Erhalten Sie Zugang zu diesem und mehr als 300000 Büchern ab EUR 5,99 monatlich.
Extrait : "BLANCHE, à Léonida : Ma tante, vous ne faites donc pas votre partie de bouillotte ce soir ? LÉONIDA : J'attends que le quart d'heure soit fini... FÉLIX, à Léonida : C'est moi qui sors... Dans cinq minutes je vous cède la place. BAUCANTIN, montrant le journal : Parbleu ! voilà une singulière annonce."À PROPOS DES ÉDITIONS LIGARANLes éditions LIGARAN proposent des versions numériques de qualité de grands livres de la littérature classique mais également des livres rares en partenariat avec la BNF. Beaucoup de soins sont apportés à ces versions ebook pour éviter les fautes que l'on trouve trop souvent dans des versions numériques de ces textes. LIGARAN propose des grands classiques dans les domaines suivants : • Livres rares• Livres libertins• Livres d'Histoire• Poésies• Première guerre mondiale• Jeunesse• Policier
Sie lesen das E-Book in den Legimi-Apps auf:
Seitenzahl: 114
Das E-Book (TTS) können Sie hören im Abo „Legimi Premium” in Legimi-Apps auf:
EAN : 9782335055269
©Ligaran 2015
À la Ferté-sous-Jouarre. – Un salon de province. – Portes au fond, à droite et à gauche. – Tables, chaises, lampes, etc. ; cheminée au premier plan à droite, table de jeu à gauche, guéridon à droite, chaises couvertes de housses, secrétaire, table, etc.
CHAMPBOURCY, rentier.
COLLADAN, riche fermier.
CORDENBOIS, pharmacien.
SYLVAIN, fils de Colladan.
FÉLIX RENAUDIER, jeune notaire.
BAUCANTIN, percepteur.
COCAREL.
BÉCHUT.
LÉONIDA, sœur de Champbourcy.
BLANCHE, fille de Champbourcy.
BENJAMIN, garçon de café.
JOSEPH, domestique de Cocarel.
TRICOCHE, épicier.
MADAME CHALAMEL, fruitière.
DEUXIÈME GARÇON DE CAFÉ.
TROISIÈME GARÇON DE CAFÉ.
UN GARDIEN.
De nos jours. Le premier acte, à la Ferté-sous-Jouarre. Les actes suivants, à Paris.
Champbourcy, Colladan, Cordenbois, Félix Renaudier, Baucantin, Léonida, Blanche.
Au lever du rideau, Champbourcy, Colladan, Cordenbois et Félix sont assis à gauche autour d’une table éclairée par une lampe et jouent à la bouillotte. Blanche et Léonida sont assises à droite, auprès d’un guéridon éclairé par une lampe ; elles travaillent. Baucantin occupe le milieu de la scène et lit un journal.
Ma tante, vous ne faites donc pas votre partie de bouillotte ce soir ?
J’attends que le quart d’heure soit fini…
C’est moi qui sors… Dans cinq minutes je vous cède la place.
Parbleu ! voilà une singulière annonce.
Quoi donc ?
« Une demoiselle d’une beauté sévère, mais chez qui la majesté n’exclut pas la grâce, jouissant d’un revenu de cinq mille francs placés en obligations de chemin de fer, désire s’unir à un honnête homme, veuf ou garçon, doué d’une santé robuste, d’un caractère gai et peu avancé en âge. On ne tient pas à la fortune. On consentirait à habiter une petite ville bien située. S’adresser, pour les renseignements, à M. X…, rue Joubert, 55. – Affranchir. »
Ah ! je la connais, cette annonce-là. Voilà plus de trois ans que je la vois dans mon journal… (Aux joueurs.) Je passe ! (À part.) J’ai une dent qui me fait mal.
Je vois le jeu.
Moi aussi… Qu’est-ce que vous faites ?
Dix centimes.
Je file !
Comprend-on qu’une femme s’affiche de la sorte au mépris de toute pudeur…
Mais je ne vois pas de mal à cela… Souvent une pauvre femme végète oubliée dans un coin de la province… Dans un autre coin respire peut-être, ignoré, l’être mélancolique qui doit faire son bonheur… La publicité les rapproche.
On dit qu’il s’est fait de très beaux mariages par le canal des Petites Affiches… quant à moi, qui suis garçon, ces sortes d’annonces me font toujours rêver…
Laissez-moi donc ! des bêtises !… quand on veut se marier… on se fréquente… oui, oui, on se fréquente… Lorsque j’ai voulu épouser madame Colladan, ma défunte… je l’ai fréquentée… et ferme !
Voyons ! au jeu ! au jeu ! au jeu ! Nous perdons notre temps !
Neuf heures un quart… mon tour est arrivé.
Laissez au moins finir le coup.
Non, mademoiselle… je vous en prie…
Léonida s’assied. Blanche prend la place de Léonida et Félix celle de Blanche.
Vous voulez toujours être au jeu… c’est de la voracité !
