L'amour fou ou la mort du fou - Pierre Dabernat - E-Book

L'amour fou ou la mort du fou E-Book

Pierre Dabernat

0,0

Beschreibung

Ces poèmes et ces chansons qui datent de la jeunesse de l'auteur sont, à l'évidence, le socle sur lequel il a bâti la suite de tous ses romans. "L'amour fou" est une déclaration écrite avec la sensibilité et les doigts de ces années-là. "La mort du fou" est une approche humoristique de la mort lors de la catastrophe terrible de l'AZF à Toulouse le 21 septembre 2001. Entre ces deux poèmes c'est tout le monde imaginaire de Pierre Dabernat qui ouvre petit à petit la porte sur son monde intérieur et fantasque. Certains poèmes sont aboutis tandis que d'autres ont conservé la spontanéité de l'époque. A la fin du recueil le lecteur trouvera quelques partitions qui ont eu la chance de traverser le temps.

Sie lesen das E-Book in den Legimi-Apps auf:

Android
iOS
von Legimi
zertifizierten E-Readern

Seitenzahl: 97

Veröffentlichungsjahr: 2018

Das E-Book (TTS) können Sie hören im Abo „Legimi Premium” in Legimi-Apps auf:

Android
iOS
Bewertungen
0,0
0
0
0
0
0
Mehr Informationen
Mehr Informationen
Legimi prüft nicht, ob Rezensionen von Nutzern stammen, die den betreffenden Titel tatsächlich gekauft oder gelesen/gehört haben. Wir entfernen aber gefälschte Rezensionen.



J'ai écrit ces vers il y a longtemps

A l'aube de ma vie

Du temps de ma jeunesse

Ma jeunesse qui dure encore

Puisque je ne suis pas mort

Pour Rosita et Sariane mes filles

mercredi 7 mai 2008

Du même auteur chez Bod

La 403

Les sorciers de Tinerghir

Mirida et le collier de l'existence

Le dernier des adultes

Martix l'humain et Martix la mécanique

Les cinq mains de Dieu

Putain d'oiseau (polars)

La naissance d'un commissaire

Les flèches dans le cœur

Le clodo des Carmes

Entre Matabiau et Saint Sernin (nouvelles)

Table des matières

La fille de joie

Le poteau téléphonique

La droguée

Les crayons de couleur

Maria

L'amour fou

Je suis de ceux qui disent

Je suis libérable

Tire-toi le marin

Il n'y a pas pire monsieur

Le vieux cimetière

La vie du mauvais côté

Le père Louis

Quand je me suis perdu

Toi ma vie quotidienne

Il me manque des mots

Il ou elle

Dans la ville

Les petits refrains

Le retour gare Matabiau

Sarah

Dis-ma fée

Un beau jour de mai

Sur les bords des chemins

Le guitariste

La fin du monde

Moi et moi

Les semeurs de douleur

Le mal léché

Dis-moi

Ma terre

Le réveil du chasseur alpin

Plus tard mon visage

Pourquoi

Le lit

Le chien

Vénus

Le bouquet de personnes

Les élections

L'ordinateur

Le trou

Le billet

Le petit arbre

La mort du fou

Mon tout petit enfant

Clochette

Où êtes-vous ?

Que dire ?

Si tu crois

Invitation

Soirée

Il faut les aider

Quand je serai heureux

Ma ville natale

Le juge

Je tombe

Samedi soir

Mes copains

Un cri

Déclaration d'amour de Chiquita

Mes poèmes

A tous les hommes

Derrière la fenêtre

Foule

L'idée

Je me souviens c'était comme ça

J'ai envie de prendre

Mon crocodile

Maroc

Ne plus être le même

Le nain

Naissez et grandissez

Le nouveau jeu

La télévision

Un dieu

Et zut et merde

La fille de joie

Sur le pas de sa porte, belle et troublante comme

Son parfum odorant, maquillée, provocante,

Accrochant le regard brillant de tous les hommes

Qui défilaient sans cesse la poitrine battante.

Elle avait les cheveux aussi noirs que ses yeux

Qui lançaient des éclats de fiers défis brûlants

Capables d’ébranler même le cœur de ceux

Qui n’ont jamais osé suivre un jour leur élan.

Son chemisier ouvert, aussi bas que son ventre,

Exhibait les deux seins à toute l’avenue,

Et dans ce nid, blottie, gardienne de cet antre,

Une perle d’argent dormait sur la peau nue.

Une jupe en soie blanche, fendue jusqu'à mi-cuisse,

Donnait à ses deux jambes, de noir toutes gainées,

Un don fou d’exciter pour que l’homme ne puisse

Livrer trop dur combat à son porte-monnaie.

La fenêtre donnait sur son coin de trottoir.

