Les Morts mystérieuses de l'Histoire - Ligaran - E-Book

Les Morts mystérieuses de l'Histoire E-Book

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Extrait : "A entendre le bon médecin, Louis XIII enfant était très enclin à boire de l'alcool, ce dont il se montre très inquiet : Héroard craignait beaucoup pour son royal client l'usage du vin (l'alcoolisme n'est pas une préoccupation médicale d'apparition contemporaine). Henri IV, qui aimait le bon vin, en faisait verser au Dauphin toutes les fois qu'il dînait à sa table."

À PROPOS DES ÉDITIONS Ligaran :

Les éditions Ligaran proposent des versions numériques de grands classiques de la littérature ainsi que des livres rares, dans les domaines suivants :

• Fiction : roman, poésie, théâtre, jeunesse, policier, libertin.
• Non fiction : histoire, essais, biographies, pratiques.

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Louis XIII

Mort, le 14 mai 1643, d’entérite tuberculeuse.

Six enfants naquirent de l’union de Henri IV avec Marie de Médicis :

1° Louis, né le 27 septembre 1601, devenu roi sous le nom de Louis XIII ;

2°Henri, duc d’Orléans, mort âgé de quatre ans ;

3° Gaston-Jean-Baptiste, de France, marié deux fois, mort à cinquante-deux ans ;

4° Élisabeth, de France, mariée au roi d’Espagne Philippe IV, morte à quarante-deux-ans ;

5° Christine, qui épousa Victor-Amédée Ier de Savoie, morte à cinquante-sept ans ;

6° Henriette-Marie, de France, qui épousa Charles Ier, roi d’Angleterre, et mourut âgée de soixante ans.

Michelet a laissé entendre que, au moins pour Louis et Gaston, la paternité de Henri IV était contestable : le premier serait fils d’Orsini, le second de Concini. L’historien se fonde sur le peu de ressemblance morale des fils avec le père, et surtout sur leur dégénérescence, physique et morale. Les médecins psychologues tournent cet argument au profit d’une thèse diamétralement opposée.

Cette dégénérescence, disent-ils, prouve précisément qu’ils étaient bien des fils de roi ; et quant au peu de ressemblance, César de Vendôme, qui était bien fils de Henri IV, ne lui ressemblait pas plus que Louis XIII. D’ailleurs, la ressemblance des traits du visage, qu’on constate chez beaucoup de leurs descendants, avec le chef de la race, prouverait au contraire la légitimité de leur naissance.

Nous n’entrerons pas plus avant dans ce débat, où la preuve est, du reste, toujours assez malaisée à fournir, et nous entrouvrons, sans plus tarder, le dossier pathologique du successeur d’Henri IV.

Pour les premières années de l’enfant-roi, nous avons une source précieuse de renseignements : c’est le journal de son médecin, auquel nous avons déjà recouru à une autre place.

Héroard nous apprend que le dauphin était sujet aux maux de dents et qu’il passait des nuits entières à le veiller, accoudé sur le bord du berceau, tenant la main de l’enfant dans la sienne.

À part cela, Louis XIII enfant paraît avoir eu une santé assez robuste : il épuisait ses nourrices. C’était un bel enfant, « grand de corps, gros d’ossements, fort musculeux, bien nourri, fort poli, de couleur rougeâtre et vigoureux » ; cela dès la naissance.

À 8 ans, le Dauphin a la rougeole, mais sans complications.

En 1615, il est blessé « sur l’orbite de l’œil droit », en jouant à la paume ; mais, sauf encore quelques fièvres, son médecin n’a pas grande besogne.

Un régime alimentaire mal dirigé ne tarde pas à produire de funestes effets. À entendre le bon médecin, Louis XIII enfant était très enclin à boire de l’alcool, ce dont il se montre très inquiet : Héroard craignait beaucoup pour son royal client l’usage du vin (l’alcoolisme n’est pas une préoccupation médicale d’apparition contemporaine). Henri IV, qui aimait le bon vin, en faisait verser au Dauphin toutes les fois qu’il dînait à sa table. Héroard ne manque pas de marquer en marge de son journal : « Nota, nota : son goût pour le vin ; il faudra y prendre garde. »

Il conte encore qu’un jour, comme il défendait au Dauphin de prendre du vin, « qui lui faisait mal », celui-ci se saisit d’un couteau et en menaça son médecin. Il n’est pas sans intérêt de rapprocher ces brusques colères et ce caractère volontaire du Dauphin, du roi effacé et sans volonté que fut plus tard Louis XIII.

Cette hygiène, plutôt défectueuse, amena bientôt des troubles gastriques ; et, comme il était prédisposé, de par sa constitution arthritique, le jeune roi eut de bonne heure des signes manifestes de dyspepsie gastro-intestinale.

Louis XIII offre, d’après le docteur Guillon, dont nous allons suivre la monographie si fouillée, un cas-type de névropathe devenu dyspeptique : il a des embarras gastriques fréquents, d’abord probablement de simples indigestions, puis accompagnées de fièvre ; ensuite, un embarras gastrique presque constant, avec la persistance de la neurasthénie, peu prouvée, notons-le en passant, et des manifestations arthritiques ; enfin, apparaît l’entérite, qui rapidement devient chronique.

Les digestions sont de plus en plus difficiles ; il y a du tympanisme. La faim est conservée, mais elle est assouvie dès les premières bouchées, et fait place à la satiété et au dégoût. Les vomissements sont rares, mais la nutrition se fait mal ; l’amaigrissement prend de grandes proportions ; la peau devient sèche et terreuse.

Puis surviennent les ulcérations de l’intestin ; les selles sont plus fréquentes ; parfois on y trouve de petits amas purulents, parfois aussi des filets ou des caillots de sang ; il y a même de véritables hémorragies.

