Obsessions Intimes: Les Chroniques Krinar: Volume 2 - Anna Zaires - E-Book

Obsessions Intimes: Les Chroniques Krinar: Volume 2 E-Book

Anna Zaires

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Beschreibung

Voici la suite tant attendue de Liaisons Intimes…

Mia est totalement à la merci de Korum à Lenkarda, la principale colonie Krinar sur la Terre. Sans pouvoir en partir et sans la moindre idée du fonctionnement des inventions technologiques Krinars les plus simples, elle doit se résoudre à faire confiance au K qui l’a menée ici, son amant qu’elle vient de trahir.

Tiendra-t-il sa promesse et la ramènera-t-il chez elle, ou est-elle destinée à demeurer à jamais sa prisonnière ? Un être humain peut-il s’intégrer à la société Krinar ? Est-ce que Korum aime Mia ou désire-t-il seulement qu’elle lui appartienne ?

Lisez ce roman et vous y découvrirez les réponses à ces questions…

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OBSESSIONS INTIMES

Les Chroniques Krinar: Volume 2

ANNA ZAIRES

♠ Mozaika Publications ♠

Ceci est un roman. Les noms, les personnages, les lieux et les évènements ont été imaginés par l’auteur ou sont utilisés de manière fictive et toute ressemblance avec des personnes réelles, vivantes ou non, avec des entreprises existantes, des évènements ou des lieux réels est purement fortuite.

Copyright © 2013 Anna Zaires

www.annazaires.com/book-series/francais/

Tous droits réservés.

Aucun extrait de ce livre ne peut être reproduit, scanné ou distribué sous forme imprimée ou sous forme électronique sans la permission expresse de l’auteur sauf pour être cité dans un compte-rendu de presse.

Publié par Mozaika Publications, imprimé par Mozaika LLC.

www.mozaikallc.com

Couverture par Alex McLaughlin, Grey Eagle Publications

Traduit de l'anglais (États-Unis) par Julie Simonet

Edité par Valérie Dubar

E-ISBN : 978-1-63142-030-6

ISBN : 978-1-63142-029-0

PROLOGUE

Les poings serrés, le Krinar regardait fixement l’image qui se trouvait devant lui.

Cet hologramme en trois dimensions montrait Korum et les gardiens s’approcher de la hutte sur la plage. L’un des gardiens leva le bras et la hutte explosa, projetant partout des morceaux de bois. Visiblement, cette fragile construction des hommes n’avait pu résister au simple explosif nano dont les gardiens étaient armés.

Le K leva la main et l’image changea, la caméra volante qui enregistrait s’approcha des débris pour les examiner de plus près. Il ne craignait pas que l’engin soit repéré, il était plus petit qu’un moustique et avait été conçu par Korum lui-même.

Sans aucun doute, cet engin convenait parfaitement à la tâche qui était la sienne.

Alors que l’engin voletait au-dessus de ce qui restait de la hutte, le K pouvait voir les événements dramatiques qui se jouaient dans le sous-sol, à ciel ouvert depuis l’explosion. Les gardiens y descendirent d’un saut tandis que Korum semblait examiner avec soin les débris parsemés sur le sol.

Évidemment, pensa le K, la punition qu’infligerait Korum serait exemplaire. Il veillerait à ce que rien ni personne ne s’échappe de là.

Les Keiths ― c’est ainsi que les Ks les appelaient aussi désormais ― les Keiths avaient perdu la tête et Rafor s’attaqua bêtement à l’un des gardiens. C’était, une initiative stupide de sa part pensa le K avec sang-froid tout en regardant le bouclier invisible protégeant les gardiens qui repoussaient l’attaque. Et maintenant, le Krinar aux cheveux noirs gisait par terre, le corps agité de secousses incontrôlables parce que son système nerveux avait été grillé en touchant le fatal bouclier. S’il avait appartenu à l’espèce humaine, il serait mort sur le coup.

Mais les gardiens ne le laissèrent pas souffrir longtemps. Obéissant à l’ordre de leur chef l’un des gardiens s’empressa de l’assommer avec l’arme de choc greffée dans l’un de ses doigts.

Les autres Keiths furent assez malins pour éviter de subir le sort de Rafor et se contentaient de rester là tandis que le collier d’argent destiné à marquer leur crime leur était verrouillé autour du cou. Ils semblaient furieux et révoltés, mais impuissants. Désormais, ils étaient prisonniers, et le Conseil les jugerait pour le crime qu’ils avaient commis.

Après deux ou trois minutes, Korum sauta à son tour dans le sous-sol et le K vit la rage de son ennemi. Il n’en fut pas surpris. Les Ks étaient réduits à néant, Korum ne ferait preuve d’aucune mansuétude à leur égard.

Le K éteignit l’image en soupirant. Il regarderait tout cela plus en détail une autre fois. Pour le moment, il lui fallait trouver un autre moyen de neutraliser Korum et de mettre son plan en application.

C’était l’avenir de la Terre qui en dépendait.

CHAPITREUN

― Bienvenue à la maison, ma chérie, dit Korum d’une voix douce alors que le paysage verdoyant de Lenkarda se déroulait sous leurs pieds et que le vaisseau atterrissait aussi silencieusement qu’il avait décollé.

Le cœur battant, la chamade Mia se leva lentement du siège dans lequel elle s’était sentie comme dans un cocon. Korum s’était déjà levé, et lui tendait la main. Elle hésita une seconde, puis l’accepta et serra sa paume de toutes ses forces. L’amant qu’elle avait considéré comme son ennemi pendant le mois qui venait de s’écouler était maintenant son unique source de réconfort en terre étrangère.

Ils sortirent du vaisseau et firent quelques pas puis Korum s’arrêta. Il se retourna vers le vaisseau et fit un petit geste de sa main restée libre. Tout à coup, l’air se mit à chatoyer autour de la nacelle et de nouveau Mia entendit le léger murmure qui indiquait le travail des nano machines.

― Tu construis quelque chose d’autre ? lui demanda-t-elle.

Il secoua la tête en souriant.

― Non, je déconstruis.

Et sous les yeux de Mia, des couches de matière couleur ivoire semblaient se détacher de la surface du vaisseau et s’évanouir devant elle. En une minute, il avait totalement disparu, toutes ses composantes étaient redevenues les atomes individuels qui avaient permis de le construire à New York.

Mia était stressée et épuisée, mais elle ne put s’empêcher de s’émerveiller devant le miracle auquel elle venait d’assister. Le vaisseau dans lequel ils avaient parcouru des milliers de kilomètres en quelques minutes s’était complètement désintégré, comme s’il n’avait jamais existé.

― Pourquoi as-tu fait ça ? demanda-t-elle. Pourquoi le déconstruire ?

― Parce qu’il n’a pas besoin d’exister et de prendre de l’espace pour le moment, expliqua-t-il. Je pourrai le recréer quand nous en aurons de nouveau besoin.

C’était vrai, il pourrait le reconstruire. Mia en avait été témoin seulement quelques minutes plus tôt sur le toit de son appartement de Manhattan. Et maintenant, il l’avait désintégré. La nacelle qui les avait amenés ici n’existait plus.

Prendre pleinement conscience de ce que cela signifiait accéléra de nouveau les battements de son cœur et tout à coup elle eut du mal à respirer. Une vague de panique l’envahit. Désormais, elle avait échoué au Costa Rica, dans la principale colonie K, et se retrouvait entièrement sous la dépendance de Korum. C’était lui qui avait construit le vaisseau pour les amener ici et il venait de le détruire. S’il existait un autre moyen de quitter Lenkarda, Mia ne le connaissait pas. Et s’il lui avait menti tout à l’heure ? Alors elle ne reverrait plus jamais les siens ?

