Arendt en 60 minutes - Walther Ziegler - E-Book

Arendt en 60 minutes E-Book

Walther Ziegler

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Hannah Arendt est considérée, à raison, comme la philosophe la plus importante au monde. Aucune autre penseuse, aucun autre penseur n'a vécu d'aussi près l'époque du totalitarisme et en même temps ne l'a analysée avec autant de détachement et de précision. Ses thèses sur le " règne de Personne " et sur la " banalité du mal " ont provoqué et provoquent aujourd'hui encore beaucoup d'émoi. Dans notre société de masse moderne, nous dit Arendt, nous obéissons beaucoup trop à l'autorité anonyme et n'assumons nous-mêmes plus aucune responsabilité. Un exemple emblématique du " règne de Personne " dans l'histoire est, d'après Arendt, le comportement d'Adolf Eichmann, fonctionnaire et chef de division sous le gouvernement national-socialiste, connu pour avoir invariablement suivi les instructions de l'Office central de la sûreté du Reich. Sur ordre de ses supérieurs, il a organisé le transport de millions de Juifs vers les camps de concentration et d'extermination. Arendt est présente au procès d'Eichmann pour crimes de guerre et y fait une découverte stupéfiante. Contrairement à ce que tout le monde prétend, Eichmann n'est ni un démon, ni un monstre sadique. Bien au contraire, selon Arendt :" L'ennui, avec Eichmann, c'est précisément qu'il y en avait beaucoup qui lui ressemblaient et qui n'étaient ni pervers ni sadiques, qui étaient, et sont encore, terriblement et effroyablement normaux. " C'est à ce point de ses réflexions qu'Arendt formule sa thèse de la " banalité du mal ", une thèse controversée mais sans aucun doute brillante. Car c'est bien la mentalité " banale " d'Eichmann, uniquement préoccupé par le fait d'accomplir son devoir, et celle de millions d'autres, qui ont rendu possible le règne de terreur du national-socialisme. De nos jours encore, nous sommes bien trop serviles. Mais chaque citoyen se doit d'être en mesure de penser et d'agir, si nécessaire, à l'encontre de toutes les lois, règles et ordonnances étatiques - voilà l'exigence d'Arendt. Mais à quoi ressemble une telle pensée autonome ? Que cela signifie-t-il concrètement, de refuser d'obéir au " règne de Personne " ? Devons-nous introduire une nouvelle matière scolaire, dans laquelle nos enfants apprendront à se méfier des instructions de l'État et, le cas échéant, à refuser de s'y soumettre ? Y a-t-il un Eichmann en chacun de nous ? Hannah Arendt donne à ces questions des réponses claires et tranchées. Cet ouvrage est paru dans la collection à succès " Grands penseurs en 60 minutes ".

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Merci à Rudolf Aichner pour son infatigable travail de rédaction critique, à Silke Ruthenberg pour la finesse de son graphisme, à Angela Schumitz, Lydia Pointvogl, Eva Amberger, Christiane Hüttner, Dr. Martin Engler pour leur relecture attentive, et à Eleonore Presler, docteur en philosophie, qui a effectué une dernière relecture linguistique et scientifique du texte français. Je remercie aussi monsieur le Professeur Guntram Knapp à qui je dois ma passion pour la philosophie.

Je tiens à remercier tout particulièrement mon traducteur

Frédéric Balmès

Table des matières

La grande découverte d’Arendt

La pensée centrale d’Arendt

Les origines du totalitarisme

L’idéologie totalitaire comme finalité de l’histoire

L’élément central du totalitarisme : La mise au pas par la terreur

La

vita activa

et le niveau le plus élevé de l’activité humaine

Le cas Eichmann et la « banalité du mal »

Percer à jour la légende du monstre démoniaque et la remplacer de façon constructive

À quoi nous sert la découverte d’Arendt aujourd’hui ?

