Célimare le bien-aimé - Eugène Labiche - E-Book

Célimare le bien-aimé E-Book

Eugène Labiche

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Beschreibung

Extrait : "PITOIS, entrant par le fond : Eh bien ? ces rideaux, Dépêchons-nous, mes enfants ! ADELINE : Dans une minute tout sera fini. PITOIS : À neuf heures, monsieur veut que l'appartement soit débarrassé. ADELINE : Mais la cérémonie n'est que pour onze heures. PITOIS : C'est égal... monsieur m'a défendu de laisser traîner des tapissiers dans l'appartement quand il partira pour la mairie."

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Seitenzahl: 93

Veröffentlichungsjahr: 2015

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EAN : 9782335055184

©Ligaran 2015

Acte premier

Un salon très élégant. À gauche, au premier plan, une cheminée. Au deuxième plan, une porte. Au fond, porte d’entrée. Dans les deux pana coupés, à gauche et à droite, deux fenêtres. À droite, deux portes latérales, une au premier plan, communiquant à la lingerie. Divan, chaises, fauteuils, ameublement riche. – Un secrétaire au fond, à droite, dans lequel se trouve un petit coffret. Table à gauche près de la cheminée. – Pendules, flambeaux, vases, etc.

Scène première

Adeline, Pitois, deux tapissiers.

Les deux tapissiers achèvent de poser des rideaux. Adeline les aide.

PITOIS,entrant par le fond

Eh bien ? ces rideaux, Dépêchons-nous, mes enfants !

ADELINE

Dans une minute tout sera fini.

PITOIS

À neuf heures, monsieur veut que l’appartement soit débarrassé.

ADELINE

Mois la cérémonie n’est que pour onze heures.

PITOIS

C’est égal… monsieur m’a défendu de laisser traîner des tapissiers dans l’appartement quand il partira pour la mairie.

ADELINE

Dites donc… entre nous… il est un peu âgé, monsieur, pour se marier…

PITOIS

Il a quarante-sept ans… Je lui ai fait les observations que je devais lui faire… Il m’a envoyé promener… ça le regarde.

ADELINE

La future n’a que dix-huit ans… C’est bien dangereux !

PITOIS

Ça ne prouve rien… Moi, j’ai épousé une femme qui avait cinq ans de plus que moi… et ça ne m’a pas empêché…

ADELINE,riant

Comment !… vous, monsieur Pitois ?

PITOIS

Parfaitement… Vous ne le saviez pas ?

ADELINE

Non… je ne suis ici que de ce matin…

PITOIS

C’est donc ça… Du reste, quand il arriverait malheur ? monsieur… ce serait pain bénit… En voilà un qui en a fait de toutes les couleurs… C’était un gandin… On rappelait le gandin de la rue des Lombards… quand il était jeune et droguiste…

ADELINE

Il a été droguiste ?

PITOIS

Oui… Ah ! on peut dire que cet homme a eu un moment bien brillant !

On entend sonner.

ADELINE

On sonne.

PITOIS

C’est monsieur… c’est pour le friser… Depuis douze ans, c’est moi qui le frise… Quand je vois un cheveu blanc… crac ! (On sonne plus fort.) Voilà, monsieur ! voilà, monsieur !…

Il entre à droite. Deuxième plan.

Scène II

Adeline, les tapissiers, puis Colombot.

ADELINE,aux tapissiers

Relevez les rideaux… c’est plus gracieux

COLOMBOT,entrant par le fond

Ne faites pas attention… c’est moi…

ADELINE,à part

Le beau-père !

COLOMBOT,à Adeline

Ah ! la nouvelle femme de chambre de ma fille… celle que ma femme a arrêtée hier…

ADELINE,saluant

Oui… monsieur…

COLOMBOT

Où est Célimare… mon futur gendre ?

ADELINE

On le frise…

COLOMBOT

Tiens… il se fait friser ?… Ah ! le sournois, il nous disait que c’était naturel !…

ADELINE

Je vais le prévenir…

COLOMBOT

On apportera la corbeille et le trousseau dans la journée… vous disposerez tout ça dans la lingerie.

ADELINE

Oui, monsieur.

UN TAPISSIER,à Adeline

Mademoiselle, nous avons fini…

ADELINE,remontant

Il y a encore les petits rideaux à poser dans la chambre à coucher. (Prenant les rideaux sur un meuble.) Entrez toujours… je vais vous les porter…

COLOMBOT,à Adeline

Je vais avec vous… je veux voir si tout est en ordre.

Il fait entrer à gauche les tapissiers et les suit

Scène III

Adeline, Pitois, puis Gélimare.

PITOIS,entrant de droite, deuxième plan, et se dirigeant vers la cheminée. À la cantonade

Oui, monsieur !… Voilà autre chose, à présent… monsieur qui me dit d’allumer du feu dans ce salon.

