Iconographie du péché originel verset par verset - Christophe Stener - E-Book

Iconographie du péché originel verset par verset E-Book

Christophe Stener

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Beschreibung

Le dogme du péché originel est un des piliers de la foi chrétienne. C'est parce que l'Homme est pécheur qu'il doit être racheté par la Grâce divine, grâce rendue possible par le sacrifice rédempteur de Jésus-Christ, Fils de Dieu. L'art chrétien est doctrinaire, selon la formule d'Emile MALLE. Cet ouvrage, à travers 382 illustrations, suit le récit de la Genèse, verset par verset, pour montrer comment les artistes ont retranscrit en images les enseignements des églises chrétiennes, comment l'art se fit propagandiste mais, aussi, comment il évolua depuis l'art paléochrétien et médiéval, sorte de catéchèse en images, et ce dès la Renaissance, à une représentation de la Tentation comme une peinture de genre érotique qui prépare les transgressions ,parfois sacrilèges, de l'art moderne et de la publicité. Le commentaire des images est éclairé par l'exégèse biblique, la théologie et la dogmatique pour expliquer les choix faits par les artistes pour, par exemple, figurer le serpent avec le visage d'Eve ou montrer la création de la femme de la côte ou du côté de l'homme.

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Table des matières

Table des matières

Introduction

Commentaire doctrinal, non esthétique

Composition

Symboles, Codes, et Stéréotypes

Montrer, ou non, Dieu

Références

La chute des anges rebelles

Genèse I

La création de l’univers

1,21 Dieu créa les grands monstres marins, tous les êtres vivants et remuants selon leur espèce, dont grouillèrent les eaux, et tout oiseau ailé selon son espèce. Dieu vit que cela était bon

.

Création de l’Homme

1.26 Dieu dit : « Faisons l’homme à notre image, selon notre ressemblance, et qu’il soumette les poissons de la mer, les oiseaux du ciel, les bestiaux, toute la terre et toutes les petites bêtes qui remuent sur la terre ! »

1,26a Faisons l’homme à notre ressemblance

1,26b « et qu’il soumette les poissons de la mer, les oiseaux du ciel, les bestiaux, toute la terre et toutes les petites bêtes qui remuent sur la terre ! »

1,27 Dieu créa l’homme à son image, à l’image de Dieu il le créa ; mâle et femelle il les créa

.

1,27a Dieu créa l’homme à son image, à l’image de Dieu il le créa

1,27b Mâle et femelle il le(s) créa

1,28a Dieu les bénit et Dieu leur dit : « Soyez féconds et prolifiques, remplissez la terre et dominez-là

.

1,28b Soumettez les poissons de la mer, les oiseaux du ciel et toute bête qui remue sur la terre ! »

1,29 Dieu dit : « Voici, je vous donne toute herbe qui porte sa semence sur toute la surface de la terre et tout arbre dont le fruit porte sa semence ; ce sera votre nourriture

.

Genèse II

Bonheur d’Adam et Eve au paradis

2,7 Le SEIGNEUR Dieu modela l’homme avec de la poussière prise du sol. Il insuffla dans ses narines l’haleine de vie, et l’homme devint un être vivant

.

2,8a Le SEIGNEUR Dieu planta un jardin en Eden, à l’orient

2,8b « Il y plaça l’homme qu’il avait formé »

2,9 Le SEIGNEUR Dieu fit germer du sol tout arbre d’aspect attrayant et bon à manger, l’arbre de vie au milieu du jardin et l’arbre de la connaissance de ce qui est bon ou mauvais

.

2,10-14 Les fleuves du Paradis

2,15 Le SEIGNEUR Dieu prit l’homme et l’établit dans le jardin d’Eden pour cultiver le sol et le garder

.

L’interdit fait à Adam

2.16-17 Le SEIGNEUR Dieu prescrivit à l’homme : « Tu pourras manger de tout arbre du jardin, 2.17 mais tu ne mangeras pas de l’arbre de la connaissance de ce qui est bon ou mauvais car, du jour où tu en mangeras, tu devras mourir. »

2,18 Le SEIGNEUR Dieu dit : « Il n’est pas bon pour l’homme d’être seul. Je veux lui faire une aide qui lui soit accordée. »

2,19 Le SEIGNEUR Dieu modela du sol toute bête des champs et tout oiseau du ciel qu’il amena à l’homme pour voir comment il les désignerait. Tout ce que désigna l’homme avait pour nom « être vivant »

 ;

2,20a L’homme désigna par leur nom tout bétail, tout oiseau du ciel et toute bête des champs

2,20b mais pour lui-même, l’homme ne trouva pas l’aide qui lui soit accordée

.

2,21-22 La création de la femme

2,23-24 Le mariage d’Adam et Eve

2.25 Tous deux étaient nus, l’homme et sa femme, sans se faire mutuellement honte

.

