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Sur la balustrade un oiseau me regardait. Mon oiseau ! C'était une hallucination. Le psychiatre m'avait expliqué ce processus diabolique. Lorsque mon cerveau se mettait au travail, qu'il élaborait des hypothèses tortueuses et fumeuses, lorsqu'il cherchait avec énergie l'astuce capable de confondre un criminel, tout cela au prix d'une immense cogitation, un oiseau apparaissait et me causait dans un langage que moi seul comprenais." Cette fois le commissaire Marcello Visconti et son illusion volante doivent faire équipe avec la commandante Patricia de Roche Clair afin de résoudre une difficile et dangereuse enquête sous la pluie de Biarritz. Une pêche macabre, une troublante amazone, des tueurs sans pitié, des flics ambigus, une balade au large, sont autant d'obstacles qui vont obliger Visconti à bousculer la procédure, comme il en a la fâcheuse habitude. Ses investigations rondement menées, en prenant tous les risques, Visconti va découvrir aussi à ses dépens, ce que le mot "manipulation" peut parfois signifier.
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Seitenzahl: 187
Veröffentlichungsjahr: 2021
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Il ne faut plus vous étonner
De tous les morts que vous croisez
De cette violence acharnée
Qui vous prend comme la nausée.
Aujourd’hui c’est la denrée,
Indispensable à la marée,
Des braves gens qui se bousculent
Du matin froid au crépuscule.
Les semeurs de douleurs
Recueil
« L’amour fou ou la mort du fou »
Pierre Dabernat
Epigraphe
Il ne pouvait rien faire sans cloper
C’est sans doute une histoire de drogue
Désolé ! Mais revenez plus tard
Je m’en tape de la procédure
Elle éclata de rire
Les deux sagouins reprenaient pieds
La fille ne se démontait pas
Beau joueur je lui tendis les clefs
Aïcha laissa éclater sa colère
Cette femme m’étonnait
C’était interdit de fumer
De Roche Clair s’exécuta
J’avais coupé la parole au piaf
Elle était dans une chambre
Je sortis le Manurhin et le Derringer
C’est lui le patron
Désolé commissaire
Le sable était humide. Plus bas, vers les rochers, les vagues mugissantes remontaient à l’assaut. Les rouleaux, immenses, assourdissants, s’écrasaient contre la barrière rocheuse qui protégeait la petite plage.
Albert Rochefort pensa qu’il était trop tôt pour mettre en place sa batterie de cannes de surfcasting. La veille, il n’avait rien attrapé. Il comptait bien, cette nuit, remonter des profondeurs obscures de l’océan quelques loups ou bien une belle dorade d’une cinquantaine de livres. Il tourna le dos au large et sortit une cigarette de son étui qu’il alluma. Il tira une bouffée et regagna la piaule qu’il avait louée à l’hôtel qui se trouvait en face. Il avait casqué deux milles euros pour la semaine. Les bungalows de l’hôtel, « La Felouque », avaient la particularité de donner d’un côté sur l’océan et de l’autre, sur une piscine. Rochefort ne comprenait pas pourquoi, certains préféraient se baigner dans la piscine, avec pour seul décor, le mur de l’hôtel et une haie derrière laquelle étaient cachées les poubelles, alors que l’océan était si proche ? Remonter la plage de sable n’était pas une mince affaire pour Rochefort. Il était obèse ou presque... Il mangeait comme quatre et buvait comme dix... Sans parler de la clope et des femmes. Il était ingénieur et célibataire. La pêche était son sport favori car il n’avait qu’à poser son cul sur sa chaise renforcée et rêver en matant la nuit, en espérant que le grelot au bout de sa canne l’avertisse d’une touche. Soufflant comme un bœuf, il parvint jusqu’à la porte coulissante de la piaule. S’il avait horreur du sable dans les pompes, à l’inverse, il ne supportait pas, de marcher les pieds nus.
Il ôta ses baskets, se déshabilla entièrement, et pénétra dans la chambre. Il se laissa tomber lourdement de tout son poids sur le lit, en écrasant à moitié, le corps dénudé et superbe de sa nouvelle maîtresse.
