Clovis - Christophe Stener - E-Book

Clovis E-Book

Christophe Stener

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Beschreibung

Dans ce quatrième tome de Djihad 4.0, Malik Benamar, lieutenant de la DGSI, va mettre à jour un triple complot contre le Pape François à l’occasion de sa visite pastorale en France. Le Saint-Père est visé par un attentat kamikaze de Daech mais aussi par la folie d’un prêtre sédévacantiste tandis qu’un prêtre pédophile imagine se faire réintégrer dans l’église par un simulacre d’attentat. Le destin croisé de trois jeunes gens, Clothilde, qui prend le voile, fuyant l’amour de Martin qui s’engagera dans un groupuscule ultranationaliste catholique intégriste sous le nom de Clovis et Odile, ex scoute, convertie au radicalisme islamique, rencontre le chemin du pape du XXIe siècle venu adresser la Fille aînée de l’église, en cette fin de Jubilé de la Miséricorde, causant quelques remous à quelques mois de l’élection présidentielle.

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Sommaire

Jamboree

Clovis

Clothilde

Désir et frustration

Ordalie

La nuit de Saint Antoine

Scouts marins

Durendal

Scouts intégristes

Rocamadour

De delictis gravioribus

La vengeance du prêtre renégat

Odile

François Hollande, Chanoine de Latran

Durendal

Lettre de Martin à Clothilde

Réponse de Clothilde à Martin

Lettre de Martin à Clothilde

De la Mère supérieure du couvent ** à Mgr**

Zonzon

Leila

Protocole pontifical

Via Dolorosa

Mehmet Ali Agca

Femen vs Civitas : 0-0

L’abbé Tradoct

Odile

Alerte

Malik

Game over

Veillée d’attentat

Saint-Martin, protecteur de la France

Epilogue

Jamboree

Mai 2013

Ce 10 mai 2013, Philippe Tradoct, jeune prêtre, ordonné depuis un mois seulement, vérifia son havresac. Chef de groupe scout du groupement du Clan Saint-Benoît du Groupe Georges Cadoudal, il allait conduire sa troupe de routiers sur le chemin de Chartres. Le pèlerinage organisé, comme à chaque Pentecôte, par l’association Notre-Dame de Chrétienté, réunirait quinze mille croyants dont plus d’un millier de scouts catholiques.

« Tu es sacerdos in aeternum » (tu es prêtre pour l’éternité) avait chanté le chœur pendant son ordination par l’évêque. Tradoct se sentait investi d’une mission divine pour guider les pas des jeunes scouts chrétiens, lui l’ancien chef de groupe.

Le groupe Georges Cadoudal, le GC, dans le jargon d’acronymes cryptiques scout, se targuait d’être le plus pur et aussi le plus dur. Le plus pur, car, n’acceptant aucune concession au modernisme coupable introduit, selon eux, par le concile Vatican II, il était affilié à la FSSPX, La Fraternité sacerdotale Saint-Pie-X, la ‘pieuse union’ de prêtres catholiques intégristes, incarnée en France par monseigneur Marcel Lefebvre, évêque schismatique décédé en 1982. La publication du Motu Proprio Summorum Pontificum du pape Benoît XVI en 2007 réaffirmant qu'il n'existe qu'un seul rite romain, dont deux formes peuvent légitimement être employées au sein de l'Église : une « forme ordinaire » et une « forme extraordinaire », avait provoqué une division irréconciliable au sein du mouvement scout catholique ; les Scouts Unitaires de France, les SUF, se rangeant sous l’autorité du Vatican tandis que les groupes scouts intégristes, comme le GC, entraient en dissidence.