La terreur qu’elle ressentait devait se lire son visage, car Korum lui serra doucement la main. Sentir sa main à lui, la chaleur de sa grande main, était étrangement réconfortant.

― Ne t’inquiète pas, dit-il doucement. Tout ira bien, je te le promets.

Mia s’appliqua pour inspirer profondément afin de reprendre le dessus sur la panique qui l’avait envahie. Elle n’avait pas le choix maintenant, il fallait lui faire confiance. Même quand ils étaient à New York, il pouvait faire d’elle ce qu’il voulait. Il n’avait aucune raison de lui faire des promesses qu’il n’avait pas l’intention de tenir.

Et pourtant une peur irrationnelle la rongeait de l’intérieur et s’ajoutait à toutes les émotions désagréables qui l’agitaient. Savoir que Korum l’avait manipulée du début à la fin et l’avait utilisée pour écraser la Résistance lui brûlait les entrailles comme de l’acide. Tout ce qu’il avait fait, tout ce qu’il avait dit, tout faisait partie de son plan. Et pendant qu’elle se reprochait amèrement de l’espionner, il se moquait sans doute en secret de ses misérables efforts pour déjouer ses actions en aidant une cause qu’il savait vouée à l’échec depuis le début.

Elle se trouvait si stupide d’avoir cru tout ce que la Résistance lui avait dit. Sur le moment, cela semblait tellement logique ; il lui avait semblé tellement héroïque d’aider ses semblables dans leur lutte contre les envahisseurs qui avaient conquis sa planète. Alors qu’elle avait participé malgré elle à une prise de pouvoir par un petit groupe de Ks.

Pourquoi n’avait-elle pas pris le temps de réfléchir et d’analyser pleinement la situation ?

Korum lui avait dit que tout le mouvement de Résistance était une erreur, que toute sa mission faisait fausse route. Et malgré elle, Mia l’avait cru.

Les Ks n’avaient pas tué les combattants de la liberté qui avaient attaqué leurs Centres, et cela lui en disait long sur les Krinars et sur la conception qu’ils avaient des êtres humains. Si les Ks avaient vraiment été les monstres que la Résistance décrivait, aucun des combattants n’aurait survécu.

Pourtant elle ne croyait pas tout à fait Korum quand il lui expliquait ce qu’était un charl. Quand John lui avait parlé de sa sœur qui avait été enlevée, il y avait trop de souffrance dans sa voix pour que ce soit un mensonge. Et les propres actions de Korum envers elle correspondaient bien mieux aux explications de John qu’à celles de son amant. Il avait nié que les Ks gardaient des êtres humains en esclavage pour leur propre plaisir, mais jusqu’ici il lui avait laissé bien peu de liberté dans leur liaison. Il avait voulu qu’elle soit à lui, et en un clin d’œil, la vie de Mia ne lui appartenait plus. Elle avait été subjuguée et s’était retrouvée dans son appartement de TriBeCa et maintenant voilà qu’elle était dans le Centre K du Costa Rica et qu’elle l’avait suivi pour une destination inconnue.

Elle avait beau redouter de connaître la réponse à cette question, il fallait qu’elle sache. 

― Est-ce que Dana est ici ? demanda Mia avec prudence pour ne pas provoquer la colère de Korum. La sœur de John ? John dit qu’elle est à Lenkarda, une charl… 

― Non, dit Korum en lui jetant un regard énigmatique. John a été mal informé, sans doute volontairement, par les Keiths. 

― Ce n’est pas une charl ? 

― Non, Mia, elle n’a jamais été une charl au véritable sens du terme. Elle était ce que tu appellerais une xeno, un être humain obsédé par tout ce qui concerne les Krinars. Sa famille n’en savait rien. Quand elle a rencontré Lotmir au Mexique, elle l’a supplié de le suivre et il accepté de la prendre avec lui pour un certain temps. Aux dernières nouvelles, elle a obtenu de quelqu’un d’autre de l’emmener à Krina. Étant donné ses goûts, j’imagine qu’elle y est assez heureuse. Et en ce qui concerne le fait de partir sans donner la moindre explication à sa famille, il me semble que cela a sans doute quelque chose à voir avec son père. 

― Son père ? 

― L’enfance de Dana et de John n’a pas été très heureuse, dit Korum, et elle pouvait sentir qu’il lui serrait davantage la main. Leur père est quelqu’un qui aurait dû être exterminé depuis longtemps. Selon les informations que nous avons recueillies sur tes contacts dans la Résistance, le père de John avait un goût particulier pour les très jeunes enfants… 

― C’est un pédophile ? s’empressa de demander Mia, avec un goût amer dans la bouche à cette pensée.

Korum fit un signe de la tête.

― Absolument. Je crois que ses propres enfants furent ses principales victimes. 

Mia eut un haut-le-cœur et se sentit envahie de pitié pour John et Dana. Elle se détourna. Si c’était vrai, elle ne pouvait en vouloir à Dana d’avoir voulu s’enfuir et de laisser derrière elle tout ce qui la rattachait à sa vie antérieure. Bien que Mia ait eu une famille normale qui l’aimait, pendant son stage de l’année précédente elle avait rencontré des victimes d’abus sexuels qui en avaient souffert dans leur propre famille. Elle savait quelles blessures de telles souffrances laissent dans l’âme d’un enfant. En grandissant, certains essaient d’atténuer leur peine en buvant ou en se droguant. Visiblement, Dana avait choisi de coucher avec des Ks pour la même raison.

En admettant bien sûr que Korum lui disait la vérité sur toute cette histoire.

En y réfléchissant, Mia décida que c’était sans doute le cas. Pourquoi lui mentirait-il ? De toute façon, elle ne pouvait rompre avec lui, même si elle découvrait que Dana était retenue ici contre son gré.

― Et qu’en est-il de John ? demanda-t-elle. Est-il sain et sauf ? Et Leslie ? 

― Je le suppose, dit-il, et sa voix était devenue nettement plus distante. Ni l’un ni l’autre n’a encore été fait prisonnier. 

Mia était soulagée et décida de ne plus en parler. Elle se doutait que parler de la Résistance avec Korum ne serait pas très malin de sa part pour le moment. Elle changea de sujet de conversation et se concentra sur le paysage qui les entourait.

― Où allons-nous ? lui demanda-t-elle en regardant autour d’elle. Ils traversaient ce qui ressemblait à une forêt vierge. Des brindilles et des branches craquaient sous ses pieds, et partout elle entendait les rumeurs de la nature, des oiseaux, de toutes sortes d’insectes, ainsi que le bruissement des feuilles. Elle ignorait ce qu’il voulait faire pendant le reste de la journée, mais pour sa part elle n’avait qu’une envie, se blottir sous une couverture et s’y réfugier quelques heures. Les événements de la matinée et les bouleversements qui s’en étaient suivis dans son cœur l’avaient complètement épuisée et elle avait cruellement besoin de paix pour accepter tout ce qui s’était passé.

― Nous allons chez moi, répondit Korum en tournant la tête vers elle. De nouveau, il lui souriait légèrement. Ce n’est qu’à quelques pas d’ici. Tu pourras t’y détendre et t’y reposer.

Mia lui jeta un regard soupçonneux. Sa réponse correspondait si étrangement à ses propres pensées.

― Est-ce que tu peux lire dans mes pensées ? lui demanda-t-elle, horrifiée à cette idée.

Il lui sourit, ce qui fit apparaître la fossette de sa joue gauche.

― J’aimerais bien, mais ce n’est pas le cas. Je te connais suffisamment bien maintenant pour m’apercevoir que tu n’en peux plus. 

Mia était soulagée, elle lui fit un signe de tête et se concentra pour mettre un pied devant l’autre en marchant avec lui dans la forêt. Malgré tout, le sourire éblouissant de Korum lui avait envoyé une vague de chaleur dans tout le corps.

