Des ombres au paradis - John-Erich Nielsen - E-Book

Des ombres au paradis E-Book

John-Erich Nielsen

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Beschreibung

Un filet de pêche remplit de mystère... L'inspectrice Lucy Fourstripes parviendra-t-elle à résoudre cette énigme ?

« Nous avons trouvé ce que nous n’aurions jamais dû trouver. Cet ultime filet était maudit. Nous aurions mieux fait de l’abandonner au fond de la mer. » Le pêcheur du Morne Brabant n’imaginait pas à quel point il disait vrai…
À Maurice, l’inspectrice Lucy Fourstripes mène l’enquête. Elle va découvrir qu’au paradis, les ombres, comme les serpents, se cachent souvent en pleine lumière.
Mais une surprise attend la jeune femme : son principal témoin n’est autre que le célèbre détective Archibald Sweeney. Miss Marple et Hercule Poirot coéquipiers ? Même Agatha Christie n’y avait pas pensé !

Une nouvelle enquête exotique truffée de suspense, de mystères ainsi que la maintenant célèbre touche humoristique de John-Erich Nielsen !


À PROPOS DE L'AUTEUR


John-Erich Nielsen est né le 21 juin 1966 en France.

Professeur d'allemand dans un premier temps, il devient ensuite officier (capitaine) pendant douze ans, dans des unités de combat et de renseignement. Conseiller Principal d'Education de 2001 à 2012, il est désormais éditeur et auteur ; il vit à l'île Maurice dans l'océan Indien.

Les enquêtes de l'inspecteur Archibald Sweeney - jeune Ecossais dégingandé muni d'un club de golf improbable, mal rasé, pas toujours très motivé, mais ô combien attachant - s'inscrivent dans la tradition du polar britannique : sont privilégiés la qualité de l'intrigue, le rythme, l'humour et le suspense.

À la recherche du coupable, le lecteur évoluera dans les plus beaux paysages d'Ecosse (Highlands, île de Skye, Edimbourg, îles Hébrides) mais aussi, parfois, dans des cadres plus "exotiques" (Australie, Canaries, Nouvelle-Zélande, Irlande).

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Couverture

Page de titre

Rencontre

Samedi, milieu de matinée – Pied du Morne Brabant

– Qui êtes-vous ?

Lorsque la jeune femme se retourna, l’homme qui l’interpellait demeura bouche bée.

Sa chevelure blonde frisée, ainsi que sa silhouette élancée, laissaient plutôt présager qu’il s’agissait d’une Européenne. Or il n’en était rien. Étonnamment, les traits de son visage, forts et marqués, avec un nez large, des joues rondes et des lèvres pulpeuses, étaient bien ceux d’une authentique Africaine. Même sa peau très claire picotée de taches de rousseur, d’où jaillissaient deux yeux bleu lagon, ne contredisaient pas cette impression. Comme elle est belle. Un miracle du métissage, pensa l’homme, médusé. La poitrine généreuse retenue par un tee-shirt jaune et un blouson de cuir bordeaux, l’inconnue portait un simple jeans, ainsi que des chaussures ouvertes aux talons hauts qui laissaient dépasser ses orteils. Enfin, la surprenante jeune femme tenait à la main une ombrelle multicolore, dont les quatre bandes horizontales dessinaient le drapeau de son pays.

– Inspecteur Lucy Fourstripes de la CID(1), se présenta-t-elle d’une voix grave. Je suis en charge de l’enquête… Les agents m’ont dit que c’était vous qui aviez découvert le cadavre dans les buissons. C’est bien ça ?

En attendant qu’il réponde, l’enquêtrice observa l’homme d’environ quarante ans qui lui faisait face. De taille moyenne, les cheveux roux, la barbe hirsute et la mine peu expressive, le touriste britannique portait une veste jaune fluo, une gourde à la ceinture, un pantalon de marche de couleur noire, ainsi que de robustes chaussures de randonnée. Enfin, le promeneur arborait un surprenant club de golf calé dans le creux de son épaule. Drôle de canne pour se balader, songea la policière, amusée.

