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Judas Iscariot est l'inconnu du Nouveau Testament. De son origine, de son apparence, de son caractère, les Écritures ne nous disent rien. Son rôle est pourtant central dans l'accomplissement de la mission salvifique du Christ. La livraison de Jésus par Judas, sa trahison selon une traduction biaisée, motivée selon Jean par l'avarice, en fait un apôtre infidèle et félon selon la doxa chrétienne. Par antonomase et par syllogisme, c'est tout le peuple juif qui devient traître, avare, déicide. Ce premier tome analyse les fondements religieux de l 'instrumentalisation de Judas, l'oubli du message de Paul par un prêche antijudaïque qui sema pendant deux mille ans le mauvais grain de l'antisémitisme moderne. Les tomes suivants présentent l'iconographie, la Légende noire, le folklore, la caricature politique, la littérature et le cinéma inspirés par le mythe de Judas, l'apôtre perdu.
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Seitenzahl: 680
Première
Brevarium Monialium, 1201, Munich Bayerish Staatsbibliothek BSB MS 2640 Bild 26
Flagellation du Christ par des Juifs identifiés par leurs bonnets pointus ‘pileus cornutus’ ‘Judenhut’
Dernière
Joos van Cleve, Autel de la lamentation (détail), Musée du Louvre, 1ère moitié du XVIe siècle, Web Gallery of Art
Judas, roux de chevelure et de barbe en bouc, sombre de peau, au nez busqué
Introduction
Dédicaces
Sommaire général de l’ouvrage
Avertissement
Judas, victime de paronomase antisémite
Chronologie générale
Histoire de l’antijudaïsme et de l’antisémitisme
Antijudaïsme et antisémitisme
Introduction
Histoire générale de l’antisémitisme
Genèse de l’antisémitisme chrétien
Antisémitisme païen
Meurtre rituel
Dénigrement
L’âne
Le porc
Dérèglements sexuels
Dates clé de l’enseignement antisémite de l’Eglise chrétienne
Les Croisades
L’Inquisition : d’infidèle, le Juif devint hérétique
Attitude de l’Eglise à l’égard des Juifs
Haine prédicatoire versus modération dans la pratique
Protection des Juifs par l’Eglise
Le IVe Concile de Latran
Les signes de ségrégation antisémite
Edits d’expulsion
Antijudaïsme et antisémitisme
Réfutation et accusations chrétiennes
Florilège de dénis de la responsabilité de l’Eglise dans la genèse de l’antisémitisme
Auteurs chrétiens
Autres auteurs
Accusations contre les Juifs
Persécuteurs des Chrétiens
Fauteurs d’hérésies
Ennemis infatigables des chrétiens, prosélytes inextinguibles
Les Juifs, un peuple traitre
Un peuple inassimilable, signe de punition
Conspiration des rabbins pour corrompre les Ecritures
Inhumanité des Juifs
Les Juifs créatures de Satan
Les Juifs dévots de l’Antéchrist
Antisémitisme religieux contemporain
Un « impossible antisémitisme » chrétien
BLOY Léon, Le Salut par les Juifs, « un antijudaïsme pro hébreu »
Jacques Maritain, « l’impossible antisémitisme »
Jules Isaac,la réfutation de l’antisémitisme chrétien par l’histoire et l’exégèse
châtiment providentiel
.
Histoire d’une instrumentalisation religieuse
« L’enseignement du mépris »
Causes de l’antisémitisme chrétien
Bibliographie
Histoire générale de l’antisémitisme
Histoire de l’antisémitisme
Antisémitisme grec et romain non chrétiens
Antisémitisme au Moyen-Age
Histoire religieuse
Histoire générale
Croisades
Fondements religieux de l’antijudaïsme chrétien
Introduction
Sources
Exégèse religieuse
Ouvrages et articles généraux
Bouchée de Judas
Lavement des pieds
Onction à Béthanie
Substitution
Judas Iscariot, l’inconnu du Nouveau Testament
Introduction
Chronologie des Ecritures
Datation
Rédacteurs
Judas l’inconnu le plus célèbre du Nouveau Testament
« Le personnage le plus important des Evangiles après Jésus »
Judas dans les Ecritures
Trente citations de Judas Iscariot seulement dans les Evangiles
La synopse
Du mystère Judas Iscariot naquit le mythe et la Légende noire
Un personnage reconnaissable du premier regard mais à compter du XII siècle seulement
Un apôtre parmi les autres, au moins au début de l’Eglise
Historicité controversée de Judas Iscariot
Judas l’Iscariot, l’inconnu des Ecritures
« Judas trahi par la traduction »
Paradounai, « livraison » pas « trahison »
Judas et Marie !?
Avec Judas apparaît l’usage du mot
ioudaïoi
« Juif »
Contexte politique et religieux de rédaction du Nouveau Testament
La rédaction de la Bonne parole, nécessaire et urgente
La vindicte contre Judas
élément de discours
du kérygme
La concurrence entre judéo-chrétiens et hellénistes pour la gouvernance de l’Eglise
L’Eglise, le nouvel Israël
L’antijudaïsme est de « bonne politique » sous les Césars
La thèse de la punition du peuple juif en 70
Paul, la voix juive du Nouveau Testament
Paul, l’inventeur du Christianisme
L es Epitres aux Romains
L’épitre aux Galates
L’épitre aux Thessaloniciens
Lettre à Timothée
Tradition paulinienne
Rejet du message paulinien
Les Evangiles
Un récit évangéliste de plus en plus antijudaïque
Enfance de Jésus
Judas participa-ti-il au miracle des Cana de Galilée
Institution de Judas comme apôtre
Judas chargé de la bourse commune
L’onction de nard des pieds de Jésus
Judas va trouver les grands prêtres
Le moment
La rançon, « le prix du sang »
Motivation
Lavement des pieds de Judas, l’un des disciples, par Jésus
Possession satanique de Judas
Annonce par Jésus de sa mort prochaine avec ou sans désignation de Judas
Evangiles synoptiques
En réaction à la reconnaissance par Pierre de Jésus comme Messie
En réponse à l’incrédulité des scribes juifs
Jésus réitère son annonce aux disciples réunis en Galilée
Lors du dernier repas
Evangile de Jean
Judas participe à la Cène, le dernier repas où Jésus annonce sa livraison
Participation de Judas à l’Eucharistie
Car celui qui mange et boit sans discerner le corps mange et boit sa propre condamnation. 1 Cor 11,29
« Même l’ami sur qui je comptais, et qui partageait mon pain, a levé le talon sur moi » Psaume 41,10
« Il aurait mieux valu pour cet homme-là qu'il ne soit pas né ! »
La bouchée
Arrestation de Jésus à Gethsémani
Prière solitaire de Jésus au milieu des apôtres endormis
Une troupe armée guidée par Judas
L’arrestation a lieu de nuit
Le salut adressé par Judas à Jésus
Le baiser donné par Judas
Interpellation de Judas par Jésus
« Mon ami » ou « mon faux ami » ?
L’oreille de Malchus
Evanouissement des soldats
La fuite d’un disciple nu
« Ce que tu as à faire, fais-le vite » (Jn 13,27)
Intercession de Claudia auprès de Pilate
Passion et crucifixion du Christ
Longin le bon centurion
« Jésus dit alors : « Père, pardonne-leur, car ils ne savent pas ce qu'ils font. » » (Lc 23,34)
Fin de Judas
Remord de Judas
Judas restitue l’argent du sang
Le champ du potier, Hakeldema
Mort de Judas
« Tout le peuple répondit : « Nous prenons son sang sur nous et sur nos enfants ! » (Mt 27,25)
Descente de Jésus aux enfers – Anastasis
Rencontre de Judas et de Jésus aux enfers
Actes des apôtres
Evolution de la figure de Judas dans le Nouveau Testament
Une rédaction historique
Judas, né traitre ou devenu traitre ?
Judas instrument de l’accomplissement des Ecritures ?
Synthèse
La théologie de la substitution fondée par le Nouveau testament ?
Le Nouveau Testament est-il antisémite ?
Des évangiles de plus en plus hostiles à Judas et au peuple juif ?
Bibliographie
Paul
Apocryphes chrétiens
Introduction
Présentation chronologique
IIe siècle
Evangile de Pierre circa 130
Evangile des Ebionites – Evangile des douze apôtres – seconde moitié du IIe siècle
Martyre de Polycarpe circa 166
Evangile de Judas (fin du IIe siècle)
IIIe siècle
Actes de Pierre (IIe ou IIIe siècle)
Actes d’André et de Paul (IIe ou IIIe siècle)
Apocalypse de Paul (dernier tiers du IIIe siècle)
Actes de l’apôtre Pierre et de Simon (IIIe siècle)
Actes de Thomas (1
ère
moitié du IIIe siècle)
IVe siècle
Actes de Philippe (IV-Ve siècle)
Evangile de Philippe (fin du IVe siècle)
Evangile de Nicodème ou Actes de Pilate (IVe s.)