Celle-ci se réveilla sous le choc de ce plongeon brutal et jeta un juron de protestation. Le spécialiste électronicien, employé sur un ancien tanker, transformé en plate-forme, au large de l’Aquitaine, avait payé cher cette partenaire sexuelle, pour la durée de son congé. Il ne comptait pas donc prendre des gants de velours pour la baiser. Rochefort avait éclusé pas mal de bière durant la journée, du vin à table et continué au cognac qu’il tenait dans sa fiole, dans sa boite à pêche. Il se défoula comme une bourrasque violente. Le coup de tonnerre dura quelques minutes à peine. Ce qui était assez étonnant, c’était qu’un homme aussi ventru, et aussi imbibé d’alcool, aussi essoufflé, ait pu parvenir à ses fins.
Aïcha avait subi l’assaut avec fatalisme et professionnalisme. Elle ne s’affichait pas comme une musulmane traditionnelle, elle était française et vivait comme telle. Sa façon de s’habiller, son comportement lui attirait des réflexions désagréables, des humiliations, de la part de ses concitoyens maghrébins, mais la jeune femme s’en fichait. La provocation faisait partie de son organisation mentale. Tout en remettant de l’ordre sur le lit dévasté, pendant que son amant remettait son caleçon, elle lui dit :
- Tu ne vas pas pêcher ?
- Si ! Je vais y aller. La mer doit être assez haute maintenant.
Je reviendrais après l’étale.
- Essaye de ne pas ramener des kilos d’algues comme hier au soir...
- L’océan est plus calme aujourd’hui. Il ne devrait pas y avoir de problème. J’espère que cela va piquer ! ajouta-t-il.
- Je te le souhaite.
- Où est mon pull ? demanda Albert. L’air est frais à cette heure de la nuit.
- Tu l’as emporté tout à l’heure. Il doit être avec ton attirail sur la plage.
Albert avait fini de se rhabiller. Il allait sortir quand Aïcha lui précisa :
- Ferme la porte à clef, mon chéri...
- Pourquoi tu as peur qu’on te viole ? rétorqua l’ingénieur narquois.
- Aussi ridicule que cela puisse paraitre, si je sais la porte ouverte, je ne pourrais pas m’endormir.
- Bon ! Bon ! Comme tu veux... Mais bordel, cesse de dire « mon chéri » comme une femme amoureuse que tu n’es pas.
Je sais que si tu couches avec moi c’est pour mon pognon !
En définitive c’est ce qui me plaît, s’exclama-t-il.
Sur cette cynique répartie, Rochefort s’en alla tandis qu’Aïcha se recoucha. Elle marmonna des insultes en arabe et empoigna son oreiller.
Le ciel était parsemé d’une multitude d’étoiles mystérieuses. Le phare de Biarritz, sur la pointe Saint Martin, balayait, par intermittence, le trou noir de l’océan d’un rayon lumineux qui faisait ressortir des éclats d’argent des profondeurs.
Albert Rochefort, sa ligne en main, scruta la nuit. Il attendit le passage lumineux du phare, puis, brusquement, comme une ancienne loco, montée en pression, il fonça à petits pas vers l’eau. D’un violent coup de rein, le pêcheur libéra le nylon de son énorme moulinet, emporté par le plomb de cent grammes.
Les deux morceaux de calamars filèrent au-dessus des vagues.
L’odeur forte de l’appât embauma au passage ses narines.
Gêné par l’obscurité, Rochefort n’avait pas vu où était tombé son montage. Mais il connaissait suffisamment ses talents de pêcheur pour savoir qu’il avait réussi son lancer. Il renouvela l’opération pour ses deux autres cannes.
Il ne pouvait rien faire sans cloper. Il avait tout essayé pour arrêter mais sans aucun résultat. Il s’assit sur sa chaise qu’il se traînait depuis des années et qui résistait encore à son poids.
Il s’envoya une rasade de cognac, et, avec sa torche puissante, examina l’extrémité des cannes, alignées à plusieurs mètres d’intervalle. Les fils de nylon, tendus par la force du courant, du vent et des vagues, courbaient les scions avec une force constante. Les moulinets étaient libérés, prêts à laisser partir le poisson, dès la première attaque, pour éviter de casser, la hantise du pêcheur.
