L'Extase - Christophe Stener - E-Book

L'Extase E-Book

Christophe Stener

0,0

Beschreibung

Le Dictionnaire amoureux de L'Extase présente les diverses expressions de L'Extase spirituelle dans les religions et spiritualités ainsi que la transe des cultes primitifs et antiques, L'Extase de la Gnose et celle des occultismes, mais aussi la possession satanique. Le regard de la médecine et de la psychanalyse sur L'Extase, la transe et la possession, le traitement médical par l'invention du vibromasseur de l'hystérie féminine sont présentés. La pensée des philosophes mystiques éclaire l'analyse. L'Extase sensuelle, dans ses expressions extrêmes de l'asphyxie érotique, est étudiée comme L'Extase artistique, celle de la musique et de la danse. L'Extase collective, celle des foules, comme le marketing de L'Extase sont discutés. Rapprocher dans un même Dictionnaire sainte Thérèse, l'icône du mysticisme catholique et l'héroïne de l'Empire des sens, choquera le lecteur pudibond mais elles furent toutes deux, de grandes amoureuses.

Sie lesen das E-Book in den Legimi-Apps auf:

Android
iOS
von Legimi
zertifizierten E-Readern

Seitenzahl: 417

Das E-Book (TTS) können Sie hören im Abo „Legimi Premium” in Legimi-Apps auf:

Android
iOS
Bewertungen
0,0
0
0
0
0
0
Mehr Informationen
Mehr Informationen
Legimi prüft nicht, ob Rezensionen von Nutzern stammen, die den betreffenden Titel tatsächlich gekauft oder gelesen/gehört haben. Wir entfernen aber gefälschte Rezensionen.



Crédits photographiques

Couverture

Transverbération de sainte Thérèse

d’Avila (détail)

de

Gian Lorenzo Bernini dit le Bernin

Chapelle Cornaro de Santa Maria della

Vittoria à Rome

Arterome

Quatrième de couverture

Abe Saba

Wikipedia

Au Père Jean Lucas

Sommaire

Introduction

Adolescence

Anachorètes

Animisme

Asphyxie érotique

L’extase mortifère

Cathares

Catholicisme

Chamanisme

Chine

Cinéma

Création artistique

Danse

Ecstasy

Etats Modifiés de Conscience (EMC)

Egypte

Franc-maçonnerie

Foules

Gnosticisme

Hyperboréens

Iconographie chrétienne

Inde

Islam

Judaïsme

Littérature

Magie

Marketing

Médecine

New Age

Musique

Occultisme, ésotérisme & hermétisme

Orgasme

Orthodoxe (Eglise)

Philosophie

Photographie

Protestantisme

Psychanalyse

Satan

Sémantique

Thanatos

Théosophie

Vibromasseur

Glossaire

Index des mots clés

Bibliographie générale

Introduction

L’extase, comme l’amour dont elle n’est que l’acmé, est désirée, poursuivie par l’homme tant spirituellement que charnellement. La recherche de l’extase est présente dans les premiers cultes animistes comme dans les expressions les plus poétiques des grands mystiques religieux modernes ; elle éclaire l’activité artistique ; elle est objet de débat philosophique et psychanalytique. Pour l’atteindre plus rapidement, plus sûrement, notamment dans la sphère corporelle, l’homme recourt à la danse, à la musique, aux hallucinogènes. La transe aussi est extatique. Extase divine, extase terrestre, les mots sont parfois les mêmes, le discours extatique est érotique. L’union divine aspire à de douloureuses béatitudes ; l’union charnelle exacerbe le plaisir jusqu’à l’extase ultime. La médecine et la psychanalyse proposent une étiologie de l’extase qui fait parfois lit de la dimension spirituelle tant les manifestations, les stigmates, les expressions de celle spirituelle et celle sexuelle sont identiques. L’extase n’est pas philosophique mais certains philosophes sont mystiques. La recherche de l’union avec Dieu fait souvent croiser le chemin du Diable. L’ascétisme, l’anachorétisme, les macérations protègent mais aussi excitent le Malin. Le satanisme comme la perversion sexuelle sont les faces opposées de l’extase. Discriminer entre possession satanique, extase religieuse et trouble physiologique est la première tâche de l’exorciste. En Occident, nous connaissons les grandes figures de Sainte Thérèse d’Avila, de Jean de la Croix mais l’extase est présente dans toutes les religions révélées : Judaïsme, Islam, Christianisme, dans toutes les spiritualités : hindouistes, chinoises, dans les pratiques occultistes. L’extase est une expérience intime mais il est une extase collective, celle des foules rassemblées pour prier, danser, acclamer un leader politique, la psychologie de masses sera également analysée. L’extase fait vendre ; nous évoquerons, brièvement le marketing de l’extase ainsi que le « matérialisme spirituel » 1 qui fait vendre des écrits spirituels comme le Kama-Sutra et Tantra sexuel comme des livres de chevets. Cet ouvrage propose une anthropologie de l’extase en en présentant ses diverses manifestations à travers le regard de la théologie, de la philosophie, de la psychologie et de la psychanalyse, de l’ethnologie et de la sociologie, de la médecine et de la psychiatrie. Le titre Dictionnaire amoureux de l’extase du présent ouvrage est tautologique car l’extase est toujours amoureuse. Rapprocher en un même dictionnaire sainte Thérèse d’Avila, l’icône du mysticisme chrétien, à Abe Sada, l’héroïne de L’Empire des sens, scandalisera certains lecteurs pudibonds mais toutes deux furent de grandes amoureuses, l’une spirituelle, l’autre sensuelle.

1 Formule empruntée à Chögyam TRUNGPA Rinpoche, Pratique de la voie tibétaine, Seuil Sagesses, 1966, p. 11

Adolescence

En quête d’extase

L’enfance a peu du diable mais ne connaît pas la transcendance tandis que l’adolescence est l’âge du mysticisme. François Dolto analyse la prégnance du diable dans l’imaginaire enfantin :

« Les enfants subissent le monde des adultes et y réagissent. Aussi l'idée de l'existence du diable, le mot de diable précocement employé dans leur vocabulaire, ne doit pas nous surprendre. Ne voit-on pas dans les familles les moins chrétiennes, des adultes faire allusion à l'idée du diable lors d'une espièglerie de l'enfant, bien que ce mot soit dénué pour eux de tout sens métaphysique ? ... Un enfant ne parle jamais du diable sans y mêler une idée de morale intentionnelle, c'est-à-dire de vraie morale ... Les interférences entre les aspirations à vivre de la partie intellectuelle, ou de la partie sensitive de soimême, avec la partie sensuelle sont donc des dangers incommensurables, des dangers « monstres ». Ces conflits ne sont pas non plus assimilables à des dangers réels puisqu'ils naissent d'un état intérieur. ... Comme il s'agit d'un état intérieur, il s'agit d'un état sans aucun point de repère comparatif et sensoriel de périphérie, un état sans dimensions. Le sujet ne peut rien échanger avec cette présence ressentie ... Cela explique l'état d'angoisse panique. ... L'enfant projette l'idée du diable dans les monstres animaux tant que ses instincts, dangereux sont ressentis par lui comme des instincts possessifs de puissance matérielle et de domination, et tant que ces instincts restent assimilés à des avidités sensuelles, sensorielles et motrices (stade oral et anal des psychanalystes) ... Le psychologue ne voit pas chez l'enfant l'idée du diable mise au service du transcendant métaphysique. Elle exprime, à travers du subjectif vécu, le désordre intérieur vivant créé dans la psychophysiologie de l'enfant par le sentiment du bien agir et du mal agir. »2