Genèse III

3,1 Or le serpent était la plus astucieuse de toutes les bêtes des champs que le SEIGNEUR Dieu avait faites. Il dit à la femme : « Vraiment ! Dieu vous a dit : “Vous ne mangerez pas de tout arbre du jardin”… » 2 La femme répondit au serpent : « Nous pouvons manger du fruit des arbres du jardin, 3 mais du fruit de l’arbre qui est au milieu du jardin, Dieu a dit : “Vous n’en mangerez pas et vous n’y toucherez pas afin de ne pas mourir.” » 4 Le serpent dit à la femme : « Non, vous ne mourrez pas, 5 mais Dieu sait que le jour où vous en mangerez, vos yeux s’ouvriront et vous serez comme des dieux possédant la connaissance de ce qui est bon ou mauvais. »

3,6 La manducation du fruit défendu

3,7 Leurs yeux à tous deux s’ouvrirent et ils surent qu’ils étaient nus. Ils surent qu’ils étaient nus. Ayant cousu des feuilles de figuier, ils s’en firent des pagnes

.

8 Or ils entendirent la voix du SEIGNEUR Dieu qui se promenait dans le jardin au souffle du jour. L’homme et la femme se cachèrent devant le SEIGNEUR Dieu au milieu des arbres du jardin. 9 Le SEIGNEUR Dieu appela l’homme et lui dit : « Où es-tu ? » 10 Il répondit : « J’ai entendu ta voix dans le jardin, j’ai pris peur car j’étais nu, et je me suis caché. » . 267

C’est la femme !

3,12 L’homme répondit : « La femme que tu as mise auprès de moi, c’est elle qui m’a donné du fruit de l’arbre, et j’en ai mangé

.

Colère d’Adam

Repentir d’Eve

C’est le serpent

Châtiment divin

Le châtiment du serpent

3,14 Tu marcheras sur ton ventre…

3,15 Celle-ci te meurtrira à la tête…

3,15 Je mettrai l’hostilité entre toi et la femme, entre ta descendance et sa descendance. Celle-ci te meurtrira à la tête et toi, tu la meurtriras au talon. »

3,14 Le SEIGNEUR Dieu dit au serpent : « Parce que tu as fait cela, tu seras maudit entre tous les bestiaux et toutes les bêtes des champs ; tu marcheras sur ton ventre et tu mangeras de la poussière tous les jours de ta vie

Châtiment de la femme

3,16 Il dit à la femme : « Je ferai qu’enceinte, tu sois dans de grandes souffrances ; c’est péniblement que tu enfanteras des fils. Ton désir te poussera vers ton homme et lui te dominera

.

Châtiment d’Adam

3,17 Il dit à Adam : « Parce que tu as écouté la voix de ta femme et que tu as mangé de l’arbre dont je t’avais formellement prescrit de ne pas manger, le sol sera maudit à cause de toi. C’est dans la peine que tu t’en nourriras tous les jours de ta vie

.

Bénévolence de Dieu

3,21 Le SEIGNEUR Dieu fit pour Adam et sa femme des tuniques de peau dont il les revêtit

.

3,22 Voici que l’homme est devenu comme l’un de nous qu’il ne tende pas la main pour prendre aussi de l’arbre de vie, en manger et vivre à jamais ! »

3,23 Le SEIGNEUR Dieu l’expulsa du jardin d’Eden pour cultiver le sol d’où il avait été pris

.

Expulsion

Travail d’Adam, maternité d’Eve hors du paradis

Repentance d’Eve

Repentance d’Adam

Repentance d’Adam et Eve

3,24 Ayant chassé l’homme, il posta les chérubins à l’orient du jardin d’Eden avec la flamme de l’épée foudroyante pour garder le chemin de l’arbre de vie

.

Genèse IV

Meurtre d’Abel par Caïn

Adam et Eve damnés ?

Genèse V

Age d’Adam et Eve

Mort d’Adam

L’arbre des vices

Table des noms

Table des illustrations

Bibliographie

Sommaire général de l’ouvrage

Illustration de couverture

Le peintre et graveur GOLTZIUS (1558-1617), nom latinisé de Hendri(c)k GOLTZ, allégorise dans ce tableau 1 daté de 1616, achevé un an avant sa mort, le péché originel comme un péché de chair.

Le couple est mollement allongé. Eve, présentant son dos et son fessier à Adam, et au spectateur, offre à Adam la pomme déjà entamée par elle ; son coude pèse presque sur le sexe d’Adam. Le bouc aux cornes sataniques, regarde avec concupiscence la chèvre qui joue l’innocente en broutant quelques herbes, une métaphore de la prostituée qui perd les jeunes gens selon le peintre et écrivain hollandais Karel van Mander I (1548 - 1606). La main droite d’Adam presse une figue, fruit du figuier qui viendra cacher leur honte (Gen. 3,7), mais aussi fruit symbolisant la fécondité selon la symbolique chrétienne, symbole d’abondance, promesse de rédemption car Adam, qui n’a pas encore mangé le fruit défendu, est encore digne de la promesse édénique tandis qu’Eve a déjà perdu la pureté originelle. Le chat, animal symbolisant le désir sexuel, est témoin de la Faute ; faussement indifférent, comme celui de la gravure de DÜRER de 1504, le chat, juge silencieux, regarde le spectateur et l’interpelle sur ses propres turpitudes. Le serpent a figure humaine, celle d’Eve car, selon saint Paul : « c’est par Eve que le péché est entré dans le monde » (1 Tim. 14). Au loin, on aperçoit un éléphant qui s’éloigne ; l’éléphant, animal qui, selon le Physiologos (II-IVe siècles), incarne la tempérance, la chasteté ainsi que le Christ, représente ici, par son éloignement, la séparation de l’Homme d’avec Dieu par la Faute de sa Transgression.

