Los carniceros y sus oficios - AAVV - E-Book

Los carniceros y sus oficios E-Book

AAVV

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Beschreibung

Compradores, deudores y vendedores activos en los campos de la artesanía y la industria, los carniceros de los siglos XIII-XVI de las coronas de Aragón y Castilla y del sur de Francia (Languedoc y Provenza), que alimentaban y a veces dominaban los mercados (de la piel, el cuero, la lana, el hierro...), fueron nexos comerciales entre la ciudad y el campo, donde construyeron sus redes. Fueron también miembros de las elites urbanas y rurales y actores de las políticas fiscales, en particular a través de la explotación de los impuestos indirectos aplicados a los productos de consumo. En los estudios aquí reunidos, tanto retratos de grupo como biografías, los carniceros constituyen el observatorio de un fenómeno que va más allá de su actividad principal: la pluriactividad, fundamento básico de la empresa medieval. Así mismo, se presta especial atención a los vínculos entre las ciudades, pequeñas o grandes, y el campo, con sus pueblos y aldeas, mediante un análisis diferente y complementario de la historiografía tradicional, centrada en los carniceros de las ciudades, y se abre el estudio a las redes que tejieron y dominaron entre las ciudades y el campo. Esta investigación fue acogida por la Casa de Velázquez y formó parte del programa científico titulado «Empresas rurales en el Mediterráneo occidental, siglos XIII-XVI».

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Seitenzahl: 578

Veröffentlichungsjahr: 2020

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© Los autores, 2020© De esta edición: Publicacions de la Universitat de València, 2020

Publicacions de la Universitat de Valènciahttp://[email protected]

Maquetación: Letras y Píxeles, S.L.

Ilustración de la cubierta:Albucasis. Observations sur la nature et les propriétés de divers produits alimentaires et hygiéniques, sur des phénomènes météorologiques, sur divers actes de la vie humaine, etc. Bibliothèque Nationale de France, NAL 1673. Fol. 61v. Marchand de viande de mouton Diseño de la cubierta: Publicacions de la Universitat de València

ISBN: 978-84-9134-690-6

Edición digital

ÍNDICE – TABLE DES MATIÈRES

Introducción – Introduction

LES BOUCHERS ET LEURS AFFAIRES ENTRE VILLES ET CAMPAGNES (FRANCE MÉRIDIONALE - ESPAGNE, XIIIe-XVIeSIÈCLES)

Catherine Verna et Sandrine Victor

1. Suministrar las ciudades. Competencias y poderes de los carniceros – Approvisionner les villes. Compétences et pouvoirs des bouchers

CAPÍTULO 1. LA APORTACIÓN DE LA GANADERÍA DE MENORCA AL APROVISIONAMIENTO DE LAS CARNICERÍAS MALLORQUINAS Y CATALANAS EN LA BAJA EDAD MEDIA

Antoni Riera

CAPÍTULO 2. CARNICERÍAS Y COMERCIO DE CARNE EN EL REINO DE ARAGÓN DURANTE EL SIGLO XV

Germán Navarro Espinach, Concepción Villanueva Morte

CAPÍTULO 3. LAS CARNICERÍAS MAYORES DE VALENCIA AL FINAL DE LA EDAD MEDIA. MONOPOLIO, INVERSIÓN Y BENEFICIO

Juan Vicente García Marsilla

2. Carnicerías, industria y empresas – Boucherie, industrie et entreprises

CAPÍTULO 4. LES BOUCHERS DE MARSEILLE AU XIVeSIÈCLE. AFFAIRES, RÉSEAUX ET POUVOIRS À LA VILLE ET DANS LA CAMPAGNE ENVIRONNANTE

Juliette Sibon

CAPÍTULO 5. LOS CARNICEROS Y EL NEGOCIO DE LA PIEL EN EL REINO DE CÓRDOBA A FINES DE LA EDAD MEDIA (1460-1520)

Ricardo Córdoba de la Llave

CAPÍTULO 6. ENTRE VILLES ET CAMPAGNES: LES BOUCHERS DU VALLESPIR (CATALOGNE, XVeSIÈCLE)

Catherine Verna

3. Familias de carniceros y redes de negocios – Familles de bouchers et réseaux d’affaires

CAPÍTULO 7. LOS CARNICEROS DE BESALÚ EN EL SIGLO XIV. LOS CASOS DE GUILLEM FORN Y LA FAMILIA MAS

Joel Colomer

CAPÍTULO 8. DU BOUCHER AU GRAND MARCHAND: LES AFFAIRES DES GRAVEZON (MILLAU, SECONDE MOITIÉ DU XIVeSIÈCLE)

Johan Paris

CAPÍTULO 9. LA FAMILIA CITJAR. CARNE, DINERO Y PODER EN LA BARCELONA DEL SIGLO XV

Ramón A. Banegas López

4. Carniceros castellanos: la fuerza de las pequeñas ciudades y de las villas – Bouchers castillans : la force des petites villes et des bourgs

CAPÍTULO 10. LOS CARNICEROS Y SUS NEGOCIOS ENTRE VILLAS Y ALDEAS: CASTILLA EN LA BAJA EDAD MEDIA

Mariana Zapatero

CAPÍTULO 11. LOS CARNICEROS Y SUS NEGOCIOS EN EL MUNDO RURAL CASTELLANO A FINES DEL SIGLO XV E INICIOS DEL XVI

David Carvajal de la Vega

INTRODUCCIÓN – INTRODUCTION

LES BOUCHERS ET LEURS AFFAIRES ENTRE VILLES ET CAMPAGNES (FRANCE MÉRIDIONALE - ESPAGNE, XIIIe-XVIe SIÈCLES)

Catherine VernaUniversité Paris 8 – UMR 7041 ArScAn

Sandrine VictorInstitut National Universitaire Champollion, Albi – UMR 5136 Framespa

Les bouchers constituent l’objet central de cet ouvrage. Le choix du thème n’est en rien celui d’une monographie et doit plutôt se comprendre comme l’étape d’une trajectoire scientifique spécifique et l’illustration d’une enquête menée en parallèle, celle conduite sur l’entreprise rurale, dans un temps et un espace partagés. Les bouchers constituent l’observatoire d’un phénomène qui les dépasse, un observatoire d’autant plus riche que bouchers et boucheries ont profité, et encore très récemment, d’études fouillées et fondées sur des sources inédites, le plus souvent urbaines et où les grandes cités occupent une place de choix. Ce que cet ouvrage apporte de différent après tant d’études de qualité, c’est une attention particulière accordée aux liens entre villes (et petites villes) et campagne et à l’activité de boucherie comme une facette de la pluriactivité propre à l’entreprise médiévale.

Sans doute, l’Europe méridionale et ses archives notariées et comptables est-elle particulièrement bien adaptée à cette enquête. Dans les espaces du Languedoc, de la Provence et des Couronnes de Castille et d’Aragon, le boucher est souvent membre des élites des grandes cités, mais également des bourgs et des petites villes, acteur des politiques fiscales, en particulier par la ferme des taxes indirectes levées sur les produits de consommation, entrepreneur inscrit dans des domaines connexes de l’artisanat et de l’industrie dont il alimente et parfois domine les marchés (laine, cuir, suif), maquignon en mouvement dans les espaces de chalandises. À partir du cas des bouchers, dont les activités multiples se révèlent pourvoyeuses d’écrits, il s’agit d’approcher l’entrepreneur, à la ville, dans les campagnes et entre villes et campagnes, entre productions et marchés, engagé dans les affaires autour du trafic des animaux et des produits qui en dérivent, dont les disponibilités financières et les réseaux lui permettent d’exercer une très large pluriactivité. L’homme n’hésite pas à saisir toutes les opportunités, aider en cela par la pratique des techniques qui y sont associées (expertiser le bétail et la viande, compter, mesurer, pratiquer le crédit, établir des changes monétaires etc.). Il dispose également d’un capital symbolique. Sa réputation, sa fama, associée à son réseau sont, en effet, des armes commerciales redoutables.1 Il est, en quelque sorte, le marqueur privilégié d’une forme de sociabilité économique permettant à l’historien d’interroger à la fois les réseaux d’affaires, la pluriactivité, l’entreprise et les liens ville-campagne.

