière d’attaquer nos mollets sans défense, le rictus affreux de son museau noir toujours mouillé, entrouvert sur des dents blanches, l’insolence de sa queue retroussée en croc comme un panache, tout cela vit encore pour moi. Il devait être d’origine française, son nom étant Fidèle, et appartenait à quelque habitante d’une petite chambre sur le derrière, mystérieuse personne dont l’existence nous paraissait se résumer à ceci : renifler et porter un chapeau de castor marron. »

Charles reconnut plus tard que la grande rue de Roches ter n’était guère qu’une ruelle ; mais il la croyait alors, par suite de cette disposition qu’ont tous les enfants à exagérer ce qu’ils voient, large comme un boulevard de capitale. Il s’aperçut aussi que l’horloge publique, qu’il avait supposée la plus grosse du monde, n’était qu’un petit cadran effacé, à sonnerie éteinte ; que l’hôtel de ville, qui lui représentait jadis le palais d’Aladin, se bornait à un misérable monceau de briques et de plâtre. « Hélas ! s’écria-t-il, en faisant cette découverte, de quel droit en voudrais-je à la ville d’être changée pour moi, quand je lui reviens si différent de moi-même ? Toutes mes premières lectures, mes premières chimères datent de ce lieu ; je suis parti croyant à toutes, je n’en rapporte que les lambeaux ; peut-être est-ce de la sagesse, mais nous n’en valons pas mieux. »

Charles Dickens n’écrivit jamais rien qu’il n’eût éprouvé ou vu de près ; on retrouve une grande partie de son enfance dans celle de David Copperfield. Comme le héros de ce récit charmant, il consacrait tous ses moments perdus à fouiller la bibliothèque de son père, une bibliothèque peu considérable, mais choisie ; il liait intime connaissance avec Robinson, Tom Jones, don Quichotte, le Vicaire de Wakefield et certains personnages des Mille et une nuits. L’exemple de ces héros le consolait de maint ennui ; il s’efforçait de les imiter, il voyageait avec eux dans des régions inexplorées. On le vit errer à l’aventure, armé d’un vieil embauchoir de bottes, avec lequel il était résolu à vendre chèrement sa vie en cas d’attaque des sauvages. Les soirs d’été, tandis que les autres garçons jouaient dehors, Charles lisait, assis sur son lit. Chaque grange du voisinage, chaque pierre de l’église, chaque tombe du cimetière s’associait dans son esprit à quelque incident de ses livres de prédilection. Après avoir tant lu, il finit par prendre lui-même la plume. Une tragédie, intitulée Misnar, sultan de l’Inde, et tirée des Contes des génies, le rendit célèbre dans le cercle enfantin qui déjà l’estimait pour des talents tout particuliers. Personne ne racontait une histoire comme lui, ne chantait mieux une chanson comique. On le faisait monter sur la table pour l’entendre. Sa voix n’avait rien que d’aigre et de perçant ; il s’en moquait par la suite et regrettait d’avoir mis les oreilles des grandes personnes de son entourage à pareille épreuve. Un cousin éloigné, beaucoup plus âgé que lui et qui aimait follement le théâtre, le poussait, au temps dont nous parlons, à se donner ainsi en spectacle. Ce cousin, du nom de James Lamert, était fils d’un chirurgien militaire, et habitait l’hôpital où les chambres vides ne manquaient pas pour jouer le drame et la comédie. Dickens aima toujours les représentations de ce genre ; devenu père de famille, il faisait représenter par ses enfants et quelques-uns de leurs petits amis des féeries, où lui-même remplissait les rôles d’ogre et de géant. Mais revenons à sa propre enfance.

Pendant les deux dernières années que Charles vécut à Chatham, il fréquenta l’école d’un jeune ministre du nom de William Gibs, qui soumit à un frein nécessaire des facultés susceptibles de s’égarer en se portant sur trop de sujets à la fois. M. Gibs se plaisait à proclamer son élève un garçon capable et triompha quand l’avenir vint justifier ses prévisions. À l’époque de la publication de Pickwick, il lui envoya une tabatière avec l’inscription suivante : « À l’inimitable Boz », – risquant ainsi de lui donner la seule mauvaise habitude qu’il eût contractée, à son école, car, dans l’orgueil qu’il éprouva du jugement de son vieux maître, Dickens se mit à faire usage de cette tabatière et ne perdit pas sans peine le goût de priser.