Le Pape Benoit XVI avait tendu la main aux ecclésiastiques dissidents et tenté de faire rentrer dans le giron de l’autorité ultramontaine les rebelles intégristes de la FSSPX mais ces derniers avaient refusé le joug du dicastère de la Congrégation de la foi. La FSSPX n’était pas aussi extrémiste que les sédévacantistes qui considéraient le trône de Saint-Pierre comme vacant depuis la mort de Pie XII en 1958, les pontifes suivants étant jugés hérétiques, des usurpateurs, des apostats. Le chef du GC ne dissimulait pas son inclination pour la communauté franciscaine des Frères mineurs fondée dans la mouvance de Mgr Pierre-Martin Ngô Dinh Thuc, communauté qui rejetait formellement Vatican II et s’affichait avec l’intégrisme catholique le plus radical notamment lors des dîners débats de Rivarol, le journal d’extrême droite ultranationaliste et antisémite auquel les piges occasionnelles de Jean-Marie Le Pen valaient une notoriété douteuse et épisodique.

Philippe se réjouissait de pouvoir célébrer la messe en tant que coadjuteur de Mgr Bernard Felat, le chef de la FSSPX, selon le rite tridentin, celui de Saint Pie V, en latin, à Chartres, après avoir conduit sa troupe scout en chantant des hymnes latins depuis Paris. Le gonfanon du GC flotterait hardiment au dessus des têtes blondes des jeunes scouts placés sous son autorité, s’enthousiasmait à l’avance le jeune prêtre à l’âme missionnaire.

Philippe avait décidé d’avaler les quatre-vingt dix kilomètres séparant Paris de Chartres en deux jours seulement afin de démontrer la supériorité virile de son groupe sur les Scouts Unitaires de France, les SUF, ou les Scouts d’Europe qui feraient, eux, quatre étapes. Seuls, à ses yeux, les gars de la Fédération des scouts et guides Godefroy de Bouillon, les GDB, seraient des rivaux sérieux lors des jeux intergroupes organisés lors du jamboree à Chartres. Le cri de guerre du GC : « GC, Emballe» leur avait néanmoins assuré l’année précédente une victoire à l’arraché sur leurs rivaux de GDB. Quant aux chiffes molles des SGDF, les Scouts et Guides De France, ils leur avaient mis une raclée dés le jeu d’orientation, arrivant vingt minutes avant eux au point de ralliement.

L’équipe emprunterait le GR 655, la via turonensis (la voie de Tours), celle qui part de Notre-Dame de Paris et conduit jusqu’à Compostelle. Ils communieraient à la messe de huit heures à Notre-Dame de Paris puis rejoindraient la porte de Vanves traversant Paris à pied. Les galéjades des passants goguenards de voir un curé en soutane emmener un groupe de jeunes, drapeau au vent et les coups de klaxon des voitures mécréantes, leur importaient peu. Les jeunes avaient la foi des Croisés et peu leur importait l’ironie d’un monde moderne qu’ils méprisaient. Les rares encouragements de quelques fervents chrétiens leur suffiraient comme viatiques.

Philippe vérifia son paquetage comme un marin partant en mer, mieux comme un soldat partant au front. Le nécessaire à couture pour réparer les toiles de tente, le couteau, la boussole, en tout trente cinq objets que tout scout se devait d’avoir en randonnée était complet. Il avait décidé construire le campement dans le parc naturel de la Haute Vallée de la Chevreuse, ayant repéré l’année précédente un pré en bordure de La Rémarde, près du centre équestre de Longvilliers. Le fermier était un bon catholique qui leur procurerait même du lait frais ! Cela leur ferait faire un détour mais il en profiterait pour exercer sa troupe par un exercice d’orientation. A cinq heures, il réveillerait son petit monde qui se débarbouillerait dans le ruisseau. Après une rapide action de grâce, la troupe reprendrait le chemin.

Les scouts, partis à neuf heures, après la messe de huit heures, - qu’ils appelaient improprement matines, leur expliqua Philippe car les matines sont une messe qui doit être prononcée au lever du jour -, de la cathédrale Notre-Dame, arrivèrent fourbus, après avoir parcouru les quarante cinq kilomètres de la première étape en dix heures, au campement. Il fallut encore dresser les tentes avant la nuit. Philippe gourmanda les plus paresseux et après un rata de fayots en boite précédé de laudes, tout le monde se coucha.