DES BOUCHERS DES GRANDES VILLES À CEUX ENTRE VILLES ET CAMPAGNES

L’historiographie, tant française qu’espagnole –mais la réflexion pourrait parfaitement s’étendre à l’aire méditerranéenne et en particulier à la péninsule italienne–,2 ne manque ni de bouchers ni de boucheries. Récemment, la boucherie a occupé une place majeure dans le domaine de l’histoire de l’alimentation, assortie d’un volet d’études sur le marché de la viande et, plus largement, sur l’approvisionnement des villes. L’ouvrage de Ramón A. Banegas López présente l’état de la recherche européenne dans ce domaine: la viande, son marché, sa qualité, sa découpe, sa surveillance en sont les thèmes privilégiés.3 Le boucher est dans son métier, urbain pour l’essentiel, bien inscrit dans une sociabilité qui recoupe souvent sa pratique professionnelle. Il détient ou loue les étaux et s’insère dans la politique fiscale de la ville en prenant traditionnellement à ferme les aides sur la viande. L’histoire de la boucherie et des bouchers, dans le domaine de l’histoire sociale de l’alimentation, est donc devenue un pan de l’histoire des grandes villes tant la viande est importante pour la consommation urbaine et le revenu qu’en tirent les cités (comme la sisa étudiée dans cet ouvrage à Valence et à Saragosse – Juan Vicente García Marsilla; Germán Navarro Espinach et Concepción Villanueva Morte). Elle est également une histoire des notabilités urbaines où les bouchers témoignent d’une ascension parfois fulgurante au cours des derniers siècles du Moyen fige.4 Cette ascension aboutit aux gouvernements urbains qu’ils intègrent, du fait de leur position maîtresse dans une ville turbulente et de plus en plus carnassière et grâce à leur large capacité financière mise au service des élites urbaines. Paris en constitue un cas exemplaire, mais non isolé.5 Dans cet ouvrage, Mariana Zapatero insiste sur les rapports étroits noués entre les bouchers et les autorités locales dans le cadre de la Couronne de Castille et propose une relecture des ordonnances et des litiges liés au contrôle du marché de la viande, enjeu hautement politique, mais également enjeu géostratégique de gestion du maillage rural correspondant au territoire de la cité. À une autre échelle, Juliette Sibon signale qu’à la fin du XIVe siècle, trois bouchers font partie des puissants créanciers qui concèdent aux syndics de Marseille un prêt suffisamment lourd pour qu’il soit hypothéqué sur les impôts municipaux et les revenus de la Table de mer, une autre forme du contrôle de la cité.

Cependant, une constatation s’impose: le boucher urbain est rarement suivi par ses historiens en dehors de la ville, sinon ponctuellement, pour parfois aboutir à la reconstitution de ses affaires dans les campagnes où il s’approvisionne. Il convient pourtant d’insister sur la mobilité géographique de ces hommes qui parcourent l’espace autour de leur cité d’origine pour trouver la viande nécessaire, une pratique propice à la création de larges réseaux. Partir des bouchers des villes et des sources urbaines peut donc s’avérer utile pour reconstituer les contacts entre ville et campagne. Ce fil rouge des affaires permet aux historiens d’atteindre l’espace des bourgs, des petites villes et des villages. Philippe Wolff en a fait l’expérience dans sa thèse: même si les bouchers ruraux, les maquignons, les bergers et autres intermédiaires qui leur sont associés, tous fournisseurs de la ville en viande ou en produits dérivés, ne sont pas traités de façon à aboutir à une étude prosopographique ou biographique, ce sont pourtant bien des figures d’entrepreneurs qui se dégagent des sources toulousaines. Ces hommes, du fait même des contraintes et des opportunités de leur métier, tissent des relations à la mesure du large ancrage régional de leurs activités.6 La consommation régulière de viande (certes de nature et de qualité très diversifiées, Germán Navarro Espinach et Concepción Villanueva Morte), quel que soit le niveau social des consommateurs, ouvre, en effet, sur la question prégnante de l’approvisionnement.7

Les boucheries sont multiples dans les cités et elles sont souvent spécialisées en fonction de la nature du bétail ou de la qualité de la viande mais aussi des confessions des consommateurs (Chrétiens et Juifs à Marseille et à Saragosse). Juan Vicente García Marsilla nous propose une plongée dans la boucherie de Valence, une ville fortement consommatrice qui rassemble au milieu de XVe siècle quarante tables de boucherie, reparties sur six sites dominés par les Carnicerias Mayores et les «seigneurs de la grande boucherie», seigneurs utiles qui sont les propriétaires des tables et correspondent à une quarantaine de rentiers parmi les notables de la cité qui défendent âprement leurs privilèges octroyés par la Couronne au XIIIe siècle et consolidés par la suite. Nous entrons ainsi de plain-pied dans la boucherie majeure: reconstitution des espaces, désignation des tables mises à disposition sous forme de parts, montant de leur location annuelle, revenus et coût de ces tables, types de viandes consommées. Les bouchers, et de plus en plus de marchands et d’entrepreneurs qui sous-traitent avec des bouchers artisans (utilisateurs modestes des tables qu’ils leur louent) tirent de substantiels revenus du contrôle de l’ensemble de la chaîne de production, de l’approvisionnement à la vente; de fait, ils sont en capacité d’organiser des disettes artificielles, et de spéculer (comme en Castille, Mariana Zapatero).

L’activité des bouchers, si elle se concentre sur l’abattage, le débitage et la vente des viandes, est très diversifiée en amont de la boucherie urbaine et projette, comme nous l’avons déjà abondamment souligné, les bouchers forcément en dehors de la cité. Rappelons que l’approvisionnement en viande est une préoccupation majeure des gouvernements municipaux, comme à Valence, qu’il s’agisse d’encadrer les importations en viande ou d’envoyer des émissaires pour se procurer du bétail sur les grandes foires d’Alpuente et Albacete car la majorité du bétail acheté par la municipalité provient de Castille et de Teruel (Juan Vicente García Marsilla; Germán Navarro Espinach et Concepción Villanueva Morte) et fait l’objet de contrats qui mobilisent de forts capitaux. C’est là une des activités les plus lourdes et souvent périlleuses et risquées que les bouchers doivent assurer: celle du transport des troupeaux (parfois des centaines de têtes de bétail) qui, une fois rassemblés, sont acheminés vers les villes. Outre les contrats conclus entre éleveurs et bouchers, les registres des douanes restituent ces flux réguliers de transhumance (Germán Navarro Espinach et Concepción Villanueva Morte). Les bouchers, organisés en sociétés souvent de grande envergure, se portent également eux-mêmes vers les campagnes, parfois très lointaines où ils savent pouvoir s’approvisionner. La grande ville, ses bouchers et les sources urbaines sont donc un accès aux affaires de la viande dans les campagnes, souvent par le relais des foires, des petites villes et des bourgs.

De ce point de vue, les textes rassemblés dans ce volume permettent de contraster les angles de vue, en partant du lieu d’importation pour revenir vers la cité. Ainsi, le cas de Minorque démontre combien l’activité d’élevage, attentive à la quantité comme à la qualité du bétail, est largement orientée vers le marché d’exportation. Elle s’inscrit dans une action politique, qu’il s’agisse de la souscription à des contrats d’approvisionnement urbain, associés souvent à l’exclusivité, ou de la politique fiscale articulée aux échanges internationaux impulsés par les cités. C’est à cette échelle de réflexion que nous invite Antoni Riera. Les bouchers de Majorque et de Barcelone aux deux extrémités de la chaîne de distribution, sont avec les marchands et les négociants de la laine (catalans et italiens) les interlocuteurs privilégiés des éleveurs minorquins. Les bouchers demeurent néanmoins en retrait dans les sources étudiées par Antoni Riera qui focalise toute son attention sur les conditions complexes de mise en place et le développement d’un élevage pour l’exportation, en amont des boucheries.

Il faut, dans ce cas précis, adosser l’étude à celle proposée par Ramón A. Banegas López qui nous fait entrer dans la famille Citjar, grande famille de bouchers barcelonais du XVe siècle, autour de la personne de Joan Citjar. Une nouvelle fois, le monde de la boucherie est très proche du pouvoir urbain. La fortune tant économique que politique de Joan est assise sur sa capacité à payer le bétail et le prix de sa circulation d’au-delà des Pyrénées jusqu’à Barcelone, parfois avec l’appui financier du gouvernement municipal, car Joan devient le fournisseur exclusif de la cité de Barcelone au grès des tensions internes qui secouent la ville et sous l’égide de la puissante (et fortement consommatrice de viande) Pia Almoina. Contrôler l’approvisionnement d’une grande cité, à partir d’une vaste zone de chalandise, du comté de Foix à l’Empurdan, c’est aussi être en capacité de s’introduire dans le gouvernement municipal de petites villes; c’est ce que Juan Citjar parvient à faire au moins à Puigcerdà. Notons, dès à présent, qu’à partir du cas de Puigcerdà, Ramón A. Banegas López montre que les bouchers de petites villes peuvent également, en retour, être très actifs.8 Ils établissent d’autant mieux un lien commercial et financier fort qu’ils se font reconnaître comme citoyens de Barcelone, détenteurs de tables à la grande boucherie. C’est également par ce jeu à l’origine fiscale entre ville et campagne mais aussi grâce à leur capacité à accorder des prêts dans les villages de Provence, que les bouchers de Marseille peuvent fidéliser autant les éleveurs que les notables locaux en position d’accorder (ou non) un monopole d’approvisionnement à la cité (Juliette Sibon).

