Les Cinq Sens - Ligaran - E-Book

Les Cinq Sens E-Book

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Extrait : "Dans l'antiquité, on portait beaucoup plus d'attention que de nos jours à la beauté des oreilles. Elien, qui nous a conservé dans ses écrits le portrait de la célèbre Aspasie, cite, parmi ses perfections, une oreille courte et bien détachée de la tête. Martial met au nombre des difformités d'une femme de son temps, celle d'avoir les oreilles trop longues. Cependant, les petites oreilles ne passèrent pas toujours pour être les plus jolies."

À PROPOS DES ÉDITIONS Ligaran :

Les éditions Ligaran proposent des versions numériques de grands classiques de la littérature ainsi que des livres rares, dans les domaines suivants :

• Fiction : roman, poésie, théâtre, jeunesse, policier, libertin.
• Non fiction : histoire, essais, biographies, pratiques.

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I L’ouïe
Les mutilations de l’oreille

Dans l’antiquité, on portait beaucoup plus d’attention que de nos jours à la beauté des oreilles. ELIEN, qui nous a conservé dans ses écrits le portrait de la célèbre ASPASIE, cite, parmi ses perfections, une oreille courte et bien détachée de la tête. MARTIAL met au nombre des difformités d’une femme de son temps, celle d’avoir les oreilles trop longues.

Cependant, les petites oreilles ne passèrent pas toujours pour être les plus jolies. Chez tous les peuples de l’Orient, en Chine surtout, on aime encore les oreilles très longues et très pendantes.

Quelques peuplades de l’Amérique et de la mer du Sud, pour se développer le lobe de l’oreille, s’introduisent, dans le lobe percé, une feuille de palmier excessivement serrée, qui élargit graduellement l’ouverture. Avec le temps, cette ouverture devient assez large pour y passer le poing.

*
**

Les Indiens Anguteros, dans l’Amérique du Sud, s’attachent à se déformer les oreilles. C’est leur genre de « beauté ». Ils fendent le lobe dans toute sa longueur, et ils en nouent les deux bouts, ce qui forme un entrecroisement de chairs invraisemblable, car ils ont les oreilles très grandes, en raison des poids considérables qu’ils leur font supporter avant l’opération.

On retrouve ces découpures des oreilles chez des peuplades des bords du Niger. Leurs oreilles, dans lesquelles, par un trou énorme, ils font passer un morceau de bois épais, leur servent… de poches.

Ils y placent des gourdes, des boîtes qui contiennent de la graisse, des couteaux. Cet emploi des oreilles est assez singulier !

*
**

Les anciens ont voulu, chez le satyre, ajouter à la bestialité de sa physionomie, en dessinant très marquée son oreille simienne.

Les statues antiques d’athlètes et de lutteurs, et de quelques demi-dieux, surtout célèbres par leur force, HERCULE, CASTOR et POLLUX, offrent un second exemple d’oreilles anormales. Ici, le cas est pathologique.

À la partie supérieure, la fossette de l’anthélix est déformée par une tumeur. C’est, comme l’a montré de TROELTSCH, un othématome, bosse sanguine qu’on observe quelquefois chez les lutteurs, et chez les aliénés maltraités de coups.

Pour trouver d’autres représentations artistiques de déformations de l’oreille, il faut s’adresser à l’art oriental. Les Bouddhas, adorés des Chinois et des Japonais, ont toujours des oreilles à lobule énorme, descendant jusqu’au voisinage des épaules. Ces lobules ont été déformés par l’usage de lourdes pendeloques, qui les ont allongés démesurément. Le trou des pendeloques est toujours marqué, sur les oreilles de ces Bouddhas, rappelant certains sauvages qui se déforment de la même manière les oreilles.

*
**

La coutume de se percer les oreilles et d’y attacher divers ornements est très générale. On la retrouve chez les peuples les plus sauvages.

Les nègres de la Nouvelle-Guinée y passent de longues chevilles de bois ; d’autres, des ossements polis.

Les Floridiennes y suspendent des oiseaux-mouches et des colibris ; d’autres peuplades y attachent de brillants coquillages.

Les femmes du Malabar ornent, dit-on, leurs oreilles de ces beaux insectes d’un vert émeraude du genre de nos cétoines dorées.

*
**

Chez les Hébreux, les Égyptiens, les Grecs et les Perses, les femmes ne mettaient leurs anneaux d’oreilles, que lorsqu’elles paraissaient dans les pompes sacrées, ou les cérémonies publiques.

Chez les Romains, les boucles d’oreilles étaient le symbole de l’esclavage.

Avant la Révolution, la plupart des jeunes gens portaient encore de très petits anneaux d’or aux oreilles. Cette coutume s’est maintenue après la Révolution, un peu dans toutes les classes de la société ; elle a disparu à peu près complètement aujourd’hui.

*
**

Peut-être ceux qui continuent à se demander la signification du port des boucles d’oreilles seront-ils heureux de connaître l’opinion formulée à cet égard dans les Règles de la bienséance et de la civilité chrétienne, publiées, dès 1711 ou 1713, par le Père Jean-Baptiste de LA SALLE, le fondateur de l’Institut des Écoles chrétiennes.