Chargée d’érotisme, l’œuvre de GOLTZIUS reste moralisante. Conforme à la doctrine augustinienne, elle enseigne que le péché originel fut le mauvais usage, par orgueil, fait par l’Homme de sa liberté mais, aussi, une concupiscence charnelle, celle qui fit céder Adam à la séduction d’Eve, d’où l’ambiguïté de l’œuvre car, formellement, l’artiste nous offre du péché une image fort séduisante du moment de la Chute, de l’instant où bascula l’humanité dans le péché.

Figure 1 GOLTZIUS 1616

1 National Gallery, Washington https://www.nga.gov/collection/art-object-page.95659.html

Introduction

Cet ouvrage est le premier volume du tome consacré à l’iconographie du péché originel qu’il présente verset par verset ; le second tome regroupe des études thématiques (imagerie du serpent ; le Christ, nouvel Adam…) et des monographies consacrées à des artistes et œuvres majeures. Notre analyse des images synthétise des commentaires de la glose chrétienne et juive sur le récit biblique, ainsi que des écrits apocryphes, qui éclairent l’intention de l’artiste et le sens religieux de l’enseignement de l’œuvre, gloses présentées dans les tomes III, IV et V de notre étude du péché originel qui devrait comporter, au final, douze tomes, selon le sommaire présenté en annexe au présent volume.

Un art de la doctrine

« Le moyen âge eut la passion de l’ordre. Il organisa l’art comme il avait organisé le dogme, le savoir humain, la cité. La représentation des sujets sacrés fut alors une science qui eut ses principes, et qui ne fut jamais abandonné à la fantaisie individuelle » Émile MÂLE 2

Émile MÂLE dit vrai en écrivant que « l’art médiéval est une écriture sacrée 3» mais tout l’art chrétien est « un art de doctrine » selon sa formule. Ainsi commentant La Vierge des palefreniers (1606) de CARAVAGE, il écrit de l’art religieux de la Contre-Réforme : « On voit que l’Eglise, au commencement du XVIIe siècle, avait repris la direction de l’art. Voilà un exemple de cet art de doctrine, dominé par la pensée catholique, qui apparaît après le concile de Trente. Si intéressantes que les études consacrées jusqu’à présent au dessin, à la couleur, aux traditions d’école des artistes de la fin du XVIe et du commencement du XVIIe siècle, on avouera que, pour les comprendre pleinement, il est nécessaire de descendre plus avant et de pénétrer jusqu’à la pensée qu’ils furent chargés d’exprimer. 4» Ainsi La Vierge des palefreniers ne peut se comprendre sans connaître la controverse sur le verset 3,15 dit « protévangile » dont l’interprétation théologique opposa Catholiques romains et Chrétiens réformés, que nous étudions au fond dans le tome III au titre des Quaestiones disputatae.

Détournements profanes

L’interprétation sexuelle du péché originel par AUGUSTIN, les vastes commentaires sur la sexualité avant et/ou après la faute du premier couple, l’endoctrinement de la bénédiction par Dieu de l’union de la femme et de l’homme comme fondement du mariage chrétien, la nudité des protagonistes avant leur faute tout cela charge le récit d’érotisme. De la représentation scripturaire du couple nu puis découvrant la pudeur à la scène de genre d’un couple nu enlacé, mangeant des pomme dans un verger, il n’y a qu’un pas que l’art de la Renaissance franchit, ouvrant la voie à un détournement du récit du péché originel à des fins profanes, à une hypersexualisation de l’épisode par l’art moderne, la littérature, le cinéma, la publicité, toutes digressions au mieux agnostiques, au pire sacrilèges que la sécularisation des sociétés et une vulgate psychanalytique du péché originel cf. t. VIII ont banalisé. Nous ne traitons dans ce tome que de l’art religieux, présentant les détournements profanes dans le tome XI.

Etat de la recherche

Si la littérature exégétique, théologique et dogmatique sur le Péché originel est immense, deux fois millénaire, l’analyse de sa représentation par l’art religieux n’est matière qu’à quelques chapitres dans les présentations générales de l’art chrétien par les auteurs de référence - Emile MÂLE, Louis BRÉHIER, Louis RÉAU, François BOESPFLUG, Jérôme BASCHET, tous cités dans le présent ouvrage, offrent des perspectives essentielles mais, le plus souvent, consacrées au seul art médiéval.

Les ouvrages sur le péché originel se satisfont souvent d’une image de couverture et encore très souvent l’une des plus connues, de DÜRER, CRANACH, en particulier.