« A propos des volailles cuites qui ont chanté » (XIe siècle)
Listes d’apôtres et de disciples (IVe siècle)
Passion de Matthieu (IVe siècle)
Ve siècle
Livre de la Résurrection de Jésus-Christ par l’apôtre Barthélemy (Ve siècle)
Vie de Jésus en arabe (V-VIe siècle)
Ve siècle
Déclaration de Joseph d’Arimathée (Ve)
Homélie sur la vie de Jésus et son amour pour les apôtres (V-VIIe siècle)
Lettres de Jésus-Christ (Ve siècle)
VIIIe siècle
La Vengeance du Sauveur (VIIIe siècle)
Questions de Barthélemy (VII-VIIIe siècle)
Pseudo-Cyril de Jérusalem (VIIIe siècle)
XI-XIIe siècle
Mort de Pilate
XIVe siècle
Livre du coq
Introduction
Datation
La colonne de pierre
(
1,9-20)
Perfidie de Jésus (1,22)
L’espion de Judas
(
1,25-31)
Serpent (
1,16-22)
L’onction de la pécheresse (3,1-8)
Le lavement des pieds (3,9-15)
La bouchée (3,20)
L’Eucharistie (3,24)
Le coq ressuscité, espion de Jésus (4,1-25)
Sensualité de Judas (4,9)
Femme de Judas, mauvaise conseillère (4,9-12)
L’étole sacerdotale marque de reconnaissance de Jésus
Judas se lave les mains
Paul Saul de Tarse, le
traitre (4,15-16)
Arrestation de Jésus (5,1-17)
Jésus traduit en justice et maltraité (6-3,7)
Une femme de la famille de
Judas dénonce Jésus (6,8-14)
Le suicide de Judas (7,6-8)
Jésus condamné puis crucifié par les Juifs
Iconographie du coq
Bibliographie
Martyre de Pilate (XIVe siècle)
Origine et datation incertaine
A - Le dialogue du paralytique avec Jésus
B - Multiplication des pains
C- La femme de Judas, mauvaise conseillère
D - La femme de Judas, nourrice du fils de Joseph d’Arimathie
E - Rencontre de Judas avec Jésus en Enfer
F – Pilate propose à Jésus d’être le roi des Juifs
G – Le diable « pêcheur d’âmes mauvaises »
H – Le coq ressuscité
Présentation thématique
Adam
Barrabas
Bouchée accusatrice
Caïn
Châtiment des Juifs
Claudia Proc(u)la
Coq
Crucifixion
Culpabilité
Cupidité
Destruction de Jérusalem
Diable
Douzième apôtre
Espion
Eucharistie
Eve
Femme de Judas
Sœur de Barrabas
Femme de la famille de Judas
Hérode
Infidélité
Judas espion du Sanhédrin
Lavement des pieds
Loi
Mal né
Multiplication des pains
Outrages
Partage des pains
Paul - Saul de Tarse
Perfidie de Jésus
Pharisiens
Pierre
Pilate exonéré du crime de déicide
Pilate, Enfants de Pilate
Pilate, Femme de Pilate
Pilate, sa mort et/ou son suicide
Satan, Judas satanisé
Sensualité de Judas
Serpent
Substitution
Synagogue aveugle
Usure
Violent
Voleur
Bibliographie
Apocryphes
Recueils
Index
Textes
Exégèse
Pères de l’Eglise 1
er
– VIIe siècle
Introduction
Chronologie
1
er
siècle
Clément de Rome
(† 99)
IIe siècle
Second Epitre de Clément (140) Littérature pseudo-clémentine
Papias de Hiérapolis (1ère partie du IIe siècle
)
Justin de Naplouse
(
† circa 165)
Celse
(
circa 180)
IIIe siècle
Irénée de Lyon
(
130-202)
Tertullien
(
150 – 220)
La prescription des hérétiques, 47, IIIe s
.
De spectaculis
.
Méliton de Sardes
Marcion
IIIe siècle
Origène
Commentaire sur Jean
Commentaire sur saint Jean
Commentaire sur les Ephésiens
Contre Celse (248
)
Versets sataniques ?
Espoir de pardon
Cyprien de Carthage
Commodien de Gaza
Hyppolite de Rome
IVe siècle
Lactance
(
250-325)
Hilaire de Poitiers
(
315-367)
Constitutions apostoliques (fin du IVe siècle)
Ambroise de Milan
(
340-397)
Eusèbe de Césarée
(
265-340)
Éphrem de Nisibe
Appolinaris de Laodicée
(
310-390)
Juvencus
Ve siècle
Epiphane de Chypre, de
Salamine
(
315-403)
Jean Chrysostome
(
344-407)
De proditione Judae – De la trahison de Judas, Première homélie (circa 388)
Première homélie sur la trahison de Judas 3 (circa 388)
Première homélie sur la trahison de Judas 6
Homélie sur Jean
Homélie sur Matthieu
Homélie sur les Actes des Apôtres, III,3
Contre les Juifs, contre les chrétiens judaïsants
Jérôme de Stridon
(
347-420)
Augustin d’Hippone
(
354-430)
Augustin dans son temps
L’enseignement du mépris
« Les Juifs, héritiers du démon »
Irénisme d’Augustin…
… mais appel à la nécessaire séparation de l’ivraie du sein de l’Eglise
Judas dans l’œuvre d’Augustin
Traités sur Jean
62,3-4 v
.
407-417 « non pas qu’il lui commandât son crime mais il prédit le mal à Judas »
Epitre aux Partes
Cité de Dieu
Sermon
Question sur les Evangiles
Ennarationes in Psalmos (Commentaires sur les Psaumes)
Lettre aux donatistes
Extraits choisis
Jean Cassien
Léon 1er dit le Grand
Sedulius
Quodvultdeus
Gelasius I
VIe siècle
Grégoire 1er dit Grégoire le Grand
Thématiques
Expression d’un reste de respect de Judas pour Jésus
Baiser hypocrite, sauvage :
Expression de sa miséricorde
Moment de l’entrée de Judas en Satan :
La bouchée, une Hostie ?
Synthèse
Affirmation de l’Eglise et antijudaïsme
Paronomase Judas-Judeus
Judas est condamné non tant pour ses actes que pour les fins qu’il poursuivit
Bibliographie
Bases
Auteurs
Auteurs antichrétiens
Commentaires
Théologie médiévale
Introduction
Chronologie
VIIe siècle
Julien de Tolède (642-690)
Isidore de Séville
(
560-636)
Bède le Vénérable (672-735)
IXe siècle
Godescalc d’Orbaïs († 868)
Louis le Pieux (778-840)
Agobart de Lyon (799-840)
Xe siècle
XIe siècle
XIIe siècle
Anselme de Cantorbery (1033-1109)
Pierre Abélard (1079-1142)
Pierre Lombard (1095-1160)
Sentences de Saint-Florian
Pierre le Mangeur (1100-1179)
Théophylacte d’Achride (d’Ohrid) († 1126)
Bernard de Clairvaux
Maurice de Sully (1105-1196)
Pierre le Chantre († 1197)
XIIIe siècle
Saint François d’Assise
Guillaume de Bourges
Hugues de Saint-Cher (†1263)
Bonaventure
Thomas d’Aquin (1225-1274)
Somme de théologie, IIIe, Q 81, art 2 (1266-1273
Commentaire de Jean 13,26 v. 1270-1272
Vincent de Beauvais
Saint Bonaventure
L’arbre de vie
Le Breviloquium
Méditations sur la vie de Jésus-Christ
XIVe siècle
Nicolas de Lyre
XVe siècle
Vincent Ferrier
XVIe siècle
Erasme
Thématiques scholastiques
Bibliographie
Théologie médiévale
Auteurs
Commentaires
Protestantisme
Introduction
Luther (1483-1546)
Antijudaïsme et antisémitisme de Luther
Que Jésus-Christ est né juif (1523)
Wider die Sabbather (Contre les Sabbathériens) (1538)
Les Juifs et leurs mensonges (1543)
Vom Schem Hamphoras und vom Geschlecht Christi
(
1543)
Sermons sur la Passion du Christ
(
1518-1519)
Commentaires des Psaumes (1513-1521)
Propos de table (1533)
Du serf arbitre (1525)
Sermon (1539)
Admonestation contre les Juifs (15 février 1546)
Iconographie
Jean Calvin (1509-1564)
Introduction
Réponse aux questions et objections d'un certain juif (1575)
Institutions de la religion chrétienne (1559)
Commentaire sur Matthieu (1561)
Sermons sur la Passion (1563)
Deuxième sermon
Quatrième sermon
Le dialogue entre l’Eglise protestante et le judaïsme
Paul Tillich (1886-1965)
Karl Barth (1886-1968)
Herbert Stein-Schneider
Bibliographie
Textes
Commentaires
Contre-Réforme
Johannes Eck (1486-1543)
Concile de Trente
Blaise Pascal (1623-1662)
Les « rabbinages » de Pascal
Louis Bourdaloue
Bossuet (1627-1704)
Discours sur l’Histoire universelle, 1681
Méditations sur l’Evangile
Massillon Jean-Baptiste (1633-1742)
Jansénius
Fénelon (1651-1715)
Bibliographie
Aggiornamento catholique
Jean-Marie Vianney (1786-1849)
L’Eglise chrétienne face aux persécutions antisémites
Aggiornamento catholique au lendemain de la Shoah
Primo Mazzolari
Oremus et pro perfidis Judaeis
Origine de la prière
Interprétation de la prière
Révision de la liturgie
Pie XI
Pie XII
Benoit XVI
Pape François
Théologie
Un Judas égoïste jusqu’à la trahison
Une damnation incertaine
Politique
La tentation de Judas menace les princes de l’Eglise
Christoph Wrembek
Bibliographie
Réhabilitation de Judas dans la dogmatique orthodoxe
Serge Boulgakov
Eglise orthodoxe, Judas réhabilité
Dimitri Merejkowsky (1865-1941)
Bibliographie
Judas dans le récit musulman
Synthèse
Textes
Coran
Glose coranique
