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L'Esprit blanc E-Book

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Extrait : "Une jeune fille aux yeux riants, aux joues ornées de fossettes, était assise devant la porte respectable d'un couvent d'Ursulines situé près du fort Natchez. Le soleil baissait sur l'horizon ; elle aspirait avec délice le souffle de la brise qui se jouait dans ses cheveux et lui apportait de frais parfums. La joyeuse enfant préférait cet air libre à l'atmosphère intérieure du monastère, toute proprette et discrète qu'elle fût."

À PROPOS DES ÉDITIONS Ligaran :

Les éditions Ligaran proposent des versions numériques de grands classiques de la littérature ainsi que des livres rares, dans les domaines suivants :

• Fiction : roman, poésie, théâtre, jeunesse, policier, libertin.
• Non fiction : histoire, essais, biographies, pratiques.

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ILa jeune fille Bijou

Une jeune fille aux yeux riants, aux joues ornées de fossettes, était assise devant la porte respectable d’un couvent d’Ursulines situé près du fort Natchez. Le soleil baissait sur l’horizon ; elle aspirait avec délices le souffle de la brise qui se jouait dans ses cheveux et lui apportait de frais parfums.

La joyeuse enfant préférait cet air libre à l’atmosphère intérieure du monastère, toute proprette et discrète qu’elle fût.

Rien de précieux ou de maniéré dans cette jeune fille : quoique fort occupée à un grave travail de broderie, elle ne pouvait contenir sa gaie pétulance ; chaque geste trahissait l’activité étourdie de toute sa personne, lorsqu’elle s’arrêtait pour admirer les progrès de son ouvrage, ou pour lancer un long regard au soleil couchant.

Elle se nommait Marguerite Cantarelle : l’histoire de ses dix-sept ans était courte.

C’était une des « jeunes filles Bijous » envoyées, avec toute une cargaison de richesses féminines, par le gouvernement français, dans sa colonie du Canada, alors dépourvue de cet intéressant « article. »

Le vaisseau chargé du fret précieux était arrivé depuis trois mois ; toutes les passagères s’étaient promptement mariées ou placées : Marguerite seule « la perle de l’assortiment, » n’avait pris aucune position.

Son gracieux visage et ses gentilles manières lui avaient attiré les propositions de tous les célibataires voisins ; mais elle avait héroïquement refusé, préférant rester dans le paisible asile que lui avaient offert les Ursulines en attendant qu’elle eût réalisé le but de son voyage transatlantique.

Lorsque, parmi « la jeunesse » de Paris, on sut que le gouvernement se proposait d’envoyer des compagnes aux hardis aventuriers d’Outremer ; lorsqu’on entendit annoncer que dans ces heureuses contrées coulaient des ruisseaux de lait et de miel, et que les arbres y produisaient des fruits d’or et d’argent, nombreuses furent celles qui se proposèrent pour essayer cette fortune nouvelle. Hélas ! cette pauvre jeunesse y trouva une destinée bien différente du romanesque et brillant avenir qu’elle avait rêvé !

Marguerite Cantarelle avait été une des plus ardentes solliciteuses pour s’enrôler parmi les émigrantes. Elle n’était point pauvre, cependant, comme tant d’autres ; sa malle était pleine de bons et beaux vêtements ; elle ne manquait ni de colifichets, ni d’argent. Son adresse aux travaux d’aiguille lui permettait de gagner largement sa vie dans la grande Cité.

Mais un désir secret lui faisait ardemment souhaiter d’accomplir ce voyage. Deux ans auparavant, son cousin Maurice Cantarelle, jeune homme bien élevé mais pauvre, attiré par le récit de ces phénoménales fortunes qu’on pouvait réaliser au Nouveau-Monde, dans la province où le négociant princier Crozat avait risqué des capitaux immenses, était parti en qualité de secrétaire avec une colonie d’émigrants.