Cette entérite chronique, de quelle nature est-elle ?

Pour Guillon, il n’y a pas d’hésitation possible : elle est tuberculeuse, et voici son argumentation.

Il est, pour ainsi dire, impossible de déterminer quand et comment la tuberculose a fait son apparition chez Louis XIII. Enfant, il était robuste ; il est mort tuberculeux, sans que rien, dans son hérédité, explique ce processus. La seule chose indiscutable, c’est qu’il y avait longtemps que son organisme était envahi ; mais quand a eu lieu l’éclosion, quelle a été la porte d’entrée ?

Lisons l’observation du royal patient, rédigée par le docteur Guillon :

La première maladie, signalée par Lyonnet, est celle de Villeroy, en juillet 1627 ; elle dure plus d’un mois : fièvre tierce, embarras gastrique, gastro-entérite avec tympanisme ; il y avait de la fièvre vespérale ; puis, en novembre de la même année, devant Saint-Martin-de-Ré, dysenterie ; en 1628, à la Rochelle, inappétence, manifestations arthritiques.

En 1629, le roi est malade à Suze, à Valence, toujours du ventre. À Livry, un accès de goutte ; à Écouen, une syncope ; à Grenoble, il a mal aux dents ; à Saint-Jean-de-Maurienne, il est repris de diarrhée ; et ce n’est qu’en 1630, à Lyon, qu’on voit pour la première fois des manifestations d’un autre ordre ; là il y a peut-être quelque chose de pulmonaire : fièvre aiguë, délire avec défervescence le 7e jour.

On lui pose des ventouses, et il a des sudations abondantes, mais il a toujours de la diarrhée, du tympanisme ; les selles sont sanglantes et la maladie se termine par une sorte d’abcès du rectum, avec une large évacuation de sang et de pus. Les médecins, néanmoins, ne sont pas inquiets.

En février 1631, on note de l’insomnie, de l’inappétence, des vomissements, un peu de dyspnée ; le tympanisme est énorme.

En 1632, à Metz, pour la première fois on constate de la toux à la suite d’un excès de chasse ; le ventre est toujours tendu ; à Saint-Germain, pendant le carnaval, il a un embarras gastrique fébrile, probablement après de trop copieux repas ; puis à Chantilly, goutte, hémorroïdes, et toux.

En 1633, séjour à Forges, où il rend des graviers.

En 1637, en Lorraine, encore de l’entérite, et des poussées de goutte ; puis, pendant trois ans, sa santé se raffermit : il y a une amélioration sensible. Le dauphin naît en 1638 et son père manifeste de nouveau son nervosisme ; insomnie, goutte, fièvre tierce et sueurs.

En 1640, à Chantilly, rhumatisme au genou gauche ; à Montreuil, à Hesdin, il retombe malade. À Dijon, à Nuits, diarrhée dysentériforme, sans qu’on signale plus de toux.

En 1641, à Chalon-sur-Saône, fièvre pendant huit jours avec embarras gastrique.

Puis l’expédition du Roussillon se prépare, au commencement de 1642 : avant Narbonne, il est pris par la goutte ; à Frontignan, entérite ; puis à Narbonne, longues insomnies, quelque chose à l’anus, peut-être hémorroïdes, peut-être abcès, toujours diarrhée ; au camp, fièvre avec violentes douleurs abdominales, membranes sanguinolentes dans les selles, et toujours pas de toux ; c’est alors seulement que les médecins commencent à s’inquiéter. Mais il y a encore une accalmie, sans guérison cependant, puisqu’en novembre de la même année on constate encore de la fièvre le matin.

Et nous arrivons à la dernière maladie (février 1643), où, s’il est vrai que dominent toujours les symptômes intestinaux, cependant la toux et à la fin l’oppression viennent s’ajouter au tableau : on nous dit que Bouvard, vers février, avait diagnostiqué un abcès du poumon.

Les lésions cadavériques, nous le montrerons tout à l’heure, sont bien vraisemblablement tuberculeuses ; mais, nous le répétons, il est difficile de préciser le début de l’invasion. Il nous semble cependant que les intestins ont dû être atteints avant les poumons. En effet, pas de toux signalée avant 1632 ; et encore disparaît-elle très rapidement, pour ne revenir qu’à la période ultime ; jamais d’hémoptysies ni d’hématémèses ; et au contraire, dès 1627, entérite qui, malgré des rémissions, n’a pas guéri, jusqu’à la mort.

Peut-être cette vie au grand air, de voyage et de chasse, le roi dormant les rideaux relevés dans des pièces mal closes, à peine vêtu le jour et sans souci des intempéries, était-elle hygiénique pour les poumons ; tandis que les excès de table, l’abus des mets épicés, l’usage immodéré des remèdes absorbés « a posteriori », provoquant et entretenant l’inflammation des intestins, les avaient mis en état de réceptivité.

LOUIS XIII

(Statue de bronze, par Simon Guillain : Musée du Louvre.)

Le docteur Guillon, en terminant sa remarquable observation, conclut en faveur d’une entérite tuberculeuse, primitive.

Cette forme, dit-il, est plus rare, mais elle n’est pas exceptionnelle. Les causes prédisposantes en sont peu connues : on attribue généralement une influence très grande aux irritations du tube digestif.

Voyons, maintenant, quels sont les signes classiques de l’entérite tuberculeuse.

Qu’elle soit primitive ou secondaire, c’est toujours la diarrhée qui débute comme symptôme. La tuberculose ulcéreuse de l’intestin est souvent précédée d’une entéralgie particulière ; les évacuations ont parfois un caractère pressant : notre malade en a présenté un exemple à Saint-Quentin.