La troupe de dix scouts était répartie dans cinq tentes. Le sort désigna Louis pour partager le gourbi de Philippe. Louis admirait beaucoup Philippe qui exerçait sur lui une autorité à la fois de prêtre et de chef scout. C’était aussi pour le jeune garçon de treize ans un grand frère idéal. Aussi, quand au milieu de la nuit, il sentit Philippe l’embrasser dans son sommeil en lui disant “Chut, ne fais pas de bruit”, il ne dit rien et se laissa faire. Cela lui sembla bizarre mais pas si désagréable de se faire embrasser par un garçon. Philippe devant la placidité du jeune garçon s’enhardit à ouvrir son sac à viande et à caresser l’entrejambe de l’adolescent. Sentant son érection, il libéra le sexe de Louis de son slip et le suça. Le garçon éjacula dans la bouche du prêtre qui se branlait en même temps. La fellation n’avait pas duré plus de cinq minutes. C’était la première fois que Louis jouissait. Il ressentit une grande volupté. Le lendemain, il croyait avoir rêvé et ce n’est que quand un autre scout lui demanda en catimini sur le chemin vers Chartres : “Alors, il t’a tripoté Tracto, - le surnom donné par les scouts à Tradoct, car son énergie était celle d’un tractopelle ? -” il ne répondit pas mais comprit qu’il n’avait pas fantasmé les attouchements du chef de groupe.

Louis devint le mignon, un des gitons, de l’abbé Tradoct à partir de cette nuit. Les jeux érotiques du prêtre se bornèrent jusqu’en 2016 à des fellations. Quand Louis Tradoct créa un Cercle de foi intégriste, Louis accepta de servir de secrétaire et de promouvoir le cercle en tractant à la sortie de Saint-Nicolas du Chardonneret.

Clovis

décembre 2015

Clovis ne s’appelait pour l’état-civil pas Clovis mais Martin. Ses parents l’avaient nommé Martin par référence à Martin Luther King, leur idole. Un prénom très français, euphonique, riche de références pacifistes qui ravissait leur âme babacool. Clovis était le ‘nom de guerre’ choisi par Martin, nom que ses parents ignoraient comme ils ne savaient rien de ses engagements dans les mouvements ultranationalistes.

Les parents de Martin/Clovis, Pierre et Élise, avaient ‘fait mai 68’, ce qui, à leurs yeux leur donnait un certificat de rebelles à vie. Ils s’étaient rencontrés lors d’une AG dans un amphi de la faculté de lettres de Panthéon Sorbonne où Dany le rouge (Daniel Cohn-Bendit) était venu, de Nanterre, prêcher les fils de bourgeois, les appelant à rejoindre le mouvement de contestation de l’état gaulliste. “Faites l’amour, pas la guerre” était un slogan simple, aussi évident qu’une parole du Christ. Un slogan facile à mettre en œuvre immédiatement et chacun des coïts des deux jeunes étudiants en lettres modernes leur semblait contribuer à la révolte.

Quand Pierre et Élise après avoir copulé sous les murs taggés de la faculté fondée par Robert de Sorbon au XIIème siècle se firent expulser par les CRS de Papon, ils décidèrent de prendre un congé sabbatique pour élever des chèvres sur le plateau du Larzac. Les seuls animaux qu’ils aient jamais vu dans leur vie urbaine étaient des chats et des chiens, des hamsters également et ils furent très perplexes devant le comportement chicanier des chèvres qui refusaient de se laisser traire et l’agressivité testotéronée du bouc. L’odeur sure des fromages en affinage mêlée au musc du bouc en rut finirent par épuiser leur enthousiasme; ils rentrèrent finir leur licence au bout d’un an d’eau fraîche et de mépris des vrais paysans à l’égard des hippies. Les soixante glorieuses leur furent propices. Pierre devint publicitaire et Elise rédactrice de mode. Ils purent acheter un appartement rue Montorgueuil, s’abonnèrent à Libération et à Canal +, et s’établirent dans une existence repue de bobos satisfaits.