Que tu es bête, Mia !

Comment pouvait-elle avoir de tels sentiments à son égard après ce qu’il lui avait fait subir, après l’avoir ainsi manipulée ? Quelle sorte de femme était-elle, une femme capable de tomber amoureuse d’un extra-terrestre qui dominait complètement sa vie ?

Elle ressentait du dégoût envers elle-même, et pourtant elle ne pouvait s’empêcher d’aimer Korum. Quand il souriait comme il venait de le faire, le simple bonheur d’être avec lui faisait presque oublier tout ce qui s’était passé. Au-delà de son amertume elle était folle de joie que la Résistance ait échouée et qu’il fasse encore partie de sa vie.

Ses pensées continuaient à revenir vers ce qu’il lui avait dit un peu plus tôt, quand il avait admis tenir à elle. C’était arrivé progressivement et sans qu’il le veuille, avait-il dit, et Mia réalisa qu’elle avait eu raison d’avoir eu peur de lui et de lui résister au début puisqu’à ce moment-là il ne la considérait que comme un jouet, une petite poupée humaine avec laquelle jouer et dont il pourrait ensuite se débarrasser selon son caprice. Bien sûr, lui dire qu’il ‘tenait à elle’ était loin d’être une déclaration d’amour, mais elle n’avait jamais pensé qu’il lui en dirait autant. Comme un baume sur une plaie infectée, les paroles de Korum avaient permis à Mia de se sentir un tout petit peu mieux et de lui faire espérer que tout irait bien finalement, qu’il tiendrait peut-être ses promesses, et qu’elle pourrait revoir sa famille…

Elle fut interrompue dans ses pensées en sentant qu’elle venait de marcher sur quelque chose de mou. Mia sursauta, regarda par terre et vit qu’elle avait posé le pied sur la carapace d’un gros insecte.

― Pouah !

― Qu’est-ce qui se passe ? demanda Korum, étonné.

― Je viens de marcher sur quelque chose, expliqua Mia avec dégoût en essayant d’essuyer sa chaussure dans la touffe d’herbe la plus proche.

Il sembla amusé.

― Ne me dis pas… que tu as peur des insectes ? 

― Pas forcément peur, dit Mia avec prudence. C’est seulement qu’ils me répugnent.

Il se mit à rire.

― Pourquoi ? Ce sont des créatures vivantes, exactement comme toi et moi.

Mia haussa les épaules et décida de ne pas répondre. Elle-même n’était pas certaine de comprendre ce qu’il en était. À la place, elle s’efforça de regarder plus attentivement autour d’elle. Bien qu’elle ait grandi en Floride, elle était mal à l’aise avec les tropiques à l’état sauvage. Elle leur préférait de loin les allées pavées des parcs structurés où elle pouvait s’asseoir sur un banc et profiter du grand air sans risque de rencontrer des insectes.

― Il n’y a pas de route ou de sentier ? demanda-t-elle avec consternation à Korum tout en sautant par-dessus ce qui ressemblait à une fourmilière.

Il lui sourit avec indulgence.

― Non, nous aimons que notre environnement reste aussi proche de son état naturel que possible. 

Mia fronça le nez, voilà qui ne lui plaisait pas du tout. Ses baskets étaient déjà complètement couvertes de boue et elle savait gré à la saison des pluies de n’avoir pas encore commencé au Costa Rica. Sinon elle imaginait qu’ils seraient en train de patauger dans un marécage. Étant donnée la sophistication de la technologie des Krinars, elle était surprise qu’ils choisissent de vivre dans des conditions aussi primitives.

Une minute plus tard, ils entrèrent dans une autre clairière, un peu plus grande que la précédente. Une structure insolite de couleur crème en occupait le centre. C’était un cube allongé aux coins arrondis sans portes ni fenêtres, sans la moindre ouverture visible.

― C’est ta maison ? 

Mia avait vu des structures comparables dans la carte en trois dimensions qu’elle avait examiné le matin même dans le bureau de Korum. De loin elles lui avaient semblé très étranges et très différentes de tout ce qu’elle avait vu sur terre, et en voyant celle-ci de près cette impression s’intensifiait encore. Cela lui semblait tellement étranger, tellement différent de tout ce qu’elle connaissait.

Korum acquiesça et la conduisit vers le bâtiment.

― Oui, c’est ma maison, et maintenant c’est aussi la tienne. 

Mia avala nerveusement sa salive, devenant plus anxieuse en entendant la dernière partie de cette phrase. Pourquoi s’obstinait-il à le répéter ? Souhaitait-il vraiment qu’elle s’installe ici pour de bon ? Il lui avait promis qu’elle pourrait revenir à New York pour finir ses études à l’université et Mia se retenait désespérément à cette idée en fixant des yeux les murs pâles de la maison qui se trouvait devant elle.

À leur approche, une partie du mur se désintégra devant eux, ce qui fit apparaître une ouverture assez grande pour qu’ils puissent entrer.

Mia fut tellement surprise qu’elle en resta bouche bée et Korum sourit de sa réaction.

― Ne t’inquiète pas ! dit-il. C’est un bâtiment doué d’intelligence, il anticipe nos besoins et il ouvre des entrées en conséquence. Ce n’est pas la peine d’avoir peur.

― Il le fera pour n’importe qui ou seulement pour toi ? demanda Mia en s’arrêtant devant l’ouverture. Elle savait que sa réticence à entrer était absurde. Si Korum avait l’intention de la garder prisonnière, elle ne pourrait rien faire pour l’en empêcher, elle était déjà dans une colonie d’extra-terrestres sans le moindre moyen de s’en échapper. Et pourtant elle ne pouvait se résoudre à entrer dans sa nouvelle ‘maison’ sans avoir la certitude qu’elle pourrait en ressortir.

Korum avait apparemment deviné les raisons de son inquiétude et la regarda d’un air rassurant.

― Elle en fera autant pour toi. Tu pourras entrer et sortir à ta guise, même s’il est plus sûr que tu restes près de moi pendant les prochaines semaines… au moins jusqu’à ce que tu t’habitues à notre mode de vie et que j’ai l’occasion de te présenter aux autres.

Mia soupira de soulagement et le regarda.

― Merci ! dit-elle à voix basse, sentant une partie de son angoisse se dissiper.

Peut-être que tout ne se passerait pas si mal après tout. S’il la ramenait vraiment à New York à la fin de l’été alors son séjour à Lenkarda serait comme il l’avait dit, deux mois dans un endroit extraordinaire que peu d’êtres humains avaient même du mal à imaginer, et en compagnie de l’extraordinaire créature dont elle était tombée amoureuse.

Mia se sentait plus rassurée sur la situation dans laquelle elle se trouvait quand elle franchit le seuil, et entra pour la première fois de sa vie dans une habitation Krinar.

Ce qu’elle découvrit à l’intérieur fut totalement inattendu.

Mia s’attendait à voir un intérieur high-tech venu d’une autre planète, peut-être des sièges flottants comme ceux du vaisseau spatial qui les avait amenés ici. Au lieu de cela, la pièce ressemblait exactement à l’une de celles de l’appartement de Korum à New York, y compris le douillet canapé couleur crème. Mia rougit en pensant à ce qui s’était passé sur ce canapé quelques heures plus tôt. Seuls les murs étaient différents ; ils semblaient faits du même matériau transparent que la nacelle et au lieu de l’Hudson ils donnaient sur la verdure du paysage environnant.

― Tu as les mêmes meubles ici aussi ? demanda-t-elle avec surprise en lui lâchant la main et en s’avançant pour regarder cet étrange spectacle. Elle ne pouvait imaginer que les magasins de meubles les livraient dans les Centres K, sans doute Korum pouvait-il tout faire apparaître, utilisant la nano technologie comme une baguette magique.