Il n’existe, en langue française, à notre connaissance, qu’une thèse sur notre sujet celle (2003) de Lise WAJEMAN en Littérature et civilisation comparées 2003 qui ne porte que sur le XVIe siècle.

L’immense iconographie pieuse de la chute de l’Homme semble une mine encore inexploitée.

Ainsi que l’écrit François BOESPFLUG : « C’est typique : au cours du siècle qui s’est vu qualifier de « siècle de l’image », les plus grands théologiens catholiques, même s’ils ont été finalement nombreux à deviner tout l’intérêt qu’il y aurait à le faire, ont peu travaillé sur les enjeux profonds de l’histoire concrète des principaux sujets de l’art chrétien 5 ».

Ainsi, selon François BOESPFLUG, dans l’immense œuvre de Karl RAHNER, un seul texte Die Theologie des Bildes (1938) 6 traite de l’imagerie sacrée : « Pour Rahner, le symbole joue un rôle essentiel en théologie. … Comment représenter Dieu dans le langage ? Nous n’avons pas mille et une manières pour parler de Dieu : analogie, signe, icône, métaphore, ou symbole. … L’analogie est la voie classique pour parler de Dieu. Pour le signe, Saint AUGUSTIN a développé toute une pensée très intéressante. L’icône a encore une autre signification en théologie, surtout développée picturalement dans l’Église orthodoxe. La métaphore est plutôt contemporaine comme réflexion et reprise dans différents travaux, dont ceux de Paul RICOEUR. Il reste le symbole. … A la différence du signe, le symbole ne réfère pas à quelque chose. Il a la référence en lui-même. … RAHNER (emploie) plutôt en allemand le terme Realsymbol qui pour lui emprunte le double terme : réel et symbole. Il voulait dire par cette concaténation que le symbole n’est pas un lien mental ou arbitraire comme le signe, mais un lien réellement existant. … (ainsi) « toute la théologie, et aussi dans son être même est une théologie du symbole » .. Dans la théologie rahnerienne, un symbole a quatre aspects. Le symbole est : - analogique ; - sacramentel : le symbole est efficace, il opère ce qu’il signifie, et nous avons ici un lien avec le langage performatif … ; - auto-perfectionnant … ; - manifestation dans la pensée : le symbole arrive à l’homme dans la pensée, des sons, signes, et du texte. 7» Ainsi « une image, par sa nature, demande à être vue et est donc d'emblée un objet conçu pour la transcendance ».

Puisse notre ouvrage, malgré ses limites et ses imperfections, susciter un travail de recherche sur l’iconographie du péché originel.

Champ de l’étude

Champ biblique

Si le récit du péché originel est relaté au chapitre III de la Genèse, il ne peut être étudié que mis en perspective avec le chapitre I, celui de la création selon le rédacteur dit Elohiste ainsi qu’avec le chapitre II, le second récit de la création, celui-là par le rédacteur dit Yahviste, cf. tome I, Introduction à la Genèse. L’interprétation religieuse de la chute est éclairée par les épisodes ultérieurs notamment le meurtre d’Abel par Caïn, la naissance de Seth, le Déluge et la Tour de Babel que nous évoquerons au détour des commentaires théologiques introduisant les divers épisodes de Genèse I à V ici étudiés.

La chute des anges rebelles relatée par Isaïe et l’Apocalypse, parce qu’elle figure en entrée de nombreux ouvrages médiévaux selon la doctrine chrétienne, mais aussi dans certaines gloses judaïques, pour publier que le serpent fut l’émissaire de Lucifer-Satan venu tenter l’Homme, ouvre également notre étude de l’iconographie du péché originel.

Champ historique

Nous analysons l’ensemble de l’iconographie religieuse du péché originel depuis l’art paléochrétien jusqu’à l’art contemporain. L’étude de l’iconographie profane, celle du détournement des symboliques, en particulier sexuelles de la consommation du fruit défendu est traitée dans le tome XI de cet ouvrage mais nous montrons dans ce tome comment les artistes de la Renaissance ont ouvert la voie à une érotisation des images.

Art religieux versus art libertin

Art religieux certes, mais on verra combien que sous (dé)couvert de la nudité obligée car scripturaire du premier couple avant la Faute, même s’il existe des exemples de couples habillés, voire rhabillés par pudeur par des repeints comme L’expulsion (1423) de MASACCIO, la Tentation devient dès la Renaissance matière à des œuvres si érotisantes qu’elles en sont libertines, au sens à la fois d’esprit fort, de libre penseur et d’esprit porté sur la sensualité, œuvres peu édifiantes visant à exciter les sens du spectateur. Les détournements du motif ne datent pas de l’époque moderne ou, à tout le moins, ils ont été préparés par BALDUNG, CRANACH, CABANEL et bien d’autres.

