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Extrait : "PETUNIA, au public. Je ne connais rien de bête comme d'épousseter ! cette opération consiste à envoyer sur le fauteuil de droite la poussière qui se reposait sur le fauteuil de gauche... C'est un déplacement, voilà tout..."
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Seitenzahl: 103
Veröffentlichungsjahr: 2015
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ALPHONSE MARJAVEL KRAMPACH
JOBELIN
ERNEST JOBELIN HERMANCE
BERTHE
PÉTUNIA LISBETH
Un salon chez Marjavel.
Cheminée à gauche, premier plan ; sur la cheminée, une pendule surmontée d’une tête de cerf ; un petit guéridon au troisième plan. Une grande horloge-coucou à droite ; portes au fond dans les pans coupés. Au milieu de la scène, un divan rond et s’ouvrant ; au milieu du divan, une corbeille de fleurs. Porte au fond ; de chaque côté de cette porte, un portrait : celui de droite sur ses deux faces représente une femme ; celui de gauche représente Marjavel ; une console sous chaque portrait. Au premier plan, à droite, une fenêtre ouvrant sur un balcon.
Pétunia, puis Marjavel, puis Hermance.
Au lever du rideau, Pétunia est en train d’épousseter le divan.
Je ne connais rien de bête comme d’épousseter ! cette opération consiste à envoyer sur le fauteuil de droite la poussière qui se reposait sur le fauteuil de gauche… C’est un déplacement, voilà tout…
Elle gagne la droite et époussette le portrait ; elle le retourne et voit un autre portrait de femme derrière.
Tiens ! le portrait de Madame qui a un envers, un autre portrait de femme !
Pétunia !
Monsieur ?
Ernest n’est pas arrivé ?
Non, monsieur.
Non ?
Poussant un soupir.
Enfin !
Il disparaît.
Il ne peut plus se passer de son Ernest… il a été lui-même le chercher à Paris, en voiture… et il l’a installé à Auteuil dans le pavillon, au bout du jardin… Après cela, il paraît que c’est dans la nature… un mari aime toujours l’Ernest de sa femme.
Pétunia !
Ah ! c’est madame…
Elle prend le paquet et le pose sur un petit meuble à droite.
M. Ernest n’est pas arrivé ?
Non, madame.
Non ?…
Poussant un soupir.
Enfin !… débarrassez-moi de mon chapeau… de mon mantelet, et laissez-moi.
Bien, madame.
Elle entre à droite, pan coupé.
Hermance, Marjavel, Pétunia.
Personne !…
Elle court vivement à une tête de cerf empaillée qui est sur la cheminée et l’ouvre comme une boîte.
C’est là-dedans que nous cachons notre correspondance.
Regardant dans la boîte.
Rien !… Il ne m’a pas écrit… Ah ! les hommes ne savent pas aimer !…
Tirant une lettre de sa poche et la remettant dans la boîte qu’elle referme.
Tandis que moi… tous les jours, un billet… Aujourd’hui, je lui fais part de mes terreurs… Ce cocher que j’ai vu rôder sous mes fenêtres…
Ernest n’est pas arrivé ?…
Non… je ne l’ai pas vu…
Mais qu’est-ce qu’il fait, cet animal-là ? À dix heures !
Tu as besoin de lui ?
Non, non… mais j’aime à le voir… il m’amuse, il a des naïvetés… Hier, on parlait devant lui d’une femme mariée… et légère… il s’est écrié : « Est-ce que c’est possible ? est-ce qu’il y a des femmes qui trompent leurs maris ?… » Un enfant ! quoi, un enfant !
Oh ! tout à fait !
Un jour, il faudra que je m’amuse à le dégourdir.
Par exemple ! de quoi vous mêlez-vous ? Est-ce que ça vous regarde ?
Non… Je dis ça pour plaisanter… Voyons, ne te fâche pas… Ah ! je savais bien que j’avais quelque chose à te confier.
Quoi ?
Je me suis donné un valet de chambre.
Ah ! c’est une bonne idée.
Avec sa femme.
Ah !
Des gens sûrs… parce que je ne veux plus être servi que par des gens sûrs… Je les fais venir d’Alsace.
D’Alsace ?