ADELINE

Eh bien, puisqu’il vous le dit… faites-le… Ce n’est pas vous qui payez le bois.

Elle entre à gauche avec les rideaux.

PITOIS,allumant du feu

Du feu… au mois d’août… et un jour de noces !

CÉLIMARE,entrant par la droite avec des papillotes et en robe de chambre et peignoir blanc

Eh bien, ce feu a-t-il pris ?

PITOIS

On le souffle.

CÉLIMARE

Dépêche-toi.

PITOIS

Monsieur a froid ?

CÉLIMARE

Oui… ouvre la fenêtre… et achève de me coiffer.

Il prend la chaise placée près de la table et s’assied en face de souffleur.

PITOIS,allant ouvrir la fenêtre de gauche, et à part

Il veut que j’ouvre la fenêtre, à présent… Bizarre !… bizarre ! (Haut.) Combien monsieur veut-il de boucles ?

Il se tient debout derrière Célimare et finit de le coiffer.

CÉLIMARE,assis

Partout… partout… et que ça ait l’air naturel.

PITOIS,le coiffant

C’est égal… un homme qui se marie et qui fait du feu au mois d’août…

CÉLIMARE

Eh bien !… après ?

PITOIS

J’ai fait à monsieur les observations que je devais lui faire…

CÉLIMARE

Parce que tu as été malheureux avec ta femme, tu vois des sinistres partout… Le fait est qu’on doit passer un mauvais quart d’heure quand on découvre la chose…

PITOIS

Oh ! moi, je m’y attendais… Depuis quelque temps, Pulchérie… se pommadait extraordinairement et mettait de l’eau de Cologne dans son mouchoir… et, quand une femme de chambre se pommade…

CÉLIMARE

Mauvais signe ! (Parlant de sa coiffure.) Fais bouffer ! fais bouffer !… Eh bien, qu’est-ce que tu en as fait, de ta femme ? tu l’as renvoyée ?…

PITOIS

Non, monsieur… elle gagnait cinq cents francs par an !… nous les mettions à la caisse d’Épargne.

CÉLIMARE

Ah ! c’est une raison. Mais ton rival, tu l’as jeté par la fenêtre ?…

PITOIS

Non, monsieur… d’abord, les règlements de police s’y opposent… et puis il était plus fort que moi.

CÉLIMARE

Ah ! il paraît que c’était un rude gaillard !

PITOIS

Un homme superbe… dans le genre de monsieur.

CÉLIMARE

Fais bouffer… fais bouffer…

PITOIS

Mais tout ça ne lui a pas porté bonheur.

CÉLIMARE

Il est mort ?

PITOIS

Il est devenu huissier. (Ôtant le peignoir.) Monsieur est bouclé.

Célimare se relève.

CÉLIMARE,passant la chaise à droite

C’est bien… Mets une bûche dans le feu et va-t’en.

PITOIS,mettant une bûche dans la cheminée. À part

Au mois d’août… Bizarre !… bizarre !…

Il sort par la gauche.

Scène IV

Célimare, seul.

Il ouvre le secrétaire au fond, à droite, et y prend un petit coffret très élégant.

Là… est ma petite collection… les lettres de ces dames… Je ne le cache pas… j’ai aimé les dames (Gracieusement.) et je les aime encore, et je les aimerai toujours ; mais, au moment de me marier, je ne puis garder chez moi ces souvenirs charmants… J’ai fait allumer le bûcher… et je vais consommer le sacrifice. Voyons… on dit que le feu purifie tout. (Prenant un paquet de lettres dans le coffret qu’il dépose sur la table, il s’assied.) Ah ! les lettres de Ninette… ma dernière… une grande écriture rageuse… comme son caractère… (Il se lève.) C’est égal ! c’est une femme qui avait de jolis détails ! D’abord elle avait un mari… J’ai toujours aimé les femmes mariées… Une femme qui a un mari… un ménage… cela vous fait un intérieur… et puis c’est rangé, et c’est honnête… et il est si difficile aujourd’hui d’avoir pour maîtresse une femme complètement honnête ! Quant à la dépense… des bouquets… quelques sacs de bonbons… rien du tout ! Par exemple, il y a le mari… une espèce de gêneur qui s’éprend pour vous d’une amitié furieuse… qui vous raconte ses affaires, vous demande conseil, vous charge de ses commissions… ça, c’est le revers ; moi, j’ai toujours soigné le mari… c’est mon système… Ainsi, celui de Ninette… Borardon… un courtier en indigo… nous nous tutoyons… mais ces liaisons-là n’ont pas de racines… voilà ce qu’il y a de commode… ça se tranche comme avec un couteau… C’est pourtant un brave garçon, que ce Bocardon… très serviable… Ainsi, toutes ces lettres, c’est lui qui me les a apportées… dans son chapeau… Nous étions convenus d’un signal avec Ninette… quand Bocardon me disait : « Ah ! à propos ! ma femme m’a chargé de te demander ce que tu penses des Nord… ça voulait dire : « Ma femme t’a écrit… regarde sous la coiffe de mon chapeau… à gauche… » Je regardais, et… (Montrant les lettres.) Voilà. C’est une femme d’ordre… elle économisait les timbres-poste !… Pauvres gens ! je vais bien leur manquer… Je décidais tout dans la maison… j’étais leur intendant… côté du cœur. Allons ! brûlons ces souvenirs !… Ça me fait de la peine… mais bah ! (Il jette les lettres au feu.) Adieu, Ninette !… Adieu, Bocardon. (Prenant une autre liasse dans le coffret.) Passons à une autre !