― Pas vraiment, dit-il en lui souriant. J’ai fait ces préparatifs pour ton arrivée. J’ai pensé que tu t’acclimaterais plus facilement dans les premières semaines si tu te retrouvais dans un environnement familier. Une fois que tu seras plus à l’aise ici je pourrai te montrer où j’habite d’habitude. 

Mia cligna des yeux en le regardant.

― Tu as installé tout ça pour moi ? Mais quand ? 

Même avec la ‘fabrication rapide’ ― était-ce le nom que Korum avait donné à la technologie qui lui permettait de créer quelque chose à partir de rien ? ― il lui fallait quand même un peu de temps pour faire tout ça. Quand avait-il pu y penser, étant donnés les événements de ce matin ? Elle essaya de le visualiser en train de fabriquer un canapé alors qu’il capturait les Keiths et fut sur le point de ricaner.

― Il y a un petit moment, répondit Korum d’un air énigmatique en haussant légèrement les épaules.

Mia fronça les sourcils.

― Alors ce n’était pas aujourd’hui ? Pour une raison ou une autre, il était important pour elle de savoir quand il avait fait ce geste pour elle.

― Non, pas aujourd’hui. 

Mia le regarda fixement.

― Tu as préparé ça depuis un certain temps ? Je veux dire, le fait que je vienne ici ? 

― Bien sûr ! dit-il négligemment. Je me prépare à tout.

Mia respira profondément.

― Et si je n’avais rien eu à craindre de la Résistance ? Tu m’aurais quand même amenée ici ?

Il la regarda d’un air toujours aussi impénétrable.

― Est-ce que ça a vraiment de l’importance ? lui demanda-t-il d’une voix douce.

Oui, ça avait de l’importance pour Mia, mais elle ne se sentait pas capable d’en parler pour le moment. Si bien qu’elle se contenta de hausser les épaules et de détourner les yeux pour examiner la pièce. Effectivement, c’était assez réconfortant d’être dans un endroit qui lui donnait l’impression d’être familier, et elle devait admettre que c’était une preuve d’attention de la part de Korum, avoir eu l’idée de créer pour elle dans sa propre maison un environnement ressemblant à ceux où vivent les êtres humains.

― As-tu faim ? lui demanda Korum en souriant.

Préparer à manger à Mia semblait être l’une de ses activités préférées ; il lui avait même donné quelque chose à manger ce matin quand elle avait peur qu’il ne la tue parce qu’elle avait aidé la Résistance. En général, c’était l’une de ces choses qui provoquaient des sentiments tellement contradictoires en elle à propos de leur relation. Malgré son arrogance, il pouvait se montrer si attentif et si affectueux. Cela la rendait folle de constater qu’il n’agissait jamais vraiment comme le méchant qu’il était censé être.

Elle fit non de la tête.

― Non, merci. Le sandwich de tout à l’heure me suffit pour le moment. Et c’était vrai. La seule chose dont elle avait envie était de s’allonger un moment et d’essayer de se délasser l’esprit.

― Alors d’accord, dit Korum. Tu peux te reposer ici un moment. Je dois sortir une heure ou deux. Tu penses que ça ira si je te laisse toute seule ? 

Mia acquiesça.

― Tu as un lit quelque part ? lui demanda-t-elle.

― Bien sûr, allons, viens avec moi.

Mia suivit Korum dans un couloir qu’elle reconnut tout de suite et qui menait à une chambre identique à celle qu’il avait à TriBeCa. Elle remarqua aussi l’endroit où se trouvait la salle de bains.

― Alors ici je sais tout faire fonctionner ? demanda-t-elle.

― Oui, pratiquement tout, dit-il en tendant la main pour lui caresser brièvement la joue. Elle sentit la chaleur de ses doigts sur sa peau.

― Le lit est sans doute plus confortable que celui dont tu as l’habitude parce qu’il est conçu avec la même technologie intelligente que le siège du vaisseau et les murs de cette maison, mais j’ai pensé que ça ne te gênerait pas. N’aie pas peur s’il se conforme aux formes de ton corps, entendu ? 

Malgré un début de migraine, Mia sourit en se souvenant à quel point le siège du vaisseau spatial avait été confortable.

― D’accord, ça sera parfait, il me tarde de l’essayer.

― Je suis certain qu’il te plaira.

Les yeux de Korum brillaient sans qu’elle sache pourquoi.

― Fais la sieste si tu veux, et je serai bientôt de retour.

Il se baissa et l’embrassa chastement sur le front puis sortit et la laissa seule dans un ‘habitat intelligent’ au cœur d’une colonie d’extra-terrestres.

* * *

À moins d’un kilomètre, le Krinar regardait son ennemi arriver avec sa charl.

La douceur des mouvements de Korum envers Mia quand ils entrèrent dans la maison était tellement différente de ce que le K connaissait de lui qu’il était presque sur le point de rire sous cape. Cette relation avec une femme était un événement intéressant, mais changerait-elle quoi que ce soit ? Non, il ne le pensait pas vraiment.

Son ennemi ne se laisserait pas détourner de son but, et ce n’était pas une petite créature terrestre qui y réussirait.

Non, il n’y avait qu’un moyen de sauver l’humanité.

Et il en était le seul capable.

CHAPITREDEUX

Mia se réveilla dans une obscurité totale.

Elle resta allongée un moment et tenta de deviner quelle heure il était. Elle se sentait merveilleusement bien reposée, chacun des muscles de son corps était détendu et elle avait l’esprit complètement clair.

Elle se rendit tout de suite compte qu’elle était dans la maison de Korum à Lenkarda, couchée sur un lit ‘intelligent‘. En s’étirant et en bâillant, elle se demanda comment Korum avait réussi à dormir sur un matelas normal, un matelas de fabrication humaine, quand il était à New York. Elle ne pouvait désormais imaginer avoir envie de dormir ailleurs que dans ce nouveau lit.

Les draps lui enveloppaient le corps et caressaient légèrement sa peau nue, une sensation agréable. Elle n’avait ni froid ni chaud, et l’oreiller lui étreignait la tête et le cou juste comme il fallait. Elle n’éprouvait plus la moindre tension.

Elle n’avait pas eu l’intention de s’endormir, mais ce repos s’était avéré miraculeux pour son état d’esprit.

Après le départ de Korum, elle avait pris une douche et s’était mise au lit avec l’intention de se reposer quelques minutes. Dès qu’elle s’était couchée, les draps l’avaient étreinte et l’avaient enveloppée d’un doux cocon et elle avait ressenti de subtiles vibrations partout où son corps était le plus tendu. C’était comme si des doigts pleins de douceur lui massaient le dos et le cou pour en faire disparaître toute tension. Elle se souvenait que cette sensation lui avait plu et ensuite elle avait dû s’endormir parce qu’elle ne se souvenait plus de rien.

La pièce avait dû comprendre qu’elle était réveillée parce qu’elle s’éclaircit progressivement, sans qu’il y ait eu de source apparente de lumière artificielle.

Quelle bonne idée, pensa Mia, d’éclairer ainsi petit à petit ! Souvent, une lumière vive qui succède à une obscurité totale fait mal aux yeux et pourtant c’est comme ça que la plupart des éclairages conçus par les hommes fonctionnent, ils s’éteignent ou s’allument, sans respecter le fait que dans la nature les transitions de l’obscurité à la lumière sont infiniment plus subtiles.

Mia n’avait pas envie de quitter le confort de ce lit et resta allongée en se demandant que faire ensuite.

Elle n’avait plus ce malaise, cette panique qu’elle avait ressentis, et elle pouvait penser avec davantage de lucidité.

Il était vrai que Korum l’avait utilisée et manipulée.