L’édition de 1782 de ce travail contient le passage suivant :

Il n’y a qu’une nécessité indispensable qui puisse obliger un homme à pendre des anneaux à ses oreilles. C’est une marque d’esclavage qui l’avilit, et qui ne peut convenir qu’aux femmes qui, selon la loi de Dieu, doivent être assujetties à leurs maris, et à qui la vanité fait croire que c’est un ornement d’avoir des pendants d’oreilles.

Le plus bel ornement des oreilles d’un chrétien est qu’elles soient bien disposées et toujours prêtes à écouter avec attention et à recevoir avec soumission les instructions qui regardent la religion.

*
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En faisant l’autopsie de momies, on a constaté, chez l’une d’elles, – celle d’un garçon paraissant âgé d’environ 14 ans, – que « les oreilles étaient composées d’un tissu en coton et de résine : l’oreille artificielle, droite, était à sa place ; l’oreille gauche avait été disloquée, comprimée et était fortement défigurée. » À ce sujet, le Dr Éd. PERGENS (Janus, août 1909) s’est posé cette question :

Ces oreilles furent-elles portées pendant la vie, ou sont-elles un ornement post mortem ? On sait, ajoute-t-il, que « l’ablation des oreilles est une punition encore appliquée, à l’époque moderne, dans certains pays d’Orient. Une figure à laquelle elles font défaut fera l’impression d’être celle d’un individu qui a commis un crime ; notre momie serait donc celle d’un précoce vaurien, à moins qu’il n’y ait eu abus de pouvoir, rixe ou autre chose. Il est naturel qu’un individu frappé ainsi tâche d’y remédier par le port d’oreilles artificielles. La même idée que le défaut d’un membre est quasi un critérium d’infamie, est cause qu’en Éthique, les patients, en cas de nécessité chirurgicale, refusent en général de se laisser amputer. »

*
**

L’essorillement, ou amputation de l’oreille, était autrefois en usage en France. SAUVAL raconte, en les termes suivants, dans quels cas cette mutilation était infligée aux criminels :

À un serviteur larron ou coupeur de bourses, on lui coupait l’oreille pour la première fois, et pour la seconde, l’autre, après quoi la mort suivait la troisième.

Quand le premier vol était considérable, on leur coupait l’oreille gauche, d’autant qu’il y a en icelle une veine qui répond aux parties naturelles, laquelle étant coupée rend l’homme incapable de pouvoir engendrer, afin que telle race de gens ne laisse au monde une engeance méchante et vicieuse, dont il n’y a que trop. (Mémoires de H. Sanson, ancien exécuteur des hautes-œuvres de la Cour de Paris, vol. Ier, 1862.)

*
**

Si le gibet avait une bouche, comme il a des oreilles, il appellerait à lui bien des gens. – Ce proverbe, d’une singularité plaisante, est fondé sur une disposition de notre vieille législation pénale, qui voulait que l’exécuteur des hautes œuvres coupât les oreilles de certains individus convaincus de quelque méfait, ce qui s’appelait essoreiller, et qu’il les clouât à l’endroit le plus visible du gibet.

Le supplice de l’essoreillement remonte, dans nos annales, au commencement de la première race de nos rois. Il fut infligé, par ordre de CHILPÉRIC, à deux maîtres d’école, qui s’obstinaient à ne pas admettre quatre caractères grecs que ce tyran avait jugé à propos d’introduire dans l’alphabet des Francs. Il existait encore sous la troisième race, puisqu’un des ministres de Louis XI fut condamné à le subir après l’avènement de CHARLES VIII.

*
**

Autrefois, dans plusieurs contrées de la France, l’absence du lobe de l’oreille chez certains individus les faisait passer, aux yeux du vulgaire, pour lépreux ou cagots.

En France, le bourreau coupait les deux oreilles au sorcier qui avait assisté au sabbat, et les clouait au gibet ; il en faisait autant au filou déjà repris de justice.

En 1019, CANUT Ier ordonna qu’une femme adultère fût punie par l’amputation du nez et des oreilles. Dans le même siècle, GUILLAUME LE CONQUÉRANT supprima la peine de mort, mais il la remplaça par des tourments pires que cette peine.

*
**

Des diplômes de l’an 988 ne laissent aucun doute sur l’antiquité de Maisons, dérivé de mansiones, habitations. Ce village, entre la Seine et la Marne, est situé dans une plaine de terres labourables et de prairies, sa principale richesse.

Dans l’origine, Maisons ne consistait qu’en quelques habitations ; il devint considérable insensiblement, et l’on n’ajouta le surnom près Charenton, que pour le distinguer de plusieurs autres lieux de même nom.

Ce que l’on sait de plus ancien, touchant les habitants, c’est qu’en 1211, ils transigèrent avec l’abbé de Saint-Maur, sur les pacages de leurs bestiaux. Cet abbé qui, sans doute, en était le seigneur châtelain, avait tous droits sur les villageois. C’était lui qui, selon les besoins de l’État, les envoyait au service du Roi, ou bien à la défense de la patrie.

L’une des étranges façons
Dont les abbés de ces cantons,
Ardents à corriger le vice,
Faisaient exercer la justice,
Fut la suivante : malfaiteur
(Ô loi bizarre et sans pareille !)
Pour avoir volé son seigneur
Fut contraint à perdre une oreille.

Ces usages étaient encore communs au XIIIe siècle, et on va les retrouver dans les siècles suivants.