Au début, selles mi-liquides, mi-solides ; dans la forme, dite colite diphtéritique (ANDRAL), des lambeaux de muqueuse sont évacués dans les selles, comme cela est arrivé au siège de Perpignan. Les selles sont blanchâtres ou grisâtres au début (Lyonnet dit : cendrées) ; puis elles se foncent, deviennent gris noirâtres et bientôt complètement noires ; leur odeur est spéciale ; avec les ulcérations, la diarrhée prend une fétidité exagérée, presque gangréneuse (Dubois en a bien noté la puanteur). Les symptômes généraux sont caractéristiques : peau terreuse et sèche, amaigrissement rapide, cachexie qui augmente avec l’évolution successive de la diarrhée. La forme primitive de l’entérite tuberculeuse a une marche continue, progressive, mais qui peut être lente ; la diarrhée une fois installée ne cède plus, et la mort arrive presque sans signes pulmonaires.

D’après les symptômes cliniques, Louis XIII était atteint d’une entérite tuberculeuse, vraisemblablement primitive.

M. Guillon examine ensuite les symptômes de la dernière maladie du roi, afin d’établir un diagnostic clinique encore plus précis. Nous arrivons de suites aux conclusions.

En résumé, conclut le docteur GUILLON, dans la dernière maladie de Louis XIII, les manifestations intestinales dominent, et sont même presque seules pendant deux mois ; les symptômes pulmonaires sont très accentués au début ; ce n’est que dans les quinze derniers jours qu’ils prennent véritablement de l’importance.

Le 10 mai, survient une complication terminale : c’est une péritonite aiguë secondaire, par perforation, très vraisemblablement conséquence d’ulcérations tuberculeuses.

Quand on connaît cette terminaison, beaucoup de symptômes qui paraissaient obscurs s’éclairent et s’expliquent : le sang qu’on a noté dans les évacuations intestinales ne pouvait provenir d’hémorroïdes internes (on sait que Louis XIII avait cette infirmité de commune avec son ministre) ; mais l’hémorragie, bien plus probablement, provenait d’une lésion tuberculeuse de l’intestin. Mais poursuivons l’argumentation, très serrée, du docteur Guillon.

Que doit-on penser de ces évacuations de pus abondantes par le rectum, qui se produisirent plusieurs fois, notamment à Lyon, en 1630, avec fièvre, douleur, rougeur et tension locale ? Était-ce simplement toujours des hémorroïdes, ou des ulcérations de l’anus ou du rectum, ou bien encore des abcès de la marge de l’anus ? Quant au « gonflement de la bouche, de la gorge et de la langue », signalé à la période ultime, faut-il y voir une poussée de tuberculose des amygdales et du pharynx, qui est souvent associée à celle de la bouche et de l’épiglotte (phtisie bucco-pharyngée), et dans laquelle la toux, la parole et surtout la déglutition sont des sources de vives souffrances, et qui produit une dysphagie si douloureuse que les malades refusent de s’alimenter ? On doit aussi penser au muguet.

Répétons enfin, avant de quitter le terrain de la clinique, qu’en dehors des manifestations intestinales, rien chez Louis XIII ne pouvait faire supposer un état avancé de tuberculisation, même du côté des poumons : pas de pleurésie antérieure, jamais d’hémoptysie, d’hématémèse ; ni pas de bronchites anciennes, pas d’expectorations, sauf à la fin.

Il est probable que le cœur n’avait pas trop faibli et que les reins n’étaient pas très atteints : pas d’œdème des jambes, ni d’ascite ; au contraire une maigreur très accentuée ; pas de dyspnée intense, ni d’accidents urémiques cérébraux.

En dehors d’une petite atteinte de gravelle, il n’y avait rien eu du côté de l’appareil urinaire : jamais d’hématuries, pas de troubles de la miction : il urinait facilement, couché ; donc, aucun signe de tuberculose des voies urinaires ; le seul indice, et combien peu probant, de tuberculose génitale, pourrait être la diminution de l’activité génitale, proportionnelle à l’asthénie génitale (LOUIS, GRISOLLE). On sait que Louis XIII fut un chaste ; mais faut-il voir là une indication pathologique ? Non, certes, car bien des auteurs, au contraire, ont signalé chez l’homme, sous l’influence de la tuberculose, une surexcitation génésique des plus marquées.

En somme, le docteur Guillon admet chez son malade « une entérite chronique bacillaire, très vraisemblablement primitive, avec manifestations intestinales violentes ; et, par suite, symptômes généraux graves, mais en même temps peu d’envahissement de la tuberculose du côté de tous les autres organes ; localisation spéciale à l’intestin ; puis, brusquement, terminaison fatale par péritonite aiguë ». C’est, pour tout dire, l’affection intestinale, dont a souffert Louis XIII presque toute sa vie, qui aurait amené sa mort.

Mais quittons le terrain de la clinique pour aborder le domaine anatomo-pathologique.

Il convient de faire, dès l’abord, une remarque : les procès-verbaux d’autopsie sont, à cette époque, d’une rédaction si notoirement insuffisante que c’est encore à la clinique qu’il faut demander les éléments d’un diagnostic. Sous cette réserve, voyons ce qu’une lecture du rapport rédigé post mortem par les archiatres peut suggérer de réflexions à qui sait l’interpréter.

À l’ouverture du corps, « l’épiploon s’est trouvé consumé » : infiltré, dirions-nous ; la surface était comme dépolie, il n’était pas épaissi : donc, pas de péritonite tuberculeuse chronique.

« L’intestin grêle démesurément boursouflé, de couleur blafarde. » Dans la péritonite aiguë, en général, les intestins sont remplis de gaz et tendent à sortir de la cavité abdominale dès que la paroi est incisée ; les organes sont décolorés.