Mais pour lui rendre justice, il l’avait fait pour protéger sa propre espèce, tout comme elle avait pensé que l’espionner c’était aider l’humanité tout entière. Le sentiment de trahison qu’elle avait éprouvé la veille était irrationnel et déplacé étant donné la nature de leur relation et ses propres actions à l’égard de Korum. Le fait même qu’il n’ait vraiment rien fait pour la punir de sa trahison en disait long sur ses intentions.

Elle avait eu tort de le peindre de couleurs aussi sombres dans le passé. S’il ne lui avait pas fait de mal après ce qu’elle avait fait jusqu’ici, il ne lui en ferait sans doute jamais.

Cependant, il n’accordait visiblement aucune importance aux désirs de Mia. Et le meilleur exemple c’était sa présence ici à Lenkarda. Mais s’il avait dit la vérité, elle pourrait bientôt aller voir ses parents et même retourner à New York pour finir ses études.

L’un dans l’autre, la situation était bien meilleure qu’elle l’avait craint ce matin quand elle avait pensé qu’il pourrait la tuer pour avoir aidé la Résistance.

Et pourtant elle se retrouvait dans une position délicate. Elle était dans un Centre K sans connaître la langue qu’on y parlait et elle ignorait comment utiliser la technologie Krinar, même les plus simples appareils. En tant qu’être humain, elle était une parfaite étrangère ici. Est-ce que sa nature humaine amènerait les Ks à penser qu’elle était stupide ? Elle qui ne comprenait pas le Krinar et ne pouvait lire dix livres en une heure comme le pouvaient les Ks ? Se moqueraient-ils de son ignorance et de son incompétence pour tout ce qui concernait la technologie ? Même selon les critères des hommes elle avait du mal avec les nouvelles inventions. Et, est-ce que l’arrogance de Korum était simplement un trait de sa personnalité ou était-ce une caractéristique de son espèce et de son attitude générale envers les êtres humains ?

Bien sûr, ça ne servait à rien de se poser toutes ces questions. Que ça lui plaise ou non elle était à Lenkarda pour les deux prochains mois et il lui fallait faire contre mauvaise fortune bon cœur. Et entre-temps, il y avait tant à apprendre ici…

La porte de la chambre s’ouvrit doucement et Korum entra, interrompant ses réflexions.

― Alors la belle au bois dormant, comment te sens-tu ? 

Mia ne put s’empêcher de lui sourire et d’oublier ses préoccupations pour le moment. Pour la première fois depuis qu’elle le connaissait Korum avait revêtu le costume des Krinars : une chemise sans manches coupée dans un tissu blanc qui semblait très doux et un short gris assez large qui lui arrivait juste au-dessus des genoux. C’était un costume simple, mais qui lui allait très bien, mettant parfaitement en valeur son corps musclé. Il lui faisait envie, il était tellement séduisant avec cette peau bronzée et ces yeux d’ambre qui brillaient en la regardant couchée sur son lit.

― Ce lit est génial ! lui confia Mia. Je me demande comment tu as pu dormir ailleurs.

Il sourit et s’assit à côté d’elle, prenant une mèche de ses cheveux pour jouer avec.

― Je sais. C’était un véritable sacrifice, mais ta présence m’a permis de le supporter.

Mia se mit à rire et roula sur le ventre, se sentant extraordinairement heureuse.

― Et maintenant ? Je vais rencontrer d’autres objets intelligents ? Je dois avouer que votre technologie est vraiment super.

― Oh, tu ne te rends pas compte à quel point elle est extraordinaire, dit Korum en la regardant avec un mystérieux sourire. Mais tu vas bientôt l’apprendre.

Il se pencha vers elle et embrassa son épaule dénudée et lui mordilla légèrement le cou de ses lèvres douces et chaudes. Mia ferma les yeux et frissonna de plaisir. Son corps réagit immédiatement sous ces caresses et elle se mit doucement à gémir tout en sentant qu’elle mouillait.

Il s’arrêta et se rassit.

Surprise, Mia ouvrit les yeux et le regarda.

― Tu n’as pas envie de moi ? lui demanda-t-elle à voix basse en essayant de ne pas montrer qu’elle était blessée.

― Pardon ? Mais si, ma chérie, j’ai très envie de toi ! 

Et c’était vrai. Elle pouvait voir les paillettes d’or dans ses yeux si expressifs et ce n’était pas le tissu souple de son short qui risquait de cacher son érection.

― Alors pourquoi t’es-tu arrêté ? demanda Mia en faisant beaucoup d’effort pour ne pas avoir l’air d’une petite fille que l’on vient de priver de friandises.

Il poussa un soupir et montra sa frustration.

― Un de mes amis va venir te voir. Il sera ici dans quelques minutes.

Mia le regarda avec surprise.

― Ton ami veut me voir ? Pourquoi ? 

Korum sourit.

― Parce que je lui ai beaucoup parlé de toi. Et aussi parce que c’est l’un de nos meilleurs experts en psychologie et qu’il peut t’aider à t’habituer à ta nouvelle vie.

Mia fronça légèrement des sourcils.

― Un expert en psychologie ? Tu veux que je consulte un psy ? 

Korum fit non de la tête en souriant.

― Non, ce n’est pas un psy. Chez nous un expert en psychologie est quelqu’un qui s’intéresse à tous les aspects du cerveau. C’est quelqu’un qui est à la fois neurochirurgien, psychiatre et thérapeute, littéralement un expert de tout ce qui concerne le cerveau.

C’était intéressant, mais ne répondait pas vraiment à la question de Mia.

― Mais pourquoi souhaite-t-il me voir ?

― Parce que je pense qu’il peut t’aider à te sentir plus à l’aise ici, dit Korum dont les doigts descendaient le long de son bras et le frottait doucement.

Mia avait remarqué qu’il aimait la caresser ici ou là pendant leurs conversations, comme s’il avait toujours soif de la toucher et ça ne la dérangeait pas. C’était cette forme d’attraction dont il lui avait déjà parlé, leurs corps gravitaient l’un vers l’autre comme deux objets dans l’espace.

Elle s’efforça de rendre toute son attention à ce dont ils parlaient.

― Et qu’est-ce qu’il peut faire par exemple ? demanda-t-elle, sentant une légère méfiance.

― Eh bien, par exemple aimerais-tu être capable de comprendre et de parler notre langue ? 

Mia ouvrit grands les yeux et acquiesça avec empressement.

― Bien sûr ! 

― Est-ce que tu ne te demandes pas pourquoi je parle si bien anglais ? Ainsi que toutes les autres langues de la terre ? Et pourquoi avons-nous tous cette capacité ?

― Je ne savais pas que tu parlais d’autres langues que l’anglais, avoua Mia en le regardant fixement tant elle était surprise. Elle s’était brièvement demandé comment il se faisait qu’il parlât aussi bien l’anglais des USA, mais elle avait toujours supposé que les Ks avaient simplement étudié avant de venir sur terre. Korum était incroyablement intelligent et elle ne s’était jamais vraiment posé la question de savoir pourquoi il connaissait sa langue et pouvait la parler sans le moindre accent. Et maintenant, il lui annoncait qu’il parlait aussi toutes sortes d’autres langues ?

― Alors tu parles français ? demanda-t-elle. Quand il l’eut confirmé, elle continua :

― Espagnol ? Russe ? Polonais ? Chinois ? Et à chaque fois il fit signe que oui.

― D’accord… et le swahili ? demanda Mia, certaine de le prendre en défaut cette fois-ci.

― Je le connais aussi, dit-il en souriant de sa stupéfaction.

― D’accord, dit lentement Mia. J’imagine que tu vas me dire que ce n’est pas seulement une question d’intelligence de ta part.

Il sourit.

