Les deux nigauds - Comtesse de Ségur - E-Book

Les deux nigauds E-Book

Comtesse de Ségur

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Extrait : "M. et Mme Gargilier étaient seuls dans leur salon ; leurs enfants, Simplicie et Innocent, venaient de les quitter pour aller se coucher. – Savez-vous, chère amie, dit enfin M. Gargilier, que j'ai presque envie de donner une leçon à cette petite sotte de Simplicie et à ce benêt d'Innocent ? – Quoi ? Que voulez-vous faire ? répondit Mme Gargilier avec effroi. – Tout bonnement contenter leur désir d'aller passer l'hiver à Paris."À PROPOS DES ÉDITIONS LIGARANLes éditions LIGARAN proposent des versions numériques de qualité de grands livres de la littérature classique mais également des livres rares en partenariat avec la BNF. Beaucoup de soins sont apportés à ces versions ebook pour éviter les fautes que l'on trouve trop souvent dans des versions numériques de ces textes. LIGARAN propose des grands classiques dans les domaines suivants : • Livres rares• Livres libertins• Livres d'Histoire• Poésies• Première guerre mondiale• Jeunesse• Policier

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Paris ! Paris !

M. et Mme Gargilier étaient seuls dans leur salon ; leurs enfants, Simplicie et Innocent, venaient de les quitter pour aller se coucher.

– Savez-vous, chère amie, dit enfin M. Gargilier, que j’ai presque envie de donner une leçon à cette petite sotte de Simplicie et à ce benêt d’Innocent ?

– Quoi ? Que voulez-vous faire ? répondit Mme Gargilier avec effroi.

– Tout bonnement contenter leur désir d’aller passer l’hiver à Paris. Je les enverrai avec la bonne et fidèle Prudence ; Simplicie ira chez ma sœur, Mme Bonbeck. Quant à Innocent, je l’enverrai dans une maison d’éducation.

– Mais, mon ami, votre sœur a un caractère si violent, si emporté ; Simplicie sera très malheureuse auprès d’elle. Et le pauvre Innocent, quelle vie on lui fera mener dans cette pension !

– Ce sera pour le mieux. C’est lui qui pousse sa sœur à nous contraindre de les laisser aller à Paris, et il mérite d’être puni. On envoie dans cette pension les garçons indociles et incorrigibles : ils lui rendront la vie dure ; j’en serai bien aise. Quand il en aura assez, il saura bien nous l’écrire et se faire rappeler.

Mme Gargilier chercha encore à détourner son mari d’un projet qui l’effrayait pour ses enfants, mais il y persista, disant qu’il ne pouvait plus supporter l’ennui et l’irritation que lui donnaient les pleurs et les humeurs de Simplicie et d’Innocent.

Le départ

Les derniers jours se passèrent lentement et tristement.

L’heure du départ sonna enfin ; Mme Gargilier pleurait, M. Gargilier était fort ému. Simplicie ne retenait plus ses larmes et désirait presque ne pas partir ; Innocent cherchait à cacher son émotion et plaisantait sa sœur sur les pleurs qu’elle versait. Prudence paraissait fort mécontente.

– Allons, Mam’selle, montez en voiture ; il faut partir puisque c’est vous qui l’avez voulu !

– Adieu, Simplicie ; adieu, mon enfant, dit la mère en embrassant sa fille une dernière fois.

Elle monta en voiture ; Innocent y était déjà. Prudence se plaça en face d’eux ; elle avait de l’humeur et elle la témoignait.

PRUDENCE.– Je n’avais jamais pensé, Monsieur et Mam’selle, que vous auriez assez peu de cœur pour quitter comme ça votre papa et votre maman !

INNOCENT.– Mais Prudence, c’est pour aller à Paris !

– Paris !… Paris ! Je me moque bien de votre Paris !

– Prudence, tu ne connais pas Paris, tu ne peux en parler.

Simplicie finit par essuyer ses larmes et ils arrivèrent bientôt à la petite ville d’où partait la diligence qui devait les mener au chemin de fer ; leurs places étaient retenues dans l’intérieur. Prudence fit charger sa malle sur la diligence ; il n’y en avait qu’une pour les trois voyageurs.

