Le Songe d'une nuit d'été - Ligaran - E-Book

Le Songe d'une nuit d'été E-Book

Ligaran

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Beschreibung

Extrait : "THESEE : Belle Hippolyte, l'heure de notre hymen s'avance à grands pas : quatre jours fortunés amèneront une lune nouvelle ; mais que l'ancienne me semble lente à décroître ! Elle retarde l'objet de mes désirs, comme une marâtre, ou une douairière, qui puise longtemps dans les revenus du jeune héritier."

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Notice sur le Songe d’une nuit d’été

Le Songe d’une nuit d’été peut être regardé comme le pendant de la Tempête. C’est encore ici une pièce de féerie, où l’imagination semble avoir été le seul guide de Shakespeare. Aussi, pour la juger, faut-il ne pas oublier son titre et se livrer au caprice du poète, qui a dû sentir lui-même tout ce qu’aurait de choquant pour un esprit méthodique et froid le mélange bizarre de la mythologie ancienne et de la mythologie moderne, le transport rapide du spectateur d’un monde réel dans un monde fantastique, et de celui-ci dans l’autre. La Vie de Thésée, dans Plutarque, et deux contes de Chaucer, ont peut-être fourni à Shakespeare quelques traits de son ouvrage, mais l’imitation y est très difficile à reconnaître.

On préfère généralement la Tempête au Songe d’une nuit d’été. Le seul Schlegel semble pencher pour cette dernière pièce ; Hazzlitt n’est point de son avis, mais il ajoute que si la Tempête est une meilleure pièce, le Songe est un poème supérieur à la Tempête. On trouve, en effet, dans le Songe, une foule de détails et de descriptions remarquables par le charme des vers, la richesse et la fraîcheur des images : « La lecture de cette pièce, dit Hazzlitt, ressemble à une promenade dans un bosquet, à la clarté de la lune. »

Mais est-il rien de plus poétique que le caractère de Miranda et la pureté de ses amours avec Ferdinand ? Ariel aussi l’emporte de beaucoup sur Puck, qui est l’Ariel du Songe d’une nuit d’été, mais qui en diffère essentiellement par son caractère, quoique ces deux personnages aériens aient entre eux tant de ressemblance par leurs fonctions et les situations où ils se trouvent. Ariel, dit encore le critique que nous avons cité tout à l’heure, Ariel est un ministre de vengeance qui est touché de pitié pour ceux qu’il punit ; Puck est un esprit étourdi, plein de légèreté et de malice, qui rit de ceux qu’il égare : « Que ces mortels sont fous ! » Ariel fend l’air et exécute sa mission avec le zèle d’un messager ailé ; Puck est porté par la brise comme le duvet brillant des plantes.

Prospéro et tous ses esprits sont des moralistes ; mais avec Obéron et ses fées nous sommes lancés dans le royaume des papillons.

Il est étonnant que Shakespeare soit considéré non seulement par les étrangers, mais par plusieurs des critiques de sa nation, comme un écrivain sombre et terrible qui ne peignit que des gorgones, des hydres et d’effrayantes chimères. Il surpasse tous les écrivains dramatiques par la finesse et la subtilité de son esprit ; tellement qu’un célèbre personnage de nos jours disait qu’il le regardait plutôt comme un métaphysicien que comme un poète.

Il paraît que, dans cette pièce, Shakespeare avait pour but de faire la caricature d’une troupe de comédiens rivale de la sienne, et peut-être de tous ces artistes amateurs chez qui le goût du théâtre est une passion souvent ridicule.

Le caractère de Bottom est un des plus comiques de Shakespeare ; Hazzlitt l’appelle le plus romanesque des artisans, et observe à son sujet ce qu’on a dit plusieurs fois, c’est que les caractères de Shakespeare sont toujours fondés sur les principes d’une physiologie profonde. Bottom, qui exerce un état sédentaire, est représenté comme suffisant, sérieux et fantasque. Il est prêt à tout entreprendre, comme si tout lui était aussi facile que le maniement de sa navette. Il jouera, si on veut, le tyran, l’amant, la dame, le lion, etc., etc.

Snug, le menuisier, est le philosophe de la pièce ; il procède en toute chose avec mesure et prudence. Vous croyez le voir, son équerre et son compas à la main : « Avez-vous par écrit le rôle du lion ? Si vous l’avez, donnez-le-moi, je vous prie, car j’ai la mémoire paresseuse. – Vous pouvez l’improviser, dit Quince, car il ne s’agit que de rugir. »

Starveling, le tailleur, est pour la paix, et ne veut pas de lion ni de glaive hors du fourreau : « Je crois que nous ferons bien de laisser la tuerie quand tout sera fini. »

Starveling cependant ne propose pas ses objections lui-même, mais il appuie celles des autres, comme s’il n’avait pas le courage d’exprimer ses craintes sans être soutenu et excité à le faire. Ce serait aller trop loin que de supposer que toutes ces différences caractéristiques sont faites avec intention, mais heureusement elles existent dans les créations de Shakespeare comme dans la nature.

