Deux merles blancs - Eugène Labiche - E-Book

Deux merles blancs E-Book

Eugène Labiche

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Extrait : "PREMIER DOMESTIQUE, assis à droite, regardant son camarade frotter les meubles avec acharnement : Mais arrête-toi donc !... S'il n'a pas l'air d'une manivelle ! DEUXIÈME DOMESTIQUE, s'arrêtant : C'est fini... Ah ! j'ai chaud ! PREMIER DOMESTIQUE : Pas moi !... DEUXIÈME DOMESTIQUE : Je crois bien ! tu me regardes toujours..."À PROPOS DES ÉDITIONS LIGARANLes éditions LIGARAN proposent des versions numériques de qualité de grands livres de la littérature classique mais également des livres rares en partenariat avec la BNF. Beaucoup de soins sont apportés à ces versions ebook pour éviter les fautes que l'on trouve trop souvent dans des versions numériques de ces textes. LIGARAN propose des grands classiques dans les domaines suivants : • Livres rares• Livres libertins• Livres d'Histoire• Poésies• Première guerre mondiale• Jeunesse• Policier

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EAN : 9782335055139

©Ligaran 2015

Acte premier

Le théâtre représente un vieux salon gothique, ouvrant par trois portes sur un parc. – Portraits d’ancêtres. – Vieux meubles. – Portes à droite et à gauche. – À droite, une table avec papier, plumes et encre. – Ouvrage de femme. – À gauche, un canapé.

Personnages

MOUILLEBEC, maître d’école.

ALIDOR DE BOISMOUCHY.

WILLIAM TRACK, riche Américain.

M. DE MONTDÉSIR.

JUSTIN, domestique de Rosa.

PREMIER DOMESTIQUE de la marquise.

DEUXIÈME DOMESTIQUE.

ROSA DE SAINT-ALBANO.

NINI TAUPIN, femme de chambre de Rosa.

MINETTE, amie de Rosa.

LA MARQUISE DE BOISMOUCHY.

MARIE, fille de Montdésir.

UN PIQUEUR, UN DOMESTIQUE DE WILLIAM TRACK.

Le premier acte, en Bretagne, au château de Boismouchy. – Le deuxième, à Paris, chez madame de Saint-Albano. – Le troisième, à Trouville, chez William Track.

Scène première

Deux domestiques, puis la marquise de Boismouchy.

PREMIER DOMESTIQUE,assis à droite, regardant son camarade frotter les meubles avec acharnement

Mais arrête-toi donc !… S’il n’a pas l’air d’une manivelle !

DEUXIÈME DOMESTIQUE,s’arrêtant

C’est fini… Ah ! j’ai chaud !

PREMIER DOMESTIQUE

Pas moi !…

DEUXIÈME DOMESTIQUE

Je crois bien ! tu me regardes toujours.

PREMIER DOMESTIQUE

Oui, j’ai une névralgie dans les doigts… mais… pendant que tu frictionnais les fauteuils… il m’est venu une idée !…

DEUXIÈME DOMESTIQUE

Laquelle ?

PREMIER DOMESTIQUE

Depuis trois jours, madame la marquise de Boismouchy nous fait nettoyer son vieux château, frotter les meubles, ôter les toiles d’araignées… ce qui, en Bretagne, est contraire à tous les usages…

DEUXIÈME DOMESTIQUE

Eh bien ?

PREMIER DOMESTIQUE,se levant

Eh bien, je parie qu’il s’agit d’un mariage.

DEUXIÈME DOMESTIQUE

Pour qui ?

PREMIER DOMESTIQUE

Pour M. Alidor de Boismouchy, notre jeune maître…

DEUXIÈME DOMESTIQUE

Tiens ! tiens ! tiens ! est-ce que cet étranger qui est arrivé hier soir, avec sa fille… ?

PREMIER DOMESTIQUE

Précisément… M. de Montdésir ; il habite Nantes, il est très riche et très gaillard avec les femmes… à ce que m’a dit son domestique ! Quant à sa fille… dix-huit ans…

LA MARQUISE,entrant par la droite

Eh bien, est-ce fini ?

