Orcades en eaux troubles - John-Erich Nielsen - E-Book

Orcades en eaux troubles E-Book

John-Erich Nielsen

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Beschreibung

Tara Buchanan est-elle coupable du meurtre de son époux, un sous-marinier officier de la Royal Navy ?

À la pointe de l’Écosse, les îles Orcades se dressent dans le brouillard, tel un ultime rempart face à l’immensité glacée de l’Atlantique nord. C’est ici que l’Homme a dispersé la plus grande concentration de sites préhistoriques en Europe, comme s’il voulait affirmer sa présence au cœur d’une nature sauvage. Aujourd’hui pourtant, la sauvagerie est humaine : car aux Orcades, parmi les selkie-folks, ces femmes-sirènes qui noient leur mari, au milieu des sombres épaves de Scapa Flow, des drakkars en flammes, ou de la folie du jeu de Ba’, difficile de déterminer si Tara Buchanan est coupable du meurtre de son époux, un sous-marinier officier de la Royal Navy. Par ailleurs, son amie Elaine Peterhead, la seule qui pouvait l’innocenter, a disparu peu après le drame. Depuis deux ans, qu’est-elle devenue ? Quel secret partagent ces femmes ? Et si… Et si, un jour, Elaine revenait ?

Découvrez une nouvelle enquête trépidante de l'inspecteur Sweeney et replongez au cœur de l'Ecosse et de ses mystères !

EXTRAIT

– Mais là n’est pas la question de toute façon ! s’énerva Ilona. En réalité, précisa-t-elle, le problème est ailleurs… Moi par exemple, tu vois, j’ai tué. Je sais ce que c’est. Je sais ce que l’on ressent… Je sais aussi parfaitement la façon dont on en parle. En prison, les filles qui elles aussi l’avaient fait, avaient cette manière bien à elles de décrire ce qu’elles ressentaient, comment elles vivaient avec « ça ». Impossible de se tromper, impossible de mentir. Nous sentions que nous étions sur la même longueur d’onde. Les autres ne pouvaient pas comprendre.
Ému par le ton inhabituellement grave de sa compagne, Sweeney s’efforça pourtant d’enchaîner :
– Je vois ce que tu veux dire. Enfin, je crois… Alors, dans le cas de cette Tara ? devina-t-il.
– Ça n’avait rien à voir. Buchanan n’avait manifestement pas ce sentiment poisseux de culpabilité, un sentiment qui te colle comme une seconde peau, qui ne te lâche pas. Au point que dès que tu entres dans une pièce, tu finis par croire que tout le monde sait ce que tu as fait. Tu deviens différent des autres, Archie. Très différent… Or, tu vois, Tara n’avait pas « ça ». Elle n’était pas abîmée. Elle était incapable de comprendre ce que je ressens. Nous ne partagions pas « ça ».
– Tu en es sûre ?
– Archie, insista-t-elle, et elle le fixa de toute la force de ses yeux verts : moi j’ai tué, pas elle… J’en ai la conviction, tu sais. La plus intime des convictions.
Son compagnon finit par détourner le regard, comme s’il lui fallait réfléchir. Mais Ilona ne lui en laissa pas le temps. Elle lui demanda :
– À Noël, pendant tes vacances, est-ce que tu pourrais t’en occuper ?
– Hein, mais de quoi ?
CE QU'EN PENSE LA CRITIQUE

La plume de John-Erich est fluide et très agréable. Un bon moment de lecture pour faire un tour en Ecosse Great scott ! - Sylviek, Booknode

À PROPOS DE L'AUTEUR

John-Erich Nielsen est né le 21 juin 1966 en France. Professeur d'allemand dans un premier temps, il devient ensuite officier (capitaine) pendant douze ans, dans des unités de combat et de renseignement. Conseiller Principal d'Education de 2001 à 2012, il est désormais éditeur et auteur à Carnac, en Bretagne. Les enquêtes de l'inspecteur Archibald Sweeney - jeune Ecossais dégingandé muni d'un club de golf improbable, mal rasé, pas toujours très motivé, mais ô combien attachant - s'inscrivent dans la tradition du polar britannique : sont privilégiés la qualité de l'intrigue, le rythme, l'humour et le suspense. A la recherche du coupable, le lecteur évoluera dans les plus beaux paysages d'Ecosse (Highlands, île de Skye, Edimbourg, îles Hébrides) mais aussi, parfois, dans des cadres plus "exotiques" (Australie, Canaries, Nouvelle-Zélande, Irlande).

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Conviction

Édimbourg – Début décembre, 16h30

La nuit venait de tomber sur la capitale écossaise. La journée y avait été aussi froide que sèche et, désormais, les points les plus élevés de la cité, comme Calton Hill, Arthur’s Seat ou bien les tours du château, n’allaient plus tarder à se parer d’une longue écharpe d’étoiles. En effet, l’absence de vent obligeait les traditionnelles cohortes de nuages à patienter au-dessus de l’Atlantique, dégageant le ciel.