M. Cordenbois !… Je ne prends pas votre placer… soyez poli… si vous le pouvez…
Mademoiselle !
Voyons ! la paix ! vous êtes toujours à vous disputai… entre compère et commère…
Ah ! ouiche !
Souvenez-vous que vous avez tenu sur les fonts le fils du sonneur de Saint-Paul… notre paroisse…
Même que, ce jour-là, M. Cordenbois vous a fait cadeau d’une paire de boucles d’oreilles.
Ne parlons pas de ça… c’est à moi de donner…
Il donne les cartes.
Vous allez être un quart d’heure à vous ennuyer.
Ah ! mademoiselle Blanche… les plus jolis quarts d’heure de mon existence sont ceux que je passe près de vous.
Je suis carré.
Passe !
Passe.
Je tiens… parole au carré !
Mon tout ?
Qu’est-ce que vous avez ?
Un brelan !
Alors je passe.
Comment ?
Dame ! je vous demande ce que vous avez d’argent devant vous, vous me répondez : « J’ai un brelan… » alors je passe.
On rit.
Je ne trouve pas ça drôle !
Blanche apporte la cagnotte.
Vous avez parlé trop vite… moi, quand j’ai un brelan, je serre les lèvres et j’ouvre le nez… comme ça…
Alors, on s’en doute !
Arrosons toujours le brelan !
Un sou ?…
C’est ruineux, ce jeu-là.
Elle est joliment lourde.
Sans compter qu’il y en a trois autres toutes pleines…
Dame ! depuis un an que nous fourrons des sous là-dedans !…
Ce n’est pas pour me vanter, mais je crois que j’ai eu là une heureuse idée…
C’est moi qui ai eu l’idée…
J’en demande pardon à M. Cordenbois, notre spirituel pharmacien… Vous nous avez proposé de fonder une cagnotte… c’est-à-dire de nous imposer d’un sou à chaque brelan.
Eh bien ?
Oui ; mais dans quel but ? Vous demandiez que la cagnotte fût dépouillée le samedi de chaque semaine et que le produit en fût consacré à des libations de vin chaud et de bischof.
J’ai appuyé ça, moi…
D’abord, c’était vulgaire : vous transformiez ma maison en cabaret de bas étage.
Permettez…
Et puis c’était injuste… les dames ne boivent pas de liqueurs… Nous étions sacrifiées… comme toujours !
C’est alors que je me suis permis d’élargir, si je puis m’exprimer ainsi… les bases de votre projet… j’ai proposé de laisser accumuler les fonds de la cagnotte pendant un an afin d’avoir une somme plus considérable à dépenser… car enfin, supposons que nous ayons deux cents francs.
Oh !
C’est possible… nous allons le savoir tout à l’heure… à neuf heures et demie, nous procéderons au dépouillement Supposons, dis-je, que nous ayons deux cents francs…
Quelle noce !
Notre horizon s’agrandit… nous pouvons donner une fête digne de nous, et qui marque dans les fastes de la Ferté-sous-Jouarre.
Voyons ! jouons ! J’ai vu…
Je n’ajouterai plus qu’un mot… et ce mot… sera un regret… nous regrettons que M. Baucantin, notre ingénieux receveur des contributions…
Moi ?
N’ait pas jugé à propos de partager nos jeux et de subir avec nous les caprices de la déesse aveugle.
Le jeu est incompatible avec les fonctions publiques.
Oh ! par exemple !… Je suis notaire et cela ne m’empêche pas de faire ma partie.
Et papa est commandant des pompiers.
Ce n’est pas la même chose… Monsieur votre père n’est pas à proprement parler un fonctionnaire…
Comment ! mais qu’est-ce que je suis donc alors ? Il me semble que j’ai fait assez pour mon pays pour qu’on ne me chicane pas sur mon titre !
Messieurs, loin de moi cette pensée…
On paraît oublier bien vite que, si la commune a une pompe… c’est moi qui l’en ai gratifiée !
C’est vrai ! mais on ne s’en sert pas… Elle se rouille, votre pompe !
Ce n’est pas ma faute s’il n’y a pas d’incendie ! Je ne peux pourtant pas mettre le feu aux quatre coins de la ville…
Ah ça ! joue-t-on, oui ou non ?
Moi, je vous attends.
Je vois…
Je parie qu’elle a beau jeu. (Haut.) Je passe.
Votre lampe baisse.
C’est la mèche qui charbonne… pardon… voulez-vous me tenir le globe ? (Il le donne à Cordenbois, qui se lève aussi. Il prend le verre et le donne à Colladan qui se lève également, il arrange la mèche.) Je disais bien… la mèche charbonne. (Il reprend le verre à Colladan, le pose sur la lampe, même jeu pour le globe.) Pardon… Merci !
Tous trois se rassoient.
Y sommes-nous enfin ? Je vois…
Passe !
Passe !
Passe !
Quatre sous ! je fais quatre sous !
Tout le monde a passé !