« L’expérience mystique serait une illusion qui aurait trouvé un personnage interlocuteur suffisamment bon pour « l’accepter ». ... L’expérience pubertaire décrite sous les qualificatifs d’archaïque et d’originaire est la base « illusoire » d’un travail élaboratif « adolescens » ou subjectal qui dépend de son adresse, le sujet parental de transfert ... Mon étude porte moins sur les expériences mystiques de Thérèse de Lisieux (1873-1897) que sur son entrée en mystique à la puberté, qu’elle nomma « sa conversion » ... Je propose comme signifiant de l’illusion mystique la paradoxalité suivante : « vivre-mourir ». Le mot se présente dans l’imaginaire quotidien sous forme qualitative du vœu et comme affirmation (la vie dans l’immortalité). ... Dans l’argument mystique, vie et mort ne sont pas confondues mais jointes par un tiret ; on pourrait traduire en psychanalyse, pas de pulsion de vie sans pulsion de mort. Impossible de penser un aspect sans l’autre, y compris dans leur excès ... Au lieu de rester enfermée dans la dualité relationnelle de l’illusion, la voilà s’ouvrant (« structure ouverte ») à un travail de sublimation qui prend son origine dans la conviction révélée que constitua son expérience primaire de retournement-renversement en son contraire ... L’évolution mystique de Thérèse de Lisieux est examinée à partir du modèle de l’état d’illusion (selon l’approche de D. W. Winnicott). Ce dernier défini par sa paradoxalité « Moi, non-Moi », « vivre-mourir », est fragile sous la menace d’une injonction paradoxale. Toute son enfance, cette menace fut mise en acte par ce que Thérèse nommait après la mort de sa mère « ses mamans ». Enfance fort mouvementée qui se révéla mystique lorsque à l’adolescence ses tuteurs d’illusions se condensèrent en « maman-Jésus ». « Conversion » dit-elle, transfert bientôt consolidé par sa vocation de carmélite et sa doctrine. »3

L’adolescence est aussi celle de la tentation d’anorexie, en particulier chez les jeunes filles. Les adolescentes renouent avec les pratiques de jeûne poussé à l’extrême, le vertige de l’inèdie, la mortification du corps mal aimé. L’impératrice Elisabeth d’Autriche, « Sissi impératrice », Lady Di, images iconiques de l’anorexie mentale.4

Sans le savoir ces adolescent(e)s malades imitent les anachorètes du IVe siècle fuyant leur corps et l’ « anorexie sainte » 5 de Catherine de Sienne (1347-1380).

2 Françoise Dolto. Le diable chez l'enfant in Satan - Etudes carmélitaines - 1958

3 Philippe GUITON, Le paradoxe mystique, Adolescence, 1/2008 (n° 63), p. 65-88. URL : http://www.cairn.info/revue-adolescence-2008-1-page-65.htm

4 Catherine CLEMENT, L’appel de la transe – Stock – 2011 – p 143s

5 Ginette RAIMBAULT, Caroline ELIACHEFF, Les indomptables : figures de l'anorexie, Odile Jacob, 2001, p. 231

Anachorètes

L’extase par l’ascèse extrême

Dieu, les hommes l’ont recherché parfois dans la solitude la plus extrême comme le montre l’exemple des anachorètes. L’anachorèse, la fuite, le départ du monde connurent un engouement extraordinaire au IVe siècle ; des milliers d’homme partirent faire retraite dans les déserts d’Egypte et de Syrie, suivant l’exemple d’Antoine, Paul de Thèbes, Pakôme. Jacques Lacarrière appelle ces ermites « les hommes ivres de Dieu » « les athlètes de l’exil ». Les synaxaires (hagiographies de saints) qui racontent leurs performances ascétiques sont autant d’arétologies (traités édifiants de vertu) rédigés à des fins de prosélytisme pour faire concurrence à ceux des païens comme la vie de Pythagore mythifiée à la même époque par Jamblique. Dans l’ardente rivalité entre le paganisme et le christianisme, les vies des sages, des philosophes, de saints, de théurges participaient d’une propagande spirituelle. Les tentations de Saint-Antoine, sont rapportées par son hagiographe Saint Athanase qui rencontra l’ermite à deux reprises ; initiateur de l’anachorèse, Antoine influença considérablement le mysticisme chrétien mais également musulman. L’affabulation, l’exagération étaient de règle ; le récit visait à l’édification du lecteur, à sa conversion. Antoine s’enferme des années durant dans un tombeau abandonné, imitant en cela les cateuques, les prêtres du dieu Sérapis, qui vivaient reclus à vie dans le temple. Là, plongée dans le noir du tombeau, hors de la lumière du jour, visait à permettre l’Eveil. Les visions démoniaques d’Antoine lui furent ainsi probablement inspirées par les peintures religieuses égyptiennes montrant sur les parois du tombeau le voyage du défunt sur la barque d’Amon-Rê. Après avoir affronté des visions infernales, Antoine gagne la félicité divine, les bêtes sauvages lui deviennent familières, il jouit de visions angéliques. L’extrême ascèse d’Antoine fut imitée ; jeûne, silence, privation du sommeil, mortifications conduisirent à des excès de contrition contre lesquels Pakôme dut lutter au sein des premières cénobies ; jugeant que la recherche de ‘performance ascétique’ était orgueilleuse et non vertueuse, il obligea ainsi les moines à un minimum d’alimentation et à dissimuler leur manducation par un capuchon pour éviter l’imitation du jeûne des plus extrêmes. L’ascèse extrême et le retrait du monde des Pères d’Egypte est à rapprocher des pratiques des yogis. Le monachisme chrétien du Moyen-Age s’inspira directement des cénobies, les premières communautés érémitiques fondés par les Pères égyptiens.