Pour la première fois depuis bien longtemps, l’inspecteur Sweeney avait passé le samedi en compagnie d’Ilona. Le jeune couple avait déjeuné dans un restaurant branché de Rose Street, avant de partir déambuler sur les avenues de New Town, puis de se réchauffer en faisant un peu de shopping. Noël approchait à grands pas, et Ilona savait les boutiques écossaises bien mieux achalandées que ses habituels magasins du centre de Belfast. Enfin, après avoir jugé que son maigre budget était bien entamé, elle avait proposé à son compagnon d’en rester là, puis d’aller prendre un verre sur les hauteurs d’Old Town, à l’Elephant House.

À cette époque de l’année, le célèbre café était encore épargné par les touristes, et les habitants d’Édimbourg le réinvestissaient avec plaisir. Pourtant, même si Sweeney appréciait son côté à la fois simple et chic, il ne pouvait s’empêcher de le trouver trop « féminin » à son goût ; un bon vieux pub lui aurait mieux convenu. Et puis l’Elephant House n’était-il pas aussi le café préféré de sa tante, lorsqu’elle venait lui rendre visite dans la capitale ?... Pour sa part, Ilona y adorait ses tables en bois massif, ainsi qu’une carte bien plus exotique que celle de ses concurrents. Enfin, la jeune Irlandaise prenait toujours beaucoup de plaisir à aller « faire pipi sur les mêmes toilettes que J.K. Rowling » !(1)

Dès qu’Ilona fut de retour des commodités, et après qu’elle eut fait sa blague traditionnelle, Sweeney lui dit :

– J’ai commandé deux jus d’orange. Les plus grands, ceux que tu préfères. Ça te va ?

– Bien sûr, tu es un amour… Tu t’en souvenais ?

– Je me souviens de tout, affirma l’Écossais, un sourire légèrement mélancolique au coin des lèvres. Puis, alors qu’un jeune serveur déposait la commande, Sweeney proposa :

– Est-ce que tu veux rester ?

– Comment ?

– Oui… Passer la nuit à l’appartement, explicita-t-il, l’air un peu gêné. Je me disais que tu n’étais pas obligée de reprendre l’avion dès ce soir. Demain, c’est dimanche. Et puis la journée s’est bien déroulée, non ? Nous pourrions nous…

– C’est trop tôt Archie, le coupa-t-elle d’une voix douce. Laisse-moi le temps… Savourons déjà ce que nous venons de vivre, ajouta-t-elle, et elle le fixa de ses grands yeux verts. C’était bien. Nous avançons… Tu ne crois pas ?

– C’est vrai, reconnut son compagnon, la barbe enfouie dans son pull Shetland. Mais je me disais que…

– Quelle heure est-il ? préféra-t-elle l’interrompre à nouveau, tandis qu’elle consultait l’écran de son téléphone portable. OK, c’est bon, apprécia la jeune femme.

– Est-ce que tu as encore le temps ? s’inquiéta l’inspecteur.

– Oui, c’est bon, répéta-t-elle.

– Hem, d’accord… Tu sais, je ne veux pas t’embêter avec ça, mais Crabtree, eh bien…

– Oui, quoi ?

– Tu te souviens, l’arrestation ratée d’il y a quelques mois. Je ne t’en ai jamais parlé, je crois.

– C’est juste, confirma Ilona. Tu ne m’avais donné aucun détail. J’avais l’impression que tu étais très déçu, et je n’avais pas voulu te retourner le couteau dans la plaie… Eh bien, alors ? Que veux-tu me dire ?

– Ça t’intéresse ?

– Évidemment !

– C’est vrai, finit alors par expliquer Sweeney : l’échec de l’opération m’a déçu. C’est que j’y ai cru.

– Oui ? Que s’est-il passé ?

– Lorsque Sommers et son équipe sont arrivés tôt le matin, dans l’espoir d’appréhender Crabtree au saut du lit, l’oiseau s’était malheureusement déjà envolé… Je ne sais pas comment ton ancien patron a réussi son coup : la chance, une intuition, le hasard, ou bien on l’aura renseigné. Toujours est-il que cette crapule avait quitté la maison dès la veille. Ils l’ont raté de peu !

– En effet, c’est rageant.

– À l’époque, et même aujourd’hui encore, je me demande si quelqu’un de nos services ne le renseigne pas.

– C’est assez peu probable… douta Ilona. Avant de l’interroger :

– Rappelle-moi : où se cachait-il ?