L’étranger lui expliqua :

– La voiture de l’hôtel m’a déposé tôt ce matin. Je ne suis arrivé qu’hier soir à Maurice, mais je voulais profiter du beau temps pour gravir le rocher du Morne, puis découvrir la vue sur l’océan et l’île aux Bénitiers. Il paraît que c’est l’une des plus belles baies du monde.

– En effet, c’est ce qu’il se dit, confirma l’inspectrice… Étant donné votre équipement, j’ai l’impression que vous êtes un randonneur plutôt expérimenté, non ?

– Oui. Dans mon pays, les Highlands sont un terrain de jeu idéal.

– Vous êtes Écossais ?

– Personne n’est parfait ! plaisanta le touriste.

Puis il poursuivit son récit :

– Je m’étais élancé depuis moins de quinze minutes lorsque les nuages et la pluie ont fait leur apparition. Alors, plutôt que de m’obstiner et de prendre des risques inutiles – le rocher culmine tout de même à 556 mètres – j’ai préféré faire demi-tour, puis je suis descendu pour contourner la montagne côté mer. Tandis que je progressais au milieu des broussailles à la recherche d’une piste, une odeur nauséabonde m’a sauté à la gorge. Intrigué, j’ai fait le détour, et c’est là que je l’ai découvert.

Par réflexe, le touriste et la jeune femme se retournèrent vers le corps dégradé qui gisait à une vingtaine de mètres d’eux. La victime, un individu d’apparence jeune, ne devait pas avoir séjourné plus d’un ou deux jours au milieu de cette nature hostile. Tout autour du cadavre, trois experts de la police scientifique, ignorant la chaleur, s’affairaient dans une langue chantante que le Britannique ne comprenait pas.

Ce dernier reprit :

– Dès que je l’ai aperçu, j’ai pensé qu’il avait fait une chute et j’ai composé le numéro des secours. Puis on m’a passé le poste de police de La Gaulette. Quinze minutes plus tard, la patrouille s’est présentée sur le chemin de bord de mer où je l’attendais. Grâce à la croix blanche dressée au milieu du lagon, j’ai pu facilement prendre des repères pour retrouver l’endroit… Mais franchement, c’est un hasard incroyable si je suis tombé sur ce cadavre, conclut-il.

– Un hasard vraiment étonnant, releva Miss Fourstripes. Lors de vos promenades, est-ce que vous faites souvent ce genre de rencontre ?

Sans hésiter, le randonneur lui révéla :

– Au risque de vous surprendre, c’est déjà la seconde fois… La première, c’était à Barra, une petite île des Hébrides, chez moi, en Écosse.(2)

L’enquêtrice commença par sourire, avant de lui avouer :

– Non, vous ne me surprenez pas. Je sais que vous êtes un habitué de ce type de situation. Les agents m’ont fait part de votre « particularité ». Je veux dire, au-delà de votre club de golf.

Plutôt que de lui retourner son sourire, le barbu s’assombrit. Tout à coup taciturne, il baissa les yeux, puis il rentra les épaules. Le témoin paraissait accablé par un sentiment d’une lourdeur effroyable. Quelque chose de grave le préoccupe, devina Lucy.

L’homme finit par déclarer :

– Je vois ce que vous voulez dire… Oui, je travaille moi aussi pour un CID, mais il s’agit du Criminal Investigation Department d’Édimbourg. Dans la police écossaise, j’ai le grade d’inspecteur-chef. Je m’appelle Archibald Sweeney.

– Je vous connais, répondit la jeune femme.

– Ah ?

– De réputation, précisa-t-elle. Je me souviens que plusieurs de vos affaires ont été médiatisées. J’ai fait mes études, puis ma formation de spécialité, en Grande-Bretagne. En Angleterre exactement… Je possède la double nationalité, mauricienne et britannique.

– D’où votre splendide accent londonien.

– Le vôtre n’est pas mal non plus, taquina-t-elle l’Écossais.