2 MÂLE Émile, L’art religieux du XIIIe siècle en France : étude sur l’iconographie du moyen âge, Réed. Hachette Livre BNF Gallica, Ed. 1868, p.1,

3 Ibidem, p.4

4 MÂLE Emile. La signification d'un tableau du Caravage. In: Mélanges d'archéologie et d'histoire, tome 47, 1930. pp. 1-6. DOI : https://doi.org/10.3406/mefr.1930.7198www.persee.fr/doc/mefr_0223-4874_1930_num_47_1_7198

5 BOESPFLUG François, L’histoire de Dieu dans l’art. Revue Lumière et vie. http://lumiere-et-vie.fr/numeros/LV_283_pages_5-17.pdf

6 RAHNER Karl, Theologie der religiösen Bedeutung des Bildes (1983)

7 KUYPERS Willem, Théorie du Symbole chez Karl RAHNER,https://www.academia.edu/42659900/Th%C3%A9orie_du_Symbole_chez_Karl_Rahner

Commentaire doctrinal, non esthétique

Le lecteur ne trouvera ici aucun jugement sur les qualités esthétiques de l’œuvre analysées. Certes le génie d’un DÜRER fait de sa gravure de 1504 du couple dans la splendeur de la ressemblance à Dieu un tournant dans l’imagerie du péché originel mais les plus naïves représentations, celles des peintures murales de Chapelle St-Gonery de la fin du XVe siècle à Plougrescant ou la fresque copte de l’église d’Abreha wa-Atsbeha des X-XIe siècles, pour ne citer qu’elles, sont, s’agissant de l’histoire de l’art du péché originel, tout à fait passionnantes à étudier.

Ce champ immense d’étude oblige à des choix, choix d’œuvres d’abord puisque la Chute est avec la Vie du Christ l’un des plus représentés de l’art religieux chrétien, choix de méthode également. Notre propos n’est pas de commenter les œuvres au regard de leurs qualités esthétiques, de les resituer dans un mouvement artistique, de les éclairer par la biographie de l’artiste, mais d’en indiquer le sens religieux, d’expliquer en quoi chaque œuvre est un parti pris doctrinal, participe de l’enseignement du dogme, en un mot d’interpréter l’œuvre au regard des Écritures, à travers leur exégèse et leur dogmatisation. Nous donnons ici, pour chaque image, les points de repère principaux de cette lecture biblique des représentations du péché originel, justifiant et développant ces perspectives dans notre ouvrage consacré à Exégèse, dogmatique et théologie du péché originel auquel nous faisons de nombreux renvois mais permettant une lecture autonome de ce tome de notre recherche sur le péché originel.

Choix des œuvres

On trouvera peu d’œuvres hébraïques dans cet ouvrage compte tenu de l’aniconisme juif mais le lecteur trouvera de nombreuses références à la glose rabbinique qui participe de l’éclairage spirituel des œuvres, glose connue des glosateurs chrétiens médiévaux, glose souvent originale et trop négligée par bien des ouvrages de théologie dogmatique qui ne font que paraphraser le Catéchisme de l’Eglise Catholique. Pour une présentation de l’iconographie hébraïque cf. t. IV v.2

S’agissant des artistes juifs, nous reproduisons et commentons plusieurs. Le premier, le plus célèbre, le plus prolifique d’entre eux Marc CHAGALL incorpore nombre de thèmes juifs : figuration du shtetl et des pogroms de son enfance, christ juif en croix vêtu du talith, shofar… cf. Monographies, ainsi qu’un aniconisme qui lui fait représenter des anges mais jamais YHWH mais c’est un art mixte judéo-chrétien car il consiste en variations sur des images-type de l’iconographie chrétienne.

Avouons d’emblée une faiblesse au panorama artistique ici commenté, celui du trop faible nombre d’œuvres produites par des artistes catholiques grecs et des rites orientaux, lacune causée par notre méconnaissance de la dogmatique orthodoxe et par la recherche en langue française et anglaise en majorité, mais aussi par la place centrale de la figure du Christ, de la Vierge Marie et des saints dans l’art orthodoxe. Puisse ce livre susciter une vocation venant combler cette évidente limite à notre travail.

La première partie de notre recherche iconographique est présentée dans ce premier volume, présente l’iconographie du péché originel en images, selon l’ordre des versets bibliques, un second volume le complète par une étude série de monographies sur des artistes et œuvres majeures : DÜRER, CRANACH, GOSSAERT… ainsi que sur des thématiques : représentation du serpent, le Christ nouvel Adam…

Le lecteur pourra également poursuivre sa recherche en consultant le Dictionnaire du péché originel qui présente ‘d’Adam à Vice’, une synthèse thématique illustrée des mots clés du récit biblique et de leur interprétation artistique.

Méthodologie

« Les images produisent du réel (et de l’idéel) » Jérôme BASCHET8

La lecture du brillant ouvrage de Jérôme BASCHET sur L’iconographie médiévale, dont les considérations si elles s’appliquent à l’art médiéval restent, pour certaines, valables, selon nous, pour l’art chrétien largo sensu, inspire les quelques considérations méthodologiques suivantes qui ont guidé notre recherche, et en marquent l’ambition, peut-être, excessive ; le lecteur en jugera.