Wahb ibn Munnabbih
Muhammad Ibn Garir al-Tabari (839-923)
Tafsir (explication,commentaires du Coran)
Ibn Kathir (1301-1373)
al-Baydawi
al-Kasyaf
La légende chrétienne de Bahîra
La Doctrina Jacobi ou Didascalie de Jacob (640)
L’évangile de Barnabé
La vie de Jésus en arabe
Littérature arabe musulmane moderne
Kamel Hussein
Bibliographie
Judas dans la tradition hébraïque
Introduction
Talmud, Midrash et écrits rabbiniques
Synthèse
Textes
Talmud
Talmud et autres sources
Sefer Toledot Yeshou Livre des engendrements de Jésus (circa IIe siècle
)
Version Wagenseil et des manuscrits de Vienne et de Strasbourg
Version Huldreich
Postérité des écrits juifs antichrétiens
Littérature chrétienne
Bibliographie
Bibliographie du tome I
Bibliographie générale
Ecrits antichrétiens et anticléricaux
Index
Liste des images
« Dans le même fait où nous voyons Dieu le Père et le Seigneur Jésus-Christ, nous voyons aussi le traître Judas. »Augustin, Ennarationes in Psalmos, LXV, 7, PL XXXVI, col. 793 1
Ce livre est le premier des six tomes de notre ouvrage consacré à l’Iconographie antisémite de la vie de Judas Iscariot. Le choix de ce titre n’est pas un blasphème, un jeu de mot en forme de dérision des innombrables Vie de Jésus, mais le constat que Judas est l’inconnu du Nouveau Testament. Son origine, son apparence, surtout ses motivations pour rejoindre Jésus puis pour s’en détourner et le livrer aux sbires du Sanhédrin nous sont inconnues. Sur les quelques rares notations évangélistes, s’est élaborée une doxa chrétienne accusatoire et damnatoire mais, en scripturairement, de l’apôtre perdu nous ne connaissons bien que sa compromission avec les Grands prêtres juifs, la perception de trente deniers, la conduite de l’escouade juive à Gethsémani, son remord marqué par la restitution du « prix du sang » et son suicide. Les évangiles font une relation largement identique de la vie de Judas mais de factuel par Marc, le récit devient interprétatif parfois chez Matthieu, accusatoire chez Luc, comminatoire chez Jean. L’incohérence du récit de sa fin, pendaison selon les évangiles synoptiques, éventrement selon les Actes des apôtres constitue une aporie que la glose patristique puis médiévale ne convainc pas à résoudre. L’art religieux, dans l’incertitude, prendra à compter du Moyen-Age, le parti de représenter souvent Judas pendu et éviscéré. « Une vie ratée » selon la formule de Karl Barth. Faisant fond sur une lecture johannique, la théologie chrétienne fit de la « trahison » de Judas, mot que nous écrivons entre parenthèses car comme cela est développé dans ce tome, le texte grec parle de « livraison » et c’est par le détournement intentionnel de la traduction latine par Jérôme, « Judas trahi par la traduction » selon l’aphorisme de Pierre-Emmanuel Dauziat, que s’est imposée l’affirmation simple et ô combien propice à une lecture apologétique de la Passion du Christ de la trahison de Jésus par l’apôtre félon. Judas ayant livré Jésus aux Juifs qui le condamnent comme hérétique et le livre au glaive romain, Jésus meurt sur la Croix, supplice réservé aux esclaves mais marqué du titulus dérisoire de « Roi des Juifs ». Jésus tué de la main de Rome fait, sous la plume des Pères de l’Eglise, de Judas un déicide. L’église chrétienne de victime de la vindicte juive et romaine devient, par la grâce de Constantin, Eglise d’Etat et la religion juive, auparavant admise par Rome, devient une menace. Le sac de Jérusalem par Titus n’avait pourtant pas épuisé le prosélytisme dirimant de la communauté juive et sa concurrence efficace contre le prêche chrétien marque les sermons patristiques. Audelà de Judas c’est toute la communauté juive qui est honnie par la propagande religieuse chrétienne. L’antonomase se fait entre Judas et Juif. Tout le peuple juif, celui qui selon la formule terrible de Matthieu accepte, quand il réclame la libération de Barabbas et non de Jésus des mains de Pilate, devient déicide. Paul était confiant sur la conversion ultime du peuple juif qui finirait par reconnaître le vrai Messie mais la jeune Eglise, désespérant de détourner le peuple dont elle est issue, part catéchiser les Gentils dans le vaste Empire romain. Après une brève conduite de la communauté chrétienne par des judéochrétiens, les Chrétiens rompent avec leurs frères de sang, les Pères de l’Eglise affirment non seulement la supériorité mais la substitution de l’Alliance nouvelle sur l’ancienne. Le peuple juif est justement, pour son aveuglement, condamné à l’errance et, selon certains Pères, déjà, à la disparition. L’antijudaïsme religieux sème alors le grain de l’antisémitisme par « enseignement du mépris et de système d’avilissement » selon la formule de Jules Isaac 2. L’art religieux, étudié dans le tome II, est un catéchisme en images ; il fait de la représentation de la perception des trente deniers, du baiser de Judas, du suicide de Judas des démonstrations de la fausseté de Judas. Les croisades marquent la rupture d’un art figuratif où Judas est un apôtre parmi les autres à un art qui montre l’exclusion de Judas. Sur le mystère Judas s’est construite toute une théologie mais aussi une Légende noire, légende exacerbant les accusations d’avarice et de perfidie des théologiens, et s’inspirant des apocryphes et de la pure imagination de ses auteurs. Cette Légende noire, abordée dans le tome III, est propagée aux foules par les Mystères et Passions au Moyen-Age et jusque dans le théâtre religieux de la première moitié du XXe siècle et, de nos jours encore, dans le Folklore. L’antisémitisme moderne, celui de l’Affaire Dreyfus, de Vichy ou nazi se source dans deux mille ans d’antijudaïsme militant. Immense est la littérature profane sur Judas. Judas est dans la culture occidentale une icône du traitre, un nom emportant du sens, nulle surprise donc que la caricature politique et religieuse instrumentalise le nom et l’image. Judas, traitre ou héros tragique, a inspiré des centaines de romans, pièces de théâtre, poèmes, chansons, films dont nous présentons une synthèse dans le tome IV. Le tome V présente une Vie de Judas Iscariot en images. Le tome VI forme un Dictionnaire de Judas.
Le présent tome traite de la représentation de Judas dans l’histoire de l’antisémitisme et étudie la construction de l’antijudaïsme par l’accusation de Judas dans le Nouveau testament, les apocryphes, la théologie, de celle patristique jusqu’à celle contemporaine. Au cours de ces deux millénaires, les voix discordantes sur la doxa accusatoire sont peu nombreuses mais fortes, celle d’un Paul, celle d’un Bernard de Clairvaux, celle d’un Maritain, celle d’un Karl Barth, aujourd’hui, enfin, celle du Pape François. La lecture de toute cette littérature religieuse éclaire l’interprétation des milliers d’images de la Vie de Judas Iscariot en montrant combien l’iconographie religieuse fut auprès des fidèles illettrés un prêche imagier. Rupert de Deutz explique en réponse que « ce que les livres offrent (aux hommes instruits), les images le représentent à l’intention du peuple non-instruit (incapable de lire). » 3
La figure de Judas est certes abordée dans des ouvrages de référence sur l’iconographie antisémite, ceux de Bernhard Blumenkranz, Ruth Mellinkoff, Heinz Herrenberg notamment, mais « Les travaux sur l’iconographie de Judas sont assez peu nombreux et en général anciens » notait Michel Pastoureau. 4Quelques excellents travails récents abordent un domaine particulier de l’iconographie de Judas : Dimitra Mastoraki sur l’art byzantin, Anne Lafranc sur l’art médiéval. Notre ambition, que le lecteur jugera démesurée ou non, est d’aborder l’ensemble du sujet.