Sur le terrain des jeux, proche de l’école de M. Gibs, fut jouée pendant la fenaison l’une des pièces du petit Charles, les meules de foin représentant les donjons de Seringapatam d’où venaient l’arracher ses compatriotes, les Anglais victorieux, représentés par deux de ses cousins et un autre camarade, tandis que sa fiancée accourait de Grande-Bretagne, la maison d’à côté, pour payer sa rançon et l’épouser. Ce ne fut pas l’une des moindres déceptions de son âge mûr, de voir ce champ, avec ses aubépines magnifiques, son tapis de pâquerettes et de boutons d’or, disparaître effacé par le chemin de fer.

Charles avait neuf ans quand son père fut appelé de Chatham à Londres. Il lui fallut quitter son excellent professeur et la petite bibliothèque qui renfermait ses meilleurs amis, la joie et le soleil de son enfance maladive. On le fit monter dans la diligence, et il regarda fuir autour de lui les bois, les champs, les châteaux, la vieille cathédrale de Rochester. Le soir qui avait précédé son départ, M. Gibs était accouru au milieu des bagages épars pour lui offrir l’Abeille de Goldsmith en gage de souvenir. Ce fut, avec quelques sandwiches, tout ce qu’il emporta pour se distraire durant ce triste voyage. Il était seul dans l’intérieur et se sentait, dit-il, emballé parmi la paille humide comme un envoi de gibier franc de port.

La pluie tomba tout le temps ; il entrevoyait son existence future à travers ces ondées grises ; et, malheureusement, les tristes pressentiments dont il se sentait accablé ne le trompaient pas. Son père était en proie à de cruels embarras d’argent ; il s’en aperçut quand il arriva à Londres. La signature d’un acte qui n’était autre qu’un engagement avec des créanciers, bien que le pauvre enfant le prît pour un parchemin diabolique, revenait sans cesse dans la conversation autour de lui. Le résultat de cette signature fut une réforme radicale dans la manière de vivre des Dickens. Ils durent habiter un logement sordide des faubourgs de Londres. Là, point de camarades pour Charles, aucun plaisir. Le petit garçon ne s’expliquait ni son isolement ni les privations qu’il lui fallut supporter ; mais, se rendant pleinement compte de tout ce qu’il avait perdu en quittant Chatham, il ne désirait qu’une chose : être envoyé n’importe à quelle école pour apprendre n’importe quoi. Sans le savoir, fait observer l’ami dévoué auquel nous empruntons ces détails, M. John Forster, il était à l’école dans ce galetas ; l’école de l’adversité en vaut une autre, et son caractère s’y formait pour l’avenir en même temps que son talent. – C’est au sentiment profond qu’il acquit de l’horreur de la pauvreté dans le bas quartier d’une grande ville, que Charles dut la popularité de ses premières œuvres, où tout ce qu’il souffrit est peint avec un naturel si poignant. Charles Dickens aimait tendrement son père et parla toujours de lui comme du meilleur des hommes, louant son dévouement aux siens, la tendresse avec laquelle il le veillait pendant ses maladies ; mais on ne peut nier que le manque de ressources et une certaine insouciance naturelle firent que le pauvre homme s’habitua peu à peu à voir son fils aider au ménage, cirer les bottes, faire les commissions, surveiller les petits frères et sœurs (ils étaient six, deux d’entre eux étant morts en bas âge), et qu’il perdit de vue la nécessité de l’instruire.

Le jeune Lamert, qui venait d’achever ses études et qui, en attendant une commission dans l’armée, vivait avec la famille Dickens, avait bien fabriqué un petit théâtre pour son pauvre cousin, dont l’abandon lui inspirait une profonde pitié. Ce jouet était le seul amusement de Charles ; mais on peut croire qu’il ne le consolait pas de tout. Voyant sa sœur Fanny nommée, sur ces entrefaites, élève à l’Académie royale de musique, il sentit comme un coup de poignard qui ne ressemblait en rien assurément à la jalousie, mais qui trahissait néanmoins un retour involontaire sur lui-même. Songez qu’il passait toutes ses heures de loisir à rêver tristement, le regard tendu, à travers la fumée, sur le dôme de l’église Saint-Paul, quand il n’allait pas devant les hospices ou les maisons de charité affronter les plus affreux tableaux de misère et de souffrance. Il faut dire que les indispositions continuelles, qui l’empêchaient lui-même de grandir et de se développer, contribuaient à cette humeur mélancolique. Du reste, il s’en laissait aisément distraire ; une promenade dans les beaux quartiers de Londres le transportait de joie.

Les seules visites qu’il eût occasion de faire étaient tantôt à son oncle, tantôt à son parrain. Ce dernier, qui était un fabricant de mâture et de gréements maritimes, vivait dans l’aisance et le traitait avec bonté. Charles payait son écot, quand il allait le voir, par des chansonnettes, lesquelles, en certaine circonstance, ravirent un honnête constructeur de bateaux, hôte de son parrain, au point de lui faire traiter le gamin de véritable prodige