Clovis avait été conçu sur le tard. Elise avait franchit le cap de la quarantaine. La chronique médicale de son magazine pour femmes modernes détaillait les risques accrus d’une grossesse tardive. Sans prévenir Pierre, elle cessa de prendre la pilule et conçut Clovis un soir de Saint-Valentin où le couple avait expérimenté le cadeau de Pierre très tendance chez les couples libérés : une paire de menottes et un canard sextoy Sonia Rykiel, après avoir fumé de l’herbe colombienne de première qualité procurée par le jeune pigiste qui draguait Elise au bureau. Pierre s’était installé dans le rôle du père moderne, portant le bébé en kangourou, changeant ses couches et lui donnant le biberon du milieu de la nuit.

Entouré d’amour, forci aux aliments macrobiotiques, dûment catéchisé par le récit de leurs barricades, ratiociné lors des dîners avec d’autres anciens gauchistes repentis et ventrus, Martin fut traité comme un adulte dés sa dixième année par des parents absents qui allèrent chercher une seconde jeunesse dans des accouplements adultères et décidèrent de divorcer ‘en bonne intelligence’ car ils étaient, évidemment, restés pacifistes dans l’âme. Martin de retrouva donc, à quinze ans, saturé de guimauve et de bons sentiments, affligé d’une marâtre tatouée comme Angelina Joly et de deux frères et sœurs trop jeunes pour être autre chose que des encombrements. Elise se mit en couple avec une jeune styliste black, exhiba une nouvelle coupe de cheveu à la Jeanne d’Arc et roulait des patins à sa meuf dans la cuisine. Pierre et Elise adressèrent à Martin les mots sentencieux du manuel de la psychanalyste Toldo ‘Comment réussir son divorce en épargnant les enfants’ et s’élancèrent avec enthousiasme vers la soixantaine. Martin se refusant à une garde alternée, ses parents cofinancèrent une studette située rue d’Aboukir à mi distance de leurs nouveaux domiciles.

Le jeunisme et l’impudeur de ses géniteurs libidineux dégoûtèrent Martin qui était encore puceau à dix-sept ans. Non qu’il fut vilain garçon mais, pudique, il était mal à l’aise par les vulgarités échangés par ses camarades de lycée qui visionnaient des vidéos porno en mangeant du pop corn, notant les enfourchements avec le flegme d’un jury de patinage artistique. La démystification complète de l’acte de chair, l’exhibitionnisme des couples hétéro, homo, bi et que savait-il encore, la trivialité cynique ne satisfaisait pas l’âme éthérée de Martin. Marginalisé, le jeune homme se sentait plus fort, car différent de cette consommation sans joie de sexe et de Red Bull.

Non baptisé, Martin fut mystique avant d’être croyant. L’Eglise catholique et romaine lui apparut comme une nouvelle Jérusalem. L’éblouissement, parce qu’il se convertit en un instant, lui vint d’un reportage à la télévision sur les JMJ (Journées Mondiales de la Jeunesse) de Lourdes en juillet 2013. Il vit des jeunes hommes et des jeunes femmes, épanouis, gais, rieurs, blaguant mais exprimant leur foi avec des mots simples, comme des évidences. Martin, sans en informer ses parents, alla assister à la messe un dimanche, à Saint-Eustache. La nef immense semblait déserte des quelques dizaines de paroissiens mêlés de touristes japonais venus assister au culte exotique. Le prêtre, un jeune curé sans âge, entre vingt et trente ans, maigre comme un anachorète, adressa une homélie sobre, austère, d’un style oratoire sans emphase, mais dans un français très pur. Martin prit l’habitude de venir assister aux offices dominicaux, apprenant le cérémonial, sans communier, mais en communion avec les autres assistants.

Parcourant des sites chrétiens en ligne, il fit sa catéchèse en MOOC (Massive Open Online Course). Les bases de l’enseignement chrétien acquises, sa navigation internet le conduisit sur des sites intégristes qui prônaient une lecture rigoriste de la religion et critiquaient la perversion des mœurs modernes qui “ruinaient les bases de la civilisation chrétienne : le mariage, la sexualité maîtrisée et légitime seulement si procréatrice, le rejet des aggiornamentos dangereux de Vatican II. Le Pape François n’était pas critiqué ad hominem mais, plus subtilement, décrit come manipulé par des laïcs progressistes rivalisant avec une Curie dominée par les cardinaux traditionalistes. Joseph Alosius Ratzinger était encensé, par contraste, comme ayant, été l’un des derniers à tenir un cap ferme. Les catholiques traditionalistes exaltaient leur combat pour une régénération du ‘véritable christianisme’ comme une nouvelle Croisade. Les persécutions subies par les prêtres desservant l’office en latin, les images des églises profanées par les CRS, modernes soldats romains au service de la république laïciste, frappèrent l’imagination de Martin.