À partir du cas marseillais à la fin du Moyen fige (et plus largement de la Provence) Juliette Sibon rappelle également la large pluriactivité inhérente à la profession de boucher. Bien sur l’activité industrielle enrichit la puissance des bouchers urbains (Marseille, Cordoue) et ils sont les seuls interlocuteurs des tanneurs et des cordonniers dans la cité célèbre pour ses cuirs qu’est Cordoue, qu’il s’agisse de peaux de vaches, de taureaux et de bœufs pour les semelles de chaussure, de brebis et de chèvres pour les courroies et zamarras, d’équidés pour la sellerie (Ricardo Córdoba de la Llave). L’industrie du cuir s’approvisionne prioritairement dans les campagnes proches, multipliant les lieux d’achat et profitant de mesures protectionnistes qui garantissent aux artisans des cuirs un accès privilégié à la matière première locale (comme à Madrid et à Murcie), une législation dont chacun sait qu’elle est difficile à appliquer tant la tension sur la matière première (et les prix) est forte. Un complément lointain est de toute façon nécessaire (pour Cordoue, les territoires de Jaén, Séville et Tolède). Précisons qu’il s’agit toujours d’un approvisionnement délicat car les peaux ne doivent pas être endommagées. À partir des contrats notariés, Ricardo Córdoba de la Llave livre une précieuse série de prix des peaux à Cordoue qui confirme leur hiérarchie en fonction de l’animal, les plus chères étant celles de bœufs et de taureaux. Le prix de la peau dépend également du prix du transport du bétail qui, comme il a été souligné, peut être très onéreux.

Il est à noter que l’enquête sur les bouchers profite actuellement d’une remise en cause historiographique: celle de la domination exclusive des grandes villes sur les campagnes, telle qu’elle a été formalisée dans un autre domaine de recherche, avec l’industrie et le verlagssystem, invitant à une nouvelle lecture des rapports entre espaces rural et urbain. Une meilleure connaissance de la vie des hommes engagés dans cette forme du contrôle des campagnes (le verlag) fait apparaître, en effet, qu’ils sont parfois originaires des lieux périphériques vers lesquels ils portent leurs activités et leurs capitaux.9 Qui domine dans ce cas de la ville et de ses campagnes? La question mérite d’être posée et élargie au domaine de la viande quand les bouchers ruraux et leurs réseaux atteignent la cité et orientent vers les bourgs et les petites villes de leurs origines, où s’épanouit leur réseau familial et amical, des capitaux rassemblés dans la cité.

LES BOUCHERS DES PETITES VILLES ET DES BOURGS

L’étude des relais que constituent les petites villes et les bourgs connaît un regain d’intérêt en tant qu’observatoire majeur des dynamiques rurales. La petite ville, ou vila-mercat en Catalogne, est dans l’historiographie espagnole mieux circonscrite que le bourg qui est un espace de recherche davantage investi par les historiens français.10 Dans le cadre de notre enquête sur les bouchers du Languedoc à la Castille, petites villes et bourgs disposent d’une capacité commune à rassembler marchés, ateliers et études notariales.11 L’intérêt n’est néanmoins pas strictement méridional, comme en atteste un article récent consacré aux bouchers des petites villes nivernaises.12 Le sujet a même pu profiter d’études pionnières comme celle qu’Édouard Perroy a dédiée aux Chambons dans la ville de Montbrisson.13 Il n’est pas surprenant, en outre, que les sources notariées catalanes, dont nous nous limiterons ici à rappeler la richesse, en particulier celles des bourgs du Vallespir et de l’Empordà, aient récemment livré l’activité de bouchers entrepreneurs.14 Rappelons que le débitage de la viande, les conditions de vente sur les étaux, la fixation des prix et les prescriptions sanitaires, sont des thèmes qui ont particulièrement intéressé les historiens dès les années 1970, à partir de la lecture des chartes de franchises et de privilèges des petites villes.15 Leurs réflexions ont été récemment enrichies par l’apport de l’archéologie et, en particulier, de l’archéozoologie.16 C’est dans ce même espace que peut être interrogé, tout comme dans la cité, le pouvoir politique des bouchers qui passe par le contrôle de la représentativité communale, les bouchers occupant une place d’intermédiaires à la périphérie des élites rurales traditionnelles comme cela a pu être étudié à partir du cas du Vallespir.17

Ainsi, dans ce contexte, des enquêtes serrées et inédites nous entraînent dès le début du XIVe siècle dans la Couronne d’Aragon (Joel Colomer à Besalú), plus tardivement dans celle de Castille (David Carvajal de la Vega, à partir des fonds notariés conservés pour le nord de la Meseta, à la fin du XVe siècle), inscrivant les bouchers dans leurs réseaux familiaux et d’affaires. Le Languedoc n’est pas absent: à partir de la petite ville de Millau et de ses belles archives notariées, Johan Paris est en mesure de suivre l’ascension de la famille Gravezon. Quel que soit le lieu, le boucher tient son étal; il peut en détenir plusieurs; il peut en louer certains. Il doit être capable d’y proposer de la viande dont les quantités sont à la mesure d’une population devenue carnivore (David Carvejal de la Vega en Castille, à San Martín de Valdeiglesias); s’y ajoute la vente des produits dérivés (le fumier, les peaux). L’absolu nécessité de l’approvisionnement et sa complexité poussent les bouchers à faire élever du bétail au point d’être assimilés à des éleveurs auxquels ils peuvent également s’associer par l’usage de contrats de gazaille, ce qui est un moyen habile d’orienter l’approvisionnement de telle façon qu’il corresponde, non seulement aux quantités attendues, mais également à la qualité. Les contrats mixtes qui associent prêt et gazaille assurent aux bouchers des petites villes un contrôle de ceux qui les approvisionnent. Comme pour les grandes villes, l’approvisionnement est au cœur du métier d’autant que les bouchers ruraux sont capables de se procurer du bétail loin de leurs villages d’origine, par l’intermédiaire des foires de Castille, les grandes comme Medina del Campo, ou les plus modestes, en Estramadure, par exemple (David Carvajal de la Vega), dont ils sont les acteurs bien informés. Les bouchers profitent également de leur situation particulière entre villes et campagnes pour s’activer dans certains domaines financiers, comme le boucher Juan de Olmedo, procurateur financier à Medina del Campo (David Carvajal de la Vega), certains prenant la ferme des rentes royales (comme à Besalú, Joel Colomer), et plus communément celle des taxes indirectes sur la viande (Catherine Verna, Arles-sur-Tech) mais également sur des produits associés, comme ceux relevant de la cordonnerie. Ils le font d’autant plus qu’ils sont également impliqués dans la vente et la transformation des produits dérivés (commerce de la laine et des peaux, en particulier, Catherine Verna, Joel Colomer). Si les bouchers de Besalú se livrent au commerce des peaux, ils investissent également dans leur transformation. À Arles-sur-Tech, les bouchers achètent des parts de teintureries; l’un d’entre eux, Pere Comelles, se lance également dans l’exploitation des mines argentifères, établissant des liens étroits entre le Vallespir et la Couronne d’Aragon (Catherine Verna). Il faut pour faire tout cela en avoir la capacité financière (l’usage du crédit est généralisé); être également capable de générer ou de participer à des sociétés et être en mesure de défendre ses intérêts et, dans ce cas, il faut tout autant savoir lire, compter et apprécier une comptabilité qu’une tête de bétail. On en revient, une nouvelle fois, aux compétences et aux savoirs.18

Pour mieux les apprécier, David Carvajal de la Vega nous fait entrer dans des compagnies de bouchers ouvertes également à d’autres porteurs de capitaux car l’association permet de répondre collégialement au coût de l’achat et surtout du transport du bétail. Même dans les bourgs, les bouchers savent jouer de différents types de contrats où la commande et/ou le contrat de gazaille occupent une grande place (Besalú). Le consentement de prêts, où le bétail sert de garantie, consolide des liens entre bouchers et paysans et induit dans ce contexte également le type de bétail élevé en fonction des marchés sélectionnés par les bouchers. Une chose est sure: les bouchers, même ceux des bourgs, sont, quand les sources permettent d’entrer dans la précision des contrats, parmi les grands pourvoyeurs de crédit dans les campagnes, ce qui explique leur influence et leur puissance locales.