Iconologie, iconographie, imagerie

« L’iconographie au-delà de l’iconographie » revendique BASCHET 9 qui rejette « l’iconologie auréolée du prestige des pères fondateurs Aby WARBURG d’abord, Erwin PANOFSKY ensuite. Si brillant soit-il, le mot n’offre aucune garantie ; et l’on a pu faire valoir que la méthode du second vidait de sa plus vive fécondité l’ambition du premier » pour promouvoir une iconologie « attentive, consciente que la force de pensée des images appelle un regard soutenu et patient. Une iconographie relationnelle aussi, soucieuse de saisir les significations mises en jeu non seulement dans les relations constitutives de chaque image, mais aussi dans celles qu’elle entretient avec d’autre images, présentes ou absentes ».

Ces considérations méthodologiques de BASCHET nous serviront à préciser notre propre démarche.

Un art qui est obligé d’imaginer

De PANOFSKY, nous conservons la recherche du sens religieux voulu par l’artiste, son inspiration théologique même comme nous le montrerons, l’imprécision voire l’absence totale de toute notation descriptive du récit biblique : de quelle espèce végétale était l’arbre défendu, à quoi ressemblait le serpent… comme d’informations clé : où se trouvait Adam pendant la conversation entre le serpent et Eve… obligent les artistes à remplir les silences de l’Ecriture. Ces choix sont autant d’inventions ; ainsi, à titre d’exemple, le choix de représenter le serpent avec un visage de femme identique à celui d’Eve est directement inspiré par la culpabilisation d’Eve et l’indulgence à l’égard d’Adam de la théologie scolastique inspirée de la Patrologie latine, de même les variations de composition de la scène clé de la Tentation dans le rapport entre le serpent, Eve et Adam soutiennent un enseignement qui va de l’incrimination de la seule Eve à une complicité amoureuse du premier couple dans la Transgression. Au contraire de BASCHET qui veut « libérer l’attention d’une préoccupation excessive pour les sens spécifiés qu’une iconographie traditionnelle s’emploie à identifier, voire à débusquer dans les subtilités de l’exégèse et de la théologie 10», il nous semble impossible d’analyser une œuvre figurant le récit du Péché originel sans l’éclairage de l’enseignement religieux pour en comprendre le sens, étudier les variations de choix dans la figuration d’un quelconque épisode, voire les libertés, parfois les transgressions profanes, prises par l’artiste.

Inventivité figurative

De Pierre FRANCASTEL 11, nous adoptons « la notion de pensée figurative … affirmer que les images pensent – c’est-à-dire que l’on pense en images - … permet d’échapper au rapport d’extériorité entre formes et significations … l’indissolubilité de la forme et du fond » comme nous pensons démontrer par cet ouvrage la pertinence du concept freudien, évoqué par Hubert DAMISCH, de figurabilité pour « désigner l’instance autorisant un passage entre abstraction verbale et image mentale », concept obvie pour les images médiévales qui « sont souvent chargées d’inscriptions » mais pas uniquement cf. les phylactères de la gravure (1647) de MELLAN.

Par contre, nous ne souscrivons pas à la thèse d’Émile BENVENISTE, adoptée par BASCHET, selon laquelle « les arts plastiques relèvent d’une « sémantique sans sémiotique » : la production figurative ne dispose d’aucun répertoire préétabli de signes, que chaque œuvre aurait pour tâche d’assembler ; au contraire, chaque image crée sa propre sémiotique, sans qu’il soit même possible d’y discerner des unités élémentaires » car la production massive d’images, notamment au Moyen Âge, conduit les artistes au réassemblage d’éléments imposés comme le topos de l’étranglement d’Adam par la pomme, la parole soufflée à l’oreille d’Eve par le serpent, pour ne prendre que de deux éléments relèvent de la légende chrétienne sans aucun fondement scripturaire.

L’imagerie, la Bible des illettrés, faux concept ?

« Les images médiévales ne sont pas la Bible des illettrés. Congédions définitivement ce lieu commun, et c’est alors une diversité foisonnante, une prodigieuse inventivité figurative qui s’offre à nous » affirme BASCHET 12 ; les centaines d’œuvres ici reproduites ou référencées démontrent assez la réalité de cette profusion d’images et, surtout, la très grande variété d’option des artistes pour illustrer un épisode du récit édénique mais, comme nous nous attachons à le montrer, ces choix ne sont pas des libertés artistiques prises par chaque artiste à l’égard du dogme mais traduisent les variations, et pour tout dire, les incertitudes et jusqu’aux controverses, sur le sens des Ecritures. Représenter la « fabrication » d’Eve de la côte d’Adam ou jaillissant de son côté transcrit visuellement une indécision exégétique sur le mot hébreu tzayla dont la glose rabbinique elle-même ne s’accorde pas à le traduire « côte » ou « coté » Cf. t.3. Exégèse de 2,21 et QD. Création d’Eve

Des « images-objet »

Nous adoptons volontiers, et bien au-delà de l’art médiéval, le concept d’ « images-objet » proposé par BASCHET en raison de ce qu’ « il n’existe pas de finalité esthétique autonome et l’artiste n’est pas distingué de l’artisan 13». « Il n’y a pas au Moyen Âge, d’image qui ne soit en même temps un objet ou, du moins, qui ne soit attachée à un objet, dont elle constitue le décor et dont elle accompagne l’usage (un manuscrit, un autel, une statue-reliquaire, voire l’édifice cultuel lui-même) 14» « C’est pourquoi le terme de présentification emprunté à Jean-Pierre VERNANT 15 est particulièrement pertinent. Il suggère un processus et une tension pour mobiliser une présence espérée mais jamais garantie ».