Il alla un mercredi matin assister aux matines à l’église de Notre-Dame du Chardonneret où officiait un prêtre lefebvriste. Moins d’une dizaine de fidèles assistait au service. Le prêtre était vieux. Sa voix ne portait pas et on entendait seulement les modulations des répons chantés en latin d’église. Les rares ouailles s’étaient regroupées sur les deux premiers rangs, formant une garde silencieuse au culte proscrit. Un jour blême laissait le chœur dans une ombre humide et froide. L’autel était éclairé d’un grand cierge pascal, A la fin du service, un très jeune scout marin, en culotte courte, distribuait un prospectus que Martin fourra dans sa poche et attendit de se retrouver dans sa studette pour lire. Un cercle de foi de jeunes chrétiens se réunissait chaque mercredi soir, dans un local, mis à disposition par la congrégation de FSSPX. Le local était situé dans le quartier de l’Odéon. Martin décida de s’y rendre le soir même.

A 18:00, Martin se présenta à l’adresse désignée où il fut accueilli par le même scout marin, toujours coiffé de son pompon, qui ne semblait pas mesurer l’originalité de sa vêture en ce Paris terrien.

- Je m’appelle Jean. Bienvenue ! Les autres vont arriver; on devrait pouvoir ouvrir les travaux dans dix minutes, lui annonça souriant le jeune louveteau en lui serrant la main d’une poignée virile.

Une dizaine de chaises d’église formaient un cercle dans une salle d’études à en juger par un tableau noir et un pupitre désert.

Un jeune séminariste à la mine allongée arriva, puis une dame chic d’une soixantaine d’années, ensuite un vieux monsieur, gourmé comme un ancien militaire, le vieux curé du matin, un couple de demoiselles modestes. Martin désespérait un peu d’être le seul jeune dans ce cénacle, le jeune scout marin ne comptant pas, étant là dans un rôle d’enfant de chœur. Les participants étaient assis en cercle, les yeux baissés, en pénitence, les mains crispées dans leur giron. On attendait manifestement encore quelques affidés. On entendit alors le pas allant d’un groupe qui parlaient gaiement dans le couloir; trois jeunes, deux garçons et une jeune fille, de l’âge de Martin entrèrent dans la pièce en un instant ayant mis un visage sérieux sur leurs sourires qu’ils éteignirent. La pièce sembla éclairée par l’apparition des trois jeunes. L’un des garçons arborait une sweat à capuche, l’autre, plus BCBG, un loden Old England. Le pli gracieux d’un ris non encore effacé marquait encore la lèvre de la jeune fille qui était vêtue d’un jean et d’un chandail moulant sa jeune poitrine. Martin désira la jeune inconnue.

Le jeune séminariste prit la parole le premier, remerciant chacun d’être venu et proposant un tour de table de présentation mutuelle “puisque nous avons le plaisir de recevoir un nouveau membre”. Sept regards se tournèrent à ces mots sur Martin. Martin comprit que le ‘groupe de foi’ fonctionnait comme les Alcooliques anonymes et aussi que, sans hostilité, les autres devaient s’assurer qu’il n’était pas un provocateur. Il devrait donc se dévoiler avant de connaître l’identité des autres et donc il ne saurait jamais le nom de la belle inconnue car, nul doute que, découvrant qu’il n’était pas même baptisé, il ne soit exclu hic et nunc du cercle de foi.