LA BIOGRAPHIE: UN OUTIL POUR L’ENQUÊTE

L’imbrication des espaces et des activités se donne à voir dans l’exercice exemplaire de la biographie (qu’il convient bien évidemment de clairement distinguer de la prosopographie). Reconstituer des biographies n’est pas une fin en soi mais un moyen, une démarche pour accéder à une meilleure connaissance, par l’homme, de son activité et de ses réseaux, quels que soient ses domaines de compétence. En particulier, la biographie est un outil, parfois le seul dont l’historien dispose lorsqu’il s’agit d’approcher une forme spécifique de l’entreprise, celle des campagnes.19 Elle permet, ainsi, d’aborder les bouchers ruraux, leurs réseaux et leurs affaires, d’autant mieux que, comme le souhaitaient les théoriciens de la microstoria, l’individu choisi est à la marge des notabilités traditionnelles, ce qui est souvent le cas.20 Des dossiers récemment constitués et exposés prouvent que les bouchers donnent du corps à cette étude au ras du sol qui nous est si précieuse pour comprendre l’économie rurale. À partir du boucher, c’est une histoire des entreprises à la campagne qu’il est possible de construire car les conditions pratiques de l’approvisionnement dans les bourgs et les petites villes touchent à divers aspects de l’économie: élevage local et transhumance, contrat de gazaille, location de prairies, participation au marché de la laine, achat de parts et investissement courant dans l’industrie du cuir.. L’homme devient un point nodal à partir duquel se nouent des circuits de production et d’échange qui innervent profondément les campagnes et induisent des flux financiers et monétaires, en particulier à la fin du Moyen fige. Cette démarche a déjà livré des portraits de bouchers entrepreneurs. Le plus couramment, ils sont repérés en ville.21 L’enquête à la campagne, plus rare, n’en est pas moins déjà riche de résultats. Il ne paraît pas inutile de rappeler une nouvelle fois l’étude pionnière d’Édouard Perroy sur les Chambons, bouchers de la petite ville de Montbrison (en Forez). Sur trois générations, les Chambons établissent une fortune considérable en se livrant au commerce des draps et à celui de l’argent, auxquels ils ajoutent la spéculation foncière à partir de leurs très importantes disponibilités en capitaux. Autour des bancs de la boucherie, la capacité de ces hommes leur permet de dominer des marchés fondamentaux. À Montbrison, Édouard Perroy n’hésite pas à écrire à propos du troisième Chambon «qu’il trafiqua de tout»: du sel, du saindoux, des peaux, de la quincaillerie également (clouterie, objets de fer et d’acier), il ajoute à tout cela l’activité de marchand drapier (en particulier, draps du Puy et draps de Lodève). En Vallespir, un district industriel connu pour sa métallurgie, ce sont les bouchers qui dominent le marché du fer en gros et définissent le «juste prix».22 Cette maîtrise du marché, ils la tiennent de leur capacité financière mais aussi du lien qui les unit étroitement aux travailleurs des forges. Ils approvisionnent en viande et autres produits les ateliers isolés en montagne et ils se font payer en fer, en lingots de fer. L’un d’entre eux est particulièrement actif dans un domaine peu fréquenté par ses compères: l’extraction de l’argent. Il s’agit de Pere Comelles, boucher, marchand et exploitant minier qui, à la fin de sa vie, est en capacité d’atteindre les rangs de la petite aristocratie et cela par l’usage du prêt.23 Il prête tout autant aux notables de Perpignan qu’à l’aristocratie, celle des chevaliers (le seigneur de Bages, petit bourg de la plaine du Roussillon), mais également à des familles de plus haut lignage comme les Périllos. C’est Francesc de Fenouillet, vicomte de Périllos, qui lui cède la seigneurie de Saint-Marsal. Il s’agit du stade ultime d’un long processus d’endettement. Pere Comelles devient alors, en 1440, seigneur de Saint-Marsal, sur les pentes du Canigou, là où s’ouvrent les mines de fer. À Millau, Johan Paris nous livre les vies de Martin Gravezon boucher et de son fils Johan qui, à partir du réseau constitué par son père, pratique le commerce des draps et se hisse dans l’aristocratie de la cité; de même Joel Colomer restitue le portrait magistral de Guillem Forn, qu’il inscrit dans sa famille et celle de ses concurrents, les Mas, à Besalú.24 Parfois, des portraits peuvent être seulement esquissés comme celui d’Esteban Montfort, boucher de Mirambel durant la seconde moitié du XVe siècle (Germán Navarro Espinach et Concepción Villanueva Morte); ce sont également des morceaux de vie, trop rapidement estompés, qui apparaissent aux détours des registres judiciaires de la Couronne de Castille (David Carvajal de la Vega). Accompagnant une activité souvent harassante qui leur impose d’être présents sur de vastes espaces et dans des réseaux très divers pour établir et conforter leurs assises économiques, les bouchers se livrent aussi, pour asseoir leur fortune et leur famille, aux jeux des alliances matrimoniales. Établir son pouvoir et celui de sa famille imposent la construction de dynasties dont la réussite parfois fulgurante n’en est pas moins souvent fragile (Ramón A. Banegas López, à Barcelone; Johan Paris, à Millau; Joel Colomer, à Besalú). Tant que l’homme est désigné comme boucher, sa notoriété est liée à ses affaires, toujours en mouvement, en équilibre et en tension entre espaces et groupes sociaux.

1 Juliette Sibon y Sandrine Victor (coord.): «Normes et marchés en Occident, XIIIe--XVe siècle. De la professionnalisation des activités économiques autour de la viande et du vin», numéro spécial Rives Méditerranéennes, 55 (2017).

2 Fabien Faugeron: «Nourrir la ville: l’exemple de la boucherie vénitienne à la fin du Moyen fige», Histoire urbaine, 2006/2, pp. 53-70; Id.: Nourrir la ville: ravitaillement, marchés et métiers de l’alimentation à Venise dans les derniers siècles du Moyen fige. Rome, École Française de Rome (362), 2014.

3 Ramón A. Banegas López: Europa carnívora. Comprar y comer carne en el mundo urbano bajomedieval. Gijón, TREA, 2012.

4 Entre autres, Fabien Faugeron: op. cit. Ramón A. Banegas López: Sangre, dinero y poder. El negocio de la carne en la Barcelona bajomedieval. Lerida, Milenio, 2016; Id.: «Comer carne y pagar impuestos. El impacto de las imposiciones municipales en el comercio barcelonés de carne durante el siglo XV», Anuario de Estudios Medievales, 2009, pp. 329-355. Benoît Descamps: «Tuer, tailler et vendre char»: les bouchers parisiens à la fin du Moyen fige, vers 1350 - vers 1500. Thèse. Université de Paris 1 Panthéon-Sorbonne, 2009. Pour Valence, nous disposons des études de Juan Vicente García Marsilla: «La sisa de la carn. Ganadería, abastecimiento cárnico y fiscalidad en los municipios valencianos bajomedievales», en R. Vallejo Pousada (ed.): Tributos de la tierra. Fiscalidad y agricultura en España, siglos XII-XIV. Valencia, Universitat de València, 2008, pp. 81-101. Juan Vicente García Marsilla, M. D. López Gila y Miquel Rosselló: «Localització d’unes possibles carnisseries medievals al barri de la Xerea (València)», Qulayra, Revista d’Arqueologia i Estudis Històrics, 2006, pp. 113-138.

5 B. Descamps: «Tuer, tailler et vendre char»: les bouchers parisiens à la fin du Moyen fige… Voir aussi, Juan A. Bonachía Hernando: «Abastecimiento urbano, mercado local y control municipal: la provisión y comercialización de la carne en Burgos (siglo XV)», Espacio, Tiempo y Forma. Serie III, 5 (1992), pp. 85-162.