*
**

Dans son ouvrage sur les Supplices, Prisons, etc. (1886), où il énumère cependant les supplices anciens, DEMAIZE ne mentionne pas ce genre de châtiment. Mais, dans le Registre criminel du Châtelet, du 6 septembre 1389 au 18 mai 1392, publié par la Société des Bibliophiles français (1861-1864), nous lisons « Essorillé : c’était la peine d’un premier vol. Oreille destre coppée ». Et, dans les deux tomes de l’ouvrage, sont rapportés quatre jugements, portant condamnation à cette peine.

*
**

Dans son Histoire et recherches des antiquités de la ville de Paris (t. II, 536-597), SAUVAL (1704) relate, dans un chapitre intitulé « les Supplices » :

Anciennement, quand les serviteurs étaient méchants et réfractaires aux ordres de leurs maîtres, c’était la peine ordinaire aux serfs de France, de leur couper les oreilles, et, pour en perdre l’engeance, on les châtrait sans marchander davantage.

Cette phrase, remarquons-le, peut-être entendue de deux façons ; après ablation de l’oreille, on pratiquait la castration : dans ce cas, on s’explique aisément le résultat. Mais elle peut indiquer aussi que, pour l’auteur, l’ablation de l’oreille entraîne, de fait, la perte de la virilité du condamné.

*
**

L’application de cette peine devait être assez fréquente, car il existait un pilori destiné à cette sorte de supplice. Il était installé dans un carrefour, qui, nous le verrons, intéresse aussi à un autre point de vue les médecins parisiens. Ce carrefour étant dans la paroisse Saint-Merri, en un endroit que l’on peut situer assez exactement, sur la topographie actuelle, à la pointe de l’angle aigu que forme la rue de la Coutellerie avec la rue de Rivoli (occupé par le Café de la Garde Nationale), vers l’angle ouest de la place de l’Hôtel-de-Ville.

Voici ce qu’en dit Sauvai :

À Paris, en ce petit carrefour que l’on voit entre le bout du pont Notre-Dame, la Macque, Saint-Jacques à la Boucherie et la Grève, où jadis il y avait une échelle comme celle du Temple : cette place était nommée le carrefour Guigne-oreille, à cause de cette exécution, et en langage corrompu, Guillori, par le vulgaire.

 

La Macque était un hôtel sis au commencement de la rue Viez-Tessanderie, qui allait (telle cette section actuelle de la rue de Rivoli) du carrefour Guillori à la place Baudur (Baudoyer, mairie du IVe arrondissement).

Voici à quel autre point de vue nous intéresse encore ce carrefour. On sait quel document précieux constitue, pour l’histoire de Paris, le « Livre de la taille de 1292 », qui a servi de base à M. GÉRAUD (1837), pour son bel ouvrage, Paris sous Philippe le Bel : c’est une liste, à cette date, de tous les Parisiens imposés, avec leurs noms, prénoms, surnoms, professions, domicile, et le chiffre de leurs impositions ; c’est l’ancêtre du Bottin. En relevant, sur cette longue liste, les médecins (ou mires, comme on les appelait alors) qui y figurent, afin d’établir la liste des confrères exerçant à ce moment à Paris, avec les renseignements intéressants qui les concernent, le Dr LAURAND y a rencontré le confrère Mestre Pierre, le convert (laïque ayant certaines prérogatives religieuses, quoique n’ayant pas prononcé de vœux), mire (page 73), imposé de 10 sous (valeur ancienne du sol parisis aux environs de 5 francs), en le carrefour Guillorille.

GÉRAUD dit, à propos dudit carrefour : « Il y existait un pilori, où l’on coupait les oreilles. Le nom fut aussi Guignoreille, et aussi carrefour de la Vieille oreille. »

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En Angleterre, les écrivains trop libres qui déplaisaient au gouvernement étaient attachés au pilori par les oreilles, et une telle pénalité fut en vigueur jusque sous le protectorat d’Olivier CROMWELL.

Tout le monde a lu Robinson Crusoé ; or, son auteur, Daniel de FOË, sous la reine Anne, pour un pamphlet, fut condamné à 200 marks d’amende ; à avoir les oreilles coupées ; à trois expositions au pilori et à la prison, au bon plaisir de Sa Majesté. Son livre fut, de plus, brûlé par la main du bourreau. Mais comme, au pilori, le peuple l’entoura, couvrit l’échafaud de fleurs, lui porta des toasts, le protégea contre les insultes des torys et chanta son hymne to the Pillory, l’essorillement lui fut, croit-on, évité.

*
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« Un fripon qui, sur sa bonne mine, s’étoit introduit au jeu du comte de Soissons, prit si bien son temps qu’il lui coupa le cordon de son chapeau ; le comte fut le seul qui s’en aperçut ; et tandis que le fripon cherchoit à s’esquiver, le prince l’arrête par une oreille, et la lui coupe net, en lui disant : quand vous me rendrez mon cordon, je vous rendrai votre oreille. »

Il est probable que, de faits de ce genre, vient l’expression : Ce sont là jeux de princes.

*
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Il règne dans le Foutatoro, pays situé à l’est de notre colonie du Sénégal, et en deçà du fleuve de ce nom, une singulière coutume.