Puisse cet ouvrage contribuer à enrichir la connaissance du mythe Judas dans toute ses composantes religieuses, artistiques et culturelles.
Chaque tome de cet ouvrage peut, au-delà des renvois mutuels, se lire séparément selon les centres d’intérêt des lecteurs.
1 DAUZAT Pierre-Emmanuel, « Judas trahi par la traduction : traduction, trahison et mort volontaire des Évangiles à Sylvia Plath », Revue française de psychanalyse, 2008/4 (Vol. 72), p. 973-989. DOI : 10.3917/rfp.724.0973. URL :
https://www.cairn.info/revue-francaise-de-psychanalyse-2008-4-page-973.htm
2 ISAAC Jules, Genèse de l’antisémitisme, Calmann-Lévy, 10-18, pp.156-170
3 BLUMENKRANZ Bernhard, Le Juif médiéval au miroir de l'art chrétien. Paris, Etudes Augustiniennes, 1966, Avertissement, p. 9
4 PASTOUREAU Michel, Couleurs, Images, Symboles : études d'histoire et d'anthropologie, Le Léopard d’Or, 1986, note 1
Je dédicace cet ouvrage
Au Père Jean Lucas, en témoignage d’affectueux respect
A Jules Isaac, en espérant suivre modestement ses traces
Christophe Stener
La dédicace au Père Lucas n’est pas un imprimatur de sa part sur cet ouvrage qui n’engage que son auteur
Tome I – Introduction – Histoire de l’antisémitisme - Fondements religieux de l’antijudaïsme
Tome II – Iconographie de la vie de Judas Iscariot
Tome III – Légende noire de Judas - Mystères et Passions – Folklore – Antisémitisme – Politique
Tome IV – Judas dans la littérature romanesque, le cinéma et la chanson
Tome V – La vie de Judas Iscariot en images
Tome VI – Dictionnaire de Judas
L’iconographie antisémite de l’Affaire Dreyfus, sont l’objet de deux ouvrages spécifiques qui sont des ampliations du tome III du présent ouvrage :
Dreyfus, le Judas français, une métaphore religieuse antisémite – 30 caricatures – BOD – 2020
Dreyfus, le Judas français, Iconographie antisémite de l’Affaire – 300 caricatures – BOD - 2020
Nous avons cité souvent in extenso les auteurs et pris le parti de mettre en gras les passages qui nous semblent les plus significatifs. Les textes entre [ ] sont des incidentes de notre part dans des citations à des fins de commentaires ou de renvois.
Les renvois entre les volumes de cet ouvrage sont signalés par des Cf. en italiques en casse réduite.
Les traductions par nos soins sont signalées avec indication des sources originales.
Quelques œuvres libres de droit sont reproduites dans cet ouvrage. La localisation de toutes est précisée. Un lien html permet de consulter en ligne les œuvres à partir de l’édition électronique.
Les nombres indiqués entre [ ] devant les œuvres sont celles de notre base documentaire riche de plus de plus de 2000 œuvres que nous tenons à disposition des chercheurs qui peuvent nous contacter soit via notre éditeur soit via Academia.eduhttps://enap.academia.edu/ChristopheStener
« Les siècles ont fait leur œuvre : entre Judas et Judaeus, existe une relation étymologique qui a tout l’air d’une paronomase, d’une paronymie « non fortuite », qui a créé la confusion de même qu’entre traducteur et traditeur. Au demeurant, le nom personnel et la Judée dérivaient de la même racine, Yehuda. De l’infidélité ou de la trahison d’un homme à un peuple de traîtres et d’infidèles. Augustin lui-même se plaira à rapprocher Iudas de Iudaeus en opposant le Juif apostat au Juif traître, Pierre le rocher et Judas le traître : « Au jeu de mots évangélique sur l’homme-rocher fait pendant l’équation qu’a posée la tradition chrétienne : Iudas devient la contrepartie théologique de Iudaeus. Un tragique échange s’opère entre les deux termes : Iudaeus fait de Iudas un nom commun, il lui confère un caractère général, collectif (...) » (Poinsotte, 1973, pp. 48-49). » 5
« La saga de Judas n’est pas un grand mythe mais elle est participe de celui de la descente, de la mort violente et de la ressurection du Christ » selon Hyam Maccoby. 6
« « N’est-ce pas moi qui vous ai choisis, vous les douze ? Et cependant l’un de vous est un diable ! » De toute l’humanité, le Scrutateur des cœurs avait choisi un « diable » pour être du nombre des Douze. Pourquoi et dans quel but l’a-t-Il choisi ? Et s’il est voué au diable, est-il un apôtre ? Et d’un autre côté, Judas est-il responsable de cette élection ? Ces questions sont posées à la pensée humaine par l’Evangile lui-même. Le problème de Judas est une véritable crux theologiae. » 7
Nous appellerons antijudaïsme le rejet du judaïsme en tant que religion, rejet qui reposant sur la non-reconnaissance de Jésus comme Messie fonde la théorie de la substitution, celle de l’affirmation du déclin obligé de la pratique religieuse juive et de la punition du peuple juif par sa dispersion voire sa disparition. Nous appellerons antisémitisme le rejet du peuple juif non pas pour sa pratique religieuse mais en tant que peuple, voire de supposé race. L’iconographie chrétienne interprète les épisodes de la vie de l’Iscariot pour montrer son infidélité, au sens latin de la perte de foi en Jésus, et à partir de l’art roman et gothique, traduire par des codes iconographiques (faciès sémite, expression, vêture…) la judéité de l’apôtre.
5 DAUZAT Pierre-Emmanuel, « Judas trahi par la traduction : traduction, trahison et mort volontaire des Évangiles à Sylvia Plath », Revue française de psychanalyse, 2008/4 (Vol. 72), p. 973-989. DOI : 10.3917/rfp.724.0973. URL :
https://www.cairn.info/revue-francaise-de-psychanalyse-2008-4-page-973.htm
6 MACCOBY Hyam, Judas Iscariot and the myth of Jewish Evil, Free press, MacMillan, 1992, p.101
7 BOULGAKOV Serge Père, Iuda Iskariot apostol predatel’, Put’n°26,1931 p. 23-60 ; n°27,p.3-42, Trad. NIQUEUX Michel, Judas Iscarioth, L’apôtre félon, Ed. des Syrtes, 2015 p.96
Malgré les incertitudes de la datation de certains textes, nous proposons ici un tableau présentant la chronologie des divers textes canoniques ou non, ainsi que ceux participant de la Légende noire de Judas, en y insérant les noms des principaux théologiens ayant développé une pensée sur Judas.
Date certaine ou, à défaut, c. (circa, aux environs de), ? (date estimée), ?? (datation incertaine)
Cette chronologie synthétise diverses sources que nous référençons lors de la discussion détaillée de chaque texte. Les documents retrouvés à Qumram en ?? sont signalées par un [Q], ceux retrouvés à Nag Hammadi en 1945 par [NH], l’Evangile de Judas a été retranscrit en 1970.
Nous insérons dans cette chronologiques quelques événements historiques majeurs ayant contribué à infléchir la perception de Judas, et plus généralement du peuple juif, ainsi que quelques auteurs profanes ayant eu une influence importante sur le Mythe de Judas.
7 avril 30 ou 3 avril 33 8 Mort du Christ
35 Senatus-consulte faisant du christianisme une « superstitio illicita » 9
50-52 Epitres de Paul, 50/51 aux Galates 10 51 11 aux
Thessaloniciens, 56 12 aux Corinthiens 57-58 13 aux Romains
56-57 14 aux Philippiens
65-70 15 70 16 Evangile de Marc
66-135 Seconde guerre de Judée
70 8 septembre : prise de Jérusalem par Titus
70 ‘Victoire’ de l’Eglise de Paul (hellénistes) sur celle de Jacques (judéo-chrétiens) 17
70-132 Epitre de Barnabé
c. 80 18 80-90 1920 Evangile de Mathieu
c. 80 21 80-85 22 80-90 23 Evangile de Luc
Evangile des Ebionites dite également Evangile des douze apôtres
c. 90 85-100 24 fin du 1er s. 25 Evangile de Jean
80-90 26 80 « à une dizaine d’années près » 27 Actes des apôtres (rédigé par Luc)
Clément de Rome († 98)
II siècle
Papias de Hiérapolis
L’Evangile selon les Hébreux
L'Évangile des Égyptiens, grec
Actes d’André et de Paul
Evangile selon Thomas
Protévangile de Jacques
Evangile de Judas
130 Evangile de Pierre
Seconde moitié
Marcion (85-160)
166 Martyre de Polycarpe
Justin de Naplouse († circa 165)
Celse (circa 180)
Appolinaris de Laodicée
Méliton de Sardes († 190)
III siècle
Irénée de Lyon (130-202)
Second Epitre de Clément (140)
Tertullien (150 – 220)
Origène (185-253)
Saint Cyrprien de Cathage (200-258)
Commodien ???