– À Pitlochry, une petite ville à trente miles au nord-ouest d’Édimbourg, sur la route des Highlands. Cela faisait plus d’un an qu’il habitait là. Il s’était même choisi une maison plutôt coquette, avec vue sur le loch Faskally… précisa le policier en soupirant. Puis il enchaîna :

– J’ai toujours pensé que ce bled discret était une planque idéale. Il lui permettait non seulement de descendre rapidement sur Édimbourg, mais aussi de filer sur Aberdeen pour continuer de nous traquer, ma tante et moi.

– Et l’enquête de voisinage ?

– Rien, ou presque. Crabtree se contentait de dire « Bonjour, bonsoir » aux habitants du village. Un type insoupçonnable. Juste ce qu’il fallait pour ne pas éveiller l’attention.

– Mais alors, comment avez-vous fait pour le « loger » ?

– Le bon vieux hasard… lui sourit le barbu. Un week-end, un ancien agent du MI-5(2) qui se trouvait là pour une banale partie de pêche, l’a croisé dans la rue principale de Pitlochry. Surpris, il lui a demandé ce qu’il fichait là, s’il travaillait encore pour le service, s’il était en mission, etc. Évidemment, Crabtree s’est contenté de répondre que, tout comme lui, il était venu prendre un peu de bon temps à la campagne. Puis il a prétendu être pressé et il s’est éloigné… Notre informateur – qui n’avait rien perdu de ses réflexes de « taupe » – a senti la nervosité de son ex-collègue. La semaine suivante, il a repris contact avec l’équipe de son ancien bureau. Par curiosité, ou par intuition, il leur a demandé s’ils savaient ce que devenait Crabtree. Et c’est là que les gars lui ont appris que depuis près de quatre ans, l’Irlandais était recherché pour meurtre par l’ensemble des polices du pays ! Immédiatement, l’agent a appelé nos bureaux en Écosse, puis l’information est remontée jusqu’à Sommers.

– D’accord, se contenta de ponctuer Ilona.

– Mais comme je viens de te l’expliquer, le temps de vérifier ce renseignement, puis de monter l’intervention sur Pitlochry, Crabtree avait filé… Je me demande toujours qui a bien pu l’alerter, conclut Sweeney, songeur.

– Probablement personne. Après avoir croisé cette ancienne connaissance dans la ville où il se cachait, notre homme aura préféré déguerpir. Par précaution… Tu sais, ajouta-t-elle, dans les services de renseignement, c’est une consigne que nous respectons à la lettre : si quelqu’un t’identifie en cours de mission, celle-ci est fichue. Il faut alors partir dans l’heure. Nous sommes préparés à cette éventualité.

– Mmm… Tu as sûrement raison, marmonna Sweeney.

– Et la fouille de sa maison ? poursuivit l’Irlandaise. Qu’avez-vous découvert ?

– Oui, c’est vrai… Non, rien de pertinent. Crabtree avait « fait le ménage ». Et puis Sommers s’est douté que les éléments qu’il avait laissés derrière lui, n’avaient peut-être pour seul objectif que de brouiller les pistes.

– Là, il a eu raison ! confirma l’ancien agent de renseignement. C’est un truc que l’on nous apprend dès le début de notre formation. La « fausse poubelle » par exemple. Cela permet de gagner du temps. Une carte de visite ou un prospectus bidon, ça marche toujours.

– Oui, j’imagine que Crabtree possédait une nouvelle cache en prévision, ou même une nouvelle identité.

– Tu peux en être certain ! renchérit Ilona.

– Maintenant, poursuivit l’inspecteur, j’aimerais savoir comment il fait pour tenir depuis toutes ces années… C’est vrai, quoi ! s’énerva-t-il. Une cavale coûte cher. D’où vient l’argent ? De fonds secrets ? D’un magot sur lequel il aurait mis la main pendant sa carrière ? Du MI-5 lui-même ? Je ne serais pas surpris… insinua l’inspecteur. Mais alors pourquoi ? À quoi cela leur servirait-il de financer la cavale d’un assassin ? À rien, se répondit-il à lui-même. Car même si ce pourri détenait des informations sensibles, je suis persuadé que ses anciens « petits copains » n’hésiteraient pas à l’éliminer plutôt que de prendre le risque de le laisser courir. Non, je ne saisis pas !

– Doucement, tenta-t-elle de le calmer. Là, tu vas sûrement un peu trop loin. Même si j’ai passé trop peu de temps au MI-5 pour tout comprendre du service et de ses turpitudes, je crois que dans ce cas précis, tu te fais des idées.

– Pff… Parfois, je me dis que tout ça ne pourra pas durer bien longtemps. Crabtree finira par faire une erreur, ou bien il manquera d’argent. Alors ce jour-là, nous le coincerons.

– Je l’espère autant que toi.