― Absolument. Si j’avais eu le temps, j’aurais pu apprendre ces langues tout seul, mais il y a une méthode plus efficace, et c’est comme ça que Saret peut t’aider.

Mia le regarda fixement.

― Il peut m’apprendre le Krinar ?

― Mieux que ça. Il peut te donner les mêmes aptitudes que moi, la compréhension et la connaissance immédiate de n’importe quelle langue, que ce soit une langue humaine ou le Krinar.

Mia resta bouche bée, l’excitation accélérait le rythme de son cœur.

― Comment ? 

― En te donnant un petit implant qui influencera une région spécifique de ton cerveau et fonctionnera comme un système hautement sophistiqué de traduction.

― Un implant cérébral ? Immédiatement, son excitation s’était transformée en terreur. Tout en elle rejetait cette idée. Il lui avait déjà greffé un engin de localisation dans la paume de la main ; la dernière chose dont elle avait besoin était d’avoir le cerveau influencé par la technologie des extra-terrestres. Les aptitudes qu’il avait décrites étaient extraordinaires et elle mourrait d’envie de les avoir, mais pas à ce prix.

― Ce système n’est pas vraiment comme tu te l’imagines, dit Korum. Il sera minuscule, de la taille d’une cellule et ne te fera aucun mal, à aucun moment, ni quand on te l’insèrera, ni par la suite.

― Et si je refuse, si je n’en veux pas ? demanda Mia à voix basse, redoutant que le spécialiste ait déjà été envoyé par Korum.

― Pourquoi pas ? Il la regardait en fronçant légèrement des sourcils.

― Tu as vraiment besoin de me le demander ? dit-elle avec incrédulité. Tu m’as déjà ‘marquée’, sous prétexte de soigner les paumes de mes mains tu m’as greffé un système de localisation. Et tu crois que je serai d’accord pour que tu me mettes quelque chose dans le cerveau ? 

Le visage de Korum s’assombrit encore davantage.

―Cela n’aura aucune autre fonction, Mia. Il ne semblait même pas éprouver le moindre remords de l’avoir marquée.

― Vraiment ? demanda-t-elle d’un ton sarcastique. Cela ne fera rien d’autre ? Ni influencer mes pensées ni influencer mes sentiments en aucune manière ? 

― Non, ma chérie, pas du tout. Il semblait vaguement amusé à cette idée.

― Je ne veux pas d’implant dans le cerveau, dit fermement Mia en le regardant d’un air rebelle.

À son tour, il la regarda fixement.

― Mia, dit-il d’une voix douce, si j’avais vraiment voulu te mettre quelque chose de néfaste dans le cerveau j’aurais pu le faire de mille façons. Je peux t’implanter n’importe quoi dans le corps n’importe quand et sans que tu en aies la moindre idée. La seule raison pour laquelle je te propose cette possibilité est que je souhaite que tu sois à l’aise ici et que tu puisses communiquer toute seule avec tout le monde. Si tu refuses, alors c’est toi qui prends cette décision. Je ne t’y obligerai pas. Mais très peu d’êtres humains ont cette chance, alors je te conseille de bien réfléchir avant d’y renoncer. 

Mia détourna les yeux, prenant conscience qu’il avait raison. Il n’avait besoin ni de le lui dire ni de lui demander son accord s’il voulait lui faire quelque chose. La panique qu’elle pensait avoir contrôlée menaçait de ressurgir et elle fit un effort pour la repousser.

Il y avait quelque chose qu’elle ne comprenait pas. En respirant profondément, Mia se retourna vers lui pour examiner l’expression insondable de son visage. Elle était mal à l’aise de le comprendre toujours aussi peu, de sentir qu’elle connaissait si peu celui qui avait un tel pouvoir sur elle.

― Korum…

Elle ne savait pas si elle devait en parler, mais elle ne put y résister. C’était une question qui la tourmentait depuis des semaines.

― Pourquoi m’avoir marquée ? Quand tu l’as fait, je n’avais même pas encore rencontré la Résistance, tu n’avais pas besoin de savoir où j’étais pour pouvoir mettre ton grand plan d’action en application…

― C’est parce que je voulais être sûr de pouvoir toujours te retrouver, dit-il, et il y avait une nuance tellement possessive dans sa voix qu’elle en fut effrayée. Je te tenais entre mes bras ce jour-là, et je savais que j’en voulais davantage. Je voulais tout de toi, Mia. À partir de ce moment, tu étais à moi et je n’avais pas l’intention de te perdre, pas même pour un instant.

Pas même pour un instant ? Est-ce qu’il réalisait la folie de telles paroles ? Il avait vu une fille qu’il voulait et il avait fait en sorte de toujours savoir où elle était.

Il était terrifiant de penser qu’il croyait avoir le droit d’agir ainsi. Comment pouvait-elle se comporter avec quelqu’un comme ça ? Avec elle il ne connaissait aucune limite, il n’avait aucun respect pour son libre arbitre ni pour sa volonté. Il venait juste d’admettre tranquillement avoir commis un acte épouvantable et despotique et elle ne savait que lui dire désormais.

Elle resta silencieuse, Korum respira profondément et se leva.

― Tu devrais t’habiller, dit-il à voix basse. Saret va arriver d’une minute à l’autre. 

Mia acquiesça et remonta les draps sur sa poitrine. Ce n’était pas le moment d’analyser les complexités de leur relation. Elle aussi respira profondément et rejeta sa peur. Pour le moment, il n’y avait aucun moyen de changer sa situation et se concentrer sur les mauvais côtés ne ferait qu’empirer les choses. Elle devait trouver un moyen de s’entendre avec son amant et trouver comment mieux s’y prendre avec son impérieuse nature.

― Qu’est-ce que je vais mettre ? demanda Mia. Je n’ai apporté aucun vêtement… 

― Tu veux un tee-shirt et un jean comme d’habitude ou tu veux t’habiller comme on s’habille ici ? lui demanda Korum en souriant de nouveau. Un peu de la tension qui régnait dans la pièce s’était dissipée.

― Hum, comme tout le monde, il me semble. Elle ne voulait pas se faire remarquer.

― Alors d’accord. 

Korum fit un petit geste de la main et lui tendit un morceau de tissu de couleur claire qui venait tout juste d’apparaître. En écarquillant les yeux, Mia regarda fixement le vêtement qu’il venait de lui donner.

― Encore la fabrication instantanée ? demanda-t-elle en essayant de faire comme si elle n’était pas profondément surprise de voir des objets lui apparaître ainsi devant les yeux.

Il sourit.

― Absolument. Si ça ne te plait pas, je peux te proposer autre chose. Vas-y, essaye-le.

Mia lâcha le drap et se leva sans être gênée d’être nue. Malgré tous ses défauts, Korum avait fait des miracles pour améliorer l’image qu’elle avait d’elle-même ainsi que sa confiance en elle. Comme il lui répétait sans cesse à quel point il la trouvait belle, elle ne s’inquiétait plus d’être trop maigre, d’avoir les cheveux frisés ou d’être trop pâle. Comme il lui aurait été précieux pendant son adolescence, quand elle souffrait de tant d’insécurité.

Non, oublions cette idée. Aucune adolescente ne devrait être sous l’emprise de quelqu’un d’aussi dominateur. Elle prit la robe et l’enfila, en s’assurant que le décolleté soit dans le dos.

― Qu’en penses-tu ? demanda-t-elle en virevoltant.

Il sourit et une lumière chaude brilla dans ses yeux.

― Elle te va à ravir. 