Hyppolite de Rome (217-235)
IV siècle
Evangile de Nicodème, Actes de Pilate
313 Edit de Milan de Constantin
Lactance (250-325)
Eusèbe (date)
Evangile de Philippe [NH]
Éphrem de Nisibe (306-373)
Ambroise de Milan (340-397)
Juvencus IIIe - IVe (?) siècle
V siècle
Epiphane de Chypre, de Salamine (315-403)
Jean Chrysostome (344-407)
Jérôme de Stridon (347-420)
Estius
Augustin d’Hypponne, saint Augustin (354-430)
Jean Cassien (360-435)
Léon 1er dit le Grand (390-461)
Sedulius (circa 425-450)
Quodvultdeus ( ? - † 454)
Gelasius I (492-496)
VI siècle
Le Livre de la Résurrection de Barthélemy
Vie de Jésus en arabe 33,1-3 Vie s Evangile arabe de
l’enfance
VII siècle
Grégoire 1er dit Grégoire le Grand (540-604)
Julien de Tolède (642-690)
Isidore de Séville
VIII siècle
Pseudo-Cyril de Jérusalem
Évangile des Égyptiens (copte), également appelé Livre sacré du Grand Esprit invisible, document gnostique plus tardif rédigé en copte et figurant parmi les documents retrouvés à Nag Hammadi (codex III,2 et IV,2
IX siècle
Agobart de Lyon (799-840)
Godescalc d’Orbaïs († 868)
X siècle
Livre de la Trinité, de Juda proditore XI siècle
1099 Prise de Jérusalem par les Croisés
XII siècle
Anselme de Cantorbery (1033-1109)
Benedeit, Vie de Saint Brendan
Théophylacte d’Achride (d’Ohrid) († 1126)
Sentences de Saint-Florian (1138)
Pierre Abélard (1079-1142)
Pierre Lombard (1095-1160)
Hilaire de Poitiers
Sédulus
Grégoire IX
Bernard de Clairvaux (1090-1153)
Dionysius Bar Salibi ( †1171)
Actes du Seigneur
Passion des jongleurs
1182 Expulsion des Juifs de France par Philippe Auguste
Livre de la Trinité, de Juda proditore
XIII siècle
1215 Quatrième Concile de Latran
Guillaume de Bourges (1120-1218)
Hugues de Saint-Cher
Thomas d’Aquin
Vincent de Beauvais (1184 ou 1194-1264)
Saint Bonaventure (1221-1274)
Saint François d’Assise
Le Livre du coq
Hugues de Saint-Cher
Pierre le Chantre
Jacques de Voragine (12 ?2-1298)
Croisades
Balade de Judas
XIV siècle
Dante Alighieri (1265-1321)
Passion palatine (c. 1330)
Passion provençale (1345)
Nicolas de Lyre (1270-1349)
XV siècle
Guerre de Cent ans (1337-1453)
Mystères et Passion de Sémur, d’Arras, d’Autun de Marcadé, d’Arnould Gréban, de Jean Michel
XVI siècle
Martin Luther (1483-1546)
Calvin (1509-1564)
Concile de Trente (1545-1563)
Christopher Marlowe, The Jew of Malta (1592)
Dante
XVII siècle
Jansénius
Fénelon
Blaise Pascal (1623-1662)
XVIII siècle
Bossuet (1627-1704)
Louis Bourdaloue (1632-1704)
Jean-Baptiste Massillon (1633-1742)
XIX siècle
Jean-Marie Vianney ‘le curé d’Ars’ (1786-1849)
Thomas de Quincey (1785-1849)
Strauss
Ernest Renan (1823-1892)
XX siècle
Léon Bloy (1846-1917)
Paul Claudel
François Mauriac
Serge Boulgakov (1871-1944)
Shoah
Primo Mazzolari 1958
Karl Barth (1886-1968)
1962-1965 Vatican II
XXI siècle
Benoit XVI (2006)
Pape François (2016)
8 WIKIPEDIA, Date de la mort du Christ,
https://fr.wikipedia.org/wiki/Date_de_la_mort_de_J%C3%A9sus
9 RAMELLI llaria, LE SENATUS-CONSULTE DE L’AN 35, PORPHYRE ET LA RELATION DE PILATE, EECHO 26/12/2013 http://www.eecho.fr/christianisme-supertitio-illicita-a-rome/
10 W. H. C. Frend, The Rise of Christianity, Darton, Longman and Todd, 1984
11 TRADUCTION OECUMENIQUE DE LA BIBLE, Introduction aux évangiles synoptiques, CERF, 1977 p. 612
12 TRADUCTION OECUMENIQUE DE LA BIBLE, Introduction aux évangiles synoptiques, CERF, 1977 p. 491
13 TRADUCTION OECUMENIQUE DE LA BIBLE, Introduction aux évangiles synoptiques, CERF, 1977 p. 442
14 TRADUCTION OECUMENIQUE DE LA BIBLE, Introduction aux évangiles synoptiques, CERF, 1977 p. 584
15 65-70 selon TRADUCTION OECUMENIQUE DE LA BIBLE, Introduction aux évangiles synoptiques, CERF, 1977 p. 34
16 MARGUERAT Daniel et alii, Introduction au nouveau Testament, Labor et Fides, 2000 p.48
17 DANIELOU Jean et MARROU Henri, Nouvelle histoire de l’Eglise, I, Des origines à saint Grégoire le Grand, Seuil, 1963 p.37
18 20 ans après Marc selon TRADUCTION OECUMENIQUE DE LA BIBLE, Introduction aux évangiles synoptiques, CERF, 1977 p. 34
19 MARGUERAT Daniel et alii, Introduction au nouveau Testament, Labor et Fides, 2000 p.70
20 TRADUCTION OECUMENIQUE DE LA BIBLE, Introduction aux évangiles synoptiques, CERF, 1977 p. 41
21 20 ans après Marc selon TRADUCTION OECUMENIQUE DE LA BIBLE, Introduction aux évangiles synoptiques, CERF, 1977 p. 34
22 MARGUERAT Daniel et alii, Introduction au nouveau Testament, Labor et Fides, 2000 p.98
23 TRADUCTION OECUMENIQUE DE LA BIBLE, Introduction aux évangiles synoptiques, CERF, 1977 p. 186
24 MARGUERAT Daniel et alii, Introduction au nouveau Testament, Labor et Fides, 2000 p.361
25 TRADUCTION OECUMENIQUE DE LA BIBLE, Introduction aux évangiles synoptiques, CERF, 1977 p. 288
26 MARGUERAT Daniel et alii, Introduction au nouveau Testament, Labor et Fides, 2000 p.112
27 TRADUCTION OECUMENIQUE DE LA BIBLE, Introduction aux évangiles synoptiques, CERF, 1977 p. 360
Les auteurs de référence sur l’histoire de l’antisémitisme, Jules Isaac, Léon Poliakov, Fadiey Lovsky, pour ce ne citer que ceux-ci abondamment référencés dans les pages suivantes, ne font pas de distinguo entre antijudaïsme et antisémitisme, l’antijudaïsme serait un néologisme comme ‘hommes de petite taille’ pour nains, une manière détournée, presque hypocrite de parler d’une haine raciale. Nous emploierons pourtant dans cet ouvrage différemment les deux termes dans les acceptions suivantes : l’antijudaïsme pour désigner la réfutation, le rejet, l’hostilité au culte hébraïque, à la Loi de Moïse, car l’antijudaïsme est d’abord une conviction religieuse, l’antisémitisme est la haine du peuple juif en tant que groupe humain, voire en tant que supposée race, pour des traits de caractères, des attitudes sociales, comme élément exogène à la communauté. Si l’antijudaïsme chrétien s’exaspère en antisémitisme, le rejet de la religion hébraïque inspirant des appels au pogrom, cela dès la vindicte de certains Pères de l’Eglise et jusqu’à l’époque moderne, notamment lors de l’Affaire Dreyfus, on ne peut, sans simplification, voire sans parti pris, estimer les deux attitudes indissociables. Il existe en effet un antisémitisme laïc, non religieux, non chrétien comme il a existé un antisémitisme païen. L’antisémitisme nazi après les séductions déployées par Hitler alors candidat au Reichstag sera, malgré la récupération des outrances de Luther, et le folklore mythologique, fondamentalement païen. « L’antisémitisme raciste, nazi, le dernier en date et le plus virulent, se double de néo-paganisme anti-chrétien » écrit Jules Isaac. 28 Il existe un antisémitisme musulman dont la justification religieuse ne vient aujourd’hui, comme à l’époque de la collaboration du Mufti de Jérusalem avec l’Allemagne nazie, que travestir un antisionisme intransigeant. Un auteur antijudaïque même virulent n’est pas nécessairement antisémite, l’exemple le plus probant étant Paul mais il en est bien d’autres. Léon Bloy offre l’exemple d’un auteur à la fois soutien d’Israël et antisémite à l’égard de ce qu’il juge des Juifs dégénérés. Le terme antisémitisme étant utilisé uniment sera conservé bien évidemment dans les citations mais nous défendrons par nos commentaires la pertinence de ce distinguo.