Source :

Jacques Lacarrière – Les hommes ivres de Dieu – Seuil – 1975

Animisme

La transe sans extase

L’animisme est une des expressions les plus primitives de la croyance en un esprit, une force vitale, en des divinités animales, dans le surnaturel. La définition de l’animisme est objet de débat entre les spécialistes notamment sur la distinction d’avec et la filiation du chamanisme. Des rémanences des cultes animistes demeurent dans le vaudou ainsi que dans l’empreinte chamaniste du taoïsme chinois. Certaines danses sacrées et musique, pratiquées de manière ancestrale lors des rituels animistes, font entrer encore aujourd’hui les fidèles dans des transes propices à la communication avec les esprits car la transe est fondatrice de la foi animiste. Selon Edward Burnett Taylor (1832-1917) : « Le « primitif » arriverait à l'idée d'un principe différent de son corps, c'est-à-dire à l'idée de l'âme, à la suite de deux expériences psychophysiologiques : d'une part, les phénomènes du sommeil, de la maladie, de l'extase (la transe) et de la mort ; d'autre part, l'expérience personnelle des rêves et des visions. Quand ce principe abandonne provisoirement le corps, l'homme s'endort, l'âme vagabonde et a ses propres expériences, les rêves. Lorsque l'âme se sépare du corps, c'est la mort. L'extase et la maladie s'expliquent également par un abandon temporaire du corps par l'âme. Et, puisqu'on ne rêve de personnes décédées depuis longtemps, on conclut à la survivance de l'âme après la mort. » 6

Parfois dénie du terme de religion, la dimension mystique de l’animisme est parfois contestée. Lucien Levy-Bruhl (1857-1939) estime ainsi que le mysticisme est inhérent à l’esprit humain : « Cette réalité mystique répandue partout, moins représentée à vrai dire que sentie, ne peut pas, comme la substance universelle de nos métaphysiciens, entrer dans la forme d'un concept. »7 tandis que pour Paul Radin (1883-1959) : « coutumes et croyances ne comportent pas en euxmêmes d'éléments religieux ». 8

La notion d’union mystique, d’extase, serait absente de l’animisme en ce que l’homme primitif se vit comme un élément du tout. Il vit en symbiose avec les êtres vivants et avec les morts : « Par l'effet de cette symbiose des vivants et des morts, mystique et concrète à la fois, l'individu n'est tout à fait lui-même que grâce aux ancêtres qui revivent en sa personne » 9. La mort est naturelle : « La destinée de l'individu dans l'au-delà ne lui (le primitif) cause guère d'inquiétude et il n'a que peu de choses à en dire » 10 « La disparition complète du corps va à l'encontre du témoignage des sens et n'a jamais été complètement admise. Ce refus se traduit dans la croyance presque universelle en la réincarnation, spécialement chez les peuples non agriculteurs ».

Selon Paul Radin, il y a identité, chez le primitif entre l’âme et le surnaturel : « Le concept d'âme emprunte sa physionomie « spirituelle » à celui d'êtres surnaturels et non pas inversement, de même qu'il tire son apparence des êtres humains et du monde organique qui l'entoure. Il en est de même des êtres surnaturels qui à leur tour adoptent une forme particulière selon la ressemblance ou la différence entre eux et l'homme. »11 Le dualisme étant absent de la pensée primitive, la notion d’extase est ainsi non pertinente dans le cadre de l’étude des religions animistes. La croyance en la vie éternelle est ainsi une évidence, la réincarnation également. Le dualisme absent encore, le surnaturel omniprésent : « un enseignement pluraliste au sujet de l'âme est dans la nature des choses et seules nos habitudes de pensées rendent surprenant qu'un homme puisse avoir plusieurs âmes " 12

Selon Claude Levi-Strauss : « La pensée magique n'est pas un début, un commencement, une ébauche, la partie d'un tout non encore réalisé; elle forme un système bien articulé »13 citant « Le sentiment d'unité qu'éprouve l'hawaïen envers l'aspect vivant des phénomènes indigènes c'est-à-dire les esprits, les dieux et les personnes en tant qu'âmes, ne peut être correctement décrit comme un rapport, et moins encore à l'aide de termes comme un rapport, empathie, anormal, supra normal ou névrotique; ou encore mystique ou magique; il n'est pas extrasensoriel car il est en partie de la sensibilité, en partie étranger à celle-ci. Il relève de la conscience normale »14 La croyance en la réincarnation dans un animal, une plante est pour le primitif évidente.15 « Les mythes que rassemble Levi-Strauss dans Les Mythologiques parlent d'un temps des origines comme d'un univers sans différence entre les animaux et les hommes, un monde dans lequel les « non-humains » étaient civilisés, jouissaient de la conscience. » 16

6 Animisme in http://www.universalis.fr/encvclopedie/animisme/

7 LEVY BRUHL - La mentalité primitive – PUF - 1927

8 Paul RADIN – La religion primitive – Ed. Gallimard, 1941

9 LEVY BRUHL - La mentalité primitive – PUF - 1927

10 LEVY BRUHL - La mentalité primitive – PUF - 1927

11 Paul RADIN – La religion primitive – Ed. Gallimard, 1941

12 NILSSON – cité par H.R. Dodds in Les Grecs et l’irrationnel – Flammarion – n111 p 174

13 Claude LEVI-STRAUSS - La pensée sauvage 1962

14 HANDY et PUKUL The Polynesian society 1958

15 Claude LEVI-STRAUSS - La pensée sauvage 1962

16 Catherine CLEMENT – L’appel de la transe 39 Stock – 2011 – p 184

Asphyxie erotique

L’extase mortifère

L’asphyxie érotique, également désignée comme « asphyxiophilie », « asphyxie autoérotique », jeu du foulard ou jeu du contrôle de respiration, est une pratique provoquant des extases parfois mortelles.

La privation d’oxygène du cerveau afin d’augmenter le plaisir sexuel est qualifiée de paraphilie après avoir été qualifié de déviance sexuelle par le Manuel diagnostique et statistique des troubles mentaux (DSM-IV-TR) de l'association américaine de psychiatrie (AAP). Friedrich Salomon Krauss introduisit le terme paraphilie en alternative au terme perversion et désigne selon le sexologue John Money « des intérêts sexuels inhabituels ». L’American Journal of Psychiatry décrit la paraphilie comme une « fantaisie, désir ou comportement sexuellement intense incluant notamment et généralement : objets inanimés, souffrance ou l'humiliation de soi/d'un partenaire potentiel, enfants/animaux, personnes non consentantes ». 17

Parmi les modes opératoires pour diminuer l’oxygénation, la pendaison, la suffocation par placement de la tête dans un sac plastique, la Strangulation ... tous autres procédés habituellement utilisés à des fins de torture ou de mise à mort.

L’asphyxie érotique est une pratique individuelle, de couple ou collective. L’asphyxie érotique une pratique à risque de la communauté BDSM (Bondage, Discipline, Sadomasochiste) provoquerait près de 1000 morts, principalement masculins, par an aux Etats-Unis par perte de conscience fatal. La perte de conscience conduisant à l’incapacité d’interrompre le procédé d’asphyxie expliquerait de nombreux accidents de pratique solitaire ; la différenciation des accidents des suicides est parfois ainsi difficile. 18

La pratique du jeu du foulard par les jeunes provoque des morts ainsi que parfois des lésions neurologiques irréversibles chez les pratiquants. L’asphyxiophilie provoquerait des hallucinations comparables à la prise de drogues dures

Parmi les célébrités ainsi décédées, Wikipédia 19 recense :

Henri-Joseph, prince de Bourbon-Condé en 1830.