L’esclave qui veut changer de maître, dit M. MOLLIEN, va, par surprise ou par force, couper l’oreille à l’homme qu’il affectionne : dès ce moment il lui appartient, et son ancien maître ne peut le reprendre. Tel était l’accident qui avait rendu sourd mon compagnon de voyage : deux esclaves lui avaient successivement coupé chacun une oreille au ras de la tête, et la plaie en se fermant avait entièrement coupé le conduit auditif. Voilà, certes, un homme bien malheureux de sa réputation de bonté, qui attirait vers lui les esclaves. À présent, gare à ses chevaux ! car puisqu’il n’a plus d’oreilles, ce seront celles de ses chevaux que les esclaves fugitifs viendront couper.

Cette coutume s’est peut-être établie comme un frein contre ceux qui auraient embauché les esclaves de leurs voisins. M. CAILLIÉ, en racontant ce même usage, dit que l’on tue les chevaux, au lieu de leur couper simplement l’oreille. La compensation est, en effet, mieux établie : les oreilles d’un homme valent bien la vie d’un cheval.

*
**

Après la conquête, les Francs faisaient une incision à l’oreille de l’esclave fugitif, que les Scandinaves appelaient stufa, écourté, mutilé.

Aujourd’hui encore, on fend l’oreille des chevaux réformés par l’État. Plus tard, la marque remplaça l’essorillement. Les personnes accidentellement privées de l’oreille demandaient des lettres royales, pour justifier de la perte de cet organe.

*
**

M. J. JOSEPH a procédé à toute une série de réductions d’oreilles par opération. Il fait, d’abord, une excision cunéiforme, il est vrai, assez grande, et plus grande dans la moitié supérieure de la conque de l’oreille que dans l’inférieure ; une autre excision cunéiforme du lobule, également très agrandie. Pour éviter que l’oreille ne devienne trop large à sa nouvelle hauteur, le Dr J. Joseph excise, des bords de la plaie de la conque, deux morceaux cunéiformes d’en haut et d’en bas. Ensuite, il réunit, par la suture, les bords de la plaie, et après, l’oreille entière, par l’écartement d’un morceau de la peau du sillon de la conque de l’oreille et le cuir chevelu ; enfin, il procède à la réunion des bords de la plaie et les adapte exactement à la tête, comme l’oreille droite. Les cicatrices sont à peine visibles et le patient se trouve très heureux du succès de l’opération.

*
**

Vous vous souvenez qu’il y a quelques années, un millionnaire offrit, par la voie des journaux, 25 000 francs à qui consentirait à lui vendre une oreille. Il manquait l’oreille au roi de quelque produit d’épicerie, qui voulait se marier. Il avait donc eu l’idée originale de s’en faire greffer une, et avait mis dans les journaux américains une annonce, par laquelle il demandait à un homme bien portant, possesseur d’une oreille parfaite au point de vue esthétique, de lui vendre cet organe.

Notre millionnaire, ou plutôt son chirurgien, reçut à cette occasion des offres d’oreilles par centaines. Il y a, aux États-Unis, comme en Europe d’ailleurs, beaucoup de gens qui consentiraient à se séparer de leur oreille pour la somme de 25 000 francs. Après examen attentif, le chirurgien du millionnaire choisit l’oreille d’un Allemand de quarante ans, marié et père de famille. C’était une oreille respectable entre toutes et, paraît-il, sans défauts.

Pendant sept jours, l’Allemand et le millionnaire furent unis par l’oreille. Le lobe supérieur de celle-ci fut seul détaché de la tête de l’Allemand et greffé sur celle du millionnaire. Au bout de sept jours, l’opération fut renouvelée sur le lobe inférieur.

Détail à noter : au cas où la greffe n’aurait pas réussi, l’Allemand n’en devait pas moins recevoir ses 25 000 francs et rester propriétaire d’une moitié de son oreille.

L’oreille et l’anthropométrie

L’oreille est, peut-être, de tous nos organes, le plus déshérité. Pour quelle raison, on ne se l’explique guère.

Voulons-nous décrire la physionomie de quelqu’un, nous parlerons de ses yeux, bleus ou noirs, quand ils ne sont pas gris ou… verts ; de ses cheveux, opulents ou rares ; de sa bouche, large ou menue ; de son nez, droit ou courbe, gros ou mince. De l’oreille il n’est jamais question. Et voilà, précisément, que l’anthropométrie la réhabilite, en lui donnant une importance, jusqu’alors insoupçonnée, pour la recherche et l’identification des criminels.

Consultez vos fiches d’oreilles, disait M. BERTILLON à ses agents, et vous reconnaîtrez, entre cent, entre mille, le bandit que vous poursuivez. Il n’y a pas deux oreilles qui se ressemblent ; attachez-vous surtout à ce qui les individualise.

À cette fin, décomposons l’organe en ses différentes parties, et voyons, d’abord, le pavillon.

Des nombreuses anomalies qu’est susceptible de présenter le pavillon de l’oreille, il en est une qui apparaît sur le bord libre de l’hélix (on nomme ainsi le repli qui occupe le bord de l’oreille) au niveau de sa partie supérieure ; cette saillie, qui a été signalée pour la première fois par DARWIN, a été nommée en son honneur le tubercule de Darwin. Celui-ci, anormal chez l’homme, existe normalement chez un certain nombre de singes, notamment chez le cercopithèque, le macaque et le cynocéphale. M. HENRI COUPIN, qui a consacré à ce sujet une très curieuse étude, mentionne d’autres anomalies, telles que les oreilles réduites à de simples moignons, l’oreille en anse, etc. Ces anomalies, fait à noter, sont, pour la plupart, héréditaires. On en a vu persister pendant quatre générations.