Arendt a-t-elle raison : La « banalité du mal » menace-t-elle encore aujourd’hui notre démocratie ?

L’expérience de Milgram : À quelle vitesse abandonne-t-on ses principes moraux ?

Les limites du légalisme et le devoir de résistance

L’héritage d’Arendt : Ne jamais confier à l’État seul le pouvoir de penser !

Index des citations

La grande découverte d’Arendt

Hannah Arendt (1906-1975) est considérée, à raison, comme la philosophe la plus importante au monde. Aucune autre penseuse, aucun autre penseur n’a vécu d’aussi près l’époque du totalitarisme et en même temps ne l’a analysée avec autant de détachement et de précision. Son propos sur la démocratie a conservé jusqu’à aujourd’hui son caractère brûlant.

L’œuvre principale d’Arendt, Les origines du totalitarisme, est sans aucun doute étroitement liée à sa biographie. Née allemande dans une famille juive à Königsberg, elle lit Kant dès quatorze ans. À dix-huit ans, elle part étudier la philosophie à Marburg auprès de Heidegger, dont elle tombe amoureuse et avec qui elle entame bientôt une liaison passionnée. Le professeur de philosophie, déjà marié, confessera plus tard qu’elle avait été « la grande passion de sa vie ».2

Voir son amant entrer de son plein gré au parti national-socialiste (NSDAP) en 1933 a dû être d’autant plus incompréhensible et douloureux pour Arendt. Elle coupe alors tout contact. À peine quelques mois plus tard, elle est arrêtée par la Gestapo à cause de ses origines juives et interrogée. Après sa libération, elle s’enfuit en France, où elle est envoyée dans un camp d’internement en 1940. Elle parvient cependant à s’enfuir et à rejoindre Lisbonne puis à émigrer aux États-Unis. Elle s’y construit une nouvelle existence comme journaliste et scientifique et obtient quelques années plus tard la nationalité américaine.

Après la fin de la guerre, elle pose la grande question : comment l’horreur du régime nazi a-t-elle pu se produire ? Elle résume ses réflexions dans son ouvrage The Origins of Totalitarianism, qui la rend rapidement célèbre dans tous les États-Unis. L’édition allemande Elemente und Ursprünge totaler Herrschaft provoquera également beaucoup d’émoi et fera d’elle la philosophe politique la plus importante de l’Allemagne d’après-guerre.

Sur plus de mille pages, elle y étudie les éléments communs au national-socialisme et au stalinisme et les raisons communes qui ont pu les rendre possibles. Mais Les origines du totalitarisme est bien plus qu’un simple ouvrage de référence en théorie politique. Arendt y formule son concept philosophique fondamental, qui encore aujourd’hui nous interpelle et que chaque démocrate se doit de connaître. Elle définit la « société de masse », la « désolation » et met en garde face au « règne de Personne » :

Par « désolation » ou « acosmisme », Arendt entend un phénomène qui a un impact profond sur l’homme moderne, à savoir le fait que celui-ci, contrairement aux générations précédentes, n’est plus ancré aussi solidement dans les concepts de famille étendue, de corps de métier, de guilde, de groupe social ou de communauté. Au lieu de cela, il vit souvent, en tant que travailleur interchangeable ou qu’employé, coupé de toute attache, dans des mégapoles anonymes. Selon Arendt, suite à la révolution industrielle et à une forte croissance démographique, un tout nouveau modèle de société est apparu, appelé « société de masse ». Depuis le début du 20e siècle, l’homme se sent vulnérable, interchangeable et superflu :

Il y a eu en effet, comme le constate Arendt, une explosion démographique considérable au tournant du 20e siècle. Rien que sur le territoire de l’Empire allemand, le nombre d’habitants a été multiplié par dix entre 1750 et 1910, passant de six millions à soixantecinq millions. Une urbanisation sans précédent a eu lieu et des masses humaines ont commencé à se concentrer dans les métropoles. Des instances d’un genre totalement nouveau, extrêmement efficientes, ont été créées de toutes pièces, afin d’administrer et de diriger une population grandissant à toute vitesse. L’individu bourgeois, jadis fier de son statut, n’a plus été en mesure de donner le ton, il s’est retiré ou s’est fondu dans la masse de la population industrielle. L’expérience du chômage, le sentiment d’impuissance et de complète interchangeabilité ont déferlé sur des pans entiers de la société.