6 Philippe Wolff: Commerces et marchands de Toulouse, vers 1350 – vers 1450. Paris, Plon, 1954. Voir également, Gilles Caster: «Les cuirs bruts à Toulouse au XVIe siècle», Annales du Midi, 1978, pp. 353-376.

7 Entre autres, F. Faugeron: «Nourrir la ville: l’exemple de la boucherie vénitienne à la fin du Moyen fige»; Benoît Descamps: «De l’étable à l’étal: les circuits d’approvisionnement en viande à Paris, à la fin du Moyen fige», en Alimentar la cuidad en la Edad Media, Nájera, Encuentros internacionales del Medioevà, 2008. Logroño, Instituto de Estudios Riojanos, 2009, pp. 333-350.

8 Marc Conesa: D’herbe, de terre et de sang. La Cerdagne du XIVe au XIXe siècle. Perpignan, Presses Universitaires de Perpignan, 2012.

9 Catherine Verna: L’industrie au village. Essai de micro histoire (Arles-sur-Tech, XIVe et XVe siècles). Paris, Les Belles-Lettres, 2017.

10 Entre autres, Guy Bois: «Entre la cuitat i el camp: el burg medieval», L’Avenç, 1995, pp. 36-41; Judicaël Petrowiste: Naissance et essor d’un espace d’échange au Moyen fige. Le réseau des bourgs marchands du Midi toulousain ( XIe-milieu duXIVe siècle). Thèse. Université de Toulouse-le-Mirail, 2007. Une synthèse pour la Castille, Pascual Martinez Sopena: «Le rôle des petites villes dans l’organisation de l’espace en Castille», en M. Bourin y S. Boisselier (ed.): L’espace rural au Moyen fige. Portugal, Espagne, France (XII-XIVe siècle), Mélanges en l’honneur de Robert Durand. Rennes, Presses Universitaires de Rennes, 2002. Mercè Aventín Puig: «Le rôle du marché dans la structuration de l’habitat catalan au bas Moyen fige: l’exemple du Vallès oriental», en M. Berthe y B. Cursente (ed.): Villages pyrénéens. Morphogénèse d’un habitat de montagne. Toulouse, CNRS/Université Toulouse-Le Mirail, 2001, pp 273-282. Également, Catherine Verna: L’industrie au village…, pp. 21-31.

11 François Menant y Jean-Pierre Jessenne (ed.): Les élites rurales dans l’Europe médiévale et moderne: actes des XXVIIe journées internationales d’histoire de l’abbaye de Flaran, 9, 10 et 11 septembre 2005. Toulouse, Presses Universitaires du Mirail, 2007.

12 Christophe Giraudet: «Les bouchers dans les petites villes à la fin du Moyen fige: l’exemple du Nivernais», Annales de Bourgogne, 2010, pp. 115-146.

13 Édouard Perroy: «Les Chambons, bouchers de Montbrison», en Études d’histoire sociale, Toulouse, 1979.

14 Joel Colomer: «La carnisseria de la vila de Santa Pau (1330-1337)», Annals del Patronat d’Estudis Històrics d’Olot i comarca, 15 (2005), pp. 13-38; Ramón A. Banegas López: «Travail et techniques des bouchers et des poissonniers dans la Catalogne rurale, XIVe et XVe siècles», en C. Verna y P. Benito (ed.): Savoirs des campagnes, Études roussillonnaises. Revue d’histoire et d’archéologie méditerranéennes, Perpignan, Trabucaïre, 2013-2014, pp. 145-152.

15 Deux exemples de travaux à partir des chartes de coutume de petites villes: Yves Dossat: «La boucherie à Cordes-Tolosannes à la fin du XIIIe siècle», en Carcassonne et sa région. Carcassonne, Gabelle, 1970, pp. 243-253; Daniel Christiaens: «La boucherie à Prayssas, 1266-1790», Revue de l’Agenais, 2008, pp. 369-378. On peut consulter également de nombreuses références dans J. Petrowiste, Naissance et essor…

16 Jean Catalo y Isabelle Rodet-Belarbi: «Déchets de boucherie et alimentation au XIVe siècle à l’hôpital du Pas, à Rodez», Archéologie du Midi médiéval, 1995, pp. 187-195; Isabelle Rodet-Belarbi y Vianney Forest: «Les activités quotidiennes d’après les vestiges osseux», en J. Chapelot (ed.): Trente ans d’archéologie médiévale en France. Un bilan pour un avenir, Actes du congrès de la Société d’Archéologie Médiévale, Vincennes, 16-18 juin 2006. Caen, publications du Crahm, pp. 89-104; Vianney Forest y Isabelle Rodet-Belarbi: «Viandes animales dans le Languedoc-Roussillon rural médiéval: bilan 2010», en Processing, Storage, Distribution of Food – Food in the Medieval Rural Environment, Actes du congrès international Ruralia VIII (7-12 septembre 2009, Lorca, Espagne), série Ruralia. Turnhout, Brepolls, 2011, pp. 91-112.

17 Catherine Verna: «Élites rurales, industries et fortune», en Élites rurales méditerranéennes au Moyen fige, Mélanges de l’École française de Rome, Moyen fige, 124-2. Rome, École Française de Rome, 2012, pp. 461-478.

18 C. Verna y P. Benito (ed.): Savoirs des campagnes (Catalogne, Languedoc, Provence) XIIIe-XVIIIe siècle, Études roussillonnaises. Perpignan, Trabucaïre, 2013; en particulier, Catherine Verna y Pere Benito: «Mobiliser des savoirs dans les campagnes médiévales et modernes», pp. 9-15; Josep Hernando Delgado: «L’aprenentatge de lletra en el món rural segons els Registra ordinatorum del bisbat de Barcelona, anys 1400-1500. Escolars i tonsurats», en Savoirs des campagnes…, pp. 105-114.

19 Catherine Verna: «Pour une approche biographique des entrepreneurs des campagnes médiévales», en J.-M. Minovez, C. Verna y L. Perez (ed.): Les industries rurales dans l’Europe médiévale et moderne, Actes des 33e Journées internationales d’Histoire de l’abbaye de Flaran, Flaran, 2011. Toulouse, Presses Universitaires du Mirail, 2013, pp. 77-88.

20 Catherine Verna: L’industrie au village…, p. 40 et suivantes.

21 Mariana Zapatero: «El perfil de un carnicero Pedro de Heredia», Fundación, 2002, pp. 219-228. Claude Billen: «Les bouchers bruxellois au Moyen fige: profils d’entrepreneurs», en S. Jaumain y K. Bertrams (ed.): Patrons, gens d’affaires et banquiers. Hommages à Ginette Kurgan-van Hentenryk. Bruxelles, Le Livre Timperman, 2004, pp. 69-92.

22 C. Verna: L’industrie au village…, pp. 227 et suivantes.

23 Catherine Verna: «Les affaires de l’entrepreneur Pere Comelles, Vallespir, XVe siècle», en D. Chamboduc de Saint Pulgent y M. Dejoux (ed.): La fabrique des sociétés médiévales méditerranéennes. Les Moyen fige de François Menant. Paris, Éditions de la Sorbonne, 2018, pp. 279-287.

24 Voir également, Joel Colomer: «Guillem Forn, carnisser de Besalú al segle XIV», en N. Puig y M. Viader (ed.): Ciutats, viles, sagreres. Els nuclis urbans a la Baixa Edat Mitjana (s. XIII-XV). Actes del II Seminari d’Estudis Medievals d’Hostalric (18-19 noviembre 2010). Hostalric, Ajuntament d’Hostalric, pp. 152-160.

1. SUMINISTRAR LAS CIUDADES. COMPETENCIAS Y PODERES DE LOS CARNICEROS – APPROVISIONNER LES VILLES. COMPÉTENCES ET POUVOIRS DES BOUCHERS

LA APORTACIÓN DE LA GANADERÍA DE MENORCA AL APROVISIONAMIENTO DE LAS CARNICERÍAS MALLORQUINAS Y CATALANAS EN LA BAJA EDAD MEDIA

Antoni Riera i MelisUniversidad de Barcelona. Institut d’Estudis Catalans*

El archipiélago Balear está constituido por dos conjuntos de islas: el septentrional (Mallorca y Menorca), que los fenicios, en el siglo VII a. C., denominaron Balearides (¿islas de los honderos?), y el meridional (Ibiza y Formentera), al que le aplicaron el topónimo Aibschm (islas de los pinos). Los griegos, a mediados del siglo III a. C., helenizaron los dos nombres, substituyéndolos por los de Gimnesias y Pitiusas. En el segundo cuarto del siglo I a. C., los romanos extendieron el topónimo Baleares a las Pitiusas. El archipiélago se convirtió entonces en una unidad económica, administrativa y cultural, que se ha mantenido hasta la actualidad.