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LOMBROSO et son école ont prétendu trouver, dans l’oreille, des caractères indiquant une disposition au crime. C’est ainsi que l’oreille dite « en anse » se rencontrerait chez les voleurs de grands chemins, les escrocs vulgaires, les homicides, etc. Mais un autre auteur a contesté le fait, en apportant des statistiques toutes différentes de celles du criminologiste italien. MARRO, sur 500 sujets, n’aurait trouvé l’oreille « en anse » qu’environ huit fois sur cent ; avec, il est vrai, un maximum de quinze pour cent chez les vagabonds. Mais, comme le fait observer M. COUPIN, il faudrait savoir si, chez les honnêtes gens, l’oreille « en anse » n’est pas aussi fréquente.

La mobilité des oreilles

Ce qui ne s’observe pas souvent, par exemple, c’est la mobilité des oreilles : nous n’avons relevé, dans les annales de la médecine ou de l’histoire, que quelques rares exemples d’hommes ou de femmes qui ont eu la faculté d’imprimer des mouvements à leurs oreilles, faculté qu’au rapport des voyageurs posséderaient certains peuples sauvages ; mais on nous a laissé ignorer si, chez ces peuples, cette disposition était originelle ou acquise.

DARWIN, BROCA et d’autres ont signalé, chez certaines personnes, le caractère fonctionnel des muscles auriculaires qui, chez l’homme, ne sont d’aucun usage et qui rappelleraient simplement un état ancestral. L’homme, d’après les anthropologistes, n’étant qu’un animal en voie de perfectionnement, on doit encore retrouver chez lui la trace d’organes ayant servi dans ses états transitoires antérieurs.

Jadis, les oreilles remuaient ; donc, elles peuvent encore remuer. Et, en effet, on rencontre encore aujourd’hui des personnes aux muscles auriculaires actifs. Autrefois, il s’en rencontrait également, puisque les Éphémérides des Curieux de la Nature, de 1685, parlent d’une jeune fille dont les oreilles se mouvaient. Quelques érudits du temps mirent en doute l’authenticité de l’observation. Le rédacteur des Nouvelles de la République des Lettres, en septembre 1686, fit remarquer qu’il n’était pas permis de « nier cette singularité, après ce que M. l’abbé de MAROLLES atteste du philosophe CRASSOT ».

Né à Langres et mort à Paris, au Collège de la Marche, cet original, malpropre comme un cynique, portant la barbe longue, touffue, et les cheveux mal peignés, avait (dit l’abbé de Marolles, qui l’avait bien connu) une chose bien particulière : c’était de plier et de redresser ses oreilles à volonté, sans y toucher.

*
**

Selon Pierre MESSIE, SAINT AUGUSTIN a vu un homme qui non seulement remuait les oreilles comme il le voulait, mais encore ses cheveux, sans faire aucun mouvement ni des mains ni de la tête.

Le grand anatomiste VESALE assure qu’il a rencontré à Padoue deux hommes dont les oreilles se dressaient.

Il y a mieux : cette anomalie musculaire a été signalée chez une divinité grecque, chez le dieu de la force brutale, chez HERCULE. Hercule possédait des oreilles mobiles. On les voyait se dresser quand il mangeait. ATHÉNÉE rapporte des vers d’EPICHARME où il est dit : « Sa mâchoire choque bruyamment, ses molaires frappent avec éclat, ses canines grincent, il siffle par les narines, il agite ses oreilles ! »

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Le chirurgien belge Jean PALFIN, ou PALFYN, dit, dans son Anatomie chirurgicale (Leyde, 1710), que Jean MÉRY, chirurgien berrichon, faisait exécuter à volonté toutes sortes de mouvements à ses oreilles.

VALSALVA, autre chirurgien italien, soutient, dans son ouvrage : De aure humana tractatus (Bologne, 1704), que si l’oreille humaine n’exécute point les mêmes mouvements que certains animaux, ce n’est pas qu’elle soit dépourvue de muscles, mais c’est qu’ils sont dans un état de paralysie par l’effet de nos habitudes sociales ; il ajoute que les Africains, chez lesquels on ne comprime point la tête des enfants nouveau-nés par l’usage des bandeaux, ont les oreilles avancées en dehors et que leurs muscles auriculaires jouissent de tous leurs mouvements. Aussi ces peuples entendraient-ils beaucoup mieux que nous.

*
**

Une des grandes distractions, à la Cour de Napoléon Ier, était de voir l’Impératrice MARIE-LOUISE faire tourner son oreille sur elle-même.

« Dans ses appartements, où elle passait la plus grande partie de son temps, écrit M. H. D’ALMÉRAS, sans jamais s’ennuyer, elle brodait, elle lisait, elle prenait des leçons de musique ou de dessin. Le soir, devant quelques intimes, elle s’amusait à faire tourner son oreille sur elle-même. Si inférieure à bien des égards, elle était sur ce point sans rivale. Personne, soit en France, soit à l’étranger, ne faisait tourner son oreille aussi facilement et aussi bien que l’impératrice Marie-Louise. »

C’est à la duchesse D’ABRANTÈS qu’on doit la connaissance de cette particularité.