L’exsudat est bien décrit comme il est d’habitude : généralement purulent, peu abondant, 500 grammes environ, « nageant dans une sérosité sanieuse et purulente, à la quantité de plus d’une chopine ».

« Le duodénum, d’une grandeur démesurée, est rempli de bile porracée ; le jéjunum tout jaune par dedans ; l’iléon étoit moins teint, moins plein d’une matière plus épaisse. » En effet, dans la péritonite aiguë, la muqueuse est infiltrée, couverte d’une série de mucosités puriformes.

« Le cæcum, dès son commencement, rouge, dépouillé de sa membrane charnue, continuant de plus en plus jusqu’à la fin du côlon. » Cela ressemble bien aux lésions d’entérite tuberculeuse : l’amincissement, la fragilité de la paroi intestinale sont la règle ; les lésions siègent surtout dans la fin de l’iléon et le cæcum ; elles peuvent se rencontrer uniquement sur la région cæcale et constituer une variété particulière de typhlite, dite typhlite tuberculeuse : le cæcum est rouge, tendu, dilaté, avec sa muqueuse violacée et ulcérée par points ; généralement, il y a amincissement des parois du canal intestinal.

Arrivons enfin à la perforation ; c’est au colon que s’est trouvé un ulcère qui a percé l’intestin, « causé par la descente de la boue qui sortait du mésentère inférieur, qui s’est trouvé ulcéré en plusieurs endroits, et qui a versé sa matière purulente qui s’est trouvée amassée dans tout le ventre. » Ceci est bien net : ulcérations multiples et perforation intestinale unique sur une ulcération ; le point anatomique seul n’est pas bien précisé, car il n’est pas aisé de savoir exactement quelles limites on assignait alors au côlon.

Le foie « avait sa face extérieure toute pâle comme ayant été bouilli » : ceci tient à la décoloration ordinaire des organes dans la péritonite aiguë ; « en sa partie cave il se fendait et se rompait en le touchant ; dépouillé de sa propre membrane, il s’est trouvé tout desséché et recuit dedans comme dehors » : ceci est moins net, on dirait du foie d’ictère grave.

Au rein droit, un petit abcès enkysté : Michel de la Vigne et René Moreau, dans leur relation de l’ouverture du corps, disent que cela n’a pas dû influer sur la maladie ; il faut peut-être là voir un peu d’idées préconçues ; on néglige la lésion rénale (il est vrai qu’elle était fort peu considérable), en insistant sur celle du foie, car, pendant la vie, les médecins avaient parlé de flux hépatique.

« Tout le poumon du côté gauche entièrement attaché aux côtes, et moins du côté droit. » Il n’y avait pas de liquide, et des adhérences des deux côtés : est-ce une complication de pleurésie sèche à forme péritonéo-pleurale : on sait maintenant combien la pleurésie est intimement liée au développement de la tuberculose ; la pleurésie sèche est pour ainsi dire constante dans les lésions du sommet ; souvent même les adhérences pleurales qui donnent tant de difficulté pour extraire les poumons de la cage thoracique, n’ont pas été diagnostiquées pendant la vie et sont des trouvailles d’autopsie.

« En la partie supérieure du poumon gauche s’est trouvée une grande cavité ulcérée pleine de boue » : ceci ressemble fort à une caverne ; cependant, d’après les symptômes cliniques, elle devait être de formation récente.

Quant à l’estomac, à part des vers, il ne présentait pas grandes lésions. Le procès-verbal dit simplement : « l’estomac était rempli d’une sérosité noirâtre, qui aurait marqueté son fonds. » Il faut se méfier à l’autopsie, car la muqueuse a toujours été plus ou moins modifiée par la digestion post mortem ; il y a souvent, par suite de l’infiltration sanguine cadavérique, des taches d’imbibition qui portent sur les diverses tuniques ; la muqueuse est noirâtre à leur niveau ; dans les gastrites chroniques aussi et chez les phtisiques, il y a des érosions et la muqueuse, par suite d’infiltration sanguine, est plus ou moins noire.

Quels étaient ces vers, « un d’un demi-pied de longueur et plusieurs autres petits » ? Probablement des ascarides lombricoïdes : la femelle a 30 centimètres environ et le mâle est plus petit ; ver rarement unique, dont on rencontre presque toujours de deux à six individus, il est rare d’en trouver davantage son siège ordinaire est le commencement de l’intestin grêle, mais il remonte parfois par le pylore jusqu’à l’estomac. (DAVAINE.)

Il est bien regrettable, observe avec raison M. Guillon, qu’on n’ait pas ouvert la boîte crânienne, comme on le fit pour Louis XIV : l’étude des méninges aurait pu contribuer au diagnostic.

En résumé, conclut notre confrère, « les lésions cadavériques sont très vraisemblablement tuberculeuses, mais à elles seules ne sont pas assez concluantes, ni assez précises pour suffire à établir un diagnostic ; voilà pourquoi nous nous sommes si longuement étendu sur les considérations cliniques. Et comme, au résumé, l’autopsie, si elle ne nous a rien appris de nouveau, n’a pas non plus contredit notre hypothèse, nous nous croyons en droit de conclure à la probabilité du diagnostic rétrospectif suivant :

Louis XIII a fait de la tuberculose intestinale chronique, vraisemblablement primitive, et qui s’est terminée, en même temps que se produisait une poussée aiguë du côté du poumon, de la plèvre et peut-être des reins, par une péritonite aiguë par perforation, conséquence d’une ulcération tuberculeuse ancienne. »

Est-il besoin, après cela, de discuter une hypothèse qui ne repose sur aucune base solide ? N’a-t-on pas imaginé, car il faut avoir l’esprit singulièrement inventif pour soutenir de tels paradoxes, un prétendu empoisonnement du roi, dont se serait rendu coupable son premier ministre ?