Et c’est précisément ce sentiment général d’inconsistance, d’après Arendt, qui a formé le terreau du national-socialisme et du stalinisme. Car, selon sa thèse, les masses déracinées tendent, d’un point de vue structurel, à se tourner vers des idéologies qui promettent de donner un nouveau sens à leur vie et d’accéder à une meilleure estime de soi. Staline a promis aux masses la révolution internationale et un futur dans lequel les travailleurs vivraient dans un paradis socialiste, Hitler un Grand Reich Germanique millénaire et la domination de la race aryenne. Ces idéologies proposent de remplacer le « désarroi » par une nouvelle sécurité, encadrée par des organisations de masse et des groupes paramilitaires. Grâce aux médias de masse et à la violence d’État, les citoyens sont amenés à suivre sans condition l’idéologie en question, pour finir par abandonner toute réflexion individuelle :

Le diagnostic d’Arendt sur la vulnérabilité de la société de masse moderne face à ces idéologies et sur le « règne de Personne » est d’autant plus brûlant qu’il ne porte pas que sur les dictatures du 20e siècle, mais également sur nos démocraties actuelles.

En effet, nous faisons encore aujourd’hui l’expérience du « règne de Personne » et du sentiment de « désolation ». Certes, dans la plupart des pays occidentaux sont organisées de loin en loin des élections, lors desquelles des représentants politiques sont choisis, mais les citoyens eux-mêmes ne décident plus activement de rien. La plupart du temps, lorsqu’un nouveau parti arrive au pouvoir, seuls les ministres sont remplacés, tandis que les tentaculaires bureaucraties et ministères continuent de travailler de la même manière. Ils nous administrent et nous dirigent tout au long de notre vie – de l’acte de naissance à la mise à la retraite en passant par l’instruction obligatoire, le permis de conduire, l’avis d’imposition, les cotisations sociales, les nouvelles dispositions légales à chaque nouvelle année, les limites de vitesse sur les routes et les indemnités de chômage.

Arendt tire de ces réflexions une conclusion radicale. Dans notre société de masse, le citoyen adulte, capable de prendre des décisions et d’en être responsable, est remplacé par le « règne de Personne ». Cela signifie que des instances impersonnelles et anonymes édictent des lois et des règlements que nous acceptons sans réfléchir. Et ce n’est pas tout : nous considérons ces règlementations de la vie en communauté dans nos agglomérations compactes comme nécessaires et tout à fait normales. Mais le « règne de Personne » est loin d’être aussi inoffensif qu’il n’y paraît :

Puisque nous sommes habitués, depuis l’enfance, à suivre les injonctions de l’administration, de la police et de l’État, nous le faisons également lorsque ces injonctions sont abusives, injustes, voire inhumaines.

Un exemple emblématique du « règne de Personne » dans l’histoire est, d’après Arendt, le comportement d’Adolf Eichmann, fonctionnaire et chef de division sous le gouvernement national-socialiste, connu pour avoir invariablement suivi les instructions que lui donnait son ministère. Sur ordre de ses supérieurs, il a organisé le transport de millions de Juifs vers les camps de concentration et d’extermination. Son exemple est représentatif des milliers de fonctionnaires administratifs, d’employés des chemins de fer, de juges, de policiers et d’autres citoyens qui ont soutenu activement le national-socialisme et ont cherché plus tard à se justifier en déclarant n’avoir fait que suivre les ordres et obéir aux lois. Eichmann n’était pas un cas isolé :