« L’image en son lieu »

Titre Jérôme BASCHET un chapitre de son livre sur L’iconographie médiévale 16. L’analyse d’une œuvre est en effet impossible à conduire sans préciser la situation de l’œuvre, son rapport physique au fidèle.

La présence d’une représentation du Péché originel au tympan d’une église représentant le jugement des âmes par le Christ en majesté s’articule dans une dynamique narrative opposant l’enfer au ciel promis aux justes et qui siège au-dessus de la porte d’entrée de l’Eglise qui figure, symboliquement, la séparation entre le monde profane et le monde sacré, entre cette vie terrestre 17 et celle, promise, céleste selon l’enseignement johannique :

« Je suis la porte : si quelqu’un entre par moi, il sera sauvé, il ira et viendra et trouvera de quoi se nourrir » Jean 10,9.

L’office catholique des défunts permet à la fin de la cérémonie des funérailles lorsque la procession de forme pour accompagner le cercueil du défunt hors de l’église vers le cimetière le chant de l’incipit de l’absoute In pararadisum 18, une antienne grégorienne.

Isolée, l’étude de la figuration de la Tentation est myope car le tympan est un programme iconographique complet, propédeutique au recueillement pieux.

S’agissant de l’épisode de la Chute, la symbolique est explicite, le Jardin d’Eden incarne l’Eglise 19, celle dont fut expulsé Adam pour avoir fauté, Eglise qui renaît du sang versé par le flanc du Christ, nouvel Adam, ce qu’illustre une enluminure des Très riches Heures du duc de Berry (1512) par Paul LIMBOURG 20 où s’élève à la place de l’arbre de vie une église ou encore le Missel de Salzburg (XVe s.) par FURTMEYR 21 qui oppose la Vierge dispensant la vie des hosties consacrées par le sang du Fils montré en croix au côté droit (gauche pour le spectateur) de l’arbre de la connaissance tandis qu’Eve distribue les fruits mortels aux impies, à noter la position ‘neutre’ d’Adam dans cette image au regard du bien et du mal dans une intention de désigner Eve comme la seule fautive.

Figure 2 Très riches Heures du duc de Berry

Figure 3 Missel de Salzburg

Les cycles de fresques des églises répondent à des organisations spatiales très pensées pour constituer un itinéraire spirituel du fidèle, débuté par la contemplation de la Chute et s’achevant, en apothéose, par celle du Christ en majesté au niveau du sanctuaire. L’objectif est de « rendre visible l’histoire du salut » 22

Systèmes de sens

Nous résumerons la formulation « Mise en jeu multi-relationnelle du sens » 23 de BASCHET qui qualifie de sérialité « les rapports tissés entre de multiples images soit qu’elles se répondent au sein d’une même œuvre (l’image-objet est bien souvent une constellation d’images articulées à un objet – ou un lieu – commun) soit que, appartenant à des œuvres distinctes, elles se trouvent apparentés pt leur thème, par un motif commun ou par de références partagées 24» par le concept de système de sens.

Un exemple en est, s’agissant du péché originel, l’asymétrie entre la figure d’Adam et du Sauveur, nouvel Adam. Le Christ vient réparer, le tort fait à l’humanité par la Faute du premier homme. Par son incarnation, le Fils de Dieu subissant la Passion de la Crucifixion rachète par son sang la transgression, vainc la mort et promet la Réssurection aux justes. Cet enseignement est symbolisé par le rapprochement entre l’arbre du Jardin et la Croix. La Croix est l’arbre de vie, celui au centre du jardin, dont le fruit d’immortalité a été refusé à l’homme par Dieu après sa transgression ; le sang du Christ qui coule au pied de la croix est la source de vie comme l’étaient les quatre fleuves coulant du pied de l’arbre de vie ; Adam git au pied de la Croix comme figure terrestre fautive au-dessus de laquelle s’élève la figure céleste du Christ souffrant ; Adam est soit représenté gisant au pied de la croix cf. MELLAN, soit debout cf. CRANACH, soit symboliquement par un crâne qui figure non, comme le disent à tort certains commentaires, les ossements abandonnés du Golgotha puisque les suppliciés en étaient enlevés car rendus à leur famille après leur mort en croix, mais bien le premier Adam ; selon certaines légendes véhiculées par les apocryphes, le corps d’Adam fut déposé par l’arche de Noé pour être enterrée là où s’élèvera la Croix salvifique dont le bois était fait de celui de l’arbre de la connaissance. Cf. t. VI v. 2

Ce système de sens est décliné par d’innombrables œuvres ; une des plus exceptionnelles est L’agneau mystique des frères van EYCK (1426) 25 qui métaphorise la Crucifixion comme celle du Missel de Salzburg (XVe s.) par FURTMYER 26 tandis que CRANACH (1529) 27 montre Adam encouragé à la fois par Moïse et Jésus à adopter la Nouvelle Alliance et MELLAN Adam et Eve au pied de la Croix (1647) 28. Cf.t. VI v. 3