« Un des plaisirs des soirées impériales, écrit le mémorialiste en jupons, avant que l’Empereur arrivât dans le salon, c’était l’Impératrice qui le procurait, en faisant tourner son oreille sur elle-même. Cette faculté, du reste, est assez singulière, et je crois bien qu’elle est la seule personne que je connaisse qui la possède. »

Et, comme si elle avait cherché à expliquer cette anomalie, la duchesse ajoute en note : « … Par un mouvement des muscles de la mâchoire, l’impératrice faisait tourner son oreille presque en un cercle entier. Ce mouvement de rotation n’est pas fort comprenable (sic), mais elle en possède la possibilité. »

Serait-ce, comme on l’a dit, non sans quelque malice, le seul don de séduction qu’aurait possédé la seconde épouse de NAPOLÉON ? En ce cas, elle n’avait pas lieu de s’en vanter, car ce n’est pas généralement un signe de grande intelligence. Nous pourrions rappeler à ce propos que SAINTE-BEUVE, un des cerveaux les plus compréhensifs que l’on connaisse, avait, pour ainsi dire, les oreilles collées à la peau et qui ne se détachaient pas. Mais cela seul suffirait-il à établir sa supériorité intellectuelle ? Le critique par excellence en a heureusement donné d’autres preuves plus manifestes.

Un fait qui a été signalé, croyons-nous, par M. METCHNIKOFF, c’est que le somnambulisme naturel coïnciderait avec la mobilité du pavillon de l’oreille. L’illustre savant a observé deux frères qui, pendant leur jeunesse, s’étaient livrés à des exercices somnambuliques des plus caractéristiques. L’un d’eux, chimiste distingué, grimpait sur une armoire élevée, ou se promenait nuitamment dans son appartement, sans en garder le moindre souvenir au réveil. Son frère, marin, montait, dans un accès de somnambulisme, sur la hune du bas-mât d’un navire à voiles. Or, ces deux sujets étaient, l’un et l’autre, capables de mouvoir à volonté leurs oreilles. Il s’agissait, dans ce cas, comme dans un de ceux que nous avons mentionnés plus haut, d’une anomalie familiale et héréditaire, car les deux filles de l’un des frères étaient somnambules comme leur père, et avaient le muscle peaucier de l’oreille très mobile.

Doit-on retrouver là une réminiscence de lointains ancêtres appartenant à la race simiesque ? Les exploits gymnastiques dont nos deux personnages étaient si fiers le laisseraient presque à penser ; mais cela nous entraînerait au-delà des limites que nous nous sommes assignées. Ce qui est certain, c’est que, comme nous l’avons écrit à une autre place, il est possible de faire l’éducation de nos muscles, et l’oreille n’échappe pas à la règle ; l’observation suivante, que nous empruntons à un recueil de médecine du siècle dernier, tend à le prouver une fois de plus.

Celui qui en est l’objet avait essayé, à plusieurs reprises, de contracter les muscles de l’oreille. Dans l’espace d’un mois, « après une vingtaine d’exercices de deux à trois minutes environ », il était parvenu à mouvoir l’oreille droite.

Il en resta là pendant quelque temps ; puis il reprit ses exercices, essayant de provoquer l’action des muscles du côté gauche. Dans l’espace d’un mois, et après moins de tentatives que pour le côté droit, il obtint des mouvements très sensibles. Il n’y eut plus que les muscles auriculaires antérieur (zygomato-auriculaire) du côté droit, et auriculaire postérieur (mastoïdo-auriculaire) du côté gauche, qui furent dans l’impuissance d’agir.

À la fin d’avril 1820, notre confrère – vous avais-je dit que c’était un médecin ? – reprenait les exercices qu’il avait suspendus de nouveau ; et, en moins de huit jours, il parvenait à mouvoir les deux muscles jusque-là rebelles.

Depuis ce temps, conclut-il, je puis mouvoir très sensiblement les oreilles toutes deux ensemble, ou l’une après l’autre, sans qu’il y ait participation d’action des muscles voisins. Il est facile de reconnaître que le mouvement est imprimé par tel ou tel muscle, parce qu’en plaçant le doigt dans la direction du muscle qui agit, on distingue sans peine la contraction de ce muscle.

Cette faculté lui servait dans deux circonstances : lorsqu’il entendait un bruit aigu ou désagréable : alors « la contraction était forte, générale et comme involontaire » ; ou lorsque, n’étant pas placé de manière à bien entendre, il voulait écouter avec attention : il semblait alors que le pavillon de l’oreille « voulût se porter dans la direction des rayons sonores ».

Voilà donc, pour les personnes qui ont des loisirs, une occupation toute trouvée : qu’elles dressent leurs oreilles à se mobiliser à leur volonté, et nous promettons un beau succès à celles qui parviendront à acquérir ce talent de société.

Dictons sur l’oreille

D’un homme humilié, triste ou déçu, l’on dit qu’il baisse l’oreille. Cette expression vient d’observations faites sur certains animaux, qui dressent ou rabattent les oreilles, suivant ce qu’ils éprouvent. Elle se rencontre dans les écrits de PLATON. HORACE s’en est servi pour lui-même.

LA FONTAINE nous montre le renard qui, dupé par la cigogne, s’en va,

Serrant la queue et portant bas l’oreille.

Chez l’homme, les muscles auriculaires sont, en général, assez atrophiés, pour ne pouvoir déterminer aucun mouvement du pavillon.

