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Extrait : "PRUNETTE, à la cantonade : vous n'y êtes pour personne ! bien ! monsieur !... ( Au public ) En voilà un bourgeois sauvage et désagréable !... Ordinairement les vieux garçons... c'est un tas de farceurs... mais celui-là, il vit tout seul, dans des endroits noirs, comme un colimaçon !... Dans ce moment, il se rase... en se rasant, il se coupe... et, pour arrêter le sang, il cherche des toiles d'araignée... il n'en trouve pas, et alors il bougonne..."
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Seitenzahl: 47
EAN : 9782335054989
©Ligaran 2015
COMÉDIE
EN UN ACTE, MÊLÉE DE COUPLETS
Représentée pour la première fois, à Paris, sur le théâtre du PALAIS-ROYAL, le 10 août 1852.
Un salon. – Porte au fond. – Portes latérales. – Une fenêtre – Des tables de jeu préparées à droite et à gauche.
CHIFFONNET, rentier.
MACHAVOINE, auvergnat, porteur d’eau.
COQUENARD, ami de Chiffonnet.
MADAME COQUENARD.
PRUNETTE.
INVITÉS, DEUX DOMESTIQUES, PERSONNAGES MUETS.
La scène se passe à Paris, chez Chiffonnet.
Prunette, à la cantonade.
Vous n’y êtes pour personne ! bien ! monsieur !… (Au public) En voilà un bourgeois sauvage et désagréable !… Ordinairement les vieux garçons… c’est un tas de farceurs… mais celui-là, il vit tout seul, dans des endroits noirs, comme un colimaçon !… Dans ce moment, il se rase… en se rasant, il se coupe… et, pour arrêter le sang, il cherche des toiles d’araignée… il n’en trouve pas, et alors il bougonne… Ah ! et puis il a encore un autre tic… quand il a fini sa barbe… il va se recoucher. Il se lève tard, très tard, afin, dit-il, de contempler moins longtemps ses semblables… Tiens, à propos de semblables… j’ai oublié d’acheter du mouron pour le serin à monsieur… le seul être qu’il aime ici-bas… Je vais lui donner du sucre… (Elle prend un morceau de sucre et le donne au serin, dans la cageappendue près de la fenêtre.) Tiens… petit !… petit !… (On sonne.) Ah ! c’est lui… il sonne. (Nouveau coup de sonnette très violent.) Il grince !… Je reconnais ça à la sonnette… Ma foi !… gare la sauce !… je me sauve !…
Elle sort.
Chiffonnet, seul.
La scène reste un moment vide. Chiffonnet paraît à gauche. Il a une bande de taffetas d’Angleterre sur la figure, tient un rasoir à la main et porte un pet-en-l’air. Il est sombre, et s’avance jusque sur la rampe sans parler.
Mon coutelier m’a dit que ce rasoir couperait… et ce rasoir ne coupe pas !… (Avec amertume.) Et l’on veut que j’aime le genre humain ! Pitié ! pitié ! Oh ! les hommes !… je les ai dans le nez !… Oui, tout en ce monde n’est que mensonge, vol et fourberie ! Exemple : hier, je sors… à trois pas de chez moi, on me fait mon mouchoir… J’entre dans un magasin pour en acheter un autre… Il y avait écrit sur la devanture : English spoken… et on ne parlait que français ! (Avec amertume.) Pitié ! pitié !… Il y avait écrit : « Prix fixe… » Je marchande… et on me diminue neuf sous !… Infamie !… Je paye… et on me rend… quoi ? une pièce de quatre sous pour une de cinq !… Et l’on veut que j’aime le genre humain… non ! non !… non !… Tout n’est que mensonge, vol et fourberie !… Aussi, j’ai conçu un vaste dessein… J’ai des amis, des canailles d’amis qui, sous prétexte que c’est aujourd’hui ma fête, vont venir m’offrir leurs vœux menteurs. Je leur ménage une petite surprise… un raout… une petite fête Louis XV, avec des gâteaux de l’époque et des rafraîchissements frelatés, comme leurs compliments. Je leur servirai des riz au lait sans lait… et sans riz !… À minuit, je monte sur un fauteuil et je leur crie : « Vous êtes tous des gueux ! j’ai assez de vos grimaces ! fichez-moi le camp !… » Et, quand ils seront partis, je brûlerai du vinaigre ! ! ! (Grelottant.) Brrr !… je me refroidis dans ce costume… J’ai mal dormi… J’ai fait des rêves atroces… j’ai rêvé que j’embrassais un notaire et trois avoués !… pouah !… (Ouvrant son sucrier.) C’est la bile qui me tourmente. (Renversant les morceaux de sucre sur la table.) Ah !… je reconnais bien là les enfants des hommes… J’en ai laissé cinq morceaux et je n’en retrouve plus que quatre !… Où est le cinquième ?… Avec mon portefeuille, sans doute… un portefeuille nourri de quatre billets de mille… Je l’ai égaré dans l’appartement ou dans l’escalier… je me suis parié un cigare qu’on ne me le rapporterait pas… Eh bien, j’ai gagné !… Triste ! triste ! Bah ! je vais me recoucher, (Il se dirige vers sa chambre, puis revient tout à coup.) Non !… avant, j’ai envie de mettre tous mes domestiques à la porte !… Je les ai depuis cinq jours… il faut en finir !
Il agite une sonnette.
Chiffonnet, puis deux domestiques, puis Prunette.
Monsieur ?
Approche, mon ami, approche.
Tiens il a l’air de bonne humeur !
Regarde-moi… Comment me trouves-tu, ce matin ?
Ah ! monsieur est frais comme une rose !…
Tu mens !… je suis jaune ! je suis fané ! Je suis glauque… va-t’en ! je te chasse.
Mais, monsieur…
Va-t’en, misérable ! (Le domestique se sauve à droite. – Seul.) Frais comme une rose !… et l’on veut que j’aime le genre humain ! À l’autre maintenant ! (Un second domestique paraît au fond.) Approche, mon ami, approche… Bastien, tu es un honnête homme, toi… un bien honnête homme !… réponds moi franchement : si je me mariais, crois-tu que je serais…
Oh ! non, monsieur !…
Pourquoi ?
Dame !… parce que… parce que… monsieur est aimable !…
Ah ! très bien !
Il est flatté !