– Sois vigilante, lui recommanda Sweeney. Aujourd’hui, nous avons perdu sa trace. Crabtree peut être n’importe où. À Belfast, par exemple. Il connaît la ville comme sa poche… Ou alors qui sait, ici à Édimbourg ? Peut-être nous a-t-il épiés tout au long de la journée ? Et le policier ne put s’empêcher de se retourner pour dévisager les clients du café.

– Archie ! commença par se désoler Ilona puis, pour le rassurer, elle lui prit la main.

Attendri par son geste, l’Écossais releva le menton, et ses yeux noirs la fixèrent intensément. L’Irlandaise ressentit aussitôt tout ce que son compagnon voulait lui transmettre. Alors elle lui déclara :

– D’accord, Archie… C’est promis, je ferai attention.

Jugeant que l’essentiel avait été dit, Sweeney changea de sujet pour évoquer les cadeaux qu’Ilona allait rapporter chez elle, à Belfast. Puis le couple continua de siroter les délicieux jus d’orange de l’Elephant House.

Une fois son verre vide, la jeune femme consulta l’heure par réflexe.

– Est-ce que tu dois déjà partir ? trembla son compagnon.

– Non, justement. J’ai le temps… Est-ce que je peux te parler de tout autre chose ?

– Eh bien, oui… Oui bien sûr, l’encouragea-t-il. De quoi s’agit-il ?

Ilona commença par éloigner son verre, comme si elle avait subitement besoin d’espace. Puis elle se lança :

– Lorsque j’étais en prison en Ulster, peu de temps avant d’être libérée, j’ai passé deux jours en cellule avec une fille qui venait d’arriver. On m’a dit que c’était elle qui allait prendre ma place.

– Oui, et ? s’étonna l’enquêteur.

– Elle s’appelait Tara Buchanan, se remémora l’Irlandaise, les yeux dans le vide. Nous avons discuté toute la soirée. Elle était oppressée, elle avait besoin de parler, et j’ai vite senti quelque chose.

– Senti quoi ? Dis-moi.

– L’erreur judiciaire… L’erreur judiciaire grave. Quand on regardait cette femme, on avait l’impression de contempler une biche prise dans les phares d’une voiture.

– Mais qu’est-ce qui te permet de penser ça ?

– Tara avait environ quarante ans. Elle était accusée d’avoir assassiné son mari, un ancien officier de la Royal Navy, en le noyant dans sa baignoire. Ils habitaient John o’Groats, un port minuscule sur la côte nord de l’Écosse.

– Je connais l’endroit, mais cette affaire ne me dit rien. Jamais entendu parler.

– Elle affirmait que c’était faux, qu’elle avait découvert son mari mort à son retour. En outre, c’était elle qui avait appelé les secours, mais trop tard. Elle pleurait tout en répétant qu’on ne l’avait pas écoutée.

– Est-ce qu’elle avait un alibi ?

– Tara m’a raconté que oui, mais qu’il reposait sur le témoignage d’un ivrogne qui s’était trompé de jour lorsque la police l’avait interrogé !

– Peut-être qu’il ne se trompait pas… insinua l’inspecteur.

– Mais là n’est pas la question de toute façon ! s’énerva Ilona. En réalité, précisa-t-elle, le problème est ailleurs… Moi par exemple, tu vois, j’ai tué. Je sais ce que c’est. Je sais ce que l’on ressent… Je sais aussi parfaitement la façon dont on en parle. En prison, les filles qui elles aussi l’avaient fait, avaient cette manière bien à elles de décrire ce qu’elles ressentaient, comment elles vivaient avec « ça ». Impossible de se tromper, impossible de mentir. Nous sentions que nous étions sur la même longueur d’onde. Les autres ne pouvaient pas comprendre.

Ému par le ton inhabituellement grave de sa compagne, Sweeney s’efforça pourtant d’enchaîner :

– Je vois ce que tu veux dire. Enfin, je crois… Alors, dans le cas de cette Tara ? devina-t-il.

– Ça n’avait rien à voir. Buchanan n’avait manifestement pas ce sentiment poisseux de culpabilité, un sentiment qui te colle comme une seconde peau, qui ne te lâche pas. Au point que dès que tu entres dans une pièce, tu finis par croire que tout le monde sait ce que tu as fait. Tu deviens différent des autres, Archie. Très différent… Or, tu vois, Tara n’avait pas « ça ». Elle n’était pas abîmée. Elle était incapable de comprendre ce que je ressens. Nous ne partagions pas « ça ».

– Tu en es sûre ?

– Archie, insista-t-elle, et elle le fixa de toute la force de ses yeux verts : moi j’ai tué, pas elle… J’en ai la conviction, tu sais. La plus intime des convictions.