*
A cinq cent mètres de là, Zineb et Salma se laissèrent glisser dans l’eau noire. Vêtus de combinaisons d’homme-grenouille, ils ne prêtèrent guère d’attention à la froide température de l’eau. Zineb était un malien de belle taille et son torse, large et puissant, ne ressemblait pas à celui de son compagnon, de constitution plus malingre. Salma était un berbère, natif de Moulay Idriss. En taule, aux Beaumettes, il répétait à qui voulait l’entendre, que la sœur du prophète veillait sur lui, depuis le jour où sa mère lui avait essuyé le front avec un mouchoir, imbibé du sang d’un taureau, tailladé au niveau du cou, et que les imams de la ville avaient lâché dans les rues, lors du pèlerinage annuel, qui réunissait les croyants devant le tombeau du saint, enterré au IX° siècle. Il se vantait aussi de ne pas être d’une race bâtarde, comme Zineb qui était, par la couleur de sa peau, un représentant de ces peuples africains, esclaves des pirates arabes, à l’époque où le port d’Essaouira recelait de richesses et de canons.
Les deux compères, avaient suivi différemment le chemin de l’immigration pour se rencontrer, quelques années plus tard, enfermés dans la même cellule. Ils avaient suivi le processus classique de la misère et du racisme qui poussaient ceux, trop fragiles, laxistes et feignants, vers une délinquance de quartier pour dériver, par la suite, vers un statut plus abouti de violence et de délits aggravés. Zineb avait été écroué pour le meurtre d’une octogénaire, sans préméditation, qu’il avait cambriolée et pour d’autres faits de violence sexuelle sur d’autres femmes âgées. Un vrai taré ! Salma, de son côté, avait grandi dans le giron de la drogue. Il avait été longtemps un chauffeur de grosses cylindrées pour remonter du haschich, en provenance du Rif marocain. Il avait été emballé par les poulets dans la cité nord de Marseille, à la suite d’un règlement de compte avec de jeunes dealers. Il avait abattu un gamin de quatorze ans qui marchait sur ses plates-bandes. Un « sauvageon » qui l’avait braqué aux dires de l’avocat commis d’office qui avait plaidé la légitime défense.
En prison, Salma et Zineb avaient lu le Coran et ils avaient embrassé les babouches du radicalisé qui les avaient retournés.
L’un avait passé sous les verrous dix ans et l’autre treize.
Au début de l’année, un avocat qu’il n’avait jamais vu, était venu leur annoncer qu’ils pouvaient bénéficier d’une remise de peine, sous certaines conditions. Trop heureux, de sortir de leur trou, ils avaient accepté. D’autant que ce qu’on leur avait proposé rentrait tout à fait dans leurs cordes.
Ils palmèrent calmement entre deux eaux. Ils avaient suivi, la veille, un rapide entrainement afin de gérer l’équipement de plongée, car ils n’avaient jamais fait ça, l’un et l’autre. Zineb évoluait aisément. C’était lui qui tenait le fusil à air comprimé. Salma, moins dégourdi, nageait devant, une torche à la main et un poignard glissé dans un étui le long de son mollet.
*
Soudainement, le grelot tintinnabula. Le moulinet de la canne de gauche se mit à siffler. Rochefort, le cœur battant se leva avec vivacité de sa chaise et jeta sa cigarette qu’il venait juste d’allumer. Sous la violence du choc, la canne s’était pliée en deux. Puis une autre secousse l’ébranla à nouveau. La canne faillit filer dans la flotte. Mais Rochefort l’avait empoignée à temps. Le nylon continuait sa course folle vers le large. Le pêcheur, certain qu’il ne s’agissait pas d’un paquet d’algues mais plutôt d’une attaque d’un véritable monstre, freina son moulinet et entreprit de travailler sa prise. Debout, les jambes campées dans le sable, il commença à rembobiner lentement dans le but de fatiguer le poisson. Sous le coup de l’exaltation il se mit à brailler :
- Toi ! Ma saleté tu dois peser sacrément...