La historia de la ganadería medieval de Menorca está todavía por hacer. No ha generado aún artículos especializados ni monografías científicamente solventes. Entre las causas de esta falta de estudios destaca la destrucción de todos sus archivos públicos, en 1535 y 1558, por sendos ataques turcos. De la quema se salvó únicamente el códice de los privilegios de la isla (el Llibre Vermell de Ciutadella1). Este hiato informativo solo puede ser colmado, pues, mediante un prolongado trabajo heurístico en los archivos de los territorios que, en la Edad Media, mantuvieron estrechas relaciones económicas y políticoadministrativas con la isla: en el Arxiu del Regne de Mallorca, el Arxiu Episcopal de Mallorca y el Arxiu Capitular de Mallorca, de Palma; en el Arxiu de la Corona d’Aragó, el Arxiu Històric de la Ciutat y el Arxiu Històric de Protocols, de Barcelona; y en el Archivio di Stato, de Prato.

Una parte de la documentación conservada en los archivos mallorquines y catalanes ha sido recogida por un historiador local, Ramón Rosselló, que la ha ido publicando en forma de largas colecciones de «regestos» (extractos) ordenados con criterios diversos, sin índices antroponímicos ni toponímicos, lo que dificulta su manejo.2 Su tarea, prolongada y fiable, ha sido complementada, aunque de forma mucho más puntual, por historiadores y archiveros menorquines,3 catalanes4 y valencianos;5 sus esfuerzos, sin embargo, no se han traducido en corpora documentales, sino en alguna obra de síntesis y unas cuantas monografías. Las series documentales relativas a Menorca del Archivio Datini, depositadas en el Archivio di Stato de Prato, han sido examinadas, con un nivel de intensidad bastante dispar, por Federigo Melis6 y Coral Cuadrada.7

A pesar de que el conjunto de referencias disponible es reducido y heterogéneo, se puede asegurar que la economía menorquina, en la Edad Media, giró en torno a la ganadería. Se puede afirmar que, entre mediados del siglo XIII y finales del XV, se desarrolló en la isla una cabaña, reducida pero de alta calidad, que atrajo compradores de Mallorca, Cataluña e Italia septentrional. Esta monografía tiene como objetivo principal analizar la pugna que, en los siglos XIV y XV, mantuvieron los carniceros mallorquines con sus homólogos locales por el control del mercado ganadero de Menorca, enmarcándola en su contexto económico, social y político.

LOS CONDICIONANTES NATURALES Y LAS RAÍCES HISTÓRICAS DE UNA GANADERÍA MEDITERRÁNEA ESTANTE E INTENSIVA

Los pobladores de Menorca optaron pronto por la ganadería y en su elección jugaron un papel considerable las características geológicas y climáticas de la isla, la estructura y composición de sus suelos, el régimen pluviométrico y térmico, la vegetación natural. La isla, con una extensión de solo 714 kilómetros cuadrados, presenta unas estructuras geológica y geomorfológica complejas. Está constituida por dos grandes unidades líticas separadas por una línea prácticamente recta, que va desde del puerto de Mahón hasta Cala Morell, al norte de Ciutadella. La más antigua corresponde a la zona norte, a la región de la Tramuntana, constituida por un mosaico de materiales paleozoicos y mesozoicos de composición y color muy diversos, en el que las areniscas grises y las arcillas rojas alternan con las calizas rosadas y las margas verdes.8 Se trata de una región con un relieve relativamente acentuado, de pequeñas colinas y valles anchos y poco profundos. La mitad meridional, la región de Migjorn, presenta, en cambio, una composición y una coloración mucho más homogéneas, puesto que preponderan en ella los materiales calcáreos del Mioceno medio y superior.9 Geomorfológicamente constituye una llanura fragmentada por cavidades kársticas y barrancos largos, con salida al litoral.

Menorca posee un clima mediterráneo típico, de inviernos templados y veranos soleados y secos. La temperatura media anual es 17,5º y la amplitud térmica no supera los 14º. La pluviosidad, del orden de los 700 milímetros anuales, alcanza sus cotas máximas entre septiembre y diciembre, y mínimas entre mayo y agosto.10 Un aspecto importante de la climatología de la isla son las fuertes corrientes de aire, con un claro predominio del viento del norte (la tramuntana), que dificulta el desarrollo de la vegetación arbórea en la franja septentrional de la isla. La suavidad de las temperaturas genera, sin embargo, una considerable humedad relativa, que contrarresta el régimen irregular de lluvias y confiere, excepto en los meses de julio y agosto, un verdor al paisaje sin paralelo en las otras islas del archipiélago balear.

La interacción de estos factores geológicos y climáticos provoca que, en la región de Tramuntana, preponderen los suelos silíceos, de color oscuro, poco permeables, por los que el agua corre superficialmente. La franja de Migjorn, en cambio, se caracteriza por suelos calcáreos, delgados, porosos y pedregosos, las tierras rojas en las que el agua penetra en profundidad hasta que encuentra una capa impermeable.11 Esta disimetría edáfica explica que la totalidad de las reservas de agua dulce se encuentren al sur de la isla, en el acuífero denominado de Migjorn.

La vegetación natural, estrechamente condicionada por los factores edáficos y climáticos, es típicamente mediterránea; se caracteriza por una flora integrada básicamente por plantas de hoja perenne. En la franja costera septentrional solo crecen plantas espinosas, que adoptan la forma de almohada, denominada socarell. Se trata de especies endémicas, adaptadas al viento, la sal y los suelos de escasa potencia.12 Detrás de esta primera faja de halófilas bajas, aparecen unos arbustos fuertemente modelados por la tramontana, los labiérnagos menorquines, también endémicos, que sirven de protección a otras plantas que crecen en su interior.13 En las laderas más resguardadas del viento y del sol de las montañas centrales de la isla, y en el fondo de los barrancos meridionales preponderan los bosques de encinas. El sotobosque está constituido por una amplia variedad de plantas arbustivas y herbáceas (madroño, aladierna, ciclamen baleárico, entre otras).14 Los suelos calcáreos y bien soleados del Migjorn, en cambio, están cubiertos de herbazales en los que predominan las especies xerófilas, salpicados por acebuches, lentiscos y palmitos.15 Los matorrales de brezo y de romero, asociados a menudo al bosque de pino blanco y pino carrasco, prosperan en las áreas más secas.16 Sobre las dunas de los arenales arraigan únicamente los lirios de playa, el barrón, la oruga marítima y la sabina negra.17 Mientras que los bosques, especialmente los encinares, fueron sometidos a talas excesivas, que acabaron degradándolos,18 las praderas, según estudios botánicos recientes, se reprodujeron equilibradamente, al no ser sometidas a sobrepasto, hasta la Edad Moderna.19

La presencia de razas ovinas y bovinas autóctonas, adaptadas por generaciones de ganaderos al clima y a la vegetación natural de Menorca explica la insistencia de las comunidades campesinas en reproducir el mismo sistema agropecuario a lo largo de los siglos.20 La escasa extensión de la isla y la estrechez de los contrastes climáticos impidieron, sin embargo, el establecimiento de circuitos trashumantes. Los rebaños menorquines hasta finales del siglo XIV fueron estantes; desde el cambio de centuria se convirtieron en tranuitants (trasnochantes) durante los meses veraniegos, cuando pastaban libremente, día y noche, sobre todos los baldíos y barbechos del término municipal en que estaban registrados. Estos desplazamientos estacionales de los hatos, al no canalizarse por cañadas ni seguir un ritmo temporal único y rígido, no pueden considerarse, sin embargo, como típicos de una trashumancia corta. La inexistencia de lobos y otros animales depredadores posibilitó, además, que los hatos pastaran libremente por los yermos, sin pastor.