Bizarrement, sans timidité, Martin se lança. Il déclara d’emblée qu’il n’était pas baptisé et fit une pause. La dame BCBG frémit, le vieux prêtre leva un sourcil préoccupé, les deux jeunes hommes attendirent un signe du maître de cérémonie pour expulser le païen mais le séminariste, invita, avec onction, Martin à poursuivre. Martin expliqua alors qu’issu d’un milieu incroyant, il se sentait chrétien et catholique de par des lectures et l’assistance aux messes dominicales. Il pensait avoir la foi, déclara-t-il, fermement mais modestement. Il cita les sites intégristes qui l’avaient orienté vers eux et le hasard de cette rencontre.

Levant les yeux sur ELLE, il croisa son regard qui ne perdait aucun de ses mots, le visage serein, fraternelle, attentive.

Le séminariste remercia Martin pour son propos franc et sincère et lui dit qu’il lui fallait, compte tenu qu’il n’était pas baptisé, consulter les autres pour savoir s’il pouvait être associé à leurs travaux et suggéra qu’il laisse à notre ‘secrétaire’ désignant le jeune scout, un numéro de téléphone ou un email pour qu’on puisse lui faire savoir s’il serait admis aux mystères de la prochaine réunion.

Martin remercia et rentra chez lui fou d’amour.

Clothilde

Janvier 2016

Le lendemain, Martin reçut par sms un numéro de téléphone à rappeler. Il reconnut la voix onctueuse du jeune séminariste qui lui annonça qu’il était porteur de bonnes nouvelles :

- De la bonne nouvelle, devrais-je dire, puisque le groupe serait heureux de vous accueillir mais seulement quand vous vous serez devenu chrétien par le baptême. Le Père Benoit qui est notre directeur de conscience pourrait vous baptiser mais il faut que vous soyez sûr de votre foi. Donc nous vous demandons d’y réfléchir une semaine et puis de revenir à moi. Si vous êtes fermes dans votre résolution, nous organiserons les séances de préparation à la cérémonie qui sera célébrée selon le rite traditionnel, c’est-à-dire en latin.

Lors des séances de préparation au baptême, Martin reçut l’enseignement des principes de l’Eglise qu’il connaissait déjà de par son auto-éducation 2.0. On trouve même des cours de catéchisme avec des QCM sur internet que l’on peut réviser comme le permis de conduire. La difficulté pour Martin fut de trouver un parrain et une marraine pour la cérémonie car il avait tenu dans le secret de sa conversion ses parents et tous leurs amis étaient des agnostiques. Il pensa un moment demander au séminariste d’être son parrain mais cela était impossible aux personnes ayant prononcé des vœux et le séminariste avait déjà reçu les ordres mineures. Le colonel en retraite et la dame chic acceptèrent avec enthousiasme de servir de parrain et marraine. Tenir, au sens figuré, sur les fonds baptismaux, une nouveau chrétien anima en eux l’ardeur des chrétiens des catacombes. Le colonel lui offrit même une montre ancienne, un vieux chronomètre LIP “ qui avait fait l’Indochine ” et la dame patronnesse une médaille à l'effigie de Saint Martin, protecteur de la France, lui apprit-elle.

Martin, converti, admis à participer aux réunions du groupe de foi, se présenta, le mercredi suivant son baptême, à la réunion mais fut très déçu de l’absence de l’inconnue. Seuls les deux garçons étaient là mais, loin de l’accueillir chaleureusement comme les adultes, ils lui battirent froid et Martin n’osa leur demander des nouvelles de leur camarade ou sœur. Quatre réunions s'enchaînèrent ainsi. Martin appréciait les échanges entre les participants qui mêlaient références religieuses tirées de lecture pieuse et critiques de la dégénérescence des mœurs modernes. Le séminariste annonçait le thème de travail de la semaine suivante afin que chacun se prépare : la famille chrétienne, le rôle de la foi dans l’engagement citoyen, la prière au quotidien, la charité chrétienne, organisaient ainsi leurs discussions. L’esprit de Martin s’animait à ces échanges mais son cœur restait vide de l’absence de la jeune fille.