Abe Sada tua ainsi, à sa demande, son amant, Kichizo Ishida, à l'aide en 1936, dont l’histoire est le sujet notamment du film l’Empire des sens § Cinéma

l'acteur Albert Dekker retrouvé en 1968 dans sa salle de bain, son corps recouvert de graffitis et un nœud coulant autour du cou.

l'acteur américain David Carradine en 2009,

Le présentateur anglais de la BBC Kristian Digby en 2010

le parlementaire anglais Stephen Milligan en 1994

Kristian Etchells, membre du Front national britannique en 2004

17 Article Asphyxie érotique in Wikipedia

18 Jeu de non oxygénation in Wikipedia

19 Article Asphyxie érotique in Wikipedia

Cathares

La mort désirée comme ultime extase

Les cathares ne croyaient pas à l’extase terrestre. Croyant en un strict dualisme gnostique, ils considéraient l’univers comme la création d’un démiurge mauvais. Le corps humain était la prison matérielle des âmes d’anges précipitées sur terre par ce mauvais démiurge. Les âmes errent de corps en corps et de mort en naissance, selon le principe de la métempsycose ou réincarnation. Seul le baptême spirituel cathare, le Consolament du « Bon Chrétien », a la capacité de permettre à l'esprit (l’âme spirituelle) de se mettre dans le cheminement qui lui donnera la possibilité d'accéder à la grâce divine et de permettre ainsi, après une ultime mort terrestre, à l’esprit de retrouver sa part restée dans la création divine spirituelle. Les cathares considèrent Christ comme une entité divine car le Christ est pur Esprit. Cet Esprit Saint ne peut s'incarner mais peut influer sur le comportement humain de Jésus. Ceci a fait dire à tort que Jésus-Christ ne pouvait être incarné. Le sacrement du consolament ou «baptême d'esprit et de feu » par imposition des mains et de l'évangile de Jean sur la tête du postulant, apporte le salut en assurant le retour au ciel de la seule partie divine de l'homme : l'esprit. Il est le point de départ d'un choix de vie en accord avec la doctrine cathare (justice et vérité), permettant à la nature divine de l'impétrant de se détacher partiellement de la nature mondaine ou charnelle, et d'accéder au salut. Le consolament officialise donc le choix du novice ou du mourant à mener une vie chrétienne. Il n'est que la reconnaissance d'un état et non un apport d'une qualité extérieure. « Les parfaits au sens de parachevé, complets étaient les hommes qui par la vertu du sacrement étaient parvenus à retrouver leur esprit, la partie divine d'eux-mêmes dont la chute originelle les avait privé » 20. La filiation du catharisme avec la Gnose semble établie : « pauliciens, bogomiles, cathares ... des groupes de moindre importance comme celui que constitua près de Soissons en 1125 Clément de Bucy qui honnissait la procréation... celui, dans la région de Saint-Malo, vers 1140 de Eudes de l’Etoile qui se présentait comme un éon envoyé d’en haut. » 21 Certains établissent une tradition héritée de Marcion. 22

20 Zoé OLDENBOURG Le Bûcher de Montségur p 74 Folo histoire 1959

21 Jean DORESSE – Les livres secrets de l’Egypte – Payot -1994 – p 322

22http://www.histoire-france.net/moyen/cathares

Catholicisme

L’extase sanctifiée

Introduction

L’Eglise catholique reconnaît l’extase ; elle en donne la définition suivante : « Du latin exstare : se tenir hors de soi. Etat où l’esprit est plongé dans des visions extraordinaires sous l’influence de la présence de Dieu. L’extase est reçue comme une communication sensible avec Dieu. Très différente des accidents pathologiques, elle peut être accompagnée d’autres phénomènes physiques comme la lévitation ou les stigmates. » 23

Au rejet scientiste de l’extase, l’Eglise répond par une volonté de réconciliation entre la foi et la raison illustrée par l’encyclique Fides et ratio, publiée le 14 septembre 1998, par le pape Jean-Paul II. Cette encyclique met l'accent sur l'importance des philosophies présentant une ouverture métaphysique pour assurer une fonction de médiation dans l'intelligence de la « révélation » « La foi et la raison sont comme deux ailes qui permettent à l'esprit humain de s'élever vers la contemplation de la vérité. » Le Pape y affirme la pertinence de la contemplation : « Je désire seulement déclarer que la réalité et la vérité transcendent le factuel et l'empirique, et je souhaite affirmer la capacité que possède l'homme de connaître cette dimension transcendante et métaphysique d'une manière véridique et certaine, même si elle est imparfaite et analogique. » 24

L’extase, l’union divine, atteinte par d’extraordinaires macérations des Pères d’Egypte, les mystiques de l’Eglise catholique l’ont atteinte par l’oraison et la contemplation. De l’immense littérature spirituelle, nous tenterons de tracer quelques lignes de lecture en nous attachant à deux icônes du mysticisme catholique : Thérèse d’Avila et Jean de la Croix.

Comme l’écrivent les mystiques, la capacité d’union extatique est, certes le résultat d’oraison et/ou de contemplation mais elle n’est pas donnée à tous. En cela, elle est un don, un charisme particulier. « La contemplation est un don de Dieu. » reconnaît ainsi Sainte Thérèse d’Avila. 25

Le mysticisme chrétien orthodoxe et protestant sont présentés dans des entrées spécifiques.

Bibliographie générale

Deux ouvrages récents, très érudits, outre leur riche contenu présentent une large bibliographie d’auteurs anciens et modernes :

Sous la direction de Patrick Sbalchiero - Dictionnaire des miracles et de l'extraordinaire chrétiens – Ed. Fayard 2002

Michel de Certeau- La fable mystique de– Ed. Gallimard t 1 1982 -t 2 2013 (établi et présenté par Luce Giard)

Expression de l’extase

La littérature extatique catholique est prolixe. Les mystiques sont sur actifs – pensons à l’extraordinaire activité missionnaire de création et d’administration de couvents par sainte Thérèse d’Avila avec l’aide de Jean de la Croix – mais également graphomanes – les œuvres complètes de sainte Thérèse d’Avila représentent plus de 3700 pages. Les mystiques racontent leurs unions divines, non pour eux mais à des fins d’édification, de prosélytisme. Si chaque expérience extatique est unique, individuelle, personnelle, on peut dégager néanmoins des thématiques communes dans son expression, dans ses symptômes et ses stigmates, dans les exercices spirituels propices à son atteinte ainsi que dans les sentiments ressentis au sortir de l’extase.

Indicibilité

Il est une contradiction logique à vouloir exprimer l’ineffable. L’expression même du nom de Dieu dans l’Ancien testament est révérencieuse, craintive, souvent contournée. Le nom de Yahvé est l’indicible ; il est interdit de prononcer le tétragramme YHWH ; « Tu n’invoqueras pas le Nom de YHWH ton Dieu en vain » (Exode 20 :7) d’où sa désignation allusive par Adonaï ou Elohim. La traduction œcuménique de la Bible traduit le tétragramme sacré par « le Seigneur ».