Son compagnon finit par détourner le regard, comme s’il lui fallait réfléchir. Mais Ilona ne lui en laissa pas le temps. Elle lui demanda :

– À Noël, pendant tes vacances, est-ce que tu pourrais t’en occuper ?

– Hein, mais de quoi ?

– Est-ce que tu pourrais aller la voir ?

– Quoi ? À Belfast ?

– Oui, il faudrait au moins vérifier. Tu en es capable, toi.

– Est-ce que tu te rends compte ?... Et pour quoi faire ? Pour toi ? Parce que tu me le demandes ?

Sweeney se tut aussitôt. Il venait de comprendre que la réponse se trouvait déjà dans la question. Plus encore, elle se trouvait dans les yeux d’Ilona, qui l’implorait du regard… Au bout d’un moment, l’Écossais se rendit compte qu’en effet, c’était à son tour de faire quelque chose pour sa compagne. Car elle-même avait tant fait pour lui : trois ans de prison parce qu’elle avait voulu le venger, en croyant éliminer l’assassin de ses parents. Trois ans de prison par amour… Oui, il lui devait bien ça. Il comprit aussi que sa requête était une sorte de défi, comme un test : « M’aimes-tu autant que moi je t’aimais pour faire ce que j’ai fait ? »... Oui, il y avait un peu de ça dans les yeux d’Ilona, réalisa-t-il. Dans ce regard-là, il n’y avait pas d’échappatoire. Son seul espoir de reconquérir sa compagne, consistait à lui donner ce gage d’amour dont elle avait intimement besoin. Alors le policier s’entendit répondre :

– Très bien… C’est d’accord, j’irai lui rendre visite.

Sweeney avait à peine fini sa phrase, que l’Irlandaise se leva de table.

– Que… Qu’est-ce que tu fais ? Quoi, qu’est-ce que j’ai dit ?

– Rien, lui sourit-elle en détournant la tête. Bien au contraire… Je vais descendre vers Waverley, annonça-t-elle. Je prendrai la navette jusqu’à l’aéroport.

La jeune femme repoussa sa chaise puis épaula son sac à main. En contemplant son verre d’un air malicieux, elle demanda :

– Tu me l’offres ?

– Oui, évidemment… Dis-moi, est-ce que tu ne préfères pas que je te raccompagne ? La voiture est à deux pas. À cette heure, la circulation est fluide. Nous en aurons pour moins de…

– Non merci, le coupa-t-elle. Si j’accepte, ce sera encore plus difficile de réussir à te quitter tout à l’heure. Crois-moi, affirma Ilona, tandis qu’elle enfilait son manteau. Puis, tout en dégageant les boucles brunes de son col, elle ajouta :

– Merci, Archie. C’était une belle journée. Une très belle journée même… et elle se pencha pour l’embrasser sur la joue.

L’instant suivant, l’Irlandaise avait déjà ramassé ses paquets et elle se dirigeait vers la sortie du café. Sweeney sentit son parfum s’éloigner, vit son jeans franchir la porte, puis toute sa silhouette se fondre dans la nuit d’Édimbourg.

L’espace d’une seconde, l’inspecteur brûla de lui courir après, pour la retenir, et l’embrasser à son tour. Mais aussitôt, il songea : Non, elle a raison. C’est encore trop tôt. Je dois faire mes preuves. Elle a besoin d’avoir confiance en moi… Avant de réaliser soudain : Et puis, au fait, quand allons-nous nous revoir ? Nous n’en avons même pas parlé !

– Pff… Great Scott ! s’agaça-t-il enfin.

(1) C’est à l’Elephant House que J.K. Rowling a rédigé ses premières nouvelles et jeté les bases de son célèbre « Harry Potter », tout en contemplant le château d’Édimbourg.

(2) Le Security Service, communément dénommé MI-5 (pour Military Intelligence, section 5) est le service de renseignement britannique en charge de la sécurité intérieure du Royaume-Uni ainsi que du contre-espionnage.

Tara et ses mystères

Belfast, mi-décembre

Après avoir quitté le centre de Belfast, puis traversé le poumon vert du sud de la ville composé de parcs luxuriants, de terrains de golf et de forêts denses, le taxi de l’inspecteur Sweeney stoppa face à l’entrée d’un large chemin goudronné. En quittant le véhicule, le policier écossais, pourtant vêtu d’un pull Shetland, frissonna : Le froid est mordant ce matin, nota-t-il. Et puis le vent est étonnamment absent pour cette période de l’année. On se croirait au cœur de l’hiver… L’enquêteur s’engagea dans une allée bordée d’arbres, à la taille impressionnante et aux rangs serrés comme pour mieux se réchauffer. Puis après quelques pas, il parvint à hauteur d’une pancarte indiquant « HMP Hydebank Wood ».