Jules Isaac montre dans des ouvrages de référence comment l’antisémitisme chrétien est un phénomène nouveau, qu’il ne vient pas s’enter sur un antisémitisme païen, comme certains auteurs chrétiens l’affirment pour réduire artificieusement la responsabilité de l’Eglise dans l’ « éducation de la haine » (formule de Jules Isaac). L’antisémitisme est une perversion de l’antijudaïsme qui est bien une création des Pères de l’église développant, amplifiant, simplifiant les accusations du Nouveau Testament. Le grand historien démontre comment l’antijudaïsme patristique, conforté par la théologie scholastique devint lors des Croisades, et surtout de leur échec, un appel à l’éradication des corps menaçant la Chrétienté, les musulmans, les hérétiques et le peuple d’Israël. Le complexe obsidional d’un Occident chrétien menacé, né de la conquête arabe au Moyen-Age, s’ancra alors durablement dans l’inconscient européen.
Si les XII-XIIIe siècles sont en effet une bascule d’un rejet religieux de la Synagogue à une mise à l’écart par de mesures de discrimination (port de signes distinctifs, rouelle, bonnet cornu), d’interdictions de certaines professions, ségrégations (ghettos), extorsions financières, expulsions, massacres, tournant historique qui fonde l’antisémitisme moderne, peu d’auteurs s’attachent à la date et à la cause de l’antijudaïsme du Nouveau Testament et de l’évolution de la représentation de Judas de Paul ou Marc à Jean, soit en un peu plus d’une génération. La polémique antijudaïque est datée, elle de forme après 70, après le sac du Temple en répression de la rébellion juive contre le pouvoir romain. A cette date, les disciples ont renoncé à convertir leurs frères juifs, ils décident de mettre tous leurs efforts sur les Gentils, ils tournent le dos à la Synagogue, l’église hellénique d’Etienne prend le pas sur celle judéo-chrétienne de Jacques, la doctrine de la substitution s’affirme, le vol de l’arche d’alliance par Titus devient la preuve du ‘juste’ châtiment du peuple qui n’a pas reconnu le Messie et l’a tué.
Incidemment, notons que les virulences de Luther, après une attitude initiale qualifié un peu rapidement de philosémite, date du constat de la réticence, de l’obstination, de la communauté juive à ne pas se convertir à la religion chrétienne qu’il estime avoir redressée. Son antijudaïsme, aussi polémique celui d’un Chrysostome, se double d’un antisémitisme primaire dont le régime nazi fera un enseignement obligatoire.
Cf. Fondements religieux, Nouveau Testament, Apocryphes, Eglise réformée
Nous n’avons pas ici la prétention de rédiger une histoire de l’antisémitisme mais de situer les principales moments, édit de Constantin, Croisades, mesures de discrimination (marques distinctives de l’habillement, conversions forcées, expulsions, massacres), Conciles, Shoah qui ponctuent le développement de l’ « enseignement du mépris » dont l’iconographie antisémite de la Vie de Judas est, à la fois, un reflet et un amplificateur. Judas inspire l’antisémitisme religieux, il porte les « péchés d’Israël » ; tout le peuple juif porte la faute de Judas ; cette dialectique perverse inspire la haine de « Judas-Israël-déicides ». Les vices supposés de Judas et du peuple juif nourrissent la « Légende noire de Judas » catéchisés par les artistes chrétiens.
Ce chapitre s’inspire largement des ouvrages de référence de Jules Isaac, Léon Poliakov, Fadiey Lovsky.
Nous traitons de l’usage de Judas comme insulte religieuse et politique, dans un chapitre spécifique de manière synthétique dans cet ouvrage et de manière plus développée dans un ouvrage spécifique. 29
Judas comme précipité de l’antisémitisme populaire reste d’une actualité malheureusement immédiate comme en témoigne la pendaison, baston puis brûlement en effigie de Judas en 2019 sans la petite ville polonaise de Pruchnik.
Figure 1 Effigie antisémite, « Judas 2019 », Fêtes de Pâques, Pruchnik, Pologne, 2019 30
28 ISAAC Jules, Genèse de l’antisémitisme, Calman-Levy, 10-18, 1956, pp. 17
29 STENER Christophe, Dreyfus, le Judas français, Iconographie antisémite de l’Affaire, BOD, 2020
30 BBC, Polish Judas ritual 'anti-Semitic' - Jewish congress,
https://www.bbc.com/news/world-europe-48012965
Notre sujet étant l’enseignement chrétien comme source de l’antisémitisme dans la construction d’une Légende noire de Judas et l’accusation de déicide à l’encontre de tout le peuple juif, nous renvoyons le lecteur aux ouvrages de référence cités en bibliographie pour une histoire générale de l’antisémitisme.
Nous empruntons ce titre à l’ouvrage de référence de Jules Isaac 31 pour situer la question de l’antisémitisme chrétien.
« La tradition courante, flottante aussi d’ailleurs, sans aucun caractère dogmatique ou « normatif » déborde de toutes parts le texte évangélique, en donne une interprétation tendancieuse et arbitraire. Elle se décompose en une série de mythes, où des parcelles de vérité sont mêlées à un agrégat de contre-vérités. … Cette tradition reçue, cet enseignement théologique, cet « enseignement du mépris » poursuivi de siècle en siècles, de génération en génération, et parfois grossièrement déformé, a déposé dans les âmes sans défense un subconscient d’antisémitisme, une sorte d’horreur sacrée pour le Juif. Diffusé pendant des centaines et des centaines d’années, par des milliers et des milliers de voix, l’antisémitisme chrétien est la souche puissante, millénaire, aux multiples et fortes racines, sur laquelle (dans le monde chrétien) sont venus se greffer toutes les autres variétés d’antisémitisme – même les plus opposées de nature, même antichrétiennes ». 32
« L’antisémitisme à base religieuse est donc le plus sérieux, le seul qui mérite d’être étudié … Nul doute que par rapport au peuple d’Israël, les chrétiens portent un lourd péché. » 33
« L’antisémitisme chrétien a été précédé d’un antisémitisme païen, à plus courte distance et de moindre envergure qu’on a coutume de l’affirmer … A partir du VIe siècle, il a été suivi d’un antisémitisme (mieux vaudrait dire « antijudaïsme »), l’un et l’autre, de même que l’antisémitisme chrétien, issus de la même souche, l’attachement opiniâtre d’Israël au monothéisme yahviste et à la Torah de Moïse. »34 « Quelles vertus valurent au Juif cette universelle inimitié ? Pourquoi fut-il tour à tour et également maltraité et haï par les Alexandrins et par les Romains, par les Persans et par les Arabes, par les Turcs et par les nations chrétiennes ? Parce que partout, et jusqu’à nos jours, le Juif fut un être insociable ? Parce qu’il était exclusif, ou pour mieux dire, il tenait à son culte politico-religieux, à sa loi » 35
« L’antisémitisme chrétien revêt, du fait, qu’il est entretenu par l’Eglise, un caractère officiel, systématique et cohérent, qui a toujours fait défaut au premier. Il est au service de la théologie et est nourri par elle… A la différence encore de l’antisémitisme païen qui traduit le plus souvent une réaction spontanée, exceptionnellement dirigée et organisée, il poursuit un but très précis : rendre les Juifs odieux » et il y est parvenu, par une action systématique qui s’est révélée, à l’épreuve, infiniment plus nocive que l’antisémitisme païen. » 36
La Reconquista s’accompagne d’une politique de conversion obligée des Juifs par les souverains espagnols et portugais, le Juif étant considéré comme une menace pour l’unité et la stabilité même des Etats chrétiens. Le Juif est hérétique. L’extrême piété, le mysticisme prosélyte soutient l’exclusion. La diabolisation du peuple Juif à travers l’iconique Judas sert les desseins conjoints de l’église et de l’Etat incarnés par la Sainte Inquisition. « Tout au long du Moyen Âge, l’Europe chrétienne n’avait envisagé le problème juif que sous un seul angle : celui de la conversion, c’est-à-dire de suppression de l’altérité dans une quête du même. Si les juifs formaient un groupe à part, c’était parce qu’ils refusaient obstinément les vérités de la religion dominante ; convertis, ils disparaîtraient comme entité distincte et, du même coup, le problème s’évanouirait. Les attentes de reconduite au même se firent si pressantes dans la visée d’une unification spéculaire de l’espace de la chrétienté dans la péninsule, suite à la Reconquista, que l’invalidation du nom des juifs produisit une invalidation du nom des chrétiens. » 37 Les conversions massives, la purification ethnico-religieuse, suite aux édits d’expulsion de Ferdinand et Isabelle d’Espagne (1492) puis de Manuel 1er du Portugal (1497), ne réconcilie pas les Chrétiens de souche avec ces conversos soupçonnés de dissimulation opportuniste et d’être des troisièmes colonnes. L’accusation de traitrise marquant Judas au front, toujours. « La méfiance traditionnelle envers les juifs perçus comme des étrangers, comme autre spéculaire, céda alors la place à une crainte encore plus alarmante, celle du converso, ennemi intérieur. … le XVe siècle vit d’ailleurs se multiplier des tentatives de renomination des juifs convertis et de leurs descendants : converso, confeso, marrano (« marrane », épithète générique qui, au départ, signifiait simplement « cochon »), cristiano nuevo (nouveau chrétien), tornadizo (« tourne-casaque ») et sans doute même alboraïque (allusion à la monture de Mahomet qui n’était ni cheval ni mulet). » 38 Les souverains ibériques prirent alors des lois raciales : « Devant l’urgence de se protéger des conversos, naît et se cristallise la doctrine espagnole de la limpieza de sangre ou « pureté du sang ». Chancelantes au début mais finalement couronnées de succès, les lois appelées « statuts de pureté du sang » (estatutos de limpieza de sangre) furent instituées pour barrer l’accès des conversos aux charges, privilèges et honneurs publics, puisque les anciennes lois édictées contre les juifs francs et déclarés ne pouvaient plus leur être appliquées. » 39