Elle vit un renflement dans son short et cela la fit sourire de satisfaction. Malgré tout, c’était bien agréable de savoir qu’elle lui faisait cet effet-là et que le désir de Korum était aussi fort que le sien. Au moins dans ce domaine ils étaient égaux. Curieuse de voir à quoi ressemblait la robe elle se dirigea vers le miroir de l’autre côté de la chambre. Korum avait raison, c’était très joli. La robe était d’un style semblable à ce qu’elle avait vu porter par les Keiths de sexe féminin, elle était d’une belle teinte ivoire avec des nuances couleur pêche et se drapait parfaitement bien sur elle. Son dos et ses épaules étaient presque nus alors que le devant était pudiquement couvert avec des plis stratégiquement placés sur la poitrine pour cacher ses tétons. La longueur lui allait très bien aussi, la jupe qui flottait autour d’elle s’arrêtait à quelques centimètres du genou.

Quand elle se retourna, il lui tendit une paire de spartiates ivoire dont la matière était particulièrement douce. Mia les essaya. C’était juste sa taille et elle fut surprise de sentir qu’elles étaient aussi confortables.

― Elles sont jolies, merci, dit-elle. Et puis, se souvenant de quelque chose d’essentiel, elle demanda : 

― Et les sous-vêtements ? 

― Nous n’en portons pas vraiment, dit Korum. Je peux t’en faire si tu insistes, mais tu pourrais essayer de t’habiller exactement comme nous. 

Pas de sous-vêtements ?

― Et si la robe se soulève ou… 

― Cela n’arrivera pas. Le tissu est intelligent lui aussi. Il est conçu pour te couvrir le corps exactement comme il faut. Si tu bouges ou si tu te penches dans une certaine direction le tissu bouge avec toi si bien que tu restes toujours couverte.

C’était bien pratique. Mia pensa aux innombrables problèmes de garde-robe à Hollywood qui auraient pu être évités avec des vêtements K.

― D’accord, alors je suis prête, il me semble.

― Parfait ! dit Korum en souriant. Je te retrouve au salon.

Et après un rapide baiser sur le front, il sortit de la pièce.

* * *

― J’aime bien le style que tu as choisi. Très XXIème siècle américain.

L’ami de Korum venait d’entrer et regardait autour de lui en souriant. Il mesurait quelques centimètres de moins que Korum, il avait la même stature que lui et le teint des Ks, plus foncé que celui des êtres humains. Mais son visage était plus rond que celui de son ami et ses pommettes plus saillantes, ce qui fit un peu penser Mia à quelqu’un dont les ancêtres seraient venus d’Asie.

― Que puis-je dire ? Tu sais que j’ai bon goût, répondit Korum qui se leva du canapé où il était assis avec Mia pour accueillir le nouveau venu.

En s’approchant de lui, Korum lui toucha légèrement l’épaule de la main et l’autre K en fit de même.

Mia se demanda si c’était l’équivalent d’un serrement de mains chez les Ks.

En se tournant vers elle Korum dit :

― Mia, voici mon ami Saret. Saret voici Mia, ma charl. 

Saret sourit, ses yeux bruns pétillèrent. Il semblait sincèrement heureux de la rencontrer.

― Bonjour, Mia, bienvenue dans notre Centre. J’espère que vous vous y plaisez pour le moment ? 

Mia se leva et lui rendit son sourire. C’était étrange d’être présentée à un autre K. À l’exception de deux brèves rencontres avec les collègues de Korum, son amant était le seul Krinar qu’elle connaissait jusqu’ici.

― Tout s’est bien passé, merci. 

Devrait-elle lui serrer la main ? Ou lui toucher l’épaule comme Korum venait de le faire ? Dès que cette pensée lui vint, elle la rejeta. Elle ignorait quels étaient les codes des Ks concernant les contacts physiques et ne voulait pas risquer d’être désobligeante.

― Avez-vous déjà eu la possibilité de visiter un peu Lenkarda ? Korum m’a dit que vous n’étiez arrivée que ce matin. 

Mia secoua la tête avec regret.

― Non, il faut vous avouer que j’ai dormi presque toute la journée. 

Et d’ailleurs quelle heure était-il ? À travers les murs transparents de la maison, elle pouvait voir qu’il faisait noir dehors. Il devait être tard dans la soirée ou peut-être même était-ce le milieu de la nuit.

― Mia souffrait du décalage horaire et elle était épuisée après ce qui s’est passé, expliqua Korum en revenant vers elle et en posant une main sur son dos comme pour indiquer qu’elle lui appartenait. Il l’entraîna à côté de lui sur le canapé et Saret s’assit en face d’eux sur l’un des confortables fauteuils.

― Bien sûr ! dit Saret. Je comprends parfaitement. Apprendre la vérité de cette manière a dû être vraiment traumatisant pour vous. 

Prise de surprise, Mia le fixa des yeux. Que savait-il au juste ? Est-ce que Korum lui avait tout dit, y compris le rôle qu’elle avait joué dans l’attaque des Centres K ? Elle ignorait comment ce qu’elle avait fait serait perçu par les Krinars. Serait-elle punie d’une manière ou d’une autre pour avoir aidé la Résistance ?

― Eh bien l’essentiel est que tout soit terminé, dit Korum en prenant l’une des mains de Mia dans les siennes et en lui caressant la paume du doigt. Et se tournant vers elle il lui promit :

― Tu n’as plus besoin de t’inquiéter à ce sujet. 

― En fait, dit Saret avec un air de regret sur son beau visage, j’ai bien peur qu’il y ait encore une chose que Mia doive faire. 

Korum se rembrunit.

― Je leur ai déjà dit non. Elle a déjà été suffisamment éprouvée comme ça.

Saret poussa un soupir.

― C’était une demande officielle des Nations Unies…

― Qu’ils aillent se faire foutre. Après leur fiasco ils ne sont pas en position de faire des demandes ; ils ont bien de la chance que nous n’ayons pas engagé de représailles…

― Même si c’est le cas, la majorité du Conseil pense qu’il est important de faire ce geste de bonne volonté à leur intention.

Mia les écouta débattre et en eut froid dans le dos. Les Nations Unies ? Le Conseil ? En quoi tout cela la concernait-il ?

― Le Conseil peut aller se faire foutre aussi, dit Korum sur un ton sans appel. Ce n’est absolument pas nécessaire et ils le savent bien. Mia est ma charl et ils n’ont pas à me dire ce que je dois faire.

― Elle n’est pas seulement ta charl, Korum, et tu le sais. Elle est témoin dans ce qui va être l’un des plus grands procès depuis dix mille ans, sans parler des procédures engagées par les êtres humains…

Quand elle comprit le tour que prenait la conversation, Mia eut envie de vomir.

― Excusez-moi, dit-elle à voix basse. Mais qu’attend-on exactement de moi ?

― Cela n’a pas d’importance, dit froidement Korum. On ne peut rien te faire faire sans ma permission.

Saret poussa un nouveau soupir.

― Écoute, le Conseil veut lui aussi le témoignage de Mia. Il vaudrait vraiment mieux que tu la laisses témoigner…

Mia les regarda fixement et commençait à sentir la colère l’envahir. Ils parlaient d’elle comme si elle était une enfant ou un animal de compagnie. Quoiqu’ils veuillent obtenir d’elle, ce devrait être à elle d’en décider, pas à Korum.

― Elle n’a vraiment pas besoin de ça maintenant, dit fermement Korum. Ils ont une multitude de preuves et je ne veux pas lui faire subir encore davantage de stress…

― Excusez-moi, dit froidement Mia. Je veux savoir de quel foutu problème vous parlez.

Visiblement pris de cours Saret se mit à rire et Korum la regarda d’un air réprobateur

― Je pense que ta charl est plus courageuse que tu ne le dis, fit observer Saret à Korum tout en continuant à rire. Et se tournant vers Mia il lui expliqua :

― Vous voyez Mia, les traîtres que vous nous avez aidés à capturer, les Keiths comme les appellent vos amis de la Résistance, seront jugés selon nos lois. Comme notre système judiciaire est assez différent du vôtre, nous exigeons que toutes les preuves disponibles soient présentées et que tous les témoignages soient entendus. Comme vous avez été impliquée d’un bout à l’autre votre témoignage pourrait avoir de l’importance pour décider s’ils seront condamnés ou non et en ce qui concerne la peine qui leur sera infligée.