La canne pliait démentiellement. Rochefort avait beau forcer, le nylon patinait. La plage à cet endroit s’enfonçait à plus d’un mètre et, dans un remous, il aperçut soudain une ombre noire énorme.
Il s’écria :
- C’est là que tu es mon salaud !
Il comprit qu’il devait mouiller le pantalon car il ne pourrait jamais ramener un tel poisson sur le sable. Il n’avait rien sur lui pour le crocheter. Jamais il n’aurait imaginé, dans ses rêves les plus tordus, qu’un jour, il serait aux prises avec un bestiau pareil.
C’est peut-être un thon, pourvu qu’il ne me casse pas, pensa-t-il, naïvement.
Tout à coup il l’aperçut. Il était gigantesque. La bête venait de replonger dans l’écume. Une grosse vague submergea Albert et lui fit perdre l’équilibre. Il se redressa dégoulinant, mais il n’avait pas lâche la canne.
- Ce n’est pas un loup ! Ce n’est pas un loup ! cria-t-il encore afin de se galvaniser.
Puis d’un seul coup, la pression cessa et la canne se releva.
- Merde ! Il s’est barré...
La flèche en métal vint se planter dans son bide avec une force inouïe. Il comprit cependant qu’on venait de le tirer comme une baleine. Puis une autre vague l’enveloppa et le roula vers le sable. Echoué, comme un phoque assassiné, le sable ocre à peine rougi par sa blessure, il résista et tenta de se relever. Il n’en eut pas le temps. Salma avait surgi, avec la démarche comique d’un gros canard. Mais un canard meurtrier car il tenait à la main son poignard de plongée. Il sauta sur le dos de Rochefort, lui saisit les cheveux, releva sa tête et d’un geste approprié, il l’égorgea comme un mouton.
Zineb, sous le couvert de la nuit, l’avait rejoint. Au-delà de la plage on entendait de la musique et des verres s’entrechoquant que le barman de la buvette installait sur son plateau. Des rires et des voix de jeunesse firent la nique à la faucheuse qui était venue prendre livraison de l’ingénieur. Le malien dit à son complice :
- Aide-moi, on va rire...
Les deux hommes-grenouilles réajustèrent leur masque et leur tuba, et repartirent dans l’eau en traînant avec eux le cadavre qui se vidait toujours de son sang. A l’abri, à plusieurs mètres de profondeur, ils dénudèrent à grands coups de lame le corps de leur victime, accrochèrent l’énorme trident qui avait perdu ses calamars à sa bouche et regagnèrent la petite crique d’où ils étaient partis, en riant silencieusement, comme des diables, sous leur masque de caoutchouc.
A sept heures du matin, c’était marée basse. Le soleil tardait à se montrer. De lourds nuages gris somnolaient au-dessus de l’océan qui grondait gentiment. La saison démarrait à peine.
Le barman, chaque jour, entreprenait de ramasser les canettes de bière et autres bouteilles que certains abandonnaient la nuit sur la plage. La présence de la première canne sur le sable le surprit et il se dit qu’il avait gagné sa journée... Rien que le moulinet valait une petite fortune ! Puis il aperçut la seconde et la troisième qui se baladait beaucoup plus loin sur le sable.
Celle-ci avançait, reculait, au gré des vagues qui léchaient le rivage beaucoup plus bas. Le jeune gars comprit qu’il y avait encore un poisson au bout. Quant au pêcheur, il se doutait qui il était et connaissait la descente hors norme que ce mec avait.
Aussi, il se contenta de saisir la canne pour ramener le poisson, en pensant que Rochefort éclusait dans son bungalow dans les bras de sa meuf. Heureusement la mer remontait et cela l’aida.
Quand il vit le cadavre émerger de l’écume, il sut qu’il avait perdu un très bon client.
Le jeune lieutenant de la police judiciaire était ennuyé. Face au cadavre de Rochefort, il restait dubitatif. Pendant que le légiste faisait ses premières constations, la résolution de cet acte de barbarie allait être difficile. La plaie béante au cou qui lui souriait d’un sourire macabre et délavé par l’eau salée le laissait perplexe. Mais pas autant que le harpon planté dans son ventre dodu. L’homme était nu. Il avait été dépouillé de ses vêtements. On avait retrouvé son pantalon sur la berge. Il était emberlificoté dans un amas d’algues et de saletés venues du large. A l’évidence, ce n’était pas une bonne affaire pour le groupe d’investigations dont il faisait partie. Son boss, le commandant Leblanc, lui avait donné carte blanche car ils étaient surchargés de boulot. Tu parles d’un bizutage !