HMP : Her Majesty’s Prison, déchiffra l’enquêteur. Dire que plus de trois cents hommes et femmes croupissent ici. Si j’étais la reine, je refuserais que mon nom soit associé à des endroits aussi sordides ! ironisa-t-il. En effet, à la sortie d’un premier virage, Sweeney découvrit un véritable « rideau de fer », haut et large de plusieurs mètres, qui cernait l’ensemble de l’établissement pénitentiaire et marquait la forêt comme une cicatrice. Belfast et Berlin portent les mêmes initiales, réfléchit-il. Deux villes d’Europe où les murs sont, ou ont été, la forme la plus absurde de la haine entre les hommes. Mur de Berlin ou Peacelines de Belfast, quelle stupidité, mais aussi quelle honte pour l’intelligence. Car aucun mur ne constituera jamais la moindre solution, puisque tous sont condamnés à tomber un jour… soupira-t-il.

Avant que, soudain, son attention ne soit détournée par un élément beaucoup plus positif : à droite de la vaste grille d’entrée, une jeune femme paraissait l’attendre. La trentaine, vêtue d’un imper beige, d’une jupe courte et de bottines, avec des cheveux cuivrés coupés au carré, elle ressemblait à ces working girls modernes et délurées que l’on croise dans toutes les grandes villes du Royaume-Uni. Sexy, mais sans véritable charme, jugea sommairement l’Écossais. Ce doit être Debbie Jordan, la sœur de Tara Buchanan. Je me souviens qu’elle m’a expliqué être réceptionniste dans un grand hôtel de Birmingham. Elle est arrivée dès hier en Irlande. Je vois qu’elle est à l’heure pour notre rendez-vous, se réjouit-il. Avant de se souvenir : Ah oui, n’oublions pas que même si nous ne nous sommes jamais vus, je dois me faire passer pour son petit ami. Car si j’avais prévenu le directeur de la prison que je suis inspecteur à la criminelle d’Édimbourg, ou bien si j’avais évoqué les motifs de ma visite, jamais il ne m’aurait laissé m’approcher de l’établissement ! Tandis que là, en jouant le – presque – beau-frère de Tara Buchanan, je pourrai facilement lui poser les questions qui m’intéressent… C’est Ilona qui a eu l’idée de cette ruse. Afin de ne pas éveiller les soupçons, elle a même insisté pour que je n’emmène pas mon club de golf ! Évidemment, il me manque un peu, mais c’est tout de même bien joué, sourit-il en pensant à sa compagne. Pourvu que tout se déroule comme prévu…

En voyant surgir ce jeune rouquin hirsute, barbu et mal fagoté, Debbie Jordan sursauta : Mince ! C’est donc ça mon fiancé d’un jour ? Heureusement que la plaisanterie ne doit pas durer plus d’une heure ou deux, car il ne ressemble à rien ce garçon !

– Bonjour. On se fait la bise ? lui proposa le policier dès qu’il fut assez proche. Ce sera plus réaliste.

– Oui, vous avez raison, concéda Debbie, et elle se résolut à l’embrasser.

– Appelez-moi Archie, n’hésitez pas.

– Et moi Debbie, finit-elle par lui sourire.

– On y va ? proposa-t-il aussitôt.

Après avoir franchi l’impressionnant portail de la prison, puis satisfait à tous les contrôles d’usage, le jeune « couple » fut dirigé vers un bâtiment annexe, beaucoup plus champêtre et accueillant, qui faisait office de parloir. Un gardien les accompagna, les pria d’entrer, puis ce dernier fit demi-tour. À l’intérieur, Miss Jordan et Sweeney découvrirent une pièce de taille moyenne, aux murs couverts de paysages irlandais aussi kitsch qu’apaisants, équipée de tables et de chaises au design austère, ainsi que de quelques canapés tout aussi frustes. Puis, en poursuivant sur leur gauche, ils pénétrèrent dans un renfoncement où, à leur grande surprise, Tara Buchanan les attendait déjà. Docilement assise derrière un rectangle de Formica gris, la sœur de Debbie demeurait immobile. Sur sa droite, l’inspecteur observa qu’une gardienne en uniforme se tenait suffisamment éloignée pour qu’en chuchotant, les conversations ne puissent être entendues.

Aussitôt, Miss Jordan se précipita vers son aînée pour la serrer dans ses bras. Sweeney en profita pour contempler la prisonnière : âgée d’une quarantaine d’années, Tara Buchanan avait rasé ses cheveux comme un G.I., de sorte qu’il était difficile de déterminer si ceux-ci étaient blonds ou châtain clair. Par ailleurs, Tara était accoutrée d’un survêtement de jogging si impersonnel que son apparence ne conservait plus la moindre trace de féminité.