La veille du départ, Maurice avait dit à Marguerite son amour, son désir de préparer un heureux nid à leur jeune ménage, son intention de revenir un jour pour lui demander sa main.

La jeune fille sentit son cœur se briser à ce départ, car elle adorait Maurice avec toute l’ardeur de la furia francese. Mais, dans cette âme jeune et souriante d’espoir, le chagrin ne pouvait être éternel ; elle reprit sa gaîté première, sans, pour cela, oublier son cher cousin.

En deux années elle ne reçut de lui qu’un seul message : il suffit néanmoins pour la rendre heureuse ; Maurice lui restait fidèle, il annonçait son retour aussitôt que la contrée serait pacifiée et débarrassée des Peaux-Rouges.

À la même époque, sa grand-mère, auprès de laquelle elle vivait, mourut presque subitement ; l’orpheline resta seule et sans amis.

Ce fut alors que se présenta l’occasion d’émigrer en bonne compagnie : Marguerite la saisit avec ardeur, pour se rapprocher de Maurice et lui éviter les conséquences ruineuses d’un voyage en Europe.

Durant la longue et ennuyeuse traversée, plus d’une fois ses joues devinrent rouges, son cœur battit, en pensant à la joyeuse surprise de son ami. Ce dernier devait être au fort Natchez : ce territoire devait être précisément le lieu de débarquement de l’aimable cargaison que portait le navire : tous les rêves de Marguerite étaient couleur de rose. Elle excitait bien quelque peu l’envie de ses compagnes, par la supériorité de sa beauté, de son éducation, de ses manières ; par la mine séduisante d’une cassette – un bel et bon coffre – de fiancée richement garnie ; mais, tout en la jalousant, on ne pouvait s’empêcher de l’aimer ; elle était si modeste, si douce, si attrayante, que tous, hommes et femmes, se laissaient charmer.

À son arrivée, Marguerite devait éprouver un vif désappointement. Maurice n’était point au fort ; il était parti avec plusieurs employés, pour une longue et dangereuse expédition dans l’intérieur, près des Natchitoches, sur un territoire violemment disputé par les Espagnols aux Français.

La jeune fille ne se laissa point abattre par le découragement ; gardant toutes ses espérances, elle resta sous la protection des bonnes Sœurs dont elle réjouissait l’humble asile comme un gai rayon de soleil.

Plus d’un soupirant vint rôder autour du monastère ; quelques-uns, même, essayèrent d’arriver au cœur de Marguerite par l’intermédiaire de ses protectrices ; mais tout fut inutile ; les Ursulines l’aimaient trop pour se prêter à des projets qui l’auraient enlevée à leur affection. Marguerite resta donc dans cette paisible retraite, consacrant son aiguille au service du couvent, conservant à Maurice son amour innocent et sa fidélité ingénue.

– Je vais déposer cela sur la table de sœur Marie ; nous verrons si elle n’aura pas la tentation de cueillir ces fleurs pour les sentir ; se dit la jeune fille en contemplant avec orgueil la rose qu’elle venait de broder, et qu’on aurait cru naturelle tant son coloris était parfait ; – que j’aimerais à l’induire en tentation !… mais elle ne commet jamais la moindre faute, cette sœur irréprochable ! Ah ! pauvre moi ! je ne serai jamais une Ursuline, je ne suis pas assez parfaite pour cela.

Moitié parlant, moitié soupirant, Marguerite renversa nonchalamment sa tête en arrière, et fit un mouvement de craintive surprise en apercevant deux yeux étincelants fixés sur elle avec une ardeur étrange.

Son visage devint rouge comme une cerise quand elle reconnut un Indien qui s’était silencieusement approché d’elle, sans qu’elle eût entendu sa démarche légère.

C’était un guerrier de la puissante tribu des Natchez, à laquelle le Fort avait emprunté son nom ; les membres de cette peuplade amie venaient rendre aux « visages pâles » de fréquentes visites.