Malgré la pratique du ghetto, les relations entre les communautés chrétiennes et juives étaient meilleures dans le haut Moyen-Age quand la christianisation de l’ancien empire romain n’était pas achevée. Le renforcement de l’emprise de l’Eglise tant politique, marquée notamment par le couronnement en 800, à Rome, de l’empereur Charlemagne par le Pape Léon XIII qui résulte d’une connivence d’intérêt entre les deux hommes, 40 que religieuse, lutte contre les hérésies. Le XIe siècle est marqué par des persécutions de communautés juives dans une Europe affirmant sa chrétienté. 41
La crispation antisémite de la société médiévale est doublement liée aux Croisades : la reconquête de la Terre sainte fait du Juif une troisième colonne des Sarazins d’où des pogroms au passage des troupes chrétiennes fanatisées, l’échec des Croisades conduit à se chercher des ennemis à l’intérieur. « Les croisades ayant échoué, on se cherche plutôt des ennemis à l'intérieur, et on acquiert une mentalité d'assiégé. En découle une extraordinaire intolérance envers les non-chrétiens qui vivent en terre chrétienne, comme les juifs, et envers les déviants, tels les hérétiques, les cathares, les sorciers. On crée pour eux des codes et des vêtements d'infamie. Cet esprit d'exclusion ne va pas s'apaiser avec la Réforme chez les protestants : en terre huguenote, on manifeste le même rejet des juifs et des hérétiques. » 42
Selon Jacques LE GOFF « ces conceptions et cette pratique, cette politique antijuive, ont fait le lit de l'antisémitisme ultérieur. Saint Louis est un jalon sur la route de l'antisémitisme chrétien, occidental et français. » 43
« L’hostilité de la Chrétienté à l’encontre des Juifs atteint son apogée dans la période postérieure aux croisades. Elle avait rassemblé ses forces pendant de nombreux siècles mais c’est la large instabilité sociale, la menace grandissante de l’Islam, la diffusion des hérésies qui marquèrent le onzième et douzième siècle … qui appelèrent l’Eglise à combattre ses ennemis de l’intérieur et de l’extérieur. Les Croisades et l’Inquisition furent parmi les plus puissants instruments pour préserver l’unité de la Chrétienté. Il était inévitable que cette période … soit marquée par un regain d’antagonisme à l’égard des Juifs, la plus notables des hérétiques et des forces anti-chrétiennes au cœur même de la citadelle dont la sécurité était menacée de toutes parts. » 44
Un pogrom, parmi bien d’autres : 3 mai 1320. Le jour où les Pastoureaux entament une croisade antisémite - Entraînés par deux clercs illuminés, 10 000 gueux s'en vont tuer du juif à Toulouse, faute de pouvoir se rendre en Palestine. 45
« Lorsque par un des plus étonnants renversements de situation que l’Histoire connaisse, l’Eglise chrétienne du rang de persécuté s’éleva (ou s’abaissa) au rang d’Eglise victorieuse et bientôt officielle … au temps de Constantin empereur, entre les années 312 et 337, du même coup le judaïsme connut un égal renversement de situation mais en sens inverse. Lui qui avait bénéficié jusque-là dans l’Empire d’un statut privilégié, se vit en peu de temps humilié, vilipendé, ravalé. Dès lors dans l’étroite collaboration de l’Eglise et de l’Etat (chrétien) commença de s’élaborer à son usage un système d’exclusions, d’interdictions, de vexations, lequel, soumis à d’innombrables vicissitudes atteignit son apogée à l’époque où l’Eglise elle-même – l’Eglise romaine – parvenait au faîte du pouvoir, dans la grande chrétienté du XIIIe siècle. Ce système on ne peut mieux le définir, le dénommer qu’en l’appelant « système d’avilissement ». Fondé sur l’enseignement théologique du mépris (mépris du judaïsme et de ses fidèles). … étude indispensable pour qui veut comprendre la mentalité profondément antisémite du monde chrétien. » 46
Jules Isaac, auteur avec Albert Mallet des manuels scolaires de référence de notre adolescence, dénonça, après la perte de sa femme et de son gendre en déportation, les racines chrétiennes de l’antisémitisme qu’il qualifia d’ « enseignement du mépris » contribuant au retrait de la formule « Pro perfidis Iudaeis » du rituel romain du Samedi saint. 47
L’évolution de la représentation de Judas dans l’art occidental est marquée par une rupture entre les codes de l’art romain puis byzantin, non empreints d’antisémitisme, et la volonté à partir du Moyen-Age des artistes de propager une imagerie diabolisant Judas. Cette rupture stylistique marque tant la sculpture romane que les fresques médiévales. La datation de cette bascule vers un art propagandiste anti judaïque sera discuté dans le chapitre suivant. Il est documenté que le renforcement des persécutions du peuple juif fut le résultat des Croisades. L’art chrétien date cette bascule de la tolérance à l’intolérance à l’égard du peuple juif.
« Durant l’époque désignée comme « les Temps sombres » (Dark Ages), entre 600 et 1100, de nombreux synodes condamnèrent l’attitude jugée excessivement amicale des masses par rapport aux Juifs. Des interdits furent pris contre la participation des Chrétiens à leur repas et à leurs festivités. On interdit ainsi de faire bénir les champs par les rabbins. … Au Moyen-Age, à compter de 1100, l’essor culturel s’accompagna de campagnes plus élaborées contre les Juifs dont le nombre augmentait suite au déclin de leur grand centre de peuplement en Babylonie. … Un autre facteur fut le rapprochement entre l’Eglise et l’Etat qui coopérèrent contre les Juifs. L’Eglise fit de grands efforts pour atteindre les masses par l’art religieux et la littérature. … Le renforcement de la foi et de la piété s’accompagna d’un antisémitisme accru perçu comme part même de la piété. … La légende de Judas se développa au Moyen-Age librement de manière fort imaginative.». 48 La Légende dorée illustre cette créativité.
Les Passions jouées lors de la Semaine sainte jouèrent un rôle indéniable dans cette propagation de la légende noire de Judas. La cohabitation assez harmonieuse des communautés chrétiennes et juives dans certains royaumes chrétiens était rompue lors de la semaine sainte par le défoulement de la populace excitée par le spectacle des Passions. Cf. T III
L’échec des Croisades et la conquête par les arabes venus de la Péninsule arabique d’un vaste espace de l’Asie centrale à la Méditerranée eut deux conséquences : l’émigration d’une partie significative de la population juive des régions historiques de peuplement du Moyen-Orient et la volonté de reconquête Reconquista des territoires perdus en Europe méridionale (Andalousie) et centrale (Bulgarie). La reconquête s’accompagna d’une volonté de purification religieuse par l’expulsion des non chrétiens ou par leur conversion forcée. L’alliance sacrée entre les souverains et l’Eglise, la prédication des foules de Croisés contre les Maures, la prédication fanatique de moines guerriers fit désigner le Juif comme ennemi au même titre que l’arabe ou le noir. A la purification religieuse s’ajouta la purification ethnique. Les premières mesures de ségrégation raciale contre les Juifs en France furent prises par Louis le Pieux au retour de sa détention.
L’église chrétienne développa à la même époque la légende noire de Judas comme propédeutique de la haine de l’ennemi intérieur désigné à la vindicte des foules.
Si nous souscrivons sans réserve à l’analyse de Jules Isaac sur la responsabilité pleine et entière de l’antisémitisme religieux d’inspiration chrétienne dans le développement de l’antisémitisme occidental, dont la Légende noire de Judas n’est qu’une variation thématique, il convient, comme le fait l’auteur de nos manuels scolaires, de citer quelques auteurs grecs et romains, non christianisés, anti-judaïques, qui ont développées des fables ayant, très certainement, contribué à la formation de la doxa des Pères de l’Eglise.