Saint Jean de Patmos parle d’une pierre blanche qui sera donnée à celui qui vaincra, et « sur cette pierre est écrit un nom que personne ne connaît si ce n'est celui qui le reçoit. » (Apocalypse., 11, 17)

Le mystique rompt avec cette interdiction, ce tabou, cette extrême révérence avec le nom de Dieu. La fable mystique, selon l’expression de Michel de Certeau, est prolixe, passionnée, poétique, parfois amphigourique. Il s’adresse directement à Dieu, sans pudeur, dans un dialogue singulier, Dieu s’adresse à lui. Cette audace, cette proximité, cette désintermédiation du rapport entre l’homme et Dieu suscite un sentiment mêlé de l’Eglise. L’Eglise se méfie de ses mystiques, elle tente parfois de les faire taire, elle les revendique aussi à des fins prosélytes, souvent post mortem. La sanctification de certains mystiques vient ainsi effacer la négligence voire l’hostilité d’une Eglise soucieuse de garder son emprise sur les âmes par l’intermédiation obligée du prêtre.

Sainte Angèle de Foligno déclare l’extase indicible bien qu’elle en ait donné force description : « Chaque extase est une extase nouvelle et toutes les extases sont une seule chose inénarrable. Les révélations et les visions se succèdent sans se ressembler. Délectation., plaisir, joie, tout se succède sans se ressembler. Oh ! Ne me faites pas parler, je ne parle pas, je blasphème et, si j'ouvre la bouche au lieu de manifester Dieu, je vais le trahir » 26

L’extase, union divine

Jean de la Croix décrit « l’union de l’âme avec Dieu par amour » comme un mariage spirituel (mystique) entre l’âme (L’Epouse) et l’Epoux (le Christ, fils de Dieu), mariage obtenu après un cheminement qu’il explique dans La montée du Carmel et dont il exprime l’ineffabilité de manière poétique dans La vive flamme et le Cantique spirituel. L’âme détachée des attachements terrestres s’est purifiée et libérée. « Mon âme s’emploie tout entière, /Avec mon fonds, à son service / Je ne garde plus de troupeau / Je n’ai plus aucun autre office / Car l’amour désormais est mon seul exercice. » (Cantique A § XX) « L’âme s’est donnée à l’Époux tout entière et sans rien se réserver. ... Désormais son corps, son âme, ses puissances, toutes ses facultés ne s’occupent plus que de ce qui regarde le service de son Époux ; » « L’Époux, Fils de Dieu, met l’âme épouse en possession de la paix et de la tranquillité parfaite, en harmonisant sa partie inférieure et sa partie supérieure. Il purifie cette âme de toutes ses imperfections, il met l’ordre dans ses puissances et dans ses facultés naturelles, il apaise tous ses appétits. » (Commentaire du § du cantique par Jean de la Croix) 27,28

Préparation et soudaineté de l’extase

L’extase, si elle frappe parfois à l’improviste, est le plus souvent le résultat d’exercices spirituels, l’atteinte d’une longue quête. L’extrême piété des mystiques, l’ascèse, la macération même, précède, prépare, provoque l’extase.

Impromptu extatique

Il est des exemples d’union soudaines avec Dieu qui se révèles sans avoir été anticipée ; inattendues, elles frappent à l’improviste, provoquent la conversion, permettent d’échapper à la déréliction, d’atteindre à l’extase. Nous en donnerons quatre illustrations : un Apôtre, une sainte mystique, une simple croyante et une philosophe moderne.

Paul, lui qui avait persécuté les chrétiens se convertit suite à une illumination : « Comme il était en route et approchait de Damas, une lumière venant du ciel l'enveloppa soudain de sa clarté. Il tomba par terre, et il entendit une voix qui lui disait : « Saul, Saul, pourquoi me persécuter ? ». Il répondit : « Qui es-tu, Seigneur ? — Je suis Jésus, celui que tu persécutes (Actes des Apôtres - 9).

La foi de Sainte Thérèse dAvila après son entrée au couvent fléchit au point de lui faire abandonner la prière (1541) mais la vision d’une image du Christ raffermit sa foi ébranlée : « C’était une représentation si vive de ce que Notre-Seigneur endura pour nous, qu’en voyant le divin Maître dans cet état, je me sentis profondément bouleversée. Au souvenir de l’ingratitude dont j’avais payé tant d’amour, je fus saisie d’une si grande douleur qu’il me semblait sentir mon cœur se fendre. » 29

Jeanne Schmitz-Rouly (1891-1979), une mystique contemporaine, une dame toute simple, née à Mons, témoigne : « Dans le tram, j'avais commencé à dire une dizaine pour la sainte Eglise, pour les souffrances de l'Eglise, et je pensais donc à tout autre chose. En une fois, je me suis sentie plongée dans le bonheur et je voyais ». 30

Simone Weil, petite fille de rabbin mais ayant reçu une éducation agnostique, tombe à genoux dans la chapelle où priait Saint François d’Assise : « Dans un moment d’intense douleur physique, alors que je m’efforçais d’aimer [...] j’ai senti, sans y être aucunement préparée, – car je n’avais jamais lu les mystiques – une présence plus personnelle, plus certaine, plus réelle que celle d’un être humain, inaccessible et aux sens et à l’imagination, analogue à l’amour qui transparaît à travers le plus tendre sourire d’un être aimé.» 31

Exercices spirituels

Les exercices de piété font l’objet d’une immense littérature. Parmi les plus célèbres, et pratiqués encore aujourd’hui par les Jésuites, les Exercices spirituels Saint Ignace de Loyola (1548). Plusieurs exercices sont propices à l’union avec Dieu et recommandés par les mystiques.

Oraison

C’est le moyen d’entrer dans Le Château intérieur selon Sainte Thérèse d’Avila :

« Retournons à notre beau et délicieux château. Nous devons voir comment nous pourrons y entrer. Il semble que je dise quelque chose d’idiot car si ce château est l’âme (anima), il n’y a pas moyen d’y entrer puisque c’est la même chose. De même qu’il serait insensé de dire à quelqu’un d’entrer dans une pièce s’il y est déjà. Mais vous devez entendre qu’il y a beaucoup de manière d’y être ; qu’à beaucoup d’âmes qui sont sur le chemin de ronde du château ... cela ne dit rien d’entrer ... la porte d’entrée dans ce château est l’oraison. » 32, 33

Les règles de l’ « oraison d’union » sont détaillées par Sainte Thérèse d’Avila34 qui écrit : « Celui qui veut s’adonner à l’oraison doit se figurer qu’il entreprend de faire dans un sol ingrat et couvert de ronces un jardin dont la beauté charme les yeux du Seigneur. »35 « Donc, le bon Jésus a enseigné une sublime méthode d'oraison ; il a demandé que nous soyons comme des anges dès cet exil. »36 A noter la désignation de l’existence terrestre comme un exil, terme presque ‘cathare’.