Scène V

Célimare, Colombot.

COLOMBOT,sortant de la chambre à coucher, à gauche. À la cantonade

Très bien !… ce sera charmant.

CÉLIMARE,fermant vivement le coffret, après y avoir remis les lettres. À part

Oh !… mon beau-père.

COLOMBOT

Bonjour, Célimare.

CÉLIMARE

Monsieur Colombot !… Qui vous amène si matin ?

COLOMBOT

J’ai voulu donner un dernier coup d’œil à votre installation. (Il remonte, regardant la cheminée.) Tiens ! vous faites du feu… au mois d’août.

CÉLIMARE

Oui… l’air est frais, ce matin.

COLOMBOT,regardant la fenêtre

Et vous ouvrez la fenêtre ?

CÉLIMARE

Ça fumait.

COLOMBOT,apercevant le coffret sur la table

Ah ! le joli coffret !

Il veut le prendre

CÉLIMARE,le retenant

Prenez garde !… c’est très fragile.

COLOMBOT

Je parie que c’est encore une surprise… pour ma fille…

CÉLIMARE

Précisément.

COLOMBOT

Nous le mettrons dans la corbeille.

CÉLIMARE

C’est ça… plus tard… (À part.) quand il sera vidé.

COLOMBOT

Célimare ! il faudra bien l’aimer, ma fille ?

CÉLIMARE

Soyez tranquille, beau-père.

COLOMBOT

J’ai peur que vous ne soyez un peu mûr pour elle.

CÉLIMARE

Mûr ?… Je n’ai que quarante-sept ans.

COLOMBOT

D’abord, je vous préviens qu’Emma est très enfant

CÉLIMARE

Moi aussi…

COLOMBOT

Si vous l’aviez vue hier emballer ses poupées… car elle vous les apportera…

CÉLIMARE

Ah ! tant mieux ! ah ! tant mieux ! (Confidentiellement.) Cependant, entre nous, je tâcherai de les lui faire oublier.

COLOMBOT

Qu’est-ce que vous entendez par là ?

CÉLIMARE

Dame… (Lui frappant sur le ventre.) Eh ! eh ! papa Colombot.

Il rit.

COLOMBOT

Ne riez pas comme ça ! ça vous dessine la patte d’oie !

CÉLIMARE,à part

Ah ! mais… il est ennuyeux.

COLOMBOT

Voyez-vous, moi, je suis franc… je ne vous cache pas qu’au premier abord, vous ne me plaisiez pas du tout… Oh ! mais pas du tout.

CÉLIMARE

Ah !

COLOMBOT

À ma femme, non plus…

CÉLIMARE

Alors, qu’est-ce qui vous a décidé ?

COLOMBOT

C’est le notaire… quand il nous a dit que vous aviez quarante mille livres de rente…

CÉLIMARE,piqué

An ! vous êtes bien bon… je vous remercie.

COLOMBOT

Ça ne vous fâche pas ?

CÉLIMARE

Comment donc !… au contraire.

COLOMBOT

Nous nous sommes dit : « Célimare n’est pas jeune… Célimare n’est pas beau… mais la jeunesse, la beauté !… ça passe… tandis que quarante mille livres de rente… quand on a de l’ordre… ça reste !… » Je suis franc, moi !

CÉLIMARE

Je le vois bien !… Heureusement que votre fille ne partage pas votre opinion…

COLOMBOT

C’est vrai… vous lui plaisez assez… Je ne comprends pas ça…

CÉLIMARE,piqué

Qu’y a-t-il là d’étonnant ? j’ai su plaire à bien d’autres…

COLOMBOT,incrédule

Vous ?… Laissez-moi donc tranquille !… avec un ventre comme ça !

CÉLIMARE

Mais…

COLOMBOT,remontant

Allons ! je vous quitte… Vous avez votre toilette à terminer… À bientôt.

CÉLIMARE

Bonjour…

COLOMBOT

Ne vous faites pas attendre… à onze heures précises.

CÉLIMARE

Soyez tranquille.