Un autre exemple de système de sens majeur de l’iconographie du Péché originel est La Vierge Marie, nouvelle Eve. Cf. t.III v. 3

Figure 4 Missel de Salzburg

Figure 5 Van EYCK, L’agneau mystique (détail)

Figure 6 CRANACH L’Ancien (détail)

Figure 7 Claude MELLAN (détail)

Un autre type très habituel de système de sens repose dans le rapprochement d’images opposant le Bien et le Mal tout en affirmant l’accomplissement de la promesse de l’AT par le NT comme le fait cette enluminure du De laudibus sanctae crucis (1175) 29 où figure sur le registre supérieur, l’Interdit fait par Dieu au couple premier suivi de l’écrasement du serpent par la Croix de l’Eglise, au registre intermédiaire l’exposition de la Croix salvifique au couple peccamineux dans une symétrie Croix-arbres du Paradis, dans le registre inférieur l’offrande d’Abel et Caïn suivie du meurtre d’Abel par Caïn. La seconde enluminure 30 montre l’échelle céleste qui va du dragon jusqu’au Christ par l’exercice des diverses vertus : prudentia, sapienta… avec, inscrit en rosace, le nom d’Adam dont chaque initiale est inscrite sur le col d’un des personnages aidant le personnage central désigné comme « totus homo » (l’homme complet) à se saisir des mains tendues du Sauveur échappant ainsi à la condition mortelle, celle d’Adam. Système allégorique également dans la représentation du Paradis 31 que surplombe le Christ accompagné des instruments de la Passion où les initiales ADAM encadrent la figure centrale de l’Agneau christique d’où irradie des rayons porteurs des images des vertus et de celles des évangélistes.

Figure 8 De laudibus sanctae crucis

Selon BASCHET il existe des images médiévales faisant place à l’« ambivalence, conjonction dans une même figure ou une même image de plusieurs significations différentes, voire opposées … La question est bien plutôt celle du surplus de sens et d’effet qui naît des relations entre les significations assemblées 32 ».

Un exemple dans l’iconographie du péché originel est la gravure de MELLAN étudiée dans les monographies qui associe le remord d’Adam à la coquetterie d’Eve.

Figure 9 SPRANGER

Sujet de nombreuses variations, la consommation du fruit défendu dont il est difficile d’affirmer qu’Adam agit sous la contrainte de la séduction féminine ou de son plein gré, transcrivent toute l’incertitude même de l’Ecriture qui conduira une large part de la glose chrétienne à disculper l’homme et instruire le procès de la femme alors que rien, littéralement, ne dit qu’il n’a pas agi de sa propre volonté ce que montrent d’autres œuvres où il se saisit lui-même du fruit défendu sans le prendre de la main d’Eve. Ambiguïté du sens de la posture de l’Adam de Bartolomeus SPRANGER (1593)33 qui enserre de ses bras d’une Eve qui incline la tête vers lui, abandonnée, semble vouloir l’empêcher de saisir le fruit que lui tend le serpent mais la main droite d’Adam a déjà pris le fruit et l’étreinte est alors déjà amoureuse transgressant l’enseignement en une peinture de genre érotisée puisqu’il faut bien trancher dans l’interprétation et échapper « aux abus d’une rhétorique qui autoriserait à produire, à propose d’une œuvre, tous les énoncés et leurs contraires 34».

Sérialité

BASCHET préconise une approche qu’il désigne comme « sérialité » pour analyser les rapports des images médiévales entre elles afin de « se défaire du préjugé selon lequel le Moyen Âge n’aurait produit qu’un art stéréotypé, figé, reproduisant la doctrine de l’Eglise. Au contraire, on soutiendra que le Moyen Âge, à partir du XIe siècle a été une époque d’étonnante liberté pour les images et d’intense créativité iconographique. C’est de cette intense créativité iconographique que l’approche sérielle se doit de rendre compte. Elle doit pour cela explorer de larges gammes de variations, considérer de pesantes régularités en même temps que d’incessantes transformations. » Ce précepte méthodologique s’inscrit en faux contre la ‘doctrine’ d’Émile MÂLE selon laquelle il existe des « types iconographiques immuables exprimant les vérités doctrinales ; de l’autre des variations dues à la fantaisie des artistes et dépourvues de réelle signification » car « Jean WIRTH 35 a bien souligné que l’iconographie n’est pas le décalque de la théologie et peut même la contredire … De fait, on constate en Occident une fluidité figurative qui contraste avec la stabilité des formules iconographiques à Byzance. Cette ‘liberté de l’art est même admise théoriquement. … Ainsi, la condition élémentaire de la liberté et de l’inventivité des images médiévales est l’absence de définition normative de l’iconographie et l’inexistence d’un contrôle formel exercé par l’autorité ecclésiastique – deux aspects qu’imposera en revanche le Concile de Trente [1545-1563], au milieu du XVIe