Les caractères dramatiques et les caractères grotesques sont placés par lui dans le même tableau avec d’autant plus d’art que l’art ne s’aperçoit nullement. Oberon, Titania, Puck, et tous les êtres impalpables de Shakespeare, sont aussi vrais dans leur nature fantastique que les personnages dont la vie réelle a fourni le modèle au poète.

Suivant Malone, le Songe d’une nuit d’été aurait été composé en 1592 : c’est une des pièces de la jeunesse de Shakespeare ; aussi a-t-elle toute la fraîcheur et le coloris d’un tableau de cet âge des rêves poétiques.

Personnages

THÉSÉE, duc d’Athènes.

ÉGÉE, père d’Hermia.

LYSANDRE, DÉMÉTRIUS, amoureux d’Hermia.

PHILOSTRATE, ordonnateur des fêtes de Thésée.

QUINCE, charpentier.

BOTTOM, tisserand.

FLUTE, marchand de soufflets.

SNOUT, chaudronnier.

SNUG, charpentier.

STARVELING, tailleur.

HIPPOLYTE, reine des Amazones, fiancée à Thésée.

HERMIA, fille d’Égée, amoureuse de Lysandre.

HÉLÈNE, amoureuse de Démétrius.

OBERON, roi des fées.

TITANIA, reine des fées.

PUCK, ou ROBIN BON-DIABLE, lutin.

FLEUR-DE-POIS (Pea’s-Blossom), TOILE D’ARAIGNÉE (Cobweb), PAPILLON (Moth), GRAIN DE MOUTARDE (Mustard-Seed), fées.

PYRAME, THISBÉ, LA MURAILLE, LE CLAIR DE LUNE, LE LION, personnages de l’intermède.

Fées de la suite du roi et de la reine.

Suite de Thésée et d’Hippolyte.

La scène est dans Athènes et dans un bois voisin.

Acte premier
Scène I

La scène représente un appartement du palais de Thésée, dans Athènes.

Thésée, Hippolyte, Philostrate, suite.

THÉSÉE

Belle Hippolyte, l’heure de notre hymen s’avance à grands pas : quatre jours fortunés amèneront une lune nouvelle ; mais que l’ancienne me semble lente à décroître ! Elle retarde l’objet de mes désirs, comme une marâtre, ou une douairière, qui puise longtemps dans les revenus du jeune héritier.

HIPPOLYTE

Quatre jours seront bientôt engloutis dans la nuit, et quatre nuits auront bientôt fait couler le temps comme un songe ; et alors la lune, comme un arc d’argent nouvellement tendu dans les cieux, éclairera la nuit de nos noces.

THÉSÉE

Allez, Philostrate ; excitez la jeunesse athénienne à se divertir ; réveillez les esprits vifs et légers de la joie ; renvoyez aux funérailles la mélancolie : cette pâle compagne n’est pas faite pour notre fête. (Philostrate sort.) Hippolyte, je t’ai fait la cour l’épée à la main, j’ai conquis ton cœur par les rigueurs de la guerre ; mais je veux t’épouser sous d’autres auspices, au milieu de la pompe, des triomphes et des fêtes.

(Entrent Égée, Hermia, Lysandre et Démétrius.)

ÉGÉE

Soyez heureux, Thésée, notre illustre duc !

THÉSÉE

Je vous rends grâces, bon Égée : quelles nouvelles nous annoncez-vous ?

ÉGÉE

Je viens, le cœur plein d’angoisses, me plaindre de mon enfant, de ma fille Hermia. – Avancez, Démétrius. – Mon noble prince, ce jeune homme a mon consentement pour l’épouser. – Avancez, Lysandre. Et celui-ci, mon gracieux duc, a ensorcelé le cœur de mon enfant. C’est toi, c’est toi, Lysandre, qui lui as donné des vers et qui as échangé avec ma fille des gages d’amour. Tu as, à la clarté de la lune, chanté sous sa fenêtre, avec une voix trompeuse, des vers d’un amour trompeur : tu as surpris son imagination avec des bracelets de tes cheveux, avec des bagues, des bijoux, des hochets, des colifichets, des bouquets, des friandises, messagers d’un ascendant puissant sur la tendre jeunesse ! Tu as dérobé avec adresse le cœur de ma fille, et changé l’obéissance qu’elle doit à son père en un âpre entêtement. Ainsi, gracieux duc, dans le cas où elle oserait refuser ici devant Votre Altesse de consentir à épouser Démétrius, je réclame l’ancien privilège d’Athènes. Comme elle est à moi, je puis disposer d’elle ; et ce sera pour la livrer à ce jeune homme ou à la mort, en vertu de notre loi, qui a prévu expressément ce cas.

THÉSÉE

Que répondez-vous, Hermia ? Charmante fille, pensez-y bien. Votre père devrait être un dieu pour vous : c’est lui qui a formé vos attraits : vous n’êtes à son égard qu’une image de cire, qui a reçu de lui son empreinte ; et il est en sa puissance de laisser subsister la figure, ou de la briser. – Démétrius est un digne jeune homme.

HERMIA

Lysandre aussi.