Jean de la Croix présente un guide de prière dans le Cantique Spirituel : « Ce chant (Cantique) décrit la voie que suit une âme depuis l'instant où elle commence à servir Dieu jusqu'à celui où elle atteint le sommet de la perfection, c'est-à-dire le mariage spirituel. On y traite donc des trois états ou trois voies de la vie spirituelle qui conduisent à l'état de perfection : la voie purificatrice, la voie illuminative et la voie unitive ». 37 La voie purificatrice permet de se dépouiller de tout ce qui s’oppose à l’oraison y compris « Le démon peut provoquer des mouvements sensuels pour favoriser un relâchement ou un abandon du temps appliqué à l'oraison ; les mouvements de la luxure peuvent aussi être le signe d'un tempérament délicat »38 La voie illuminative est celle du passage à la contemplation : «Autrefois dans son oraison et sa relation avec Dieu, elle s'occupait de certaines considérations et suivait certaines méthodes. Maintenant tout se réduit à aimer » 39

La voie unitive est celle du mariage spirituel : « De même que, dans la consommation du mariage naturel, les époux sont dans une seule chair ainsi, une fois le mariage consommé entre Dieu et l'âme, il y a deux natures fondues dans un même esprit et un même amour. » 40

Cette union est pour Jean de la Croix une préfiguration de la vie éternelle qui consiste en « la possession de Dieu par l'union d'amour ». 41

Contemplation

Certains ordres religieux dits contemplatifs ou cloitrés - carmélites, bénédictins, chartreux, clarisses, trappistes, notamment - perpétuent la tradition des moines de Notre Dame du Mont-Carmel rassemblés, après la perte de la Terre-Sainte en 1226, eux-mêmes perpétuant la pratique anachorétique de la contemplation.

« La vie contemplative consiste à conserver de tout son esprit la charité envers Dieu et le prochain, elle cherche à se reposer (quiescere) de l’action extérieure, à s’adonner au seul désir du Créateur, de telle sorte qu’on n’ait plus le goût d’exercer aucune action, dépassant tous les soucis, l’âme alors brûle du désir de voir la face de son Créateur. » Selon Grégoire 1er (540-604) 42

Contemplatif est le terme utilisé de préférence par Thérèse d’Avila et de Jean de la Croix à celui de mystique. « Là où nous parlons de « mystiques » un auteur du XVIe siècle dit plutôt « contemplatifs » ou « spirituels ». 43

La contemplation est, selon Jean de la Croix la voie privilégiée d’entrer en union avec Dieu car c’est la voie passive comme l’explique le site du Carmel en France : « L’âme pénètre de deux manières dans la nuit du sens : l’une active, l’autre passive. Elle y entre activement par des efforts personnels (méditation à la suite du Christ et efforts vertueux). Elle y entre passivement lorsqu’elle n’agit point et laisse Dieu agir en elle, se contentant de se comporter comme un sujet patient » [MC 1, 1, 3]. Qu’est-ce donc que la passivité ? L’action de Dieu prédomine dans l’âme. C’est-à-dire que le croyant le laisse œuvrer en lui. Le méditant ou commençant doit donc apprendre à « se comporter passivement ». Jean d’ailleurs préfère l’adverbe « pasivamente », qui est plus dynamique et responsable, au qualificatif « pasivo », adjectif et substantif. Toutes les épreuves peuvent advenir, et certaines adviennent, mais le contemplatif vit une libération spirituelle. Le Traité de La Nuit obscure est entièrement orienté vers cette nécessité pour celui qui progresse dans le chemin. Lisons plutôt : En conclusion de la nuit passive du sensible [NO 1, 10, 6], Jean encourage : « Que cette âme ne se mette donc pas en peine de voir ses puissances divines privées de leurs opérations. Qu’elle s’en réjouisse au contraire, car si elle a soin de ne pas entraver l’œuvre de contemplation infuse que Dieu opère en elle, elle la recevra avec plus d’abondance et de paix, et donnera lieu à l’esprit d’amour de s’allumer et de s’embraser en elle. C’est en effet cette obscure et secrète contemplation qui le lui apporte et lui fait jeter des flammes. La contemplation, en effet, n’est autre chose qu’une infusion secrète, pacifique et amoureuse de Dieu en l’âme ; et cette infusion, lorsqu’elle ne rencontre pas d’obstacle, embrase l’âme de l’esprit d’amour « Et au long du livre 2 qui décrit la Nuit passive de l’esprit : » Comme c’est Dieu qui opère dans l’âme, elle est réduite à une totale impuissance. Elle ne peut ni prier vocalement, ni appliquer son attention aux choses divines, et moins encore aux choses profanes... « [NO 2, 8, 1] » Ici, c’est dans l’esprit qu’à lieu l’embrasement d’amour. L’âme, au milieu de ses ténèbres et de ses tourments, se sent vivement et fortement blessée d’un véhément amour, et en même temps elle a un certain sentiment de Dieu, elle entrevoit Dieu en quelque sorte, sans connaissances particulières... « [NO 2, 11, 1] » Toutes les opérations et tous les mouvements naturels entravent plus qu’ils ne favorisent la réception des biens spirituels de l’union d’amour, par la raison que tout l’habileté naturelle est incapable d’atteindre aux biens surnaturels que Dieu, par sa seule infusion, dépose dans notre âme passivement, secrètement et silencieusement... » [NO 2, 14, 1] 44

Pour Sainte Thérèse d’Avila la contemplation est un don divin qui n’est pas donné à tous ; voie privilégiée d’union divine, il reste l’oraison pour ceux qui n’ont pas reçu ce don : « La contemplation est un don de Dieu. Et puisqu'elle n'est pas nécessaire au salut et que Dieu ne nous la demande pas comme condition de la récompense future, que cette religieuse ne s'imagine pas que quelqu'un d'autre l'exigera, ni qu'elle cessera pour autant d'être très parfaite si elle met en pratique ce que j'ai écrit ».45

Adoration eucharistique

Selon Saint Augustin, il existe « deux communions au Corps : l’acte de consommer, manger, recevoir » le Christ (id est l’eucharistie) et l’acte d’« être consommé, reçu, assimilé » par le Christ (id est l’Eglise) » 46

Selon Benoît XVI, « Dieu n'est plus seulement en face de nous, comme le Totalement Autre. Il est audedans de nous, et nous sommes en Lui. » 47

« Camille Contzen, cette autre femme belge, docteur en chimie, très rationaliste au départ, élevée dans une famille agnostique, qui se prépare au baptême et à la première communion pour pouvoir épouser un catholique, en 1925. Elle écrit : « Dès que l’hostie eût touché mes lèvres, j’eus la révélation subite de l’Amour total. Je fus d’abord comme hébétée, puis, comme lorsqu’un voile se lève, je vis, dans une clarté fulgurante, avec une certitude qui dépassait la foi, que tout était vrai, merveilleusement. Avec le pain eucharistique, c’était Jésus qui était entré en moi ». 48