J’ai écrit à mon régisseur : « Mariez-moi un domestique sûr… avec une domestique sûre… et envoyez-les-moi… » Ils arrivent aujourd’hui.
Comment ?… Eh bien, et Pétunia ?
Je crois que le moment est venu de lui indiquer la porte… Est-ce que tu y tiens ?
Oh ! pas du tout !
Mon Dieu, ce n’est pas une méchante fille ; mais elle a continuellement un pompier dans sa cuisine.
En effet, j’ai cru remarquer…
Et moi, ça me fait des peurs… Je crois toujours qu’il y a le feu.
Alors tu vas la congédier ?
Non… pas moi… toi…
Comment ?
Affaire d’intérieur… ça te regarde. Ainsi ma première femme… cette bonne Mélanie… dont le portrait est derrière le tien… car je n’ai pas voulu vous séparer…
Merci bien !
Oh ! si tu l’avais connue, tu l’aurais aimée… tout le monde l’aimait… Demande à Jobelin, l’oncle d’Ernest… il savait l’apprécier, lui ! Eh bien, quand il y avait un domestique à renvoyer, elle me disait : « Alphonse, est-ce que tu ne vas pas faire un petit tour à ton café ?… » Je partais… et, à mon retour, c’était fait.
C’est bien, je me charge de l’exécution.
Après ça, si tu préfères attendre Ernest… il fera ça, lui !
Non, c’est inutile.
Au fait, j’ai un autre service à lui demander.
Mon ami, si je puis…
Non, il s’agit d’une toiture qui a besoin de réparations… Il est jeune… il montera là-haut… ça le promènera.
Mais c’est très dangereux.
Je crois bien ! Je n’y monterais pas pour mille francs ! On me dirait : Voilà mille francs ; je n’y monterais pas.
Mais alors ?…
Oui, tout de suite.
Chut !… j’entends Pétunia !… sois ferme ! je file !
Il rentre à gauche.
Hermance, Pétunia.
Madame n’a pas d’ordres à me donner ?
Si, j’ai à vous parler, mademoiselle ; je vais sans doute être forcée de me priver de vos services…
Madame me renvoie ?
Vous ne devez pas en être bien surprise.
Au fait, je devais m’en douter… je n’ai pas le bonheur de plaire à M. Ernest.
Plaît-il ? En quoi les affaires de mon ménage regardent-elles M. Ernest ?
Oh ! je dis ça… parce que M. Ernest est l’ami de Monsieur… et de Madame.
Elle se doute de quelque chose !
Madame me donne-t-elle huit jours ?…
Certainement, nous n’en sommes pas à quelques jours près.
Ah ! ça me fait de la peine ! J’étais attachée à madame et à M. Marjavel ! et à M. Ernest aussi.
C’est bien, et, puisque vous êtes dévouée… et discrète…
Ah ! madame !
Je verrai mon mari, je lui parlerai. Je dois vous dire qu’il est très froissé de ce pompier que vous recevez.
Dame ! je ne peux pas recevoir des ambassadeurs ; d’ailleurs, ce pompier… c’est mon tuteur !
Elle se moque de moi.
Haut.
Allez… attendez mes ordres.
La robe que Madame portait hier est bien fatiguée, est-ce que Madame compte la remettre ?
Non, je vous la donne…
Oh ! je ne quitterai jamais Madame !
Elle sort par le fond.
Hermance, puis Marjavel, puis Pétunia.
Elle me tient ! nous aurons commis quelque imprudence. Et Ernest qui n’est pas là !
Ernest n’est pas arrivé ?
Non, je l’attends.
Moi aussi, parbleu !… Onze heures !… Je parie qu’il est encore à sa toilette ! S’il croit que je l’ai invité à venir à ma campagne pour se cirer les moustaches !… Ah ! je finirai par prendre un parti !
Lequel ?
J’en inviterai un autre !
Tu es injuste ; hier, il a arrosé ton jardin jusqu’à neuf heures du soir, pendant que tu fumais ton cigare.
Moi, je ne puis pas arroser, ça me fait mal aux reins. Mais après, pour le récompenser, j’ai fait son bésigue.
C’est-à-dire qu’il a fait le tien !