Intrigué, Sweeney prit le temps de jauger sa jeune collègue. Puis il lui demanda :

– Alors, suicide ?

L’inspectrice afficha un air amusé. Décelant le piège grossier dans la question, elle songea : Est-ce qu’il me prend pour une novice ? Toutefois, tandis qu’elle réfléchissait, leurs deux regards se croisèrent, et chacun eut l’impression que « quelque chose » se passait.

Pour échapper à cette sensation inattendue, Lucy se décida à répondre :

– Il est beaucoup trop tôt pour que je puisse me prononcer. Je vais attendre l’avis du médecin légiste. En fonction des éléments qu’il me fournira, j’espère que je pourrai établir l’identité du cadavre. Malheureusement, celui-ci n’avait aucun papier sur lui. Ensuite, il sera toujours temps d’essayer de déterminer la cause et la date du décès… Donc, pour vous répondre : un suicide, oui, pourquoi pas ? Mais c’est loin d’être la seule éventualité.

L’Écossais parut séduit par la prudence et l’esprit méthodique de son homologue. Cette dernière enchaîna :

– Historiquement, il est vrai que beaucoup de gens ont sauté volontairement depuis le sommet du Morne. Au début du XIXe siècle, alors que les Anglais qui occupaient l’île venaient annoncer aux « marrons » – c’est ainsi qu’on nommait les esclaves en fuite – que l’esclavage était aboli, on raconte que ceux-ci ont cru que les soldats venaient les capturer. Alors plutôt que d’être faits prisonniers, ils auraient gravi le rocher, puis ils se seraient jetés dans le vide. Un véritable drame… Le mémorial se trouve à quelques centaines de mètres d’ici, le long de la plage, près des hôtels de la péninsule. En raison de la symbolique de leur geste – ces hommes ont préféré la liberté à la captivité –, le site a été récemment classé au patrimoine mondial par l’UNESCO.

– Merci pour ces informations, lui renvoya Sweeney, impressionné.

Mais Lucy tint encore à préciser :

– En dépit de cette « tradition » du saut volontaire au Morne, il faut garder en tête que notre homme a tout aussi bien pu être « incité » à se précipiter dans le vide. Lorsque nous aurons validé son identité, cette option prendra plus ou moins d’épaisseur.

Quand elle eut terminé sa phrase, les deux policiers se contemplèrent à nouveau. Chacun semblait étonné que leur rencontre s’effectue dans ce lieu particulier, à la fois idyllique mais également sauvage et triste. Oui, drôle d’endroit pour faire connaissance, finit par juger l’Écossais, avant de sourire pour la toute première fois.

Par mimétisme, sa collègue sourit elle aussi. Puis, avant même d’avoir réfléchi et de regretter les paroles qu’elle allait prononcer, elle lui demanda :

– Dites-moi, puisque votre réputation d’enquêteur n’est plus à faire, et que vous semblez avoir du temps libre, est-ce que vous accepteriez de me donner un coup de main ?

(1) Central Investigation Division

(2) Lire Mortelles Hébrides.

Déjeuner au Morne

– Magnifique ! déclara Sweeney.

Assis sur un banc, l’Écossais contemplait l’éclat scintillant du lagon, les barques rouges et jaunes des pêcheurs délicatement posées sur la surface de l’eau, la jetée courant vers la mer, puis l’imposante silhouette du Morne Brabant en toile de fond. Poursuivant son tour d’horizon, il observa une église au toit de tôle bleue, une échoppe aux couleurs vives dressée dans l’écrin verdoyant d’un jardin public, puis la route côtière : un ruban de mauvais goudron où se succédaient sans relâche des bus ornés de fresques multicolores, une cohorte de pickups, des chiens errants et miteux, ainsi que des scooters poussifs dont les pilotes ne portaient pas de casque. Le pittoresque village du Morne était à lui seul une carte postale pour les touristes.