Quand ma mère croyait que j’étais dans mon lit,

Sur la pointe des pieds, je longeais le couloir

Pour aller contempler cette fée si jolie.

Du haut de mes dix ans je l’appelais ma reine.

Sur le carreau gelé, où j’écrasais mon nez,

Je croyais qu’elle était venue comme marraine

Se pencher sur mon front le soir où je suis né.

Je savais qu’on l’aimait beaucoup dans le quartier

Et je vis même un soir mon père lui parler,

Et grimper avec elle dans le grand escalier

Où seuls les grands étaient autorisés d’aller.

Les années s’écoulèrent et je grandis méchant.

Très vite j’ai compris pourquoi les jours de froid

Elle demeurait quand même, grelottante, aguichant

Les hommes qui passaient devant elle bien droits.

Et malgré la laideur du temps impitoyable,

Elle restait toujours, désirable, excitante...

Tous mes rêves de gosse, je sais c’est pitoyable,

Glissèrent sur la pente des amours haletantes.

Un soir de mes vingt ans, le môme a étouffé.

Elle savait très bien qu’en moi viendrait l’envie

De coucher avec elle et c’est ce que j’ai fait

Mais ce jour-là ce fut le plus gris de ma vie.

Refrain :

Au clair de la lune tu brûlais ta vie,

Au clair de la lune pour ceux qui avaient envie

Au clair de la lune tu remplissais le cœur

Au clair de la lune d’un enfant rêveur.

Grenoble 22 Août 1974

Le poteau téléphonique

Il est là, toujours droit, taillé dans de l’érable,

Dans le creux du fossé, sur le bord du chemin,

Et son corps tout ridé, honteux et misérable,

Tant qu’il le peut résiste à l’oubli des humains.

Il y a déjà longtemps qu’il ne sert plus à rien

Et les fils qu’il portait, qui le rendaient si fier,

Ont fini arraché par les mains d’un vaurien

Et personne n’a su tout ce qu’il a souffert.

Il connaissait par cœur les habitants du coin

Qui souvent se parlaient avec leur téléphone,

Et lui, il écoutait, il était le témoin,

De la vie quotidienne de toutes ces personnes.

Il avait un copain. C’était un vieux pylône,

Beaucoup plus haut que lui, qui avait pour mission

D’éclairer devant lui, de sa lumière jaune,

Un bout d’obscurité sans grande prétention.

Maintenant il est seul gardant comme un trésor

Les signes qu’autrefois les jeunes amoureux

S’amusaient à graver, sans trop faire d’effort,

Car son bois était tendre et n’était pas véreux.

Ce n’est plus qu’un mendiant qui implore pitié.

Il est sale et durci, mangé par mille vers,

Mais toujours, face au temps, refuse de plier

Et la lutte acharnée reprend à chaque hiver.

Quand le printemps est là il peut se reposer,

Car, là-haut, le soleil est toujours son ami.

Il reprend quelques forces pour ne pas s’écraser

A la première charge lancée par l’ennemi.

Il connaît bien sa force. Il sait qu’il peut tenir

Encore des années mais peut-il se douter,

Ce vieux tronc ravagé, qu’il va bientôt finir

Sur le gros tas d’ordures de la grande cité ?

Mon bulldozer avance mais dans mon cœur j’ai froid

Car je vais arracher vingt ans de souvenirs...

Je me revois encore, amoureux, maladroit,

Retraçant nos deux noms comme pour nous unir.

Je n’ose même pas descendre et regarder

Et mes deux mains qui tremblent essayent, mais en vain,

D’arrêter la machine qui ne va pas tarder

A balayer d’un coup ce beau jour si lointain.

Ramonville Saint Agne Janvier 1972

La droguée

La veine, ce ruisseau, en d'ignobles endroits,

Trouée comme un tuyau par dix doigts maladroits,

Une aiguille qui perce la peau tendre écorchée,

Et des larmes qui percent d’une pauvre accrochée.

L’image m’emprisonne... Souvenir consterné…

Pascale jolie môme et tes grands yeux cernés…

Brusquement se déchire le plaisir qui se cogne

Dans un cœur de cachemire qui se bat et qui grogne.

Puis l’envol dans les nues, pour un très long voyage

Dans un rêve inconnu et sans autre bagage

Qu’un sourire béat, et figé pour une heure,

Qui pour elle sera l’évasion, le bonheur.

Ses deux bras sont des pinces, sémaphores tragiques

Qui s’agitent et qui grincent sur un ciel magnifique,

Tandis que dans sa gorge, dans son corps si gracile,

Le poison se rengorge d’un assaut trop facile.

Marrakech et Séville, Athènes et Katmandou,

Elle revoit ces villes, ces visages si doux,

Ces chambres enfumées, la nuit quand il fait tard

Sur des copains vautrés à fumer le pétard.