– En route, les voyageurs pour Redon ! cria le conducteur. M. Gargilier, trois places d’intérieur !

Nos trois voyageurs prirent leurs places.

– M. Boginski, deux places ! Mme Courtemiche, deux places ! Mme Petit-beaudoit, une place !

Les voyageurs montaient ; Mme Courtemiche avait pris deux places pour elle et pour son chien, une grosse laide bête jaune, puante et méchante.

LE CONDUCTEUR.– Les chiens doivent être sur l’impériale avec les bagages ; donnez-moi cette bête, que je la hisse.

– Jamais ! dit Mme Courtemiche avec majesté.

– Alors montez avec lui sur l’impériale.

– Eh bien, oui, je monterai, je n’abandonnerai pas Chéri-Mignon.

Mme Courtemiche descendit de l’intérieur, suivit le conducteur et se prépara à grimper après lui l’échelle qu’on avait appliquée contre la voiture. À la seconde marche, elle trébucha, lâcha son chien, qui alla tomber en hurlant aux pieds d’un voyageur.

– Madame veut-elle qu’on la hisse ? dit un des voyageurs.

– Je veux user de mes droits, répondit Mme Courtemiche d’une voix tonnante.

Et saisissant son Chéri-Mignon de ses bras vigoureux, elle s’élança, avec plus d’agilité qu’on n’aurait pu lui en supposer, à la portière de l’intérieur restée ouverte. De deux coups de coude elle refit sa place et celle de Chéri-Mignon, et déclara qu’on ne l’en ferait plus bouger.

Le conducteur se voyait en retard, monta sur le siège, fouetta ses chevaux, et la diligence partit.

PRUDENCE.– Vous voilà donc revenue avec votre vilaine bête, Madame. Prenez garde toujours qu’elle ne gêne ni moi ni mes jeunes maîtres, et qu’elle ne nous empeste pas.

Mme COURTEMICHE.– Qu’appelez-vous vilaine bête, Madame ?

– Celle que vous avez sous le bras, Madame.

– Bête vous-même, Madame.

– Vilaine vous-même, Madame.

– Mesdames, reprit un des Polonais avec un accent très prononcé, donnez-nous la paix.

PRUDENCE.– Je ne demande pas mieux, moi, pourvu que le chien ne se mette pas de la partie comme tout à l’heure.

SECOND POLONAIS.– Moi vous promets que si chien ouvre la gueule, moi, faire taire.

– Avec quoi ?

– Avec le poignard qui a tué Russes à Ostrolenka.

Mme COURTEMICHE.– Ciel ! mon pauvre Chéri-Mignon.

PRUDENCE, riant. – Ah ! ah ! ah ! Je n’en demande pas tant ; que ce chien reste seulement tranquille et ne nous ennuie pas.

Mme Courtemiche gardait son chien sur ses genoux ; Prudence, se voyant plus à l’aise, se calma entièrement : fatiguée de ses dernières veilles pour les préparatifs du départ, elle s’endormit ; Innocent et Simplicie fermèrent aussi les yeux ; le silence régnait dans cet intérieur si agité une demi-heure auparavant. Chacun dormit jusqu’au relais ; il fallait encore deux heures de route.

Mais pendant ce calme, ce silence, Chéri-Mignon fourra son nez dans le panier, saisit un gros morceau de veau froid, et se mit à le dévorer. À peine avait-il avalé le dernier morceau que la diligence s’arrêta et que chacun se réveilla. Les chevaux furent bientôt attelés ; la voiture repartit.

– Il est près de midi, dit Prudence : c’est l’heure de déjeuner ; avez-vous faim, Monsieur Innocent et Mademoiselle Simplicie ?

– Très faim, fut la réponse des deux enfants.

– Alors nous pouvons déjeuner, et si ces Messieurs les Polonais ont bon appétit, nous trouverons bien un morceau à leur offrir.

Les yeux des Polonais brillèrent, leurs bouches s’ouvrirent ; les pauvres gens n’avaient rien mangé depuis la veille.

Prudence se baisse, prend le panier, le trouve léger, y jette un prompt et méfiant regard.

– On a fouillé dans le panier ! s’écrie-t-elle. On a pris la viande !