Les Moines - Ligaran - E-Book

Les Moines E-Book

Ligaran

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Extrait : "Les Moines. Je vous invoque ici, Moines apostoliques, Chandeliers d'or, flambeaux de foi, porteurs de feu, Astres versant le jour aux siècles catholiques, Constructeurs éblouis de la maison de Dieu ; Solitaires assis sur les montagnes blanches, Marbres de volonté, de force et de courroux, Prêcheurs tenant levés vos bras à longues manches Sir les remord ployés des peuples à genoux."À PROPOS DES ÉDITIONS LIGARAN : Les éditions LIGARAN proposent des versions numériques de grands classiques de la littérature ainsi que des livres rares, dans les domaines suivants : ● Fiction : roman, poésie, théâtre, jeunesse, policier, libertin. ● Non fiction : histoire, essais, biographies, pratiques.

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Au Poète GEORGES KHNOPFF

Les Moines
Je vous invoque ici, Moines apostoliques,
Chandeliers d’or, flambeaux de foi, porteurs de feu,
Astres versant le jour aux siècles catholiques,
Constructeurs éblouis de la maison de Dieu ;
Solitaires assis sur les montagnes blanches,
Marbres de volonté, de force et de courroux,
Prêcheurs tenant levés vos bras à longues manches
Sur les remords ployés des peuples à genoux ;
Vitraux avivés d’aube et de matin candides,
Vases de chasteté ne tarissant jamais,
Miroirs réverbérant comme des lacs lucides
Des rives de douceur et des vallons de paix ;
Voyants dont l’âme était la mystique habitante
Longtemps avant la mort d’un monde extra-humain,
Torses incendiés de ferveur haletante,
Rocs barbares debout sur l’empire romain ;
Étendards embrasés, armures de l’Église,
Abatteurs d’hérésie à larges coups de croix,
Géants chargés d’orgueil que Rome immortalise,
Glaives sacrés pendus sur la tête des rois ;
Arches dont le haut cintre arquait sa vastitude
Avec de lourds piliers d’argent comme soutiens
Du côté de l’aurore et de la solitude
D’où sont venus vers nous les grands fleuves chrétiens ;
Clairons sonnant le Christ à belles claironnées,
Tocsins battant l’alarme à mornes glas tombants,
Tours de soleil de loin en loin illuminées
Qui poussez dans le ciel vos crucifix flambants.
Vision
Vers une hostie énorme, au fond d’un large chœur,
Dans un temple bâti sur des schistes qui pendent,
Voici dix-huit cents ans que les moines ascendent
Et jettent vers le Christ tout le sang de leur cœur.
Le temple est assis haut, là-bas, où rien ne bouge ;
Du fond de l’univers, du Zénith, du Nadir,
On regarde l’hostie immense resplendir
Sous le jaillissement d’un grand soleil d’or rouge.
Et les moines, les saints, les vierges, les martyrs,
Foulant à pas égaux les routes ascétiques,
S’en viennent là, du fond de leurs cloîtres mystiques,
S’incendier l’esprit au feu des repentirs :
Les uns, n’ayant jamais péché, portent leur âme
Comme un faisceau de lys sur leur bure brodé,
Ils ont le front de calme et d’ardeur inondé
Et dans leurs doigts d’argent ils portent une flamme ;
Il en est dont les reins se ceinturent d’orties
Et qui marchent hagards, par les sentiers étroits,
Le dos raidi, les flancs creusés, les bras en croix,
La bouche effrayamment ouverte aux prophéties ;
D’autres, la gorge sèche et la poitrine en feu,
Sont les suppliciés de jeûne et de prière
Dont le corps s’éternise en des gestes de pierre
Et qui dans les déserts hurlent après leur Dieu.
Et tous s’en vont ainsi vêtus de larges voiles
Comme des marbres blancs qui marcheraient la nuit,
Qu’il fasse aurore ou soir une clarté les suit