Mais, se récriera-t-on, Richelieu n’est donc pas mort avant Louis XIII ? Sans doute ; mais, comme c’était un homme de précaution, il avait administré un poison dont les effets ne devaient se faire sentir qu’à longue échéance – au bout de six mois !

L’ambassadeur vénitien qui se fait l’écho de cette rumeur, tout en déclarant que l’autopsie a fait reconnaître que la cause de la mort du roi était naturelle, s’empresse d’ajouter, pour qu’on ne se méprenne point sur sa pensée intime, que « le foie était tout usé et pourri et que la gorge était rongée par la chaleur et le passage des drogues ». Or c’étaient plutôt des remèdes que des drogues qu’on donnait au roi : on a fait un compte des clystères qui lui furent administrés et ce compte est positivement effrayant.

Quant aux substances minérales, comme l’émétique, si fort à la mode en ce temps-là, on évita d’en faire prendre au malade. Comme le dit Chapuis, « les poisons les plus couramment employés à cette époque étaient les poisons minéraux, et rien, ni dans les derniers symptômes, ni à l’autopsie, ne les peut faire admettre.

Le mercure aurait laissé des traces aux reins : ils n’étaient ni gros, ni pâles, ni anémiés et ne présentaient pas d’infiltration calcaire. Le phosphore aurait amené des troubles urinaires, de l’ictère : les organes, surtout le foie, puis les reins et le cœur auraient subi la dégénérescence graisseuse. L’antimoine se serait manifesté par des troubles gastriques bien plus intenses, et par sa saveur métallique. Quant à l’arsenic, qui pourrait expliquer les signes de gastro-entérite intense, il ne produit pas de fièvre, amène presque toujours des paralysies, et surtout ne détermine pas d’ulcérations de l’intestin. »

Voilà pourquoi doit être écartée toute idée d’empoisonnement ; nous devions néanmoins signaler les bruits qui ont couru alors et qui, étant donné l’entourage du roi moribond, ont pu acquérir une certaine consistance. Encore une fois, rien de sérieux ne permet d’en affirmer la réalité.

Les explications les plus naturelles sont encore les plus simples. La mort de Louis XIII était l’aboutissant logique d’une affection qui peut présenter des rémissions, mais dont le dénouement, plus ou moins retardé, est fatal.

Qu’on discute à la rigueur si Louis XIII a succombé à une phtisie galopante, ou à une tuberculose chronique ; à une pleurésie purulente, mais bacillaire, ou à une entérite de même nature, nous le comprendrions. Mais voir le poison jusque dans les bois de lit, quand ce lit est occupé par un grand personnage, ce n’est plus de la critique historique, c’est de l’obsession morbide.

*
**

Notre étude était terminée, quand de nouveaux documents, dont nous avons eu, après coup, connaissance, sont venus quelque peu ébranler notre foi au diagnostic de M. Guillon.

LA MORT DE LOUIS XIII

(D’après une estampe de l’époque.)

Le docteur Guillon a défendu cette opinion : que Louis XIII souffrit toute sa vie d’une affection intestinale, et qu’il succomba à une lésion tuberculeuse, primitive, de l’intestin. Si nous l’avons bien compris, Louis XIII aurait eu d’abord de la dyspepsie nerveuse, puis de la gastro-entérite qui, devenue chronique, aurait constitué un terrain favorable à la tuberculose. Les manifestations intestinales auraient donc précédé, suivant notre confrère, les manifestations pulmonaires. Ce n’est pas la règle habituelle, mais M. Guillon croit cependant pouvoir fournir la démonstration de ce qu’il avance. « Il nous semble, écrit-il, que les intestins ont dû être atteints avant les poumons. En effet, pas de toux signalée avant 1632 ; et encore disparaît-elle très rapidement pour ne revenir qu’à la période ultime ; jamais d’hémoptysie ni d’hématurie ; et au contraire, dès 1627, entérite qui, malgré des rémissions, n’a pas guéri jusqu’à la mort. » M. Guillon convient cependant que l’entérite tuberculeuse primitive est plutôt rare. Et notre confrère conclut, en fin d’analyse, « à une péritonite aiguë, chez un malade atteint de tuberculose intestinale ancienne ».

Bien que la perforation intestinale soit peu fréquente chez les tuberculeux, il faut bien l’admettre chez Louis XIII, si l’on s’en rapporte au texte du procès-verbal d’autopsie : c’est au côlon que s’est trouvé « un ulcère qui a percé l’intestin, causé par la descente de la boue qui sortait du mésentère inférieur, qui s’est trouvé ulcéré en plusieurs endroits et qui a versé sa matière purulente, qui s’est trouvée amassée dans tout le ventre ».

Cela est bien net, dit, après avoir cité le passage, le docteur Guillon : « ulcérations multiples et perforation intestinale unique sur une ulcération ».

Mais le même procès-verbal ne signale-t-il pas l’adhérence des poumons aux côtes, plus prononcée à gauche ? Ne serait-ce pas de la pleurésie ; et cette pleurésie étant, pour ainsi dire, constante dans les lésions du sommet, ne pourrait-on en inférer qu’il y a là un signe de tuberculose primitive du poumon ? Il nous paraît que M. Guillon, qui en fait, du reste, la remarque, n’en a pas tiré tout le parti possible. Nous ne lui dissimulons pas que nous aurions préféré lui voir faire la preuve d’une tuberculose secondaire de l’intestin.

Une particularité, récemment mise en lumière, apporte un appui solide à cette hypothèse. Bien qu’émanant d’un profane, les réflexions qui vont suivre méritent d’être prises en sérieuse considération.