PREMIER DOMESTIQUE

Oh !… oui, madame la marquise, nous terminons à l’instant.

LA MARQUISE

Mon fils est-il levé ?

PREMIER DOMESTIQUE

Oh !… il y a longtemps…

LA MARQUISE

Priez-le de venir.

DEUXIÈME DOMESTIQUE

Mais il est parti…

LA MARQUISE

Comment, parti ?

PREMIER DOMESTIQUE

À quatre heures du matin… pour la chasse !

LA MARQUISE

Encore la chasse ! c’est une passion, une monomanie !… le tremble toujours qu’il ne lui arrive, quelque chose… (Aux domestiques.) C’est bien… laissez-moi.

Elle s’assied près de la table à droite. – Les domestiques remontent pour sortir. – Mouillebec paraît au fond, venant de la gauche avec un cahier et des livres sous le bras.

PREMIER DOMESTIQUE

M. Mouillebec !

Les deux domestiques sortent par le fond.

Scène II

Mouillebec, la Marquise.

LA MARQUISE,qui a pris un tricot et travaille

Ah ! notre maître d’école !…

MOUILLEBEC,saluant

Permettez-moi, madame la marquise, de déposer mes très humbles et très respectueuses.

LA MARQUISE,l’interrompant

Vous venez donner à mon fils sa leçon de latin ?

MOUILLEBEC,tirant sa montre

Il est neuf heures… et tous les jours, depuis douze ans, quand neuf heures sonnent, j’arrive… avec mon Cornélius nepos…

LA MARQUISE

Malheureusement, le marquis n’y est jamais !

MOUILLEBEC

C’est vrai… mais ça m’est égal… J’entre dans son cabinet d’étude… quand le temps est frais, je mets une bûche, je me permets de mettre une bûche dans le feu…

LA MARQUISE

Et vous faites bien !

MOUILLEBEC

Quand le feu est allumé… je me récite ses leçons… je me dicte son thème…

LA MARQUISE

Comment ! tout seul ?

MOUILLEBEC

Que M. le marquis y soit ou n’y soit pas… la leçon va toujours !… je suis un homme consciencieux, moi.

LA MARQUISE

Oh ! très consciencieux !

MOUILLEBEC

À dix heures… un de vos domestiques m’apporte mon cachet… je le mets dans ma poche… je me permets de le mettre dans ma poche… je me lève… je salue M. le marquis… comme s’il était là… et je lui donne respectueusement un pensum pour avoir manqué la classe…

LA MARQUISE

Un pensum, au marquis !…

MOUILLEBEC

Pour le principe ! car, entre nous, c’est moi qui le fais ! ce qui me retarde même beaucoup pour mon jardin… Croiriez-vous que mes pommes de terre ne sont pas encore plantées ?…

LA MARQUISE,posant son tricot et se levant

Vraiment !… Ah çà ! monsieur Mouillebec, pouvez-vous me dire quand mon fils aura terminé ses études ?

MOUILLEBEC

Dame !… s’il ne vient jamais… je ne vous cache pas que ce sera un peu plus long…

LA MARQUISE

Encore s’il savait parler sa langue !… mais il lui échappe des énormités… Hier, par exemple, il m’a demandé si ma migraine était guérite.

MOUILLEBEC,indigné

Guérite !… Je vais de ce pas lui flanquer une leçon sur les participes !

LA MARQUISE

C’est inutile… puisqu’il n’y est pas !

MOUILLEBEC

Ça m’est égal ! guérite ! le malheureux ! permettez-moi de le comparer à une vache espagnole… respectueusement !

LA MARQUISE

Voyons… monsieur Mouillebec… tâchez de le rejoindre !

MOUILLEBEC

Le rejoindre ! si vous croyez que c’est facile… Hier, savez-vous où je l’ai trouvé ?

LA MARQUISE

Non…

MOUILLEBEC

Au beau milieu de l’étang Robert !

LA MARQUISE,effrayés

Ah ! mon Dieu !

MOUILLEBEC

Piqué dans la vase et incorporé dans une botte de roseaux.