Celui-ci était un de leurs jeunes chefs les plus beaux, les plus braves, les plus renommés. Grand, droit comme un pin de ses forêts, élégant de stature, noble de visage, le chef Natchez se drapait dans son riche et fantastique costume et fixait sur la jeune fille des regards brûlants où étincelait la passion à la fois naïve et sauvage de l’enfant des bois.

Comme il passait, chargé d’un message pour le commandant Clopart, au Fort, l’Indien avait été captivé par la gracieuse vision qui s’offrait à lui ; un seul regard avait allumé en lui un amour profond pour la jeune française : il était demeuré immobile, contemplant ce doux visage épanoui.

– Comment vous portez-vous ? dit-il sans préambule, en français passable. – Les Natchez s’étaient toujours montrés courtois et bienveillants dans leurs relations avec les Européens.

– Très bien, je vous remercie. J’espère que le Grand-Soleil est toujours aussi brillant ? répondit la jeune fille avec une expression malicieuse.

Le Grand-Chef de la tribu portait ce nom pompeux ; en s’informant de sa santé, Marguerite faisait politesse au jeune Indien, membre de sa famille.

– Sa clarté est sans nuage, répondit le jeune Chef : puis, s’approchant, il mit le doigt sur la broderie que tenait Marguerite :

– Si le Petit-Soleil apportait une peau de daim lui broderiez-vous une paire de mocassins en y faisant de jolies fleurs comme celles-là ? Il n’y a pas une femme des Natchez qui soit capable d’en faire autant. Je vous les paierai libéralement en gibier, en grains, ou en moelleuses fourrures pour un manteau d’hiver.

La jeune fille fut embarrassée à cette demande, non pas qu’elle la trouvât trop difficile à satisfaire, mais elle se sentait intimidée par l’expression que l’Indien donnait à ses paroles.

– Je ne puis rien promettre, dit-elle ; demandez à sœur Marie ; si elle me permet de faire ce travail, vous donnerez ce que vous voudrez.

L’Indien entra avec elle jusque dans le parloir, et attendit en silence l’arrivée de la religieuse. Sœur Marie qui connaissait les règles de la civilité sauvage s’abstint de rien dire avant qu’il eût parlé. Il se décida enfin à formuler sa proposition en termes aussi solennels que s’il eût traité la question la plus grave.

– Les fleurs naissent sous les doigts de la jeune fille aux Yeux-Riants. Il n’y a pas une de nos sœurs Natchez qui sache faire d’aussi jolies choses. Je voudrais qu’elle me décorât ainsi une paire de mocassins ; il me plaira dans mes longues courses de marcher sur des roses. La Bonne-Mère recevra pour cela un baril de grain et un coq sauvage.

La religieuse était trop dévouée aux intérêts du monastère pour refuser cette offre magnifique : ne soupçonnant point les intentions secrètes du sauvage, et ne voyant là qu’une occasion de faire valoir le goût et l’adresse de sa protégée, elle répliqua :

– Yeux-Riants brodera une paire de mocassins pour le Petit-Soleil.

– Le Petit-Soleil apportera demain une peau de daim moelleuse et bien préparée.

Parlant ainsi, l’Indien se retira sans adresser un mot de plus à la jeune fille, et continua sa course jusqu’à la résidence du commandant.

– J’ai un nouveau nom, sœur Marie ! s’écria Marguerite quand il se fut éloigné ; n’est-il pas bien joli ? j’en suis ravie ! si j’avais un miroir je le consulterais de suite pour savoir si c’est vrai… mes yeux rient-ils ? dites je vous prie !

En même temps elle dirigeait sur la vieille religieuse le bleu rayon de son regard brillant.