Et sur leur front grandi s’arrêtent les étoiles,
Et parvenus au temple ouvrant au loin son chœur
Dans un recourbement d’ogives colossales,
Ils tombent à genoux sur la splendeur des dalles
Et jettent vers leur Dieu tout le sang de leur cœur.
– Le sang frappe l’autel et sur terre s’épanche,
Éclabousse de feu les murs éblouissants –
Mais quoi qu’ils aient souffert depuis dix-huit cents ans
L’hostie est demeurée implacablement blanche.
Soir religieux
Sur le couvent qui dort, une paix d’ombre blanche
Plane mystiquement et par les loins moelleux
Des brouillards de duvet et des vols nébuleux
Égrènent en flocons leur neigeuse avalanche.
Le ciel d’hiver, empli d’un espace géant,
Nacre l’azur profond d’une clarté sereine ;
Il semble que la nuit tende sur de l’ébène
Des manteaux de silence et des aubes d’argent.
Les peupliers penchant, pâles, leur profil triste
Nimbés de lune, au bord des rives sans remous,
Avec un va-et-vient de balancement doux
Font trembler leurs reflets dans les eaux d’améthyste.
À l’horizon, par où les longs chemins perdus
Marchent vers le matin, à la lueur des chaumes,
Flottent, au son du vent, des formes de fantômes
Qui rasent les gazons de leurs pieds suspendus.
Car c’est l’heure où, là-bas, les Anges, en guirlande,
Redescendent cueillir, mélancoliquement,
Dans les plaines de l’air muet, le lys dormant,
Le lys surnaturel qui fleurit la légende.
On les rêve passant sur les cimes, où luit
Comme des baisers d’or l’adieu de la lumière,
Ils vont par le sentier, le champ et la bruyère,
Et, le doigt sur la bouche, ils écoutent la nuit.
Et tel est le silence éclos autour du cloître
Et le mystère épars autour de l’horizon,
Qu’ils entendent la pure et belle floraison
Du pâle lys d’argent sur les montagnes croître.
Les crucifères
Avec leur manteau blanc, ouvert ainsi qu’une aile,
On les voit tout à coup illuminer la nuit
Dont le barbare et grand Moyen Âge crénèle
L’Europe, où rien d’humain ni de juste ne luit.
C’est eux, quand l’Occident s’arme contre l’Asie,
Qui conduisent l’Europe à travers les déserts,
Et les peuples domptés suivent leur frénésie,
Emportés dans leur geste au bout de l’univers !
C’est eux, les conseillers des pontifes suprêmes,
Qui démasquent le schisme et qui fixent les lois,
Qui se dressent debout, sous leurs vêtements blêmes,
Pour tirer d’adultère et de stupre, leurs rois !
C’est eux, qui font flamber les bûchers d’or superbes
À la gloire du Christ et des papes romains,
Où les feux rédempteurs échevèlent leurs gerbes
Et se nouent en serpents autour des corps humains !
C’est eux, les patients inquisiteurs des foules,
Qui jugent les pensers et pèsent les remords,
Avec de noirs regards traversant leurs cagoules
Et des silences froids comme la peau des morts !
C’est eux, la voix, le cœur et le cerveau du monde.
Tout ce qui fut énorme en ces temps surhumains,
Grandit dans le soleil de leur âme féconde
Et fut tordu comme un grand chêne entre leurs mains !
Aussi, vienne leur fin solennelle et tragique,
Elle ébranle le siècle et jette un deuil si grand,
Que l’Histoire rebrousse en son cours héroïque
Comme si leur cercueil eût barré son torrent.
Soir religieux
Le déclin du soleil étend jusqu’aux lointains
Son silence et sa paix comme un pâle cilice ;
Les choses sont d’aspect photographique et lisse
Et se détaillent clair sur des fonds byzantins.
L’averse a sabré l’air de ses lames de grêle,
Et voici que le ciel luit comme un parvis bleu,
Et que c’est l’heure, où meurt à l’occident le feu,
Où l’argent de la nuit à l’or du jour se mêle.