LA MARQUISE

Mon fils… dans les roseaux !

MOUILLEBEC

Il appelle ça chasser le canard ! Soyons juste ! je ne peux pourtant pas me mettre à la nage et me déguiser en roseau pour lui ingurgiter son Cornelius nepos !

LA MARQUISE

Mon pauvre Alidor ! il finira par se rendre malade !…

MOUILLEBEC

Lui ? il n’y a pas de danger !… c’est une vraie borne… pour la santé !… car pour l’intelligence…

LA MARQUISE,avec orgueil

Oh ! pour l’intelligence !…

MOUILLEBEC,à part

C’est exactement la même chose !

LA MARQUISE

Aussi je crois qu’il plaira…

MOUILLEBEC

Il plaira ?… à qui ?…

LA MARQUISE

Ah ! c’est juste… vous ne savez pas… je suis bien heureuse !… Une grande nouvelle !… que je puis vous confier, car vous êtes presque de la famille, mon bon Mouillebec !

MOUILLEBEC

Madame m’émeut !…

LA MARQUISE

Je suis sur le point de marier Alidor…

MOUILLEBEC

M. le marquis ?

LA MARQUISE

Une jeune personne charmante… qui est arrivée hier au soir avec son père… M. de Montdésir…

MOUILLEBEC

Quel évènement ! je donne huit jours de congé à mes élèves !… (À part.) Ça me permettra de planter mes pommes de terre !

LA MARQUISE

Mon fils habitera Nantes… Ah ! cette séparation me coûtera bien des larmes… un enfant que je n’ai jamais quitté !…

MOUILLEBEC

Madame la marquise ira le voir souvent.

LA MARQUISE

Tous les dimanches… sans compter les jeudis… et les jours de fête… Quant à vous, Mouillebec, vous n’en continuerez pas moins à lui donner sa leçon tous les jours…

MOUILLEBEC

À neuf heures précises !… Très bien, madame la marquise.

LA MARQUISE,apercevant Montdésir, qui arrive par le fond à gauche

Voici M. de Montdésir, le beau-père !…

Scène III

Mouillebec, Montdésir, la marquise, puis Marie.

MONTDÉSIR,saluant

Madame la marquise, je vous présente mes devoirs…

MOUILLEBEC,à part

C’est un joli homme.

MONTDÉSIR

Je ne vous cache pas que je suis impatient de voir mon futur gendre… que je ne connais pas encore.

LA MARQUISE,embarrassée

On va servir le déjeuner… et je pense…

MONTDÉSIR

Hier à huit heures, quand nous sommes arrivés, il était déjà couché… et ce matin… est-ce qu’il ne serait pas levé ?

LA MARQUISE

Oh ! depuis longtemps ! Il se lève avec le soleil… quelquefois auparavant… mais il est sorti.

MONTDÉSIR

Sorti ? Ah çà ! à quelle heure le voit-on ?

LA MARQUISE

Il est à la chasse !… il ne peut tarder…

MONTDÉSIR

À la chasse ?… Il me semble qu’il aurait pu remettre sa partie… Certainement je ne suis pas un homme cérémonieux…

MOUILLEBEC

Lui non plus ! Pour la rondeur, c’est un matelot… (Saluant.) Monsieur, j’ai bien l’honneur…

MONTDÉSIR,le saluant

Monsieur… (À la marquise.) Quel est ce… ?

LA MARQUISE

M. Mouillebec…

MOUILLEBEC

Maître d’école…

LA MARQUISE

Le précepteur du marquis…

MONTDÉSIR

Son précepteur ! Voyons, l’avez-vous bien bourré de grec et de latin ?

MOUILLEBEC

Oh ! bourré n’est pas le mot… On ne peut pas dire qu’il en soit bourré !

MONTDÉSIR

Après ça, je n’y tiens pas…

MOUILLEBEC

Tant mieux !

MONTDÉSIR

Pourvu qu’il sache parler sa langue…

LA MARQUISE,à part

Aïe !

MOUILLEBEC,à part

Guérite !