Tandis qu’il s’avançait, l’Écossais jugea qu’avec son visage sans fard, ses cheveux trop courts, et un regard étonnamment vide, Mrs Buchanan donnait l’impression de ne plus être qu’un robot. Une silhouette froide et déshumanisée. Dans ses yeux, le courage et la volonté semblaient avoir disparu. Sweeney imagina qu’après un an de détention, Tara n’était déjà plus la femme qu’elle avait pourtant dû être : l’épouse d’un officier de la Navy, sûre d’elle-même et de son rang. Probablement avait-elle été l’une des créatures les plus regardées lors des cocktails de l’amirauté. L’enquêteur se la représentait sans peine, croquant la vie et les petits fours à pleines dents, souriante, les cheveux longs tombant sur les reins et, dans une robe à bretelles aussi élégante qu’affriolante, faisant tourner la tête à tout un tas de jeunes lieutenants aux uniformes blancs. Dorénavant, cette Mrs Buchanan-là n’existait plus… Accusée du meurtre de son mari, emprisonnée pour quinze ans dans une prison d’Irlande du Nord humide et grise, Tara avait vu sa vie balayée par un ouragan aussi brutal qu’inattendu.

Un an plus tard, elle est encore sous le choc, estima Sweeney. Dans l’impression qu’elle dégage, tout indique qu’elle est profondément abattue. Alors ai-je affaire à une victime, comme le croit Ilona, ou bien est-ce que Tara ne…

– Archie, tu ne fais pas la bise à Tara ? le surprit la question de Debbie.

– Euh si… Si, bien sûr ! se ressaisit son soi-disant petit ami, avant de retrouver son rôle et d’aller saluer celle qui n’était encore qu’une inconnue.

Puis, sous le regard froid de la gardienne, le jeune couple s’installa face à Tara. Encore un peu gêné, Sweeney préféra attendre que la sœur de la détenue entame la conversation. Pendant ce temps, il constata que, fort heureusement, les poignets de Mrs Buchanan n’étaient pas entravés. Cela lui permettra de s’exprimer plus facilement, espéra-t-il. Mais en observant à nouveau son attitude figée et ses vêtements neutres, il craignit de ne pas parvenir à « lire » Tara. Pour l’instant, songea-t-il, tout paraît absolument lisse en elle. Volontairement ou pas, la sœur de Debbie a gommé tout ce qui pouvait donner prise à un jugement. Il n’y a rien à capter… commença-t-il à douter. Avant de se raviser d’un coup : Et puis si, justement ! Si mes questions sont suffisamment pertinentes, si je parviens à la faire réagir, alors ses émotions n’en seront que plus évidentes. Car il n’y aura aucun signe extérieur pour les brouiller. Faisons plutôt de cette difficulté apparente un véritable atout ! finit-il de se persuader et, enthousiasmé par sa propre intuition, l’Écossais esquissa un sourire involontaire.

Au même moment, Debbie posa une première question :

– Alors Tara, dis-moi : comment vas-tu ?...

…Après quelques minutes d’un échange banal, les trois interlocuteurs s’habituèrent à étouffer leur voix pour qu’elle ne soit pas perçue par la « matonne ». Tandis que Sweeney écoutait les deux sœurs échanger quelques nouvelles de leur famille, il se mit à regretter de ne pas pouvoir prendre de notes et, plus encore, de ne pas pouvoir enregistrer la conversation avec son dictaphone. La gardienne aurait forcément trouvé cela étrange… Pour repousser cette frustration naissante, l’enquêteur décida qu’il était temps d’infléchir le cours de la discussion et de poser ses premières « vraies » questions à la prisonnière.

– Hem, Tara… Désolé de vous interrompre, mais je pense que Debbie vous a expliqué les raisons de ma présence ce matin. N’est-ce pas ?

– Oui, bien sûr… Vous êtes l’inspecteur Sweeney, l’ami d’Ilona ?

– En effet, c’est elle qui a insisté pour que je vous rencontre.

– Merci d’être là, mais si j’ai bien compris, vous travaillez pour la criminelle d’Édimbourg. C’est bien ça ?

– Oui, c’est exact.

– Alors vous ne pouvez rien faire pour moi… lâcha la jeune femme, désabusée, et elle baissa les yeux.

– Hem, oui. Je vois… Dites Tara, essaya-t-il cependant, est-ce que vous voulez bien me parler de la victime ?

– De Tom ?

– Oui. Souvent, c’est important.

Désarçonnée par cette question à laquelle elle ne s’attendait pas, Mrs Buchanan songea que, décidément, ce drôle de policier ne ressemblait pas à ceux qu’elle avait déjà croisés. D’un coup, sa méfiance s’estompa, et elle décida finalement de se confier à cet inconnu :

– Que voulez-vous que je vous raconte ? Je ne vois pas à quoi cela pourrait bien servir.