C’est à Apion (1er s.) 49 et Damocrite (IV-IIIe avant J.-C.) que revient la douteuse paternité de cette fable qui hantera les phantasmes médiévaux. Suidas, compilateur byzantin du Xe siècle cite un traité sur les Juifs de Damocrite, historien inconnu, selon lequel « Dans ce livre, il est dit qu’ils adoraient une tête d’âne en or, et que tous les sept ans ils capturaient un étranger, l’amenaient (dans leur temple) et l’immolaient en coupant ses chairs en petits morceaux. » 50 « Tous les ans, suivant Apion, tous les sept ans, suivant Damocrite, ils (les Juifs) capturent un Grec, l’immolent à leur dieu après l’avoir engraissé et se nourrissent de ses entrailles ». 51 Le païen de l’Octavius de Minucius Felix relaye cette accusation. 52
Celse associe Chrétiens et Juifs dans un même dénigrement les comparant à « des grenouilles qui tiennent séances autour d’un marais » à « des vers qui forment assemblée dans un coin de bourbier ». 53 Les délires de son contemporain Papias sur l’hydropisie supposée de Judas et les irruptions de vers sortant du corps corrompu de Judas se sont peut-être inspirées de Celse.
Plutarque (46-120) 54 affirme que l’animal « le plus en honneur » chez les Judéens est l’âne. Cette fable inventée par Lysimaque ou Apion est relayée par Tacite, elle repose sur l’idée que c’est un âne qui a aidé Moïse et le peuple hébreu en trouvant une source d’eau dans le désert. 55 Selon, Damocrite, les Judéens « adoraient une tête d’âne en or » 56 Le païen de l’Octavius de Minucius Felix relaye cette accusation mais en visant les chrétiens. 57
Plutarque interroge sur la prohibition religieuse juive de la viande de porc « si c’est par vénération pi par aversion que les Judéens s’abstiennent d’en manger la viande. » 58 La dérision antisémite de la cacherout par la représentation du Judensau médiéval trouve peut-être son origine dans ces écrits.
Le rhéteur Fronton, le maître de Marc-Aurèle, accuse les Chrétiens de se livrer dans leurs banquets à l’ivresse et à des passions incestueuses. 59 Rutilius Namatianus (Ve s.) qualifie les Juifs d’ « ignoble race, nation éhontée qui pratique la circoncision, qui est devenue la racine de toutes les sottises, qui célèbre de toute son âme la fête si froide du sabbat, mais dont l’âme est encore plus froide que sa religion : passer dans une honteuse oisiveté un jour sur sept, à l’imitation de son dieu fatigué ! Le reste de leurs croyances, rêveries mensongères d’esclaves en délire ». 60
Jean Juster 61 présente une liste des accusations païennes contre les Juifs dont nombre serviront de matière aux sermons antisémites des Pères de l’Eglise : « attaques contre le culte juif, triste et froid, adoration des Anges, mépris des images, circoncision, oisiveté sabbatique, sacrifices, observations alimentaires (en particulier abstention de la viande de porc) ; reproche d’athéisme (et de déicide par les chrétiens) ; irrespect pour l’Empereur ; misanthropie (haine envers les chrétiens) ; solidarité entre eux ; abandonnés des dieux (par Dieu) parce qu’athées ; peuple inutile (religion devenue caduque) ; nation faite pour l’esclavage (condamnés par leur déicide à la servitude éternelle) ; peuple séditieux ; cruels, haineux (furor judaicus) ; meurtre rituel ; hiérosylie (destruction d’objet de cultes païens) ; obstinés, têtus, nation au col raide ; audacieux ; lâches ; sensuels ; prolifiques ; vicieux ; sales d’où le foetor judaicus (Ephraïm le Syrien parle du « flair puant des Juifs malodorants ») puanteur que l’eau du baptême emporte seule ; lépreux et galeux ; En somme, c’est un peuple dangereux et méprisable. »
La Légende noire de Judas ira abondamment puiser dans ce fond nauséabond. Cf. Apparence de Judas
« La condition des Juifs resta stable jusqu’aux massacres qui embrasèrent l’Europe septentrionale lors de la première Croisade (1096-1099). … Ainsi le Moyen-Age doit être divisé en deux périodes contradictoires : il fut jusqu’au XIIe s. globalement une période de bon voisinage entre chrétiens et Juifs. A cette époque on estime à environ cent mille les Juifs qui vivaient dans les limites du royaume de France … A partir du XIIIe s. pour bon nombre d’entre eux commença le temps de la persécution ou même de l’exclusion. … Il est remarquable de constater que l’art roman pas plus que les rares témoignages de l’art carolingien parvenus jusqu’à nous, ne comportent pas la moindre stigmatisation du judaïsme. A partir de la seconde moitié du XIIIe s., l’iconographie religieuse est un miroir fidèle de la dérive antisémite de la société médiévale. » 62
L’institutionnalisation de l’antisémitisme d’Eglise est la conséquence directe des Croisades. Le IVe Concile de Latran, celui de 1215, édicte un Décret stigmatisant les Juifs par des signes distinctifs. Les persécutions organisées conjointement par monarques « très saints » et l’Eglise fera du peuple juif un peuple déicide et hérétique qu’il convient de contingenter, rançonner, expulser et occasionnellement massacrer pour l’édification des fidèles et prophylaxie incitant aux conversions. Cette rupture historique avec la relative tolérance des époques romaines et des empires barbares jusqu’au Haut Moyen Age carolingien se traduira dans l’art chrétien, un art de propagande religieuse, par la mise en place dès l’art roman de codes et symboliques antijudaïques.
« Un second élément important de cette mutation semble avoir été l’introduction du Talmud de Babylone en Europe occidentale ; l’Eglise catholique le comprit comme un instrument de combat et elle en fit une lecture totalement négative avant de chercher à la détruire systématiquement par le feu. (p.27 –) Dans son Manuel de l’Inquisiteur de 1319, Bernard Gui condamne explicitement le Talmud et tous les livres Juifs qui constituent selon lui une attaque contre la Chrétienté. » 63
Les Croisés prennent Jérusalem en 1099. Sur leur chemin ils se sont livrés à diverses exactions contre les communautés Juives. A leur entrée victorieuse, « « les Croisés mirent le feu à la synagogue, après y avoir enfermé les Juifs » écrit René Grousset. Triste précédent d’Oradour ! » 64
« Je dis et je soutiens que le sort d’Israël s’est terriblement aggravé dans l’Europe chrétienne à partir du XIe siècle quand commença avec la première Croisade ce qu’on peut appeler l’ère de la Grande Chrétienté » déclare Jules Isaac.65
« En 1009, le sultan fatimide Al Hakim avait réduit à néant le Tombeau du Christ à Jérusalem. Il faisait mutiler les pèlerins (nez et oreilles) et détruisait les églises et les synagogues de la région. » L’évêque Henri, de Cologne, appelle à la rescousse Bernard de Clairvaux « pour adresser urgemment un message au départ de la deuxième croisade, qui connaît également des massacres, puisqu’en Rhénanie se déroulent de terribles pogroms, faisant 10000 victimes parmi les Juifs. » 66 Le texte à gauche de l'image commence par une citation des Psaumes 16, et se poursuit par une prière contre les Juifs déicides. 67
Figure 2 Bible moralisée, Massacre de Juifs par des Croisés, pèlerins en prière que Jésus bénit du ciel, BNF Latin 11560, 1250
Bibliographie
USU Edu (Utah State Univesity), The Crusades and Medieval Christianity
http://www.usu.edu/markdamen/1320Hist&Civ/chapters/15CRUSAD.htm
Les Croisades étaient une entreprise d’unification de la Chrétienté face à un ennemi extérieur. Cette entreprise échoua ; l’Inquisition fut le bras pour défendre de l’intérieur la Chrétienté des hérétiques qui la menaçaient. Victimes collatérales des troupes en route pour la Terre sainte, les Juifs devinrent une ‘cinquième colonne’ qu’il fallait éradiquer. D’infidèle, le Juif devint hérétique. Les Juifs de Provence furent massacrés en même temps que les Albigeois. Parmi les plus suspects, les Juifs convertis, Marranes et Conversos, soupçonnés d’insincérité et de pratiquer en secret leur ancien rite. Le rappel à l’ordre du pape Nicolas V en 1448 à l’Inquisition de ne pas poursuivre les Juifs sauf manifeste hérésie ou activité anti-chrétienne ne fut guère suivie d’effet. 68
31 ISAAC Jules, Genèse de l’antisémitisme, Calman-Levy, 1956, Réed. 10-18
32 ISAAC Jules, Genèse de l’antisémitisme, Calman-Levy, 10-18, 1956, pp. 15-16
33 BERDAIEFF Nicolas (1874-1948), cité par ISAAC Jules, Genèse de l’antisémitisme, Calman-Levy, 10-18, 1956, p.16
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