MONTDÉSIR

Pourvu que je trouve en lui un gai compagnon et un bon vivant !…

MOUILLEBEC

Oh ! pour ça !… c’est la première fourchette du Morbihan ! ?

MONTDÉSIR

Je demande pas qu’il ait passé ses examens pour entrer à l’École polytechnique…

MOUILLEBEC,vivement

Il pourrait se présenter, monsieur !… mais il serait refusé… respectueusement !

MONTDÉSIR

Quant à la santé ?…

LA MARQUISE

Oh ! excellente !… des joues superbes…

MOUILLEBEC

Tout en chair, monsieur… tout en chair et en muscles !… Le pauvre enfant ! quand il est arrivé ici à l’âge de huit ans, il n’avait que la peau et les os… un vrai clou ! c’est au point que, dans le bain, il rouillait son eau !… Je ne dis pas ça pour le vanter !

MONTDÉSIR

Parbleu !

LA MARQUISE

Il était si chétif, si délicat ! sa rougeole a duré six mois…

MOUILLEBEC

Et sa coqueluche, deux ans !

LA MARQUISE

Les médecins conseillèrent l’air de la campagne, la vie au soleil… C’est alors que nous abandonnâmes Paris pour venir habiter le château de Boismouchy… que nous n’avons plus quitté depuis… aussi trouverez-vous peut-être les manières du marquis un peu…

MONTDÉSIR

Je le vois d’ici… un gentilhomme campagnard.

MOUILLEBEC

C’est ça… plus campagnard que gentilhomme !

MONTDÉSIR,apercevant Marie, qui entre par la droite

Ah ! voici ma fille.

MARIE,saluant la marquise

Madame la marquise !…

LA MARQUISE,l’embrassant

Chère enfant !

MARIE,allant à son père

Bonjour, papa.

MOUILLEBEC,saluant Marie

Mademoiselle… Mouillebec, maître d’école et professeur du jeune homme !

MARIE,à part, riant

Oh ! la drôle de figure !

MOUILLEBEC,tirant sa montre et à part

Neuf heures un quart ! j’entre dans le cabinet du marquis… et nous allons un peu labourer nos principes !

Mouillebec entre à gauche.

Scène IV

Montdésir, Marie, la marquise, puis, Alidor.

MARIE,regardant autour d’elle

Mais, mon père… je ne vois pas…

MONTDÉSIR

Ton prétendu ?… nous l’attendons…

LA MARQUISE

Oui… je suis même étonnée… (À part.) Est-il insupportable avec sa chasse ! pourvu qu’il ne lui soit rien arrivé ! (On entend le son du cor.) Ah ! je l’entends !… c’est lui !

MARIE

Enfin !…

Elle passe à gauche. – Alidor de Boismouchy paraît au fond, venant de la gauche ; il porte une vieille veste de velours très fanée, un chapeau de paille défoncé, de gros souliers et des guêtres en cuir, montantes et crottées, il tient un fusil et un fouet. – Un piqueur le suit.

ALIDOR,à un de ses chiens qu’il menace du fouet et qui est hors de vue

Aïe donc ! Cabaret !… je te vas ratisser ! (À la marquise.) Bonjour, maman… (Au piqueur.) Lamouillette… mène les chiens au chenil… À deux heures tu me purgeras Ravaude… cette enfant a des vers.

Le piqueur disparaît par le fond à gauche.

LA MARQUISE,à part

Mon Dieu ! comme il est fait ! (Haut.) Mon fils que je vous présenté…

Alidor a déposé son fusil au fond.

MARIE,à part

Lui ! je l’avais pris pour un piqueur !

LA MARQUISE

Veuillez l’excuser… costume de chasseur… (À Alidor.) M. de Montdésir, dont je t’ai annoncé l’arrivée hier… (Bas.) Dis donc quelque chose !

ALIDOR,à Montdésir

C’est à M. de Montdésir que j’ai l’honneur de parler ?

MONTDÉSIR

Moi-même… je…

ALIDOR

Tant mieux !… tant mieux ! tant mieux !… (Il lui tourne le dos et remonte.) Ah ! dis donc, Lamouillette…

La marquise le retient et lui ôte son fouet qu’elle jette.