Pour M. Guillon, écrit M. LACOUR-GAYET, l’origine du mal de Louis XIII est une prédisposition névropathique. À quoi il répond :

Névropathie, soit, mais le mot, dont on use beaucoup aujourd’hui, n’est-il pas un peu vague, aussi vague que l’état qu’il prétend qualifier ? Cet état n’est-il pas le plus souvent un résultat de causes antérieures, qui peut sans doute engendrer lui-même certains effets, mais qui n’est pas un point de départ initial et qui, par conséquent, n’est pas vraiment une cause ? Nous aurions voulu à l’enquête de M. le docteur G. une base plus précise. Cette donnée première de caractère scientifique, nous croyons la trouver dans le témoignage très net d’un contemporain de Louis XIII.

Voici ce curieux document, emprunté à un ouvrage où M. G. ne pouvait sans doute pas songer à aller le chercher, mais dont la connaissance lui aurait permis d’introduire dans sa discussion médicale un élément à l’ordre du jour et de saisir, selon nous, à sa source même, la vraie cause de l’état maladif du roi.

Louis XIII, dit notre observateur, qui l’avait connu de très près, « pour avoir été nourri d’un sang maternel fort grossier et d’un lait fort épais, se trouva avec des conduits si faibles, si engagés et si peu disposés à toute espèce d’évaporation, ayant même la faculté éjective fort débile, en sorte que je ne l’ai vu cracher, suer ni moucher très rarement, cela étant les gouttières et les purgations les plus naturelles et de plus grand décharge, tant pour la santé que pour la liberté de la parole ; de sorte que la vérité me contraint de dire qu’ayant cet honneur d’être auprès de lui, je remédiais incessamment à cela, contre l’avis de son premier médecin qui disait que ce phlegme épais et cette mucosité mal conditionnée se purgeaient par le bas, en quoi il s’est fort trompé, car S.M. s’est trouvée à la fin submergée dans la quantité de cette matière vicieuse, qui s’est pourrie et a suffoqué la chaleur naturelle et empêché l’ordre et la fonction de toutes les parties, ayant été à la fin cause de sa mort, comme de celle du petit roi François (François II), qui mourut de même maladie, mais non pas avancée comme celle-ci par le continuel et très dangereux usage des médecines fréquentes.

Ceci devrait servir de leçon aux personnes chargées de veiller sur la santé du jeune Louis XIV ; bien que, « par la liberté de la parole et par la facilité de sa prononciation », le tempérament du fils parût très différent de celui du père, il fallait avoir grand soin de le faire moucher, pour tenir le nez « en office » et l’empêcher de « recuire la matière ».

Que « ce phlegme épais et cette mucosité mal conditionnée » aient été « à la fin cause de la mort » d’un malade, cette affirmation de Vauquelin des Yveteaux, que la médecine de son temps aurait tournée en ridicule, est admise comme vérité par la médecine de nos jours. Le paquet glaireux qui recouvre l’amygdale pharyngienne ne pouvant, en effet, être expulsé par le nez, tend à descendre dans le pharynx ; il tombe dans l’estomac en entraînant avec lui tous les microbes dont il est chargé ; de l’estomac passant dans les intestins, il exerce sur eux une intoxication continue ; de telle sorte que la gastrite et l’entérite peuvent être souvent une conséquence certaine, bien que lointaine, des végétations adénoïdes. Il semble donc bien probable que l’état d’entérite chronique, qui a caractérisé la santé de Louis XIII, ait eu pour point de départ cette hypertrophie de l’amygdale pharyngienne, dont le texte de Vauquelin des Yveteaux témoigne d’une façon qui ne laisse pas d’équivoque.

Et si l’on regarde certains traits de la figure de Louis XIII, comme ce nez camus, « un peu enfoncé dans sa racine », suivant l’expression de son médecin Héroard, que l’on voit sur quelques-unes de ses médailles, au moins sur celles de son enfance et de sa jeunesse ; si l’on fait attention à cette difficulté matérielle de parler dont il fut affligé toute sa vie (son valet de chambre Antoine rapporte qu’il « n’avait pas la parole fort libre naturellement »), ou à cette impossibilité de tenir la bouche fermée, qu’Antoine constate encore à sa manière, lorsqu’il dit « qu’il avait la langue si longue et si épaisse quand elle était sortie de sa bouche qu’il avait peine à la retirer, ce qui le faisait quelquefois rougir, surtout devant les étrangers » ; si l’on se rappelle que l’éveil de la puberté fut tardive chez lui et que son tempérament amoureux ne rappela pas plus celui de son père qu’il ne fit pressentir celui de son fils ; si l’on songe encore à sa disposition bien connue à l’humeur morose, on pourra être disposé à qualifier le fils aîné de Henri IV et de Marie de Médicis comme le fils aîné de Henri II et de Catherine de Médicis, en disant que, comme lui, bien qu’à un degré moindre, il fut, suivant le mot barbare des médecins de nos jours, un adénoïdien.

En somme, l’explication première de son état maladif et de sa mort nous paraît être dans cette petite masse charnue qui devait obstruer son arrière-nez. M. le docteur G. sera d’avis avec nous que l’histoire morbide qu’il avait entrepris d’écrire doit avoir pour point de départ la discussion du témoignage de des Yveteaux, et la comparaison de ce témoignage avec différents traits de la nature physique et morale de Louis XIII.Videant medici et chirurgi.