Un jour enfin, elle revint, expliquant au groupe, en forme d’excuse à son absence, qu’elle avait été souffrante mais qu’elle était complètement rétablie. A la fin de la séance de discussion, elle vint à Martin et lui tendant une main fraîche, déclara en souriant :

- Content de te voir parmi nous. Je m’appelle Clothilde. Toi c’est Martin, c’est ça.

Martin fut ému de ce qu’elle se soit enquise de son prénom, en son absence, probablement auprès des garçons dont il ne savait pas s’ils étaient des frères, cousins ou soupirants mais qui l’entraînèrent après un « Salut ! » indifférent à l’adresse de Martin.

Plusieurs semaines se déroulèrent ainsi en discussions religieuses. Clothilde participait activement. Elle était même la plus virulente pour dénoncer la « pornographie des média, la perte de repères chrétiens ». Quand elle se lançait dans une de ses philippiques contre le dévoiement de la foi chrétienne par le « suivisme moderniste de quelques clercs égarés », sa voix vibrait. Son visage, si serein un instant auparavant, irradiait d’une ardeur passionnée, extatique. Elle brûlait d’un feu intérieur qui surprenait, faisant passer la jeune femme du calme à l’anathème. Martin la regardait, subjugué par ses convictions ardentes, intimidé aussi par la sensualité de sa voix quand elle condamnait le libertinage. Les deux garçons se tenaient silencieux, l’encadrant comme ces archanges indolents des tableaux de Mantegna, qui, appuyés sur leur lance, semblent absents à la scène mystique. Duègnes masculines, ils la conduisaient et la raccompagnaient faisant obstacle de leur corps à tout rapprochement de Martin qui tramait une semaine à l’avance une disposition de chaises propice à ses travaux d’approche. La passion dialectique de Clothilde l’intimidait tant que même sans leur défense muette, il aurait hésité à l’aborder tant la vierge militante l’intimidait. Réveillé la nuit par des érections provoquées par son image, il se comptait au nombre des lubriques dénoncés avec l’assurance d’une Sainte par Mathilde.

Le carême de Martin dura ainsi deux mois jusqu’à une réunion où il faillit ne pas aller, frustré de ne pouvoir se tenir près d’ELLE en adorant muet, respirer l’air qu’elle respirait. Mathilde était venue seule ! Elle excusa ses frères en expliquant qu’ils avaient du accompagner leur père dans une obligation familiale. Pendant toute la réunion qui portait sur l’Eucharistie, Martin resta en retrait, cherchant désespérément une phrase pour oser aborder Mathilde. La réunion s’acheva comme de coutume à 19:00 et chacun repartit comme des conspirateurs après un mot de remerciement et l’annonce du thème de réflexion du mercredi suivant par le séminariste. Clothilde et Martin sortirent ensemble de la réunion, ayant cédé le pas par politesse aux adultes. Martin regardait ses pieds gauchement quand il entendit celle qui lui apparaissait dans ses rêves érotiques comme une goule, lui dire :

- Tu as le temps de prendre un café ?

Martin bredouilla que oui et quelques instants plus tard, ils se retrouvaient attablés dans un bistrot au milieu de jeunes de leur âge, bruyants, chacun tenant sa chacune; deux filles s’enlaçaient les doigts sans vergogne. Clothilde semblant indifférente à Sodome et Gomorrhe parlait avec animation sans baisser la voix se moquant d’être entendue ou non.

Dans le brouhaha, Martin et elle étaient isolés.

- Tu sais, c’est super que tu te sois baptisé ! C’est des gens comme toi qui me donnent le courage de vivre ma foi sans considération pour les tièdes qui allongent leur foi avec de l’eau bénite.

Martin fut un peu décontenancé par les formules à l’emporte-pièce de la passionaria catho mais ne voulut pas sembler ridicule en restant interdit.

- Oui, j’ai croisé le Christ. Il est venu remplir un vide. Je ne savais pas trop quoi faire de ma vie, coincé entre deux parents bobos qui n’ont que des qualités prosaïques et des études sans grand intérêt car je suis dans les premiers de ma 1ère au lycée Louis le Grand, sans faire d’effort.

- Moi, je suis tombé dans la religion toute petite. Mes parents se vouvoient et