Ascèse et mortifications

Imitant les anachorètes égyptiens et syriens, ces « athlètes de l’ascèse » 49, de nombreux grands mystiques s’infligèrent des macérations : Saint Bernard (1091-1153) qui prêcha les Croisades, « réussit à exténuer son corps, à lui infliger un état d’anémie généralisée. Bernard comprenait ce mal, il l’aimait »50 Jean de la Croix s’infligeait des macérations que Thérèse jugeait excessives, elle qui mettait ainsi en garde ses sœurs : « Il en est de même des pénitences inconsidérées ; le but du démon est de vous mettre dans la tête que vous êtes plus pénitentes que les autres. »51

Détachement

A l’opposé de ces macérations, maître Eckart prône une démarche proche de la voie du Tao ou de Bouddha. « Rien ne fait véritablement l’homme que le renoncement à sa volonté » prônant « un nonvouloir, un « délaissement » (Gelazenheit), un « détachement » (Abegesscheidenheit). » 52

Abandon

Louis Massignon (1883-1962), qualifié par boutade de « catholique musulman » par Pie XI, a développé une mystique de l’abandon sous la double influence des mystiques catholiques – l’« abandon extatique » de la « Nuit obscure » dont parle Saint Jean de la Croix – et musulmans en particulier Al Hallâj pour qui : « L’état d’abandon me redevient présence. »53 Massignon écrit : « L’abandon est plus que l’extase, c’est lui qui rend, dès maintenant, le devenir que nous sommes, immortel. » 54,55

Déroulement de l’extase

L’extase n’est pas un état stable, pas un sentiment uni ; la succession de plusieurs états, parfois très opposés, la caractérise ; une alternance de crainte, de félicité et de tristesse ; un transport, une élévation puis une descente voire une dépression. Certaines extases sont précédées d’une angoisse, d’une confusion, d’une déréliction. Les récits témoignent de la fluctuation de l’état d’âme de l’extatique. La médecine en décrit l’étiologie, la psychanalyse dresse la topique de cette instabilité narrée par les mystiques.

Sainte Thérèse d’Avila exprime ainsi cette « confusion des sentiments » :

« Le Premier, dit-elle, c'est de montrer le souverain pouvoir de Dieu. Quand Sa Majesté le veut, nous sommes aussi incapables de retenir le corps que l'âme et nous n'en sommes plus les maîtres... et on est pénétré de la crainte la plus vive, mais cette crainte est enveloppée de l'amour le plus ardent... Un autre effet du ravissement, c'est un détachement merveilleux... On devient alors si étranger à toutes les choses d'ici-bas que le fardeau de la vie devient beaucoup plus pénible. On éprouve ensuite une peine que nous ne saurions nous procurer nous-mêmes ni éloigner de nous quand nous l'avons... c'est un délaissement extrême... une solitude où l'âme se voit en proie à une peine subtile et pénétrante... L'âme, se semble, n'est plus en elle-même, mais sur le faîte ou la partie la plus élevée d'elle-même, au-dessus de toutes les créatures. On dirait qu'elle habite plus haut encore et se trouve au-dessus de la partie la plus élevée d'elle-même... L'âme est dans un état tel qu'il ne lui vient aucune consolation du Ciel, où elle n'habite pas encore, ni de la terre où elle n'est plus et d'où elle ne peut point en recevoir... L'âme ne veut plus que son Dieu et elle le veut tout entier. » 56

Sainte Thérèse de Lisieux connaît un épisode de déréliction durant la « nuit de la foi » durant la semaine sainte 1896, elle doute de la vie éternelle. 57

Le mystique se met en scène, crée une dramaturgie de son expérience, de l’attente, de l’espoir et de la crainte de l’extase, de l’acmé d’unité atteinte et de la dépression suivant le climax. Michel de Certeau commente la construction de la mystique comme une « science nouvelle » celle de la recherche d’un corps mystique « corpus mysticum ou le corps manquant » par des scénarios mettant en jeu des événements (douleur/jouissance), des discours donnant du sens, des pratiques (communication, lien social). « La mystique comme, littérature, compose des scénarios de corps. De ce point de vue, elle est cinématographique ». 58

Symptômes et manifestations de l’extase

Les récits d’extase mystique comportent des thématiques communes pour décrire ses symptômes, ses manifestations. Ces thématiques ne sont pas propres à l’extase catholique ; les mystiques juifs, orthodoxes, protestants, musulmans, les sectateurs divers (occultisme...) décrivent des états similaires. Cette communauté d’expériences s’explique par le fond commun mystique des religions du Livre et, audelà de la Bible, par le fond philosophique assimilant le Logos / La Lumière / L’âme (nous/daimon...) hellénistique et, encore, avant au fond de spiritualités sumériennes et babyloniennes.

Une vision de lumière

La sortie de soi, étymologie même du mot extase

Une sensation violente de joie parfois de douleur

Un cheminement

Un vocabulaire amoureux

Une tentation de repli sur soi et de retrait du monde

Une sensation d’élévation, de montée vers Dieu

Une vision de lumière

L’extase, expérience d’union charnelle et spirituelle avec le divin est généralement accompagné d’une illumination. Le divin étant situé dans le ciel, la lumière lui est associé. La thématique de l’illumination est présente dans l’Ancien Testament.

YHWH apparut à Moïse sur le mont Sinaï sous forme d’un feu : « 15 Moïse monta sur la montagne, qui fut recouverte par la nuée. 16 La gloire de l'Eternel reposa sur le mont Sinaï et la nuée le recouvrit pendant 6 jours. Le septième jour, l'Eternel appela Moïse du milieu de la nuée. 17 La gloire de l'Eternel avait l'apparence d'un feu dévorant au sommet de la montagne, aux yeux des Israélites. 18 Moïse pénétra au milieu de la nuée et continua de gravir la montagne. Il y resta 40 jours et 40 nuits. » Exode 24.1-18

Une lumière entoura Paul sur le chemin de Damas lors de sa conversion.

Un cheminement

Le discours mystique use pour décrire sa progression vers l’union extatique d’une parabole : celle du cheminement au sein d’un espace symbolique.

Sainte Thérèse d’Avila décrit ainsi un château intérieur « Considérer notre âme (alma) comme un château tout d’un diamant ou d’un très clair cristal où il y a de nombreux séjours. »59 « La fiction ou la figuration de la « demeure » (morada) instaure un cadre susceptible de représenter à la fois le dire dialogal d’où naît le sujet croyant (le conversar), le parler inaudible qui fait écho à ce dire (l’âme) et le langage qui produit au jour ces opérations de l’âme (le traité spirituel) » 60

Jean de la Croix décrit dans La Montée du Carmel et La Nuit obscure les étapes de l’ascension de l’âme vers Dieu.

La montée au ciel

La vision d’une montée au ciel, lieu de séjour des dieux, est commune à toutes les religions antiques, est présente dans la Bible.