Le docteur Potiquet, après avoir pris connaissance de l’article de M. Lacour-Gayet que l’on vient de lire, nous écrivait, le 19 mars 1901 :

« Le diagnostic de M. Lacour-Gayet est, en effet, des plus vraisemblables. De plus, on trouve assez souvent, soit à la surface des végétations adénoïdes, soit même dans leur épaisseur, soit dans leurs produits de sécrétion, des bacilles de la tuberculose (LERMOYEZ, CORNIL), et l’infection de l’intestin de Louis XIII paraît bien n’avoir été que secondaire, et secondaire peut-être à la déglutition de mucosités de l’arrière-nez ; de plus, l’obstacle apporté à la respiration nasale, et partant à l’hématose, est pour les adénoïdiens une cause de tuberculisation. »

Cette thèse nous paraît très soutenable, et nous nous y rallions. Nos conclusions seront donc les suivantes : Louis XIII est mort d’une perforation intestinale, consécutive à une ulcération tuberculeuse ; la tuberculose de l’intestin (entérite tuberculeuse) a été, chez ce roi, non primitive, mais secondaire. Les voies respiratoires ont été atteintes les premières.

Pièces justificatives
AProcès-verbal original de l’autopsie du roi Louis XIII

Le 15 (mai 1643) à ladite heure se fit l’ouverture dudit corps qui fut apporté dans un linceul par les officiers de la chambre et mis sur une longue table qui était préparée au bout de la galerie autour de laquelle étaient Messieurs de Nemours, de Vitry et de Souvray, les sieurs de Sainctot frères, Maître et ayde des Cérémonies, le sieur Forest, premier valet de chambre et quelques officiers de la chambre seulement, d’un côté ; de l’autre côté, aux pieds et à la tête, étaient les médecins et chirurgiens, scavoir le sieur Bouvard premier médecin du Roy, les sieurs Seguin premier médecin de la Reyne Régente, Vaultier premier médecin de la feue reine mère du Roy, Brunyer, premier médecin de monsieur le duc d’Orléans, Chicot et Conrade médecins du Roy lors en quartier, le sieur de la Vigne docteur régent de la Faculté de médecine de Paris et doyen d’icelle, le sieur Moreau aussi docteur de la Faculté, lecteur et professeur ordinaire du Roy, Pierre Yvelin médecin de la Reine Régente, Jean de Nogent médecin servant le duc d’Orléans, Baptiste Bontemps premier chirurgien et premier valet de chambre de Sa Majesté, Nicolas Pescheval premier chirurgien de la reine régente, Mathieu Colart premier chirurgien du duc d’Orléans, Antoine Regnault, Pierre Lycot et Alexandre le Roy, tous trois chirurgiens servants du Roy, Sébastien Colin chirurgien de longue robbe à Paris, Jacque le Large, Maître chirurgien à Paris, tous deux appelés pour assister à ladite ouverture à laquelle opéraient les sieurs Regnault, Lycot et Le Roy de la main, le sieur Bouvart premier médecin verbalisait, et le sieur Moreau médecin susdit écrivait. Et fut ce qui suit :

BRapport des médecins étant à l’ouverture du corps du roi

Nous avons trouvé les cinq téguments universels communs et particuliers consommez, lepiploon aussi consommé, les intestins gresles démesurément boursoufflez et de couleur blafarde et nageans dans une quantité de serozitez sanieuses et purulentes, la face extérieure du foie toute pasle comme ayant été bouilly, lestomach remply d’une serozité noirastre avec un ver et demy pied de longueur et plusieurs autres petits, laquelle matière aurait marqueté le fond de lestomach, lintestin duodénum d’une grandeur démesurée remply de bile porace, le jéjunum remply de mesme matière et tout jaune par dedans, lileum moins teint et moins plain d’une matière plus épaisse, le cecum dès son commancement rouge et dépouillé de sa membrane charnue, continuant de plus en plus jusques à la fin du colon, où s’est trouvé un ulcère qui a percé l’intestin causé par la descente de la boue qui sortait du mézentaire inférieur qui s’est trouvé ulcéré en plusieurs endroits et qui a versé sa matière purulente, qui s’est trouvée amassée dans tout le ventre, dans laquelle nageaient les intestins, à la quantité de plus d’une chopine. Outre la couleur susdite du foie on a trouvé en sa partie cave qu’il se fendait et rompait en le touchant dépouillé de sa propre membrane, estant coupé il s’est trouvé tout desséché et recuit dedans comme dehors. Au rein droit il s’est trouvé un petit abcès plein de boue verte enfermée dans un chyste (Kyste) dans sa partie inférieure et charnue. Tout le poulmon du côté gauche entièrement attaché aux costes et moins du costé droit, en la partie supérieure du gauche s’est trouvée une grande cavité ulcérée, plaine de boue, tous lesquels accidents ont été reconnus pour véritables causes de son deced.

Fait à Saint-Germain à six heures du matin (le 15 mai) 1643, ainsy signé : Charles de Savoye, Nicolas de l’Hospital de Vitry, de Souvré, Bouvart, Seguin, Vaultier, Chicot, Conrade, de la Vigne, Moreau, Yvelin, de Nogent, Baptiste Bontemps, Pescheval, Collart, Regnault, Lycot, Colin, Alexandre le Roy, Le Large.

Anne d’Autriche

Morte, le 20 janvier 1666, d’un cancer au sein.

Louis XIII avait épousé, le 25 octobre 1615, l’infante d’Espagne, fille de Philippe III, Anne d’Autriche, dont il eut deux fils : Louis, son successeur, et Philippe, duc d’Orléans.

On sait qu’Anne d’Autriche est morte d’un cancer au sein. Le fait est connu ; nous n’y ajouterons que certains détails, qui sont assez communément ignorés.

La santé de la reine commence à s’altérer dès le 10 avril 1663. On se trouvait à la fin du carême. La reine se plaignit tout à coup de grandes lassitudes dans les membres, de nausées, et eut une fièvre très violente, qui dura plusieurs jours. Les purgations, les saignées, les émétiques – ou les efforts de la bonne nature finirent par avoir raison de ces malaises.