Souviens-toi de Martine qui serrait le garrot

Préparant l’héroïne sous des airs de robot.

Puis le sang qui s’étire dans la seringue pleine

Démontrant que l’on tire du premier coup la veine.

Et le flash merveilleux qu’elle a dû ressentir,

Puis le flip silencieux pour ne plus atterrir

Avant de s’en aller, d’une bonne overdose,

Lèvres noires et gonflées, digne mort d’une rose.

Pascale maintenant tu bousilles ta vie.

Tu t’en fous, c’est marrant ! Et tu crèves ravie…

Je suis là comme un arbre, je m’agite en plein vent.

Dans mon cœur c’est du marbre. Est-il mort ou vivant ?

Grenoble 24 Janvier 1974

Les crayons de couleur

Hier soir j’ai découvert sous un vieil escalier,

Un bout de mon enfance, souvenir d’écolier,

Des crayons de couleur qu’on m’avait achetés

Dans une boite en fer, maintenant à jeter.

Je m’assis sur les marches accusant le réveil

De mes jeunes années après ce long sommeil.

Je me revis gamin, croquant du chocolat,

Et dans la cour d’école au cœur d’un pugilat.

Les crayons oubliés n’avaient guerre servi.

J’étais trop occupé à gaspiller ma vie.

Je ne les aimais pas, ils n’étaient que babioles

A mes yeux extasiés devant les gaudrioles.

Ainsi toute ma vie, ma vie de chemineau,

Doucement est partie glissant comme un traîneau

Sur la neige du temps, immobile, éternelle,

Jamais je l’ai sentie si proche sentinelle.

Au lieu de m’inquiéter, de la faire voyager,

De lui trouver quelqu’un et de la soulager,

Dans les minces plaisirs des caves enfumées

Je l’ai vite oubliée, comme à l’accoutumée.

Mes crayons de couleur, bien rangés, affûtés,

Se demandent comment ai-je pu les quitter ?

Mais personne ne sait pourquoi j’ai trébuché

Sur tous les gros cailloux que mes souliers touchaient.

Je crois que je n’ai pu aucune femme aimer.

Celles que j’ai couchées avaient la renommée

D’avoir le cœur ouvert à tous ceux qui voulaient,

Pour quelques pièces d’or acheter leur beauté.

La nuit qui me connaît me voit toujours tenace,

Éternelle habitude, dégradante et vorace.

Ma joue est balafrée, mon corps est imbibé

Par l’alcool qui me tue et me tient tout courbé.

Adieu mes beaux crayons. Arrêtez de pleurer !

Ce n’est pas maintenant qu’il fallait m’éclairer.

J’attends sans impatience qu’enfin ma vie s’abrège,

Inutile fardeau, sans rien qui la protège.

Toulouse 20 Janvier 1973

Maria

Habillée de guenilles, de vieilles espadrilles,

Dans le froid des Pyrénées, en mère, en fille aînée,

Tes frères et tes sœurs et la guerre dans le cœur,

Sur l’Espagne tu pleurais, aux gens tu déclarais :

Refrain

Plus la peine de se tuer, on va tous y passer !

Qu’on soit blanc ou qu’on soit rouge,

La mort tape dans tout ce qui bouge.

Plus la peine de geindre, on va tous te rejoindre !

C’est la seule égalité que Dieu a su trouver.

Puis tu fis connaissance de mon pays la France,

Bidonvilles, barbelés, ce qu’il y a de plus laid.

Dans les rues de Toulouse, Maria, belle andalouse,

Tu étais la plus gaie sans avoir oublié.

Ta maison misérable n’avait rien de minable.

J’ai vu même des anciens y pleurer sur ton sein.

Tu donnais à croquer à ceux qui débarquaient

Ton dernier bout de pain sans penser à demain.

Tes exploits de guerrière, d’anarchiste écolière,

Sur accord de guitare me reviennent en mémoire.

Puis un jour de tristesse, par oubli, maladresse,

Un docteur t’a rayé de la liste « Réfugiés ».

Maria, tu étais la vie, ta force me fait envie.

Dans mon espace carré, mon futur préparé,

Avec ton souvenir, ton image, ton sourire,

M’arrive de retourner au village où t’es née.

Toulouse 1973

L'amour fou

L’amour fou est un souffle qui s’engouffre en ton cœur.

Il balaye l’ennui qui t’empêche de vivre.

L’amour fou c’est un voile qui étouffe la peur

De la mort solitaire, froide comme le givre.

C’est un bel oiseau blanc qui découvre l’air pur,

Poussé par la folie du vent désordonné.

Rien ne l’effrayera. Il vole vers l’azur,

Évitant les remous des villes sinistrées.

C’est l’unique vaccin contre ce foutu monde.