Romain Bonhoure était natif de Toulouse. Il était sorti depuis peu de l’école nationale supérieur de l’école des officiers de police à Cannes Ecluse. Après la réussite au concours, il avait fait ses dix-huit mois de formation. Dès sa titularisation, et en compensation, il était dans l’obligation de rester au service de l’état, quatre années, avant d’envisager de changer de métier.
Ce qu’il n’avait pas l’intention de faire... Mais quand même, pensa-t-il, il ne s’attendait pas à tomber sur une affaire si complexe dès le début de sa carrière.
La scientifique se pointa. Un technicien mitrailla la scène. Le juge, détaché par le procureur de Biarritz, était en train de se garer sur le parking de l’hôtel. Après une poignée de main et un rapide échange sur la situation, le jeune officier et le juge, qui avait de la bouteille, se séparèrent. Romain attendit que le corps soit emballé et partit en direction de l’hôtel. Il avait déjà vu le barman et cela ne lui avait rien appris. Excepté l’identité de la victime, un dénommé Rochefort. Celui-ci avait loué un bungalow à l’hôtel et sa meuf était un canon. En remontant la plage, Bonhoure se demanda comment l’assassin avait-il fait pour ferrer, comme un poisson, sa victime ?
Le patron était derrière sa caisse enregistreuse. Il leva la tête et regarda le lieutenant par-dessus ses lunettes. Il s’appelait Bob Leborgne. Il avait cinquante-trois ans. Romain hésitait ce qui était peu habituel pour un flic. Sauf que lui débutait. Après les salutations d’usage, il demanda :
- Vous connaissiez la victime, m’a dit votre employé.
- Oui, il avait loué un bungalow pour une huitaine de jours.
- Il était marié ?
- Je ne crois pas... Mais il y avait une jeune femme avec lui...
Elle dînait le soir en sa compagnie... Le matin, elle fichait le camp. Beaucoup plus jeune que lui et différente...
- Vous voulez dire quoi par-là ?
- C’était une arabe. Au demeurant très sexy. Pas comme celles qui portent ce foutu foulard, si vous voyez ce que je veux dire...
Le jeune officier voyait très bien et il évita de s’aventurer sur ce terrain. Il poursuivit :
- Vous connaissez son identité ?
- Non !
- Et hier soir vous l’avez vue ?
- Oui. Elle a dîné avec monsieur Rochefort. J’avais remarqué que leur discussion était très limitée. Généralement, elle s’en allait ensuite au bungalow et lui passait une partie de la nuit à pêcher. C’est ce qui s’est passé hier soir.
- Que faisait votre client dans la journée ?
- Il se levait tard. Ensuite, il déjeunait, prenait dans la foulée l’apéritif et il était le premier à mettre les pieds sous la table...
Un sacré appétit ! Après, il faisait la sieste dans son bungalow et, au milieu d’après-midi, il rappliquait et recommençait à se taper des bières jusqu’au retour de la poupée.
- De vraies vacances en sorte !
- Si on peut dire, ponctua le patron.
- J’imagine que la fille n’est plus là ?
- Elle est montée dans son Austin vers les sept heures.
- Le corps a été découvert une demi-heure après... Elle est partie sans s’inquiéter de l’absence de son ami ? Elle avait l’habitude de s’en aller si tôt ?
- Non ! D’habitude elle filait vers les neuf heures.
Romain demanda les clefs du studio et laissa le patron pour aller le fouiller. Il longea la belle eau turquoise du bassin, au fond duquel un robot s’activait La chambre à coucher était défaite. Les draps étaient retournés. La couette en boule sur le lit. La salle de bain était nickel. Il lorgna dans la poubelle mais il n’y avait rien. Bob Leborgne n’avait pas pu résister à la curiosité. Il avait rejoint Romain.