– Vous pensez sans doute que, pour plaire à ce sauvage, je vais me mettre à vous complimenter, Marguerite ! vous êtes trop vaine et trop sotte réellement ! votre tête est plus légère que celle d’une linotte chantant au bout d’une branche. Le monde a sur votre cœur un terrible empire ! il vous faudra lutter désespérément, prier sans relâche, sans quoi vous deviendrez sa proie, et la grâce de Dieu vous abandonnera.

– C’est vrai, murmura la jeune fille en baissant les yeux avec contrition ; j’aime beaucoup trop les choses de ce monde ; notamment mon cousin Maurice et ma bonne sœur Marie… quoiqu’elle n’en soit guère… de ce monde. Il est si difficile d’être parfaite quand on est jeune et étourdie ! J’ai beau faire tous mes efforts, je ne puis m’empêcher d’avoir toujours la tête en l’air. Ah ! je crains bien de n’obtenir jamais la grâce au point où vous avez le bonheur de la posséder.

Elle parlait d’un ton si sincère que la grave sœur ne put lui refuser un sourire de bonté ; tout absorbée qu’elle fût dans sa sainte vocation, elle n’était pas devenue tout à fait insensible à ces innocentes flatteries ; elle aimait à lire dans le cœur de la jeune fille les sentiments craintifs de respect et d’attachement qu’exprimaient ses paroles.

– J’espère que vous m’aimerez toujours, malgré mes imperfections, continua Marguerite ; mais je suis chagrine de voir revenir cet Indien. Vous auriez dû lui refuser de m’employer à broder ses chaussures : je n’aime pas son regard.

– C’est un notable de sa tribu. Il est de la famille du Grand-Chef : Petit-Soleil, cela veut dire enfant du Grand Soleil. Mon refus l’aurait offensé ; d’ailleurs, nous aurions eu tort de nous priver ainsi du baril de grains qu’il a offert ; en ce temps-ci les provisions ne sont pas abondantes.

– En ce cas je ferai l’ouvrage bien volontiers ; mais il me fait peur, ce sauvage.

– Petite folle ! qu’avez-vous à craindre ? Je suis sûre qu’il vous a beaucoup admirée.

Marguerite, n’osant pas dire la vraie raison de son émotion, garda le silence : la bonne sœur ne voyait pas plus loin.

Le lendemain, de bonne heure, l’Indien se présenta avec la peau de daim destinée aux mocassins. Marguerite rougit encore sous le feu de ses yeux noirs ; mais bientôt, songeant que cette impression craintive était une folie, elle s’efforça de trouver quelque réponse malicieuse à ses discours.

Réellement ce chef était un beau jeune homme, d’allures nobles et fières, empreintes d’une aisance et d’une dignité que peu de blancs auraient pu atteindre. Il y avait, dans sa personne, beaucoup de la civilisation française dont il avait quelque peu emprunté le costume ; mais le luxe indien éclatait sur ses vêtements, en couleurs éclatantes et en broderies variées.

Après avoir remis la peau de daim, il resta, comme la veille, près de la jeune fille, surveillant ses moindres mouvements. La sœur Marie, pensant qu’il agissait ainsi par curiosité, ordonna à Marguerite de commencer son travail.

Après quelques essais, la jeune fille s’aperçut qu’il n’y avait pas moyen de piquer cette peau épaisse, et demanda au guerrier si elle pourrait y substituer une étoffe plus douce : sur son consentement, elle prit un morceau de drap, y dessina rapidement un groupe de fleurs, et se mit à broder.

– Yeux-Riants travaille avec les rayons du soleil, dit l’Indien en faisant glisser sur ses doigts un brin de soie jaune ; elle prend aux étoiles et à l’arc-en-ciel leurs feux colorés. Il n’est pas étonnant que son ouvrage soit si beau. Si j’avais une femme qui pût en faire autant, jamais elle n’aurait à travailler aux champs ni à porter des fardeaux ; elle resterait assise et tranquille tous les jours, occupée seulement à orner mes vêtements.