– On ne sait jamais… En évoquant votre mari, vous pourriez me donner des éléments pertinents auxquels personne n’a peut-être encore jamais fait attention. Ça pourrait être utile.

Convaincue, Tara commença :

– D’accord… Eh bien voilà, j’ai rencontré Tom peu de temps après sa sortie du Britannia Royal Naval College. Il était sur le point d’embarquer pour sa première mission dans l’océan Indien, à bord d’un porte-hélicoptères. C’était sa dernière soirée à terre, à Glasgow, avec ses copains. Nous avons sympathisé dans un pub, bu quelques verres ensemble, puis nous avons fini la soirée chez moi, sourit-elle, nostalgique. Ensuite, je ne l’ai revu que quatre mois plus tard, au retour de son navire ! plaisanta-t-elle. Avant de conclure :

– Cependant, moins d’un an après, nous étions déjà mariés. Un coup de foudre réciproque.

– Est-ce que vous vous entendiez bien ? osa demander Sweeney.

– Je vous vois venir, vous savez, rétorqua Tara. Puis elle expliqua :

– L’homme que j’ai rencontré portait l’un de ces superbes uniformes blancs des officiers de la Royal Navy. Tom était grand, brun, bronzé, sportif, c’était un véritable acteur de cinéma ! dit-elle en souriant à nouveau. J’étais folle de lui… En outre, Tom était un mari attentionné et doux. Il me couvrait de cadeaux, surtout lorsqu’il revenait de mission. C’était sa façon d’essayer de se faire pardonner. J’adorais ça.

– Votre mari était sous-marinier ?

– Hem, non. Enfin, pas au début… Tom avait suivi une formation très exigeante pour pouvoir servir à bord d’un sous-marin nucléaire. Peu d’officiers étaient retenus. Mais voilà, Tom, lui, avait réussi ! Ce fut un tournant dans sa carrière. Il savait que ce succès le prédestinait aux commandements les plus prestigieux de la Navy.

– D’accord. La vie lui souriait, n’est-ce pas ?

– Pas exactement. En réalité, Tom travaillait beaucoup. Sa réussite était vraiment le fruit de ses efforts… Après avoir gravi tous les échelons, mon mari était devenu Captain. Puis il avait même servi comme officier en second à bord de l’un des rares sous-marins nucléaires lanceurs d’engins de la Royal Navy. Il en était très fier. Moi aussi, j’étais fière de lui.

– Mais alors, rebondit Sweeney, je ne comprends pas : je me suis renseigné sur son parcours, et j’ai lu que votre mari avait subitement arrêté sa carrière, il y a deux ans, pour faire valoir ses droits à la retraite. Que s’est-il passé ?

Tara parut subitement perturbée par cette question. Elle inclina la tête, chercha du soutien dans le regard de Debbie puis, après avoir réfléchi, elle expliqua :

– Tom était passionné par son métier. Toutefois, passer la moitié de l’année sous l’eau, sans même savoir au fond de quel océan le sous-marin se cache, c’était compliqué à vivre… Tom avait commencé à m’en parler. Il se posait des questions. Il était fatigué, je crois.

– Une dépression ?

– Non, je ne pense pas. Ça n’y ressemblait pas vraiment. Je dirais plutôt que Tom avait besoin de se reposer. Cela faisait plus de vingt ans qu’il ne se ménageait pas. Il donnait tout pour la Royal Navy.

– Alors, qu’avez-vous décidé ?

– Au début, mon mari souhaitait simplement prendre une disponibilité. Pour souffler un peu et réfléchir, m’avait-il dit… C’est à ce moment-là qu’il a voulu déménager pour John o’Groats, sur la côte nord. Je crois qu’il ressentait le besoin de s’isoler.

– En effet, ce tout petit village est un peu « paumé ».

– Oui, ça me changeait de l’effervescence des grands ports, comme Glasgow ou Portsmouth, reconnut Tara. Mais je vous l’ai expliqué : Tom était avant tout un sous-marinier. La solitude ne lui faisait pas peur. Peut-être même en avait-il besoin à ce moment de sa vie. Alors j’ai accepté… Et puis, à John o’Groats, nous habitions une jolie villa face à la mer. Tom ne pouvait pas se passer de l’océan. Il ne supportait pas d’en être éloigné plus d’une semaine… La maison que nous avions achetée donnait directement sur le Pentland Firth, côté Atlantique. On y voyait même les Orcades depuis le salon. Les tempêtes étaient magnifiques à contempler. Tom ne s’en lassait pas. À sa façon, il était heureux.

– Avait-il des projets à cette époque ?

– Oui, bien sûr. Tom avait évolué dans sa réflexion. Il ne se voyait finalement plus prendre un nouveau commandement dans la Royal Navy, mais plutôt créer sa propre entreprise.

– Abandonner la mer ? s’étonna l’enquêteur.