― Vous voulez que je témoigne dans un procès Krinar ? demanda Mia d’un air incrédule.

― Oui, exactement, et nous avons aussi reçu une demande officielle de l’ambassadeur des Nations Unies pour que vous vous présentiez… 

― Elle ne le fera pas, Saret. N’en parlons plus. Tu peux aller voir Arus et lui dire ce qu’il en est. 

― Écoute, Korum, es-tu vraiment certain de cette décision ? Nous sommes si près d’obtenir l’approbation… tu sais que ça ne va pas être considéré sous un jour favorable… 

― Je sais, dit Korum. Je veux prendre ce risque. Et ça ne sera pas la première fois qu’ils en auront marre de moi. 

Saret eut l’air frustré.

― D’accord, mais je pense que tu fais une grave erreur. Il lui suffirait d’y aller et de parler… 

― Tu sais aussi bien que moi que si elle y va, le Protecteur va essayer de la prendre à part. Je ne veux pas qu’elle endure ça. Et je ne veux pas qu’elle soit dans les parages des Nations Unies pour le moment, c’est bien trop dangereux. En outre les médias de la Terre risquent d’avoir vent de l’affaire et Mia n’a pas besoin que le monde entier la regarde témoigner à l’ONU. Sa famille n’est même pas encore au courant. 

Sa colère s’étant dissipé Mia serra la main de Korum en signe de gratitude. Elle ne pouvait s’empêcher d’être touchée par son attitude protectrice. Il était difficile de savoir ce qui lui répugnait le plus, l’idée de paraître devant le Conseil des Krinars ou à l’ONU sous les yeux du monde entier.

― Arus dit que l’on peut appliquer une procédure spéciale pour elle. L’audition de l’ONU peut se faire à huis clos sans la moindre fuite vers les médias. Et le Conseil a accepté que son témoignage au procès puisse être enregistré. 

― Dis à Arus qu’il m’en parle personnellement s’il est tellement déterminé que ça se fasse, dit Korum à voix basse, en plissant les yeux de colère. Mia est ma charl. S’il veut qu’elle fasse quelque chose, il doit me le demander, très très gentiment. Ensuite, si Mia est d’accord, j’y réfléchirais peut-être. 

Saret eut un sourire triste.

― Bien sûr. Tu sais que je déteste faire l’intermédiaire. Vous pouvez en parler tous les deux, Arus et toi. On m’a demandé de transmettre un message, et ma responsabilité s’arrête là. 

Korum fit un signe de tête.

― Entendu. 

Son visage avait gardé une expression de dureté et Mia eut un geste de nervosité, elle se sentait mal à l’aise à cause du rôle qu’elle avait involontairement joué dans ce désaccord. Elle avait besoin d’en savoir plus sur ce procès et sur le sens de tout cela, mais ne voulait pas poser davantage de questions à Korum en présence de Saret. À la place, désireuse de détendre l’atmosphère, elle demanda avec prudence : 

― Et depuis combien de temps vous connaissez-vous ? 

Saret comprit son intention et lui sourit.

― Oh, ça fait bien longtemps, nous nous connaissons depuis l’enfance. 

Mia écarquilla les yeux. S’ils avaient le même âge, cela voulait dire qu’à eux deux ils représentaient des milliers d’années.

― Vous étiez à l’école ensemble ou quelque chose de ce genre ? demanda-t-elle, fascinée.

Korum secoua la tête en faisant une légère moue.

― Pas exactement. Nous étions camarades de jeu. Nos enfants reçoivent une éducation très différente des vôtres, contrairement à vous nous n’avons pas d’écoles.

― Ah non ? Alors comment vos enfants sont-ils instruits ? 

Saret lui sourit, visiblement la curiosité de Mia lui plaisait.

― Ils apprennent beaucoup en jouant. Nous leur laissons acquérir l’essentiel des aptitudes dont ils ont besoin en se socialisant avec autrui, dans leurs relations avec enfants et adultes. Plus tard ils font l’apprentissage d’autres domaines pour perfectionner leurs capacités à résoudre des problèmes et à penser de manière critique. 

Mia le regardait avec fascination.

― Mais comment apprennent-ils des choses comme l’écriture, les mathématiques ou l’histoire ? 

Saret fit un geste dédaigneux de la main.

― Oh tout ça c’est facile. Je ne sais pas si Korum vous en a déjà parlé… 

― Pas encore, dit Korum. Tu es arrivé quand Mia venait de se réveiller. Je n’ai eu que le temps de lui parler de l’implant linguistique.

― Bien ! Saret semblait enthousiasmé. Vous aimeriez qu’on vous le mette ce soir, Mia ? 

Mia hésita. Si Korum ne lui avait pas menti, elle serait stupide de laisser passer cette chance.

― Pourriez-vous m’expliquer de nouveau exactement de quoi il s’agit et comment fonctionne cet implant ? demanda-t-elle en s’adressant à Saret.

Korum soupira, l’air exaspéré.

― Oui, Saret, dis exactement à Mia ce qu’il en est, s’il te plait. Elle n’a pas l’air d’avoir confiance dans mes explications au sujet de l’implant.

― Comment pourrais-tu m’en vouloir ? demanda-t-elle à Korum en essayant de ne pas sembler amère.

Saret haussa les sourcils et sourit une nouvelle fois.

― Encore des problèmes à régler, il me semble. 

Korum lui jeta un regard d’avertissement et Saret cessa immédiatement de sourire.

― Aucune importance, se hâta-t-il d’ajouter. Je ne sais pas ce que Korum vous a dit, Mia, mais l’implant linguistique est un objet très simple, très ordinaire, que de nombreux Krinars reçoivent à l’âge adulte, une fois notre cerveau arrivé à maturation. C’est un ordinateur microscopique composé d’un matériau biologique particulier qui fonctionne essentiellement comme un traducteur très sophistiqué. Sa fonction est de convertir des données d’une forme dans une autre, des structures mentales en langage et inversement. Il ne fonctionne que sur une seule zone du cerveau et n’a aucun effet secondaire néfaste. 

― Peut-il tomber en panne ? demanda Mia. Ou peut-il agir autrement sur mon cerveau ? 

― De quelle manière par exemple ? Saret semblait perplexe. Non, non, cette invention technologique existe depuis dix mille ans si bien qu’elle est au point, il n’y a jamais de pannes, absolument jamais. 

― Est-ce que l’implant pourrait me faire penser quelque chose malgré moi ? Pourrait-il diffuser mes pensées ? 

Après l’avoir dit à voix haute, Mia se rendit compte à quel point ça semblait ridicule.

Saret secoua la tête en souriant.

― Non, rien de ce genre. C’est un objet d’une grande simplicité. Ce dont vous parlez serait bien plus sophistiqué. Les sciences du contrôle mental et de la télépathie ne sont encore qu’à des stages théoriques de leur conception. 

― Mais ce serait possible en théorie ? demanda Mia avec la plus grande surprise ; en tant qu’étudiante en psychologie elle était tout à coup très curieuse à la perspective de pouvoir apprendre ne serait-ce qu’une infime partie de ce que les Krinars savaient du cerveau. Maintenant qu’elle n’était plus aussi nerveuse, Mia s’apercevait que le K assis devant elle recelait sans doute des trésors de connaissances sur son propre domaine d’études.

Saret fit un signe de tête.

― En théorie, oui, mais pas encore en pratique.