La economía rural de Menorca, por lo menos desde la Antigüedad, viene girando en torno a las greyes; según Rufo Festo Avieno, los griegos denominaron la Gimnesia menor Meloussa (tierra de ganado). En el afianzamiento de esta especialización pecuaria debieron de jugar un papel importante los beréberes,21 cuya presencia en la isla se incrementó considerablemente desde 1115, a raíz de la conquista almorávide. Fueron probablemente pastores magrebíes quienes mejoraron la selección genética de los rebaños, aportando una experiencia acumulada durante numerosas generaciones en las estribaciones del Atlas. Durante el segundo cuarto del siglo XII, un geógrafo musulmán, al-Zuhrí, redactó una descripción de las Islas Baleares;22 en el apartado relativo a Menorca, recalca la alta calidad de su ganadería vacuna, así como la escasez de rebaños de ovinos:

Es pequeña, copiosa de productos de la tierra y de viñas. En ningún otro lugar del mundo hay carne mejor que la que proporcionan sus bueyes y vacas. Cuando se cuece se funde como si fuese grasa y se transforma en aceite. Hay pocas ovejas.23

Este texto, a pesar de su concisión, reviste un gran interés, a causa de la extraordinaria escasez de fuentes escritas correspondientes al período islámico de Menorca. Induce a situar el despegue del ganado lanar después de 1125, que debió de producirse, pues, en la fase final del dominio islámico y en la inicial de la colonización feudal.

LA SEGUNDA MITAD DEL SIGLO XIII

Del protagonismo económico alcanzado por la ganadería a principios del siglo XIII constituye un buen testimonio el tratado de capitulación firmado, en 1231, por Jaime I el Conquistador y el almoxerif de Menorca,24 en Capdepera, durante su segunda fase de la conquista de Mallorca. El acuerdo estipulaba que el soberano aragonés colocaría bajo su protección directa a la comunidad musulmana y permitiría que se integrara en el reino cristiano de Mallorca como una colectividad étnicamente diferenciada, conservando todas sus propiedades y señas de identidad. El almoxerif se comprometía, en nombre de la comunidad islámica, a pagar un impuesto anual de 900 almudes de cebada, 100 almudes de trigo, 100 reses bovinas adultas, 300 cabras, 200 ovejas, 2 quintales de mantequilla y 200 besantes.25 La composición cualitativa del nuevo tributo refleja el peso específico de la agricultura y de la ganadería en la economía insular, así como la magnitud relativa de los diversos tipos de rebaños. No solo confirma la preponderancia del sector vacuno en la cabaña menorquina, sino que acredita además que, desde mediados del siglo XII, los rebaños de caprinos y ovinos habían experimentado un avance importante. La cuantía del tributo debía de ser idéntica o muy parecida a la del subsidio que la población menorquina pagaba anteriormente al valí almohade de Mallorca.26 Los cereales y el ganado se destinarían al mercado interior balear, que, como consecuencia del proceso de colonización feudal en curso, padecía un déficit transitorio de grano y de animales de trabajo y de carne. La mantequilla, que los cristianos no habían integrado aún en su alimentación, se reexportaba al Magreb.27

La documentación coetánea demuestra que Jaime I, durante el segundo tercio del siglo XIII, obtuvo de los musulmanes de Menorca, además de los contingentes anuales estipulados en el tratado de Capdepera, aportaciones extraordinarias de ganado: en el verano de 1269, para financiar una cruzada a Tierra Santa, exigió al almoxerif 1.000 reses bovinas.28 Este requerimiento del soberano catalanoaragonés, que provocaría un grave problema de conciencia a la comunidad islámica menorquina, al obligarla a aportar recursos económicos a una ofensiva cristiana contra sus correligionarios de Palestina, pone de manifiesto los inconvenientes de su estatuto de integración a la Corona catalanoaragonesa.

LA ÉPOCA DEL REINO PRIVATIVO

En 1276, a la muerte de Jaime I, su primogénito, Pedro el Grande, asumió el gobierno del Principado de Cataluña y de los reinos de Aragón y Valencia, y su segundogénito, Jaime II de Mallorca, empezó a regir, con soberanía plena, los condados del Rosellón y la Cerdaña y el señorío de Montpellier. Esta segregación del reino de Mallorca de la Corona de Aragón había sido diseñada por Jaime I en 1262 y ratificada, unos años después, en su último testamento. Las causas de esta anacrónica política sucesoria29 no han sido aún dilucidadas con rigor; sus efectos a medio y largo plazo, en cambio, resultan evidentes: generó tensiones entre ambas monarquías, coadyuvó a la consolidación de presencia de los Capetos en el Languedoc y aceleró la incorporación plena del Montpellier al reino de Francia.

La inestabilidad política generada por la guerra de Sicilia

El desequilibrio de poder entre los dos estados soberanos creados por Jaime I condicionó el tono de sus relaciones. El reino de Mallorca fue, desde sus inicios, un país mediatizado políticamente por la Corona de Aragón. Pedro el Grande, en 1279, obligó a su hermano, en el tratado de Perpiñán,30 a reconocer oficialmente que administraba el archipiélago balear, los condados pirenaicos y un sector del señorío de Montpellier en calidad de feudatario honrado suyo. El acuerdo significó simple y llanamente la casación del testamento del Conquistador, del que incorporó las cláusulas favorables a la rama primogénita y abrogó las que configuraban el reino de Mallorca como un estado soberano.

Los efectos del acuerdo –un auténtico acto de fuerza– fueron, sin embargo, mucho más profundos de los previstos por sus promotores. Cuando Martín IV, como represalia por la conquista de Sicilia, organizó una cruzada contra la Corona de Aragó, Jaime II de Mallorca, con el apoyo de la clerecía y de la aristocracia rosellonesa, abrió los pasos pirenaicos al ejército francoangevino. La alineación del monarca y de los estamentos privilegiados pirenaicos en uno de los bandos de la guerra del Vespro, al fracasar la invasión de Cataluña ante los muros de Gerona, tuvo también graves consecuencias. A finales de 1285, una hueste, con el infante Alfonso al frente, invadía Mallorca y la reintegraba por la fuerza a la Corona de Aragón. La resistencia a la invasión la asumieron la incipiente aristocracia autóctona, la alta jerarquía eclesiástica y un sector de la payesía.31

Los puertos baleares, desde la conquista de Sicilia, se habían convertido en escalas estratégicas para las expansiones mercantil y territorial de Cataluña, al incrementar la seguridad de las conexiones navales de Barcelona y Tortosa con Palermo y Trapani. Para la monarquía aragonesa y los mercaderes y armadores catalanes, el control islámico de Mahón y Ciudadela, en un contexto de conflagración generalizada en el Mediterráneo occidental, constituía un peligroso anacronismo.32 En enero de 1286, apenas expugnados los últimos reductos de resistencia en Mallorca, un ejército catalanoaragonés desembarcó en la ría de Mahón y, en pocas semanas, conquistó Menorca, suprimiendo por la fuerza el estatuto de autonomía que Jaime I había concedido en 1231 a sus pobladores. La suerte de los vencidos fue dispar. Los miembros del colectivo económicamente más solvente pudieron emigrar a los sultanatos e Granada o del Magreb, después de pagar el correspondiente rescate. El grueso fue reducido a la condición de cautivo; una parte fue distribuida, junto con las tierras y los rebaños, entre los conquistadores, en pago por su participación en la campaña, y el resto se vendió, como mano de obra esclava, en Mallorca, Valencia, Barcelona, Montpellier, Palermo y Génova.33

Las Islas Baleares, a finales del siglo XIII, se habían convertido –como ya se ha expuesto– en una de las principales encrucijadas de rutas navales del Mediterráneo occidental. Es lógico, pues, que tanto Alfonso III como su sucesor, Jaime II, procuraran, con el apoyo decidido de la burguesía comercial catalana, reforzar su vinculación político-administrativa y económica a la Corona de Aragón, alentaran el traslado de población desde sus dominios continentales hacia el archipiélago. Este trasiego humano se prolongó hasta 1298, cuando el enclave insular se reintegró al reino de Mallorca tres años antes, el Pontífice, ante la incapacidad del frente franco-angevino por reconquistar Sicilia, había ofrecido al monarca aragonés, a cambio de la evacuación de todos los territorios ocupados durante la guerra del Vespro, la infeudación de Cerdeña, con el beneplácito de Felipe IV de Francia, Carlos II de Nápoles y Jaime II de Mallorca. La aceptación de la propuesta por parte del conde-rey se plasmó en el tratado de Anagni,34 que circunscribió las hostilidades al mezzogiorno italiano.