L’oreille et les médications populaires

La crédulité du peuple est, on peut le dire, vieille comme le monde. L’adage vulgus vult decipi, s’il ne remonte pas à une antiquité fabuleuse, a pu s’appliquer aux hommes, dès qu’ils ont vécu en société. Nous nous jugeons aujourd’hui des « esprits forts » ; il nous est resté la faiblesse d’ajouter foi à toutes les billevesées qu’il plaît aux charlatans de débiter, quand ils trouvent des oreilles complaisantes pour les écouter.

Justement, à propos d’oreilles, voulez-vous connaître le remède qu’un Parisien en villégiature dans un trou perdu de la Bretagne, consentit à expérimenter sur lui-même ? Ce passage d’une lettre qu’il écrivait à un de nos amis va tout de suite vous renseigner :

 

J’ai attrapé un coup d’air à l’oreille. Ça m’a tenu trois jours. Savez-vous ce qui m’a guéri ? Un remède de bonne femme… Une femme qui nourrit son enfant m’a fait couler du lait dans l’oreille… Ça a été radical !

Le remède du Parisien n’est pas originaire des landes bretonnes ; il nous revient tout simplement… des bords du Gange.

Entre autres remèdes usitées dans l’Inde contre les maux d’oreilles, le Dr DORDYSETT (de Bombay) signale le lait de femme. D’après les femmes hindoues, le lait d’une primipare, versé dans l’oreille, serait souverain contre les maux d’oreilles des enfants. De même, l’urine de chat ou de nouveau-né, introduite dans le conduit auditif, arrêterait les écoulements.

Les femmes de Madras combattent l’otalgie en introduisant dans l’oreille des scorpions morts, bouillis dans l’huile douce.

Il est intéressant de rapprocher de ces pratiques celles de certaine population algérienne, pratiques qui proviennent en droite ligne de la Calabre ou de la Sicile.

Chez les Napolitains et les Maltais, un bon remède contre les maux d’oreilles est constitué par l’huile de souris. La préparation de cette huile ne peut être confiée à tout le monde ; quelques initiés seuls sont aptes à la réaliser. Par suite d’indiscrétions, nous pouvons en donner la formule à peu près exacte à nos lecteurs.

Prenez un nid de souris aussi jeunes que possible ; mettez-les confire dans un bocal d’huile d’olives, où on doit les introduire vivantes. Au bout de six mois, le remède est parfait et prêt à être employé.

 

Cette médication, souvent répétée, serait excellente dans le cas de surdité rebelle.

Après tout, cette médication n’est pas plus absurde que bien d’autres.

Les sympathies de l’oreille avec les autres organes

Un phénomène physiologique des plus curieux a été signalé, dès 1844, à l’Académie de médecine, par M. BONNAFONT : quand on touche la membrane du tympan avec un corps piquant, dans la région qui avoisine la corde de ce nom, ou qu’on y opère l’excision d’un polype avec un bistouri, le malade éprouve parfois une sensation sur le côté correspondant de la langue, sensation qui s’accompagne, chez les uns, d’un goût métallique très prononcé ; chez les autres, d’un goût aigrelet.

Dans certaines circonstances, la sensation se porte du côté de l’œil, dont la sécrétion lacrymale se trouve augmentée. Ces phénomènes ont été constatés depuis par DUCHENNE, de Boulogne, et plus tard encore, par le Dr PHILIPPEAUX, de Lyon. Non seulement Duchenne, de Boulogne, dans ses recherches électro-physiologiques sur les propriétés de la corde du tympan, a constaté les phénomènes sympathiques indiqués par M. Bonnafont du côté de la langue et de l’œil, mais encore une action spéciale due à l’excitation électrique de ce nerf, sur la sécrétion salivaire ; avec CLAUDE BERNARD, il admet l’influence évidente de cette branche nerveuse sur la glande sous-maxillaire.

Ces faits de sympathies de l’oreille avec les autres organes sont connus depuis longtemps. Il suffit d’ouvrir les œuvres de DULAURENS, médecin de HENRI IV, traduites en français, en 1621, par Tléoph.

GELÉE, au chapitre treizième du livre onzième, pour y lire un paragraphe entier, ayant pour titre : De l’admirable sympathie qui est entre les oreilles et le palais, et entre la langue et le larynx.

Si on piquote, dit-il, le tambour avec une éprouvette ou cure-oreille, on excite incontinent une toux sèche ou le besoin de cracher… Le nerf de la cinquième conjugaison produit de soy plusieurs scions : le plus grand s’en va dans l’oreille et à la membrane nômée le tambour, qui est d’un sentiment très exquis, pour porter les espèces de sons au cerveau. Le moindre s’en va à la langue et au larynx, et de là vient que les affections des oreilles et de la langue se communiquent facilement d’une partie à l’autre…

Quant à l’influence de l’irritation mécanique du tambour sur la sécrétion salivaire, notre ancêtre l’expliquait, en disant que la compression de la membrane du tympan faisait refluer les mucosités, contenues dans la caisse, à travers la trompe jusque sur la langue ; d’où le besoin de cracher. À part l’explication, on le voit, DULAURENS, il y a 250 ans, connaissait le fait démontré expérimentalement par DUCHENNE, de Boulogne et CLAUDE BERNARD.