- Vous pensez qu’elle y est pour quelque chose ? questionna-t-il, à brûle pourpoint.
- Non je ne pense pas. L’assassin a opéré d’une façon assez particulière.
- Comment cela ?
- Je ne peux pas vous en dire plus. Vous pouvez me décrire mieux la fille ? Je dois la retrouver...
- Jeune, jolie, effrontée, et bronzée. Avec un cul de première s’empêcha-t-il de préciser.
Le portable du lieutenant Bonhoure se mit à vibrer. Une voix résonna dans la pièce car le son était au maxi. Le commissaire divisionnaire était furax. Bob Leborgne ne perdit pas un mot de la conversation.
- Je viens d’être prévenu par le procureur. Qu’est-ce que c’est que cette histoire de cadavre au bout d’une ligne ? Où en êtes-vous ?
- Bien, j’avance monsieur... J’ai établi qu’il avait une jeune maîtresse. J’ai son signalement et je pense que...
- Il faut en savoir plus sur ce type.... Allez grouillez-vous lieutenant et tâchez de trouver une explication à ce méli-mélo avant que les médias en fassent leurs choux gras. Je n’ai pas envie que les parigots viennent nous faire chier chez nous.
Romain raccrocha. Les nouvelles circulaient vite ce matin. Il se demanda qui avait bien pu avertir le directeur. Il n’y avait pas encore une heure que le corps du mec avait été découvert. Ce n’était certainement pas son commandant qui l’avait fait.
Les deux hommes ne se saquaient pas. La mauvaise humeur de son supérieur devint la sienne. Il rejoignit sa voiture et téléphona au commissariat, au trois rue Barthou, à Biarritz.
Rochefort se prénommait Albert. Il avait cinquante-deux ans et il était ingénieur électronicien. Il habitait à Bayonne depuis deux ans et il était célibataire. Il avait passé plus de vingt ans chez Total. Il avait démissionné pour un nouveau poste dans une autre firme. Une société pétrolière française où Total avait cependant des actions mais n’était pas majoritaire. Rochefort avait été affecté, depuis sa mise en œuvre, à une plate-forme pétrolière flottante qui tirait l’or noir à plus de 4000 mètres de profondeur, au large des côtes française. Cette nouvelle plate-forme avait la particularité d’être un ancien tanker. Total avait déjà utilisé la même technique au large de l’Angola. Ce tanker réaménagé, pouvait stocker dans ses soutes plus d’un million de barils brut, c’est-à-dire de quoi alimenter un pétrolier tous les dix jours.
Le jeune lieutenant démarra. La prochaine étape était d’aller fouiller l’appartement à Bayonne.
La perquisition eut lieu au milieu de l’après-midi. Romain était accompagné par des fonctionnaires en uniforme. Ils y trouvèrent une femme de ménage qui possédait les clefs et qui passait l’aspirateur. C’était un vaste appartement qui donnait sur l’Adour. Il était meublé luxueusement. Ils trouvèrent un ordinateur Apple qui fut saisi. Romain, en feuilletant l’agenda de Rochefort, dénicha un numéro de téléphone et un prénom, une certaine Aïcha... Il eut l’intuition que cette fille-là pouvait être celle du bungalow. Il fit son numéro. La voix féminine qui lui répondit était celle de la jeunesse. Elle accepta de le voir et lui donna son adresse. Elle logeait à Anglet.
Quand le carillon de son coquet appartement, face à l’océan, retentit, elle quitta la terrasse où elle faisait du rangement en prévision de la pluie qui était annoncée. Le policier désirait lui parler de Rochefort. Aïcha ouvrit la porte. Elle referma vite l’échancrure de son déshabillé diaphane noir qui avait dévoilé un corps superbe, au jeune homme, brun, les cheveux rasés au niveau de la nuque, avec une veste en lin étriquée sur un blue-jean, les yeux clairs dans un visage bronzé, rectangulaire d’un superman méditerranéen, qui se tenait sur le palier.
- Mademoiselle Osman ? je présume, dit Romain.
- Oui c’est moi ! Excusez ma tenue mais j’allais sortir et je ne suis pas encore prête.