El restablecimiento de las relaciones entre la Corona de Aragón y el reino de Mallorca se negoció en Argelers, en junio de 1298. De la entrevista de los dos monarcas surgió un acuerdo35 que se apoyaba en sendas renuncias. Jaime II de Aragón se comprometía a evacuar el archipiélago balear. Su tío, Jaime II de Mallorca, aceptaba ratificar el tratado de Perpiñán, tan lesivo para sus intereses, y notificaría su aceptación a sus aliados los reyes de Francia y Nápoles, a fin de que adquiriera validez internacional. La reintegración de las islas al reino de Mallorca se efectuó, pues, en unas condiciones que no comprometían el expansionismo mercantil y militar catalanes en ultramar ni erosionaban la poderosa presencia económica y naval barcelonesa en sus puertos.36

La creación de un mercado balear de alimentos

El vacío demográfico provocado en Menorca por la salida forzada de los musulmanes fue ocupado parcialmente por una primera oleada de familias cristianas, procedentes mayoritariamente de Cataluña y de Mallorca.37 La isla, entre 1286 y 1298, fue repoblada, según el cronista Ramon Muntaner, «que així és poblada l’illa de Menorca de bona gent de catalans, com negún lloc pot ésser bé poblat».38 La distribución de tierras fue confiada por Alfonso III, el 1 de marzo de 1287, a Pedro de Llibià;39 entre los beneficiarios figuraban, además de los participantes directos en la conquista, las órdenes mendicantes masculinas y femeninas, que recibieron casas e inmuebles para la construcción de conventos y hospitales. La conquista cristiana interrumpió también una larga experiencia agropecuaria. Sus efectos debieron de ser intensos en el sector ganadero, puesto que los nuevos pobladores, con unos reflejos típicamente feudales, concedieron una atención preferente a la agricultura, al cultivo de los cereales y la vid, y relegaron a un segundo plano los pastos y los rebaños.

Jaime II de Mallorca y sus asesores, tras recuperar el control político de Menorca, se apresuraron a reemprender las medidas adoptadas durante el reinado de Alfonso III para atraer población, garantizar su defensa, reactivar su economía e incrementar su rentabilidad fiscal. El monarca, el 22 de enero de 1301, encargó a Arnau Burgués y Pedro Estruç revisar las concesiones de tierra efectuadas durante la ocupación catalano-aragonesa,40 tarea que se cerraría, a finales de agosto, con un confirmación real de los establecimientos enfitéuticos anulados y confirmados,41 y la promulgación de la Carta de Franquesa.42 Esta normativa –inspirada en la que Jaime I había concedido a los mallorquines en 1230– tenía como objetivos retener a los pobladores ya instalados, tanto a los catalanes y valencianos como a los mallorquines, atraer nuevos contingentes humanos, especialmente de los dominios insulares y continentales del reino de Mallorca, y crear unas nuevas estructuras político-administrativas. El soberano definía en ella los derechos y deberes civiles, fiscales y militares de los pobladores, les eximía de muchas de las servidumbres propias del sistema feudal, incentivaba la actividad económica y garantizaba la seguridad jurídica. Las concesiones fueron eficaces, puesto que, durante la primera mitad del siglo XIV, la afluencia de colonos se incrementó progresivamente. En 1336, Menorca contaba con 963 fuegos fiscales (unos 4.340 habitantes), cifra que no sería rebasada en el resto de la centuria.43

Los procuradores reales reactivaron la distribución de tierras entre las familias recién llegadas de Cataluña y de Mallorca, a las que exigieron, además de la residencia preceptiva, varios tipos de contraprestaciones, desde censos a servicios militares. La disparidad de las obligaciones contraídas por los titulares refleja que unas alquerías fueron concedidas en plena propiedad y otras en enfiteusis o en feudo, según el rango social y la magnitud de la contribución del concesionario a la campaña de la conquista. Los yermos (garrigues) fueron declarados, en cambio, tierras comunales, para uso colectivo y gratuito de todos los pobladores.44 Al haberse perdido el libro de repartimiento y los primeros protocolos notariales, no podemos analizar, sin embargo, la estructura de la propiedad resultante de esta importante transferencia inicial de tierras, ni los cambios que los nuevos poseedores introdujeron en el sector agropecuario de la isla. Debieron de ser parecidos, sin embargo, a los que se produjeron, unas décadas antes, en Mallorca, donde la documentación coetánea atestigua un rápido avance de los cereales y de la viña a expensas de los huertos y los baldíos. Las autoridades musulmanas, como consecuencia del veto coránico al consumo del vino, habían restringido al máximo el cultivo de las vides en las islas.

El monarca, el 19 de marzo de 1301, ya había organizado la Iglesia menorquina:45 la había colocado bajo la jurisdicción del obispo de Mallorca, había creado una pavordía en Ciutadella, una prepositura en Mahón, cinco parroquias y cuatro capillas, se había reservado la recaudación del diezmo y había aplazado la cuantificación de la cantidad que entregaría anualmente al clero local.46

A pesar de que las medidas de reordenación económica, urbanística y administrativa concebidas por los asesores de Jaime II de Mallorca también antepusieron la agricultura a la ganadería, los rebaños no tardaron en despegar, en iniciar una nueva fase de crecimiento. La principal aportación de los colonos a este despegue fue la introducción de los suidos, inexistentes en Menorca, como consecuencia del veto coránico que prohibía a los musulmanes el consumo de todos sus derivados. Los colonizadores cristianos –en cuyos sistemas alimentarios, la manteca, los embutidos y las salazones de cerdo jugaban un papel importante– tuvieron que traer, pues, los animales desde sus respectivos lugares de origen. El crecimiento de las piaras, al no poder apoyarse en un legado islámico, debió de ser algo más lento que el de los rebaños de ovinos, a pesar de que la abundancia de encinares facilitaba su alimentación.

De la incidencia del sector pecuario en la economía menorquina, para el período del reino privativo, solo se dispone, sin embargo, de unas pocas referencias indirectas y dispersas. Jaime II, en 1301, al reglamentar la recaudación del diezmo, estableció que el de la lana se pagaría en los seis meses siguientes al esquileo,47 entre mayo y octubre, una restricción cronológica que tendría como objetivo reducir el fraude en una fuente de ingresos importante. Quince años después, su sucesor, Sancho I, acordó con el obispo de Mallorca Guillem de Vilanova que el diezmo se repartiría a partes iguales, con algunas reservas a favor de soberano, que serían compensadas anualmente en metálico.48 El monarca retuvo los diezmos de la lana, los quesos, los cerdos y el pescado,49 que debían de figurar entre los más rentables. Miquel Florejat, en 1325, declaraba haber invertido 6 libras y 5 sueldos mallorquines en la compra de unos pastos en la Mola d’Alaior.50 Por esta época, el precio de los carneros oscilaba entre los 8 y los 10 sueldos,51 y por una buena vaca se podían llegar a pagar 20 libras.52 Los rebaños, por su alta rentabilidad, interesaban entonces no solo a las familias campesinas, tentaban también a algunos menestrales, que invertían capitales en comandas de ganado,53 e incluso al monarca: Jaime III, adquiría, en 1331, dos alquerías y un rafal en la isla, por 350 libras, e instalaba en ellos una cuantas vacas.54 Por esta misma época, autorizaba a la Universidad de Menorca a imponer una tasa sobre la venta de carne y de vino para pagar los salarios de los jurados, notarios, médicos y otros funcionarios municipales;55 esta iniciativa fiscal demuestra que ambos alimentos gozaban entonces de una demanda sostenida pero no eran, a juicio de los asesores reales, tan básicos como el trigo.

Los campesinos menorquines, desde los primeros años del reino privativo, gozaban del derecho de introducir el rebaño en los yermos, barbechos y rastrojeras de sus vecinos, donde podía pacer desde la salida a la puesta del sol.56 Esta práctica permitía un aprovechamiento más equilibrado de los recursos vegetales, pero tenía un inconveniente: el propietario no podía ejercer sobre el hato, desde el momento en que cruzaba las lindes de su explotación, un control directo, efectivo, lo que favorecía los robos de animales. Las sustracciones de reses, durante el segundo cuarto de la centuria, se incrementaron considerablemente. Los rebaños, especialmente los de los campesinos, se habían convertido, pues, en un bien muy vulnerable; su indefensión sería debida a la inexistencia de pastores y a un crecimiento más rápido que el de la capacidad de vigilancia de sus propietarios. Entre los ladrones preponderaban las personas pobres, gentes que bordeaban la marginalidad social; las cuales solían sustraer un cordero, un cabrito o un panal de miel para compartirlo inmediatamente con unos cuantos cómplices en un lugar apartado del término.57

Durante la primera mitad del siglo XIV se estableció un comercio de compensación interinsular. Menorca aportaba carne, cueros, lana, animales de trabajo y queso a los mercados baleares; Mallorca contribuía a su abastecimiento con vino, aceite y cereales;58 Ibiza y Formentera, con sal.59