Tout cela était dit sur un ton qui appela tout le sang de Marguerite sur ses joues : mais, s’armant de courage, elle regarda l’indien en face, et lui dit :

– Amenez une fille de votre tribu, je lui apprendrai ce que je sais, elle sera bientôt aussi habile que moi.

– Leurs doigts ne sont pas assez petits, le travail les a durcis, répliqua l’Indien ; ils ne sont pas comme ceux d’Yeux-Riants, on croirait voir des lys quand on regarde ses mains.

Sa visite se prolongea pendant deux ou trois heures : le lendemain il ne manqua pas de revenir, parla peu, mais dévora du regard les moindres gestes de la jolie ouvrière. Marguerite, un peu piquée de cette surveillance, travaillait avec une activité fébrile ; elle poursuivit sa tâche, même jusqu’à une heure avancée de la soirée, si bien que tout était fini le troisième jour.

Cette fois, l’inévitable présence de l’Indien lui causa une sorte d’impatience nerveuse qui ralentit malgré elle ses mains agiles : elle chercha à se venger par une raillerie.

– Vous voulez donc apprendre à broder, lui demanda-t-elle d’un ton moqueur ? Je pensais que les guerriers Natchez avaient mieux à faire que de s’abaisser aux aiguilles et aux leçons des femmes ?

– Il y a temps pour tout, repartit le jeune chef avec la gravité d’un vieux sage ; temps pour chasser, temps pour suivre le sentier de guerre, temps pour travailler, temps pour être oisif, temps pour la fête des grains, temps pour celle des poissons, temps pour l’amour ! N’ai-je pas bien parlé ?

– C’est vrai ! dit la jeune fille, en lui adressant un sourire et un regard qui allèrent jusqu’au cœur de l’Indien.

Quoique la jolie brodeuse ne songeât nullement à faire de la coquetterie avec ce sauvage, cependant elle ne pouvait réprimer une certaine satisfaction d’avoir fait sa conquête. Bien éloignée de soupçonner les indomptables ardeurs de sa passion, ou de penser qu’il osât prétendre à sa main, elle s’amusait de son admiration ; peut-être même, sans qu’elle y prît garde, les regards du jeune chef et ses paroles douces avaient pris place dans son cœur… tous ses projets de raillerie s’en volèrent, une émotion étrange s’empara d’elle.

Pour se faire une contenance, elle se mit à chanter : si elle eût remarqué l’expression d’extase épanouie sur le visage de son visiteur, son embarras aurait grandi et lui aurait coupé la voix.

Le guerrier Natchez, qui n’avait jamais entendu que l’exécrable et monotone musique de ses artistes sauvages, crut entendre des chants célestes lorsque cette voix jeune et fraîche retentit à ses oreilles. Suspendu au rythme naïf de la chanson, il souriait aux passages gais, dont il marquait instinctivement la mesure avec la main ; lorsque la mélodie devenait mélancolique il restait silencieux, absorbé dans son extase.

– Vous avez dans le gosier mille oiseaux chanteurs au beau plumage, dit-il lorsqu’elle eût cessé de chanter, et qu’elle lui présenta ses mocassins finis.

– Pauvre moi ! quelle idée ! s’écria Marguerite ; entendez-vous ce qu’il me dit, sœur Marie ? voilà ses chaussures, les lui donnerai-je ?

– Pas avant le paiement, fut la prudente réponse de la religieuse.

– Revenez demain, vous les recevrez, dit la jeune fille au Natchez.

– C’est bien ; répondit-il, mais il demeura immobile.

Tout, dans la gentille française, était attrayant et plein de charmes ; au physique et au moral elle différait considérablement des femmes sauvages qui vivent abruties dans une condition servile et méprisée : fine d’esprit, élégante, de formes, vive et enjouée, Marguerite aurait exercé sur tout homme civilisé un empire incontestable, à plus forte raison elle avait fasciné Rattlesnake, l’enfant des bois, pour lequel elle avait en outre l’attrait de la nouveauté.