C’est agréable ! J’ai quarante en main. (Regardant les jeux qu’on a jetés sur la table.) Comment, monsieur Colladan… vous passez avec vingt et un et as ?
Mademoiselle… Je ne respirais pas ce coup-là.
Avec vingt et un et as, on risque deux sous.
Un fermier ! un richard ! fi ! c’est de la carotta.
Quand on ne respire pas un coup…
C’est à moi de faire.
Elle donne les cartes.
Je suis carré… Parlez !
Votre lampe file !
C’est la mèche… (À Cordenbois.) Prenez le globe… (À Colladan.) Vous, le verre…
Même jeu que la première fois.
Il est embêtant avec sa lampe… J’aimerais mieux une chandelle.
C’est la mèche qui charbonne… (Reprenant le verre.) Pardon… (Reprenant le globe.) Merci…
Tous trois se rassoient.
Voyons… jouons sérieusement.
Un domestique paraît au fond avec deux lettres.
Ah ! le courrier de Paris qui arrive. (Elle prend les deux lettres. Le domestique sort.) Une lettre pour ma tante, non affranchie.
Elle la lui remet.
Pour moi ?
Moi, les lettres non affranchies, je les refuse.
Et une pour M. Colladan.
Elle regagne sa place.
Cette écriture… grand Dieu !…
Elle met vivement la lettre dans sa poche et vient se rasseoir.
Qui est-ce qui t’écrit, ma sœur ?
Personne… c’est-à-dire si… ma marchande de modes… Voyons, à qui à parler ?
Ah ! c’est de mon fils… de Sylvain… que j’ai mis à l’école de Grignon pour apprendre les malices de l’agriculture… Il voulait être photographe… alors, je lui ai fichu une gifle et je lui ai dit : « Tu seras fermier… parce qu’un fermier… »
Oui… nous savons ça… Allons !… soyons au jeu !…
Attendez que je lise ma lettre…
Ah ! saprelotte !
C’est insupportable !
« Mon cher papa, je vous écris pour vous dire qu’on est très content moi… j’ai eu de l’avancement… on m’a mis à l’étable… »
À l’étable… Ce sont des détails de famille… lisez tout bas…
Si je lis haut, c’est pas pour vous, c’est pour moi… Toutefois que je ne lis pas tout haut… je ne comprends pas ce que je lis… (Continuant sa lettre à haute voix.) « À l’étable… mais, par exemple, je n’ai pas de chance, j’ai une vache malade… »
Je n’aime pas à jouer la bouillotte comme ça !
Il se lève et se promène dans le fond.
« Elle ne boit plus, elle ne mange plus, elle tousse, comme une pulmonie. » (parlé en s’attendrissant.) Pauvre bête ! elle s’aura enrhumée ! (Lisant.) « On croirait qu’elle Va trépasser. » (Très ému, passant la lettre à Champbourcy.) Tenez !… continuez… ça me fait trop peine !
Voyons !… du courage, sacrebleu ! (Lisant.) « Quant à moi, je ne vas pas plus mal. » (Parlé pour le consoler) La… vous voyez… il ne va pas plus mal…
Oui, mais la vache !
« Nous labourons à mort pour faire les mars, il pleut… mais, comme dit le proverbe :
Ah ! c’est bien vrai ! pluie en fumier, c’est du février, (Se reprenant.) C’est-à-dire…
Champbourcy ! dépêchons !… nous attendons…
C’est la fin. (Lisant.) « Je suis avec respect, votre fils respectueux qui vous prie de lui envoyer son, moisi tout de suite. »
Enfin !
Voyons ! y sommes-nous maintenant ?
Papa, il est neuf heures et demie.
Le dernier tour !
Oui, le tour des décavés et vivement ! (À Colladan.) Parlez !
Je passe !
Je passe !
Je vois… cinq sous…
Tenu. Six sous.
Sept !
Oh ! il va y avoir du massacre !
Huit !
Neuf !
Mon tout ! quinze sous !
Je tiens !
Oh !
Blanche, Félix et Baucantin s’approchent vivement de la table.
Je veux voir ce coup-là !
C’est le plus beau coup de l’année.
Brelan d’as !
Brelan de huit… carré !
Oh !
Perdu ! (se levant avec colère.) C’est fait pour moi. Je ne veux plus toucher aux cartes. Sans compter que j’ai une dent qui me fait mal !
Arrosez !… deux brelans dont un carré. C’est trois sous !
Tout le monde s’est levé.
Que d’argent, mon Dieu ! (Donnant de l’argent à Blanche.) Voilà !
Tiens ! un sou étranger… Non… c’est un bouton…
Chut !… c’est une erreur… en voici un autre.
J’emporte la boite.
Et surtout brûle les cartes ! Je ne veux plus jouer avec ces cartes-là.
Elles sont encore bonnes… elles ne poissent pas !
Oh ! cette lettre… me brûle les mains… J’ai hâte de la lire !
Elle entre à droite