Installée à ses côtés, Miss Fourstripes finit de mastiquer une bouchée, puis elle dit à son tour :

– Ah, j’avais faim ! Il se faisait tard… Le Briani poulet(1), vous aimez ? La marchande proposait aussi du poisson salé, mais j’ai eu peur que vous ne trouviez ce plat trop « folklorique ».

– Vous savez, je suis Écossais. Alors j’ai l’habitude des poissons à fort caractère. Mon estomac aurait survécu à cette expérience.

– Alors ce sera pour une autre fois, lui sourit l’enquêtrice de la CID.

Après avoir plongé une fourchette dans sa portion de Briani, Sweeney demanda :

– Qu’est-ce que vous faites là ?

– Comment ? s’étonna sa collègue.

– Je veux dire : à Maurice… C’est vrai, vous avez effectué vos études et votre formation au Royaume-Uni. Pourquoi revenir ici ?

– Mais je ne suis pas revenue, le détrompa-t-elle. Une fois mon cursus terminé, j’ai décidé en réalité de venir à Maurice. C’est un pays que je ne connaissais pas il y a deux ans.

– Pardon ?

– Je vous explique… J’ai vu le jour ici, mais j’ai été adoptée dès ma naissance par un couple de Britanniques. Mes parents sont venus me chercher, puis j’ai grandi à Godalming dans la banlieue de Londres. Ils ont décidé de m’appeler Lucy, pour symboliser la lumière de mon pays d’origine. Et puisque je n’avais pas de nom de famille, ils ont opté pour Fourstripes qui est le nom du drapeau mauricien, avec ses quatre bandes de couleur horizontales. Au final, même si je n’en ai pas vraiment l’air, je suis une « petite Anglaise », inspecteur… Pour l’instant, j’ignore toujours qui sont mes véritables parents, ou bien si j’ai des frères et des sœurs dans le pays. En plus, avec mon physique métissé, n’importe quel Mauricien pourrait être un membre de ma famille… Lorsque je suis arrivée il y a deux ans, après que la police mauricienne a accepté de reconnaître mes diplômes, je me suis sentie un peu perdue. J’avais beau être née ici, y avoir mes racines, je ne me sentais pas chez moi. Dans l’urgence de mon installation, j’ai déniché une petite maison en bois dans un quartier surpeuplé de Vacoas. Les premiers mois, j’ai bien cru que je ne m’adapterais jamais. Pire encore : je ne parlais pas un mot de créole ! Mille fois, j’ai pensé prendre le premier avion pour Londres… Heureusement que Naushad et Marietta étaient là.

– Qui ça ?

– Naushad Abdool, mon jardinier musulman, et Marietta Cheng Ling, ma femme de ménage d’origine chinoise. Très vite, nous sommes devenus amis. Ils sont adorables. Avec le temps, j’ai l’impression qu’ils sont un peu mes parents de substitution. Et puis j’ai aussi Fred Astaire.

– Fred Astaire ? répéta l’Écossais, surpris.

– C’est mon chat. Un grand félin au pelage beige, aussi maigre et élégant que le danseur américain. Quelques jours après mon emménagement, il a débarqué sur le balcon de la maison pour ne plus la quitter… C’est mon confident. Quand je n’ai pas le moral, ou que j’ai besoin de réfléchir, je lui parle, et il me comprend.

– Ne me dites pas que vous êtes célibataire. Une jolie fille comme vous, allons ! la taquina son homologue.

– Je crains que si ! confirma Lucy en riant. Vous savez ce que c’est : nous exerçons un métier passionnant, mais chronophage. Difficile de faire des rencontres. Il y a bien Jasheel, un collègue de mon service, qui me courtise de façon très diplomate. Mais je n’ai pas la tête à ça… Non, je crois que je ne suis pas prête.

– Trop jeune ?

– Ce n’est pas ça… Inconsciemment, je suis venue à Maurice pour retrouver mes racines. J’ai besoin de savoir qui je suis vraiment.

– Et j’imagine que vous n’avez toujours pas la réponse ?