Le 4 octobre 1664, la reine éprouva les premières atteintes du mal qui devait l’emporter. Elle était allée de Vincennes, où était la cour, visiter les Petites Carmélites à Paris. Là, elle eut une faiblesse, qui l’obligea, ce soir-là, de coucher au Val-de-Grâce.

Le 10 du présent mois d’octobre, elle sentit une grosseur au sein, très douloureuse, qui lui causa de vives appréhensions : ayant eu l’occasion d’observer, chez des religieuses du Val-de-Grâce, le mal qui la dévorait, elle ne se fit pas longtemps illusion sur sa nature.

Ce fut pendant une retraite de la reine dans son abbaye préférée, au moment des fêtes de Noël, que la maladie se déclara dans toute sa violence. Les médecins, qui jusqu’alors n’avaient guère prescrit que des emplâtres de ciguë – vieux remède encore en usage dans la médecine populaire – durent convenir de leur impuissance. C’est alors qu’on fit appel à un pauvre prêtre de village, qui se prétendait possesseur d’un remède infaillible contre de pareils maux.

L’abbé François Gendron, curé de Voves (Eure-et-Loir), promit à la reine de lui « endurcir son sein, à ce point de le rendre dur comme une pierre ». En récompense de ses soins, d’ailleurs inutiles, le roi lui octroya les bénéfices de l’abbaye de Maizières, en Bourgogne. Son onguent se composait de belladone et d’une poudre de pierre grise, de la Beauce, calcinée. Ce remède la fit horriblement souffrir et ne réussit pas à arrêter la marche de l’inexorable mal.

On engage alors la malade à essayer d’une nouvelle médication, et on l’invite à quitter Gendron, pour se remettre entre les mains d’autres empiriques : elle fait choix d’un certain Ailhaut, médecin lorrain, célèbre dans les deux derniers siècles par la poudre qui porte son nom, simple purgatif composé de 4 décigrammes de scammonée, 8 de suie et 8 de colophane ; ce qui, pour l’effet, n’est en définitive que de la scammonée.

Chose curieuse, on pouvait voir, il y a encore peu d’années, et nous ne sommes pas certain qu’il n’y soit pas encore – à la quatrième page des journaux et à la façade intérieure des vespasiennes – un Ailhaut (ou Alliot), assurant la guérison des cancers ! Nous lui conseillons de ne pas se réclamer de son ancêtre ou homonyme, qui échoua si complètement dans le cas d’Anne d’Autriche.

Dès la nouvelle de la maladie de la reine, c’était à qui proposerait son remède.

Une certaine femme en promettait la guérison, mais elle en a quitté l’entreprise, écrivait Gui Patin à son confrère Falconet. On parle d’un moine de province et d’un autre charlatan que l’on veut faire venir de Hollande ; de quel côté qu’il vienne, il m’importe fort peu, mais je ne pense pas qu’ils la guérissent. Mon Dieu ! qu’il y a de sottes gens au monde, et particulièrement chez les grands seigneurs, de croire que telles buses puissent guérir les maladies que les médecins n’ont pas pu guérir.

Les médecins n’avaient pas manifesté une opposition trop vive, quand on avait parlé de faire venir Alliot ; mais Gui Patin, jaloux des prérogatives de la « très salubre » Faculté, n’avait pas manqué l’occasion de décocher une pointe à cet intrus, qui venait piétiner les plates-bandes doctorales.

On a fait venir, mandait-il à son correspondant, un médecin de Bar-le-Duc, nommé Alliot, qui est grand charlatan et disciple de Van Helmont.

Le 28 février, Gui Patin écrivait à nouveau :

On dit que la reine d’Angleterre la mère est fort malade à Londres ; notre reine-mère empire aussi de ça.

Le 20 avril 1665, la reine ayant voulu suivre la cour à Saint-Germain, y part en chaise à porteurs, disant que, si elle avait à mourir, elle aimait mieux que ce fût là qu’à Paris. Mais arrivée à Chaillot, elle sent que l’agitation du chemin lui a fait beaucoup de mal ; à Saint-Cloud, ses douleurs deviennent plus violentes. À partir de ce jour, ses souffrances n’eurent plus de relâche.

Nous apprenons encore, par une lettre de Gui Patin, datée du 28 avril, quel fut le remède employé. On saigna la reine à Saint-Germain, « pour diminuer la douleur et la fluxion de sa mamelle ».

Nous n’avons qu’à puiser à la même source pour être tenu au courant des moindres phases de la maladie de la reine.

J’ai appris aujourd’hui (6 mai), que la reine empire. On a parlé d’une grande consultation qui doit se faire à Saint-Germain pour la reine-mère, savoir si on lui ouvrira la mamelle pour en tirer du pus et de la sérosité maligne qui en consume la substance de jour à autre. On parle aussi d’un certain médecin nommé Châtelain, que M. de Besons intendant de justice a ici envoyé de Frontignan ; on prétend qu’il guérit ces sortes de maladies, et qu’il a de beaux secrets contre les maladies incurables. S’il ne promettoit rien on ne le feroit pas venir de si loin. Ce sont des impostures. Le cancer ne se guérit point et ne se guérira jamais ; mais le monde veut être trompé (22 mai 1665).

Le jeudi 27 mai, la malade éprouvait un grand frisson, étant à la messe. Elle se mit au lit et le frisson lui dura six heures ; il fut suivi d’un grand refroidissement. Survint ensuite un érysipèle, qui couvrait tout le bras et l’épaule, du côté du cancer.

Gui Patin continue à prendre ses informations ; mais, soit qu’il ait été mal renseigné, soit qu’il se plaise à exagérer la situation, il est encore plus pessimiste que les officieux. Ce n’est pas seulement le bras et l’épaule que l’érysipèle aurait envahis, ce sont les deux seins !