Hénoch est ainsi emporté dans le ciel en sa 365e année par Dieu Genèse 5,24

Saint Paul narre ainsi son extase : « J'en viendrai néanmoins à des visions et à des révélations du Seigneur. Je connais un homme en Christ, qui fut, il y a quatorze ans, ravi jusqu'au troisième ciel (si ce fut dans son corps je ne sais, si ce fut hors de son corps je ne sais, Dieu le sait). Et je sais que cet homme (si ce fut dans son corps ou sans son corps je ne sais, Dieu le sait) fut enlevé dans le paradis, et qu'il entendit des paroles merveilleuses qu'il n'est pas permis à un homme d'exprimer. » Cor 12 :2-4

Le ravissement, une sortie de soi

L’expression de l’extase chrétienne est conforme à l’étymologie du mot. Le mystique déclare « sortir de soi ». Les mystiques expriment cette sortie de soi comme un ravissement au sens d’une perte de sa volonté propre, un emport physique, et aussi au sens d’une béatitude. Le ravissement est vécu comme soudain, brutal même ; il saisit parfois à l’improviste ; il saisit comme un rapt.

Dans les mots de Sainte Thérèse d’Avila on croit voir l’enlèvement des sabines. La dimension érotique de douce violence est flagrante. Sainte Thérèse d’Avila parle ainsi de rapto « rapt », ou d’arrobamiento « arrachement ». L’âme est enlevée, pour un moment, à l’ordinaire de la vie, et comme suspendue entre ciel et terre par un amour très fort, éblouissant. « Ici, il n'y a aucun moyen de résister... Très souvent même, prévenant toute pensée, toute coopération, Je ravissement font sur vous avec une impétuosité si soudaine et si forte que vous voyez, que vous sentez s'élever cet aigle puissant, qui vous emporte sur ses ailes.... Mon âme était enlevée, et même ordinairement ma tête suivait ce transport sans qu'il y eût moyen de la retenir ; quelquefois même, le corps tout entier était transporté lui aussi, et ne touchait plus terre. » 61

Pour Saint François de Sales : « L'extase s'appelle ravissement, d'autant que par elle Dieu nous attire et élève à soi ; et le ravissement s'appelle extase, en tant que par lui nous sortons et demeurons hors et audessus de nous-mêmes, pour nous unir à Dieu » 62

La sortie de soi s’accompagne d’une perte de la sensation corporelle décrite ainsi par Jean de la Croix : « Durant cette visite de l'Esprit de Dieu, l'esprit de l'âme est ravi avec grande vigueur pour entrer en rapport avec l'Esprit de Dieu et il détruit le corps ; il ne sent plus par lui, il n'agit plus par lui, parce qu'il agit en Dieu. Aussi Il n'en faut pas conclure que l'âme détruit le corps, et le dépouille de la vie surnaturelle, mais seulement qu'elle n'a plus aucun agir chez lui ; et telle est la raison pour laquelle dans ces rapts et vols de l'esprit le corps demeure privé de sentiment. Lui causerait-on d'extrêmes douleurs, il ne sentirait rien. » 63

Joie et souffrance mêlées

Si l’extase peut provoquer une sensation de détachement corporel, elle peut être ressentie très fortement dans sa chair par le mystique, au risque même de sa vie, ainsi que l’écrit Sainte Thérèse d’Avila : « Il y a deux choses dans cet état spirituel qui exposent au danger de mort. L'une, c'est la souffrance dont je viens de parler et qui constitue vraiment un danger même très grave. L'autre, c'est la joie si excessive et la consolation si extraordinaire que l'âme éprouve : il semble réellement que l'on se meurt et qu'il ne manque plus qu'un rien à l'âme pour se séparer du corps. » 64

La transverbération

La transverbération est un terme utilisé par Saint Augustin pour désigner le percement des pieds et des mains du Christ sur la Croix. La sensation d’un coup de lance au cœur ressentie est d’évidence une identification à la passion du Christ et perçue comme un signe de reconnaissance christique. Certains mystiques ont témoigné de cette expérience vécue comme une crucifixion ou comme le coup de lance qui abrégea l’agonie du Christ. Certains en portaient les stigmates constatés post mortem ou durant leur vie par des saignements à des dates particulières.

Cette souffrance extatique est reconnue comme avérée par l’Eglise s’agissant de plusieurs saints, le premier étant Saint François d’Assise qui reçoit les stigmates le 12 septembre 1224. 65

Témoignages

Saint Paul : « J’ai été crucifié avec le Christ, si je vis, ce n’est plus moi qui vis, c’est le Christ qui vit en moi » Epitre aux Galates 2-19-20

Sainte Thérèse d’Avila : « Je voyais donc l’ange qui tenait à la main un long javelot d’or dont la pointe laissait échapper une flamme. Il m’en perça soudain le cœur jusqu’aux fibres les plus profondes et il me semblait qu’en le retirant, il en emportait des lambeaux. Puis il me laissa toute entière embrasée de l’amour de Dieu. La douleur était si vive qu’elle m’arrachait des gémissements, mais accompagnée d’une telle volupté que j’aurais voulu qu’elle ne cessât jamais » 66

Padre Pio : « Je vis devant moi un personnage mystérieux dont les mains, les pieds, la poitrine, ruisselaient de sang. Je sentis mon cœur blessé par un dard de feu... Ce personnage disparut à ma vue et je m'aperçus que mes mains, mes pieds, ma poitrine étaient percés et ruisselaient de sang ! ». 67

Louis Massignon, disait de son expérience de la nuit du 2 mai 1908 : « J’avais subi un coup : intérieur, inouï, suppliciant, surnaturel, indicible. Comme une brûlure, au centre » 68

La voix

Le mystique entend lors de l’extase la voix de Dieu. S’il la communique aux hommes, il devient prophète. La glossolalie si elle est inspirée par le Diable est alors possession.

« Le postulat d’une Révélation. ... « Dieu a parlé. « Le verbe s’est fait chair. » ... (alors que) dans l’ontologie plotinienne de l’Un, la langue est exclue de l’expérience mystique ... prend forme le paradoxe chrétien d’une langue mystique. » 69

« Car le langage est doublement un « pèlerinage », un « déplacement spirituel », puisqu’on n’élabore un langage que pour sortir de soi vers un autre, pour évoquer avec lui un absent » Louis Massignon 70

La vue de Dieu

Comme le rappelle Jean de la Croix, la vue du visage de Dieu était, pour les Hébreux, proscrite : « Faites voir votre présence. Il arriva la même chose à Moïse ; ne pouvant soutenir l'éclat des rayons de Dieu, il le pria de le favoriser de sa vue. Si j'ai mérité quelque grâce auprès de vous, dit-il, je vous prie, Seigneur, de me montrer votre face, afin que je vous connaisse. Mais Dieu lui répondit qu'il ne pouvait voir sa face, parce que personne ne peut voir Dieu en cette vie (Exod., XXXIII, 23 et 20). Comme s'il lui eût dit : La beauté de ma face est si grande, le plaisir de me voir est si sensible, que votre âme, pendant qu'elle est en ce monde, est incapable de les supporter. L'épouse, persuadée de cette vérité, souhaite mourir de la sorte. C'est pourquoi elle ajoute : Que votre vue et votre beauté me fassent mourir. » 71