Lucy commença par lui sourire. Puis la jeune femme avala une nouvelle bouchée, avant de rétorquer :

– Sûrement… et elle soupira longuement.

Enfin, pour détourner la conversation, elle demanda à son voisin :

– Et si nous parlions plutôt de vous, inspecteur-chef ? J’ai remarqué l’anneau à votre doigt. Vous n’êtes pas célibataire, vous. Pourtant, depuis ce matin, vous n’avez appelé personne, et personne ne vous a téléphoné. Est-ce que vous êtes venu seul ? J’aurais pensé que vous…

Soudain, constatant l’embarras qu’elle suscitait chez l’Écossais dont le visage se fermait petit à petit, Miss Fourstripes comprit qu’il ne fallait pas insister. Mince, pensa-t-elle. Il me paraît encore plus touché que tout à l’heure. J’ai la sensation que son mal-être est profond. Non, je ne devrais pas lui demander ce qu’il fait là, seul. C’est comme s’il dissimulait un terrible secret. Un secret qu’il ne révélera jamais, envisagea-t-elle enfin.

Cette fois, ce fut au tour de Sweeney de chercher à faire évoluer leur échange. Après avoir déposé son repas le long de son club de golf, il interrogea sa collègue :

– Lucy, il est bientôt quinze heures. Si nous faisions le point sur votre enquête ? Vous avez bien avancé, non ?… Ce qui m’étonne, c’est que depuis que les agents de La Gaulette ont reconnu la victime, et que nous avons commencé à sillonner les rues du Morne, vous avez questionné des dizaines de personnes, nous sommes passés à travers d’innombrables ruelles, mais vous n’avez pas pris la moindre note. Il me semble que vous n’avez même pas écrit le nom du malheureux sur un calepin. Comment faites-vous ça ?

– J’ai une mémoire d’éléphant. Tout est là, dit-elle, puis elle désigna sa tête avec la pointe de son ombrelle.

Amusé, son homologue concéda :

– Il est vrai que je n’ai pas de leçons à vous donner. Depuis des années, j’ai la manie d’enregistrer mes témoins avec un dictaphone dont je n’écoute jamais la bande. Je crois que ça me sert juste à les impressionner, ou bien à me rassurer… Au final, je fais comme vous : je me fie plus à mes souvenirs et à mes impressions.

Puis il essaya de la relancer :

– Alors, ce point de situation ? Je vous écoute.

– Commençons par l’identité du mort. Grâce à un agent de police qui l’a finalement reconnu, nous avons appris qu’il s’appelait Jean-François Laviolette.

– Drôle de nom, releva l’Écossais.

– Non, détrompez-vous… Le Morne est un village créole. Ce genre de patronyme y est courant. Souvent, ce sont les anciens maîtres français qui donnaient des noms imagés, voire cocasses, à leurs esclaves. Leur vrai prénom africain étant imprononçable, ils les ont débaptisés. Ainsi, vous trouverez beaucoup de « Coquin », « L’Intelligent », « Pirogue » ou « Poisson » par exemple, qui devaient probablement refléter le caractère ou les aptitudes des pauvres bougres. Ensuite, lorsque les Anglais ont conquis l’île au début du XIXe siècle, les administrateurs de l’Empire britannique ont fait preuve de beaucoup de tact : ils ont choisi de laisser toutes leurs prérogatives, ainsi que leur langue et leurs coutumes, aux propriétaires français. Par conséquent, le créole et le français ont continué de prospérer, et c’est ainsi que l’anglais, la seule langue officielle du pays, n’est jamais que la langue scolaire ou administrative. En réalité, elle est la moins parlée des trois !… Nous sommes une nation étrange, inspecteur, et très jeune encore. Après tout, l’indépendance n’a été proclamée qu’en 1968.

– Vous dites « nous », remarqua Archibald. Un signe de votre remarquable intégration ?

– Vous avez raison. Je me sens pleinement Mauricienne à présent, reconnut-elle.

Son homologue revint à la charge. Il lui demanda :