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L’empirisme a, d’ailleurs, confirmé depuis longtemps, par ses pratiques en apparence bizarres, la réalité de ces curieuses sympathies, même éloignées, dont l’oreille semble être comme le foyer d’émergence. Les maréchaux-ferrants de la Corse guérissent encore aujourd’hui la sciatique, en cautérisant l’anthélix. ZACUTUS LUSITANUS guérissait, d’après une méthode importée du Japon, la même maladie, en pratiquant une cautérisation sur la région mastoïdienne à l’aide d’un sarment de vigne.

HIPPOCRATE vantait la section, ou mieux les scarifications pratiquées derrière les oreilles, dans le but de détourner certains mouvements fluxionnaires qui, de la tête, se portent sur les articulations des extrémités inférieures.

MALGAIGNE a connu un empirique qui calmait instantanément les maux de dents, en versant dans le conduit auditif externe quelques gouttes d’eau de Cologne. Un tampon de ouate, imbibé d’éther ou de chloroforme, placé à l’entrée du conduit auditif, donnerait le même résultat.

Dans un cas de syncope de nature hystérique, qui se prolongeait d’une manière inquiétante, un de nos confrères a rappelé la malade à elle-même, en approchant ses lèvres de l’oreille de la patiente et en soufflant brusquement au fond du conduit auditif. Nous rappellerons, enfin, quelques guérisons remarquables de névralgies faciales, obtenues par M. DESTERNE, en excitant mécaniquement la membrane du tympan ; et celles de bourdonnements nerveux par DUCHENNE, de Boulogne, dues à l’excitation électrique de la corde du même nom.

Il conviendrait d’ajouter encore, qu’en portant dans l’oreille moyenne, par la trompe, sous forme de douche, de l’air soit pur, soit mélangé de vapeurs anesthésiques ou autres, on a quelquefois, au lieu de la surdité, guéri certaines céphalées, certains vertiges auxquels les malades étaient en proie. Il y a peut-être là toute une voie nouvelle d’essais thérapeutiques à parcourir.

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Il y a quelques années, on signalait les rapports qui existent entre l’oreille et la zone naso-génitale chez la femme. Le Dr HEIMAN avait eu à traiter un certain nombre de jeunes filles, de dix-huit à vingt-sept ans, qui se plaignaient de douleurs tenaces de l’oreille, d’origine méconnue et qu’aucun des nombreux moyens mis en œuvre ne parvenait à calmer. Une de ses malades, ayant attiré son attention sur la coïncidence, chez elle, des douleurs de l’oreille avec la période menstruelle, l’auteur eut l’idée d’examiner le nez de la malade, et ayant trouvé du gonflement de la muqueuse, il fit un badigeonnage avec une solution de cocaïne à 20 p. 100. Les douleurs de l’oreille diminuèrent aussitôt, et, après quelques séances, disparurent complètement.

La cautérisation des cornets inférieurs au galvano-cautère amena la guérison complète, non seulement des douleurs de l’oreille, mais aussi des douleurs de ventre qui accompagnaient les règles. Le même résultat a été obtenu dans deux autres cas. Par contre, dans les cas où les névralgies n’étaient pas d’origine menstruelle, le badigeonnage de la muqueuse par la cocaïne n’amena aucun résultat.

L’auteur en conclut que l’action favorable de la cocaïne a, pour l’oreille, la même valeur que pour les organes génitaux ; c’est-à-dire que si les névralgies de l’oreille cèdent après l’emploi de la cocaïne, il s’agit de troubles de la zone génito-nasale ; dans le cas où ce traitement échoue, il faut rechercher la cause du mal ailleurs. L’auteur pense que cet essai doit être fait toutes les fois que la cause des névralgies de l’oreille ne peut être déterminée.

L’oreille musicale

La forme de nos oreilles est-elle musicale ? Voilà une question que feraient bien de se poser tous les musiciens en herbe, tant chanteurs et cantatrices que compositeurs ou exécutants, avant de se lancer dans la carrière artistique ; car, si l’oreille a une forme réellement harmonieuse, ils réussiront ; tandis que, dans le cas contraire, un insuccès certain les attend.

Cette théorie a été exposée, le plus sérieusement du monde, dans les colonnes du Deutsche medicinische Wochenschrift, par le docteur GERBERR, agrégé de l’Université de Königsberg, lequel prétend qu’il y a des rapports étroits entre le sens musical et les circonvolutions du pavillon de l’oreille.

Suivant le Dr Gerberr, l’oreille d’un véritable artiste en harmonie doit être sensiblement plus longue que large, peu épaisse, de lignes régulières ; l’hélix et l’anthélix s’entourant avec symétrie l’un par rapport à l’autre, et le lobe bien détaché de la tête.

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D’autre part, le docteur KINYOUN, de Washington, a observé que tout musicien a la conque de l’oreille faite d’une certaine façon ; et toute oreille faite de cette manière est une oreille de musicien. Cette conque (ou pavillon) est large, profonde, rectangulaire ; le bas en est horizontal, à angle droit avec l’hélix ou bord extérieur. On remarque cette particularité chez l’Apollon du Belvédère.

Chez les chanteurs, le bord inférieur de la conque dévie souvent de l’horizontale et forme un léger angle obtus avec l’antitragus : c’est le cas de Mme EAMES. Mais cet angle ne se rencontre jamais chez les instrumentistes. D’autres, comme Mme CAVALIERI ont le bord inférieur horizontal et l’anthélix un peu dévié.