THÉSÉE

Il est par lui-même plein de mérite ; mais, dans cette occasion, faute d’avoir l’agrément de votre père, c’est l’autre qui doit avoir la préférence.

HERMIA

Je voudrais que mon père pût seulement voir avec mes yeux.

THÉSÉE

C’est plutôt à vos yeux de voir avec le jugement de votre père.

HERMIA

Je supplie Votre Altesse de me pardonner. Je ne sais pas par quelle force secrète je suis enhardie, ni à quel point ma pudeur peut être compromise, en déclarant ici mes vrais sentiments en votre présence. Mais je conjure Votre Altesse de me faire connaître ce qui peut m’arriver de plus funeste, dans le cas où je refuserais d’épouser Démétrius.

THÉSÉE

C’est, ou de subir la mort, ou de renoncer pour jamais à la société des hommes. Ainsi, belle Hermia, interrogez vos inclinations, considérez votre jeunesse, consultez votre cœur ; voyez si, n’adoptant pas le choix de votre père, vous pourrez supporter le costume d’une religieuse, être à jamais enfermée dans l’ombre d’un cloître pour y vivre en sœur stérile toute votre vie, chantant des hymnes languissants à la froide et stérile lune. Trois fois heureuses, celles qui peuvent maîtriser assez leur sang, pour supporter ce pèlerinage des vierges : mais plus heureuse est sur la terre la rose distillée que celle qui, se flétrissant sur son épine virginale, croît, vit, et meurt dans un bonheur solitaire.

HERMIA

Je veux croître, vivre et mourir comme elle, mon prince, plutôt que de céder ma virginité à l’empire d’un homme dont il me répugne de porter le joug, et dont mon cœur ne consent point à reconnaître la souveraineté.

THÉSÉE

Prenez du temps pour réfléchir ; et à la prochaine nouvelle lune, jour qui scellera le nœud d’une éternelle union entre ma bien-aimée et moi, ce jour-là même, préparez-vous à mourir, pour votre désobéissance à la volonté de votre père ; ou bien à épouser Démétrius, comme il le désire ; ou enfin à prononcer, sur l’autel de Diane, le vœu qui consacre à une vie austère et à la virginité.

DÉMÉTRIUS

Fléchissez, chère Hermia. – Et vous, Lysandre, cédez votre titre imaginaire à mes droits certains.

LYSANDRE

Vous avez l’amour de son père, Démétrius, épousez-le ; mais laissez-moi l’amour d’Hermia.

ÉGÉE

Dédaigneux Lysandre ! C’est vrai, il a mon amour ; et mon amour lui fera don de tout ce qui m’appartient : elle est mon bien, et je transmets tous mes droits à Démétrius.

LYSANDRE

Mon prince, je suis aussi bien né que lui ; aussi riche que lui, et mon amour est plus grand que le sien : mes avantages peuvent être égalés sur tous les points à ceux de Démétrius, s’ils n’ont pas même la supériorité ; et, ce qui est au-dessus de toutes ces vanteries, je suis aimé de la belle Hermia. Pourquoi donc ne poursuivrais-je pas mes droits ? Démétrius, je le lui soutiendrai en face, a fait l’amour à la fille de Nédar, à Hélène, et il a séduit son cœur ; elle, pauvre femme, adore passionnément, adore jusqu’à l’idolâtrie cet homme inconstant et coupable.

THÉSÉE

Je dois convenir que ce bruit est venu jusqu’à moi, et que j’avais l’intention d’en parler à Démétrius ; mais surchargé de mes affaires personnelles, cette idée s’était échappée de mon esprit. – Mais venez, Démétrius ; et vous aussi, Égée, vous allez me suivre. J’ai quelques instructions particulières à vous donner. – Quant à vous, belle Hermia, voyez à faire un effort sur vous-même pour soumettre vos penchants à la volonté de votre père ; autrement, la loi d’Athènes, que nous ne pouvons adoucir par aucun moyen, vous oblige à choisir entre la mort et la consécration à une vie solitaire. – Venez, mon Hippolyte. Comment vous trouvez-vous, ma bien-aimée ? – Démétrius, et vous, Égée, suivez-nous. J’ai besoin de vous pour quelques affaires relatives à notre mariage ; et je veux conférer avec vous sur un sujet qui vous intéresse vous-mêmes personnellement.

ÉGÉE

Nous vous suivons, prince, avec respect et plaisir.

(Thésée et Hippolyte sortent avec leur suite ; Démétrius et Égée les accompagnent.)

LYSANDRE

Qu’avez-vous donc, ma chère ? Pourquoi cette pâleur sur vos joues ? Quelle cause en a donc si vite flétri les roses ?

HERMIA

Apparemment le défaut de rosée, qu’il me serait aisé de leur prodiguer de mes yeux gonflés de larmes.

LYSANDRE

Hélas ! j’en juge par tout ce que j’ai lu dans l’histoire, par tout ce que j’ai entendu raconter, jamais le cours d’un amour sincère ne fut paisible. Mais tantôt les obstacles viennent de la différence des conditions…

HERMIA

Oh ! quel malheur, quand on est enchaîné à quelqu’un de plus bas que soi !

LYSANDRE