Pourquoi le mien plutôt que le sien ?
Il déteste le jeu !
Lui ?… alors, pourquoi me dit-il tous les soirs : « Eh bien, papa Marjavel, est-ce que nous ne faisons pas notre petite partie ?… » Tu t’assois près de nous avec ton ouvrage… alors ses yeux brillent… s’allument…
C’est la vue des cartes.
Parbleu ! je m’en suis bien aperçu ! Veux-tu que je te dise ? Ernest est joueur ! il n’aime pas les chevaux, il n’aime pas la table, il n’aime pas les femmes… du moins je n’ai jamais remarqué…
Moi non plus !
Donc, il est joueur ! donc, il finira mal !… Il faudra que je prévienne Jobelin, son oncle… Mais il ne s’agit pas de ça ! Tu as vu Pétunia ! L’as-tu… ?
Que lui dire ?…
Elle court prendre le petit paquet enveloppé que Pétunia a déposé sur un meuble.
Mon ami… permets-moi…
Quoi donc ?
C’est aujourd’hui ta fête… la Saint-Alphonse…
Une calotte !
Brodée par moi, en cachette.
Ah ! chère amie ! que tu es bonne !
Et comme tu t’enrhumes souvent du cerveau l’hiver…
C’est vrai… Ça me grossit le nez.
J’ai fait ouater l’intérieur avec de l’édredon…
De l’édredon !… Elle m’entoure d’édredon ! ma parole, il n’y a pas sous le ciel un homme plus heureux que moi ! Avec ma première femme,
Hermance remet la calotte sur le petit meuble.
c’était la même chose… J’ai une chance de… pendu !
Tendrement.
Hermance…
Hermance vient près de lui.
tu n’as pas affaire à un ingrat, et, ce soir… j’irai lire mon journal dans ta chambre.
Tais-toi donc !
Tu ne veux pas que j’aille lire mon journal dans ta chambre ?… Dis-le donc ! dis-le donc !… Ah ! tu ne le dis pas !
Voyons… Marjavel… tu es fou !
Ah ! sapristi !
Quoi donc ?
Puisque c’est aujourd’hui ma fête, nous allons recevoir des visites ! Jobelin… avec son bouquet, il n’y manque jamais… et puis la petite Berthe, sa nièce… et Isaure, ma sœur.
Eh bien ?
Comment allons-nous faire ? Nos Alsaciens ne sont pas arrivés, et tu as renvoyé Pétunia… Il ne nous reste qu’Ernest.
Non, je n’ai pas renvoyé Pétunia.
Ah ! tant mieux ! ce sera pour demain.
Cette fille est dans une position très intéressante.
Allons, bon ! le pompier !
Mais non ! tu ne comprends pas… Je veux dire très digne d’intérêt.
Elle ? allons donc !
Je l’ai fait parler… Elle élève, avec ses faibles gages, deux orphelins, dans une mansarde.
Pas possible ?…
Et elle leur fait donner une très bonne éducation… sur ses économies.
Tiens ! tiens ! qui est-ce qui se serait douté de ça ?
C’est une vie de sacrifice… de dévouement… Elle a renoncé pour eux aux joies de la famille.
Ah ! c’est bien !… Ah çà ! et le pompier ?
Le pompier… c’est leur père…
Alors ils ne sont pas orphelins…
Oh ! un pompier… ce n’est pas un père… il est toujours dans le feu !
C’est juste. Je suis d’autant plus touché de la conduite de Pétunia que j’ai absolument besoin d’elle.
Il sonne.
Qu’est-ce que tu fais ?
Je la sonne… Je vais lui adresser quelques mots.
Pétunia paraît.
Approchez, mademoiselle, approchez.
Monsieur ?
Je sais tout. Continuez, mademoiselle, à marcher dans cette voie d’abnégation et de sacrifices que vous vous êtes tracée…
Plaît-il ?
L’orphelin porte bonheur.
Il passe devant elle.
Continuez, mademoiselle, continuez, l’orphelin porte bonheur.
Il sort par la gauche.
Quel orphelin ?
Taisez-vous donc, puisqu’on vous garde.
Elle disparaît par la porte où est sorti son mari.