La marque de la Bête - John-Erich Nielsen - E-Book

La marque de la Bête E-Book

John-Erich Nielsen

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Beschreibung

666 : en trois chiffres, l’Écossais Joe Keegan est devenu l’auteur le plus lu au monde grâce à une série de thrillers addictifs où le plus doux des agneaux peut se transformer en un tueur sanguinaire. Parce qu’elle malmène morale et religion, l’œuvre de Keegan rencontre une vive hostilité de la part de la presse et de l’Église. Pourtant, 666 continue de se vendre par dizaines de millions d’exemplaires…

Or soudain, voilà que les premiers meurtres des tomes 1 et 2 viennent d’être reproduits par un mystérieux copycat !

« Je m’attendais à devoir empêcher un troisième crime assez prévisible. Mais dans cette affaire diabolique entre l’abbaye d’Arbroath, le loch Affric et le palais de Holyrood, même la logique allait être mise en défaut… » Inspecteur-chef Sweeney"


À PROPOS DE L'AUTEUR

John-Erich Nielsen est né le 21 juin 1966 en France. D’abord professeur d’allemand (il est trilingue allemand, anglais, français), il devient ensuite capitaine pendant douze ans dans des unités de combat et de renseignement.
Conseiller Principal d’Education de 2011 à 2012, il se consacre désormais à l’écriture et à la promotion de ses ouvrages. Depuis 2020, il vit à l’île Maurice dans l’océan Indien.
Le personnage récurrent de ses romans est un jeune inspecteur écossais, Archibald Sweeney, basé à Edimbourg, que ses enquêtes vont emmener de St Andrews à l'île de Skye, en passant par les Highlands ou les Hébrides !
Son style d’écriture percutant, « à l’américaine », mêle phrases courtes, rythme, action et sensibilité.
Comme beaucoup d'auteurs, il se passionne pour les voyages. Il écrit ce qu'il aime lire. Il aspire à retrouver, mais aussi à mettre au goût du jour, le «parfum» et le plaisir des intrigues de type Agatha Christie.

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Couverture

Page de titre

Une nuit à Arbroath

« Si je ne le fais pas, personne ne le fera ! »

Tandis que ses jambes fouettaient nerveusement contre les plis de sa jupe, Julie McCarthy continua de marcher tête baissée le long des ruines de l’abbaye d’Arbroath.

De ce superbe édifice en grès rose fondé en 1178 ne subsistaient plus que des murs interminables, ainsi que quelques tours massives. À travers le grand O d’une rosace vide, qui surmontait une façade miraculeusement intacte, on distinguait une lune blafarde assaillie par les ultimes nuages de la nuit. Jusqu’au XVIème siècle, c’est derrière ce vitrail disparu que, chaque soir, un feu avait été allumé pour guider les navires en détresse.

Soufflant depuis l’est, un coup de vent polaire fit soudain frissonner Julie, alors que l’humidité de l’herbe transperçait ses souliers. Redressant la tête, la jeune femme observa l’aube naissante qui n’allait plus tarder à raviver ce contraste saisissant entre le vert éclatant de la pelouse et le rose sombre des murailles.

Même si la majesté des lieux se dévoilait peu à peu, Miss McCarthy n’en avait cure. Tout en accélérant le pas, elle ne cessait de ronchonner : Des années que je suis responsable de la boutique du Historic Environment Scotland. Des années que j’attends une promotion, ou même une augmentation. Mais Mister Adams fait la sourde oreille. Pourtant, que puis-je faire de plus ? Tous les soirs, je compte et je recompte consciencieusement la caisse. Au besoin, je la renfloue de ma poche s’il manque quelques cents. Tous les matins, avant que les premiers visiteurs n’arrivent, je fais l’inspection complète du site pour que tout soit parfait. Et cela même s’il fait nuit. Même s’il pleut. Même s’il neige. Quelqu’un d’autre est-il plus dévoué que moi ? … Arbroath est trop important. C’est un fleuron de notre patrimoine. L’abbaye doit être impeccable. Tant pis si je me répète, mais « Si je ne le fais pas, personne ne le fera ! ».

Sans cesser de maugréer, Julie bifurqua sur la gauche avant de remonter l’allée menant à l’autel. Dépassant une à une les bases des anciennes colonnes qui, autrefois, avaient soutenu une voûte dorénavant absente, elle se laissa finalement gagner par l’ambiance solennelle de l’endroit. Dans cette allée, c’est à l’histoire de mon pays que je fais face, songea-t-elle. C’est ici, le 6 avril 1320, que les nobles d’Écosse ont signé la déclaration d’Arbroath, notre proclamation d’indépendance. Ces hommes fiers et courageux imaginaient-ils que quatre siècles plus tard, leur texte inspirerait les pères fondateurs des États-Unis pour leur propre constitution ? Imaginaient-ils que ce serait là, près de cet autel, que l’on retrouverait en avril 1951 la Stone of Destiny, la pierre sur laquelle nos rois ont toujours été couronnés ? C’est aussi là… voulut-elle poursuivre mais, brusquement, Miss McCarthy stoppa.

À travers la pénombre, l’employée du Historic Environment Scotland venait d’apercevoir une forme noire sur le sol, aux contours agités par le vent. Un sac poubelle, c’est pas possible ! Ah, les cochons ! s’agaça-t-elle. Furieuse, et bien décidée à faire cesser ce sacrilège, Julie redémarra au quart de tour. En dépit de son embonpoint, elle accéléra encore. Ignorant le souffle glacial de la mer du Nord, oubliant l’humidité qui durcissait ses orteils, son pas se fit plus rapide. Mais, parvenue à moins de deux mètres de l’autel, Julie se figea. Elle n’en croyait pas ses yeux. Non, elle ne rêvait pas : là, allongé sur le ventre, un vieil homme barbu en tenue de prêtre, les bras en croix et le visage tourné vers la droite, gisait dans l’herbe. Dans son dos, au niveau du cœur, se dressait… un poignard ! Le manche en ivoire du Sgian Dubh(1), sur lequel on distinguait encore les traces d’une main ensanglantée, se trouvait enfoncé jusqu’à la garde.

– Hiiii ! hurla Julie.

Dans un bruissement d’ailes, les ombres noires des oiseaux s’envolèrent d’un coup à travers le ciel…

(1) Prononcer skin dou en anglais et skiane en gaélique. Petit couteau de la tenue traditionnelle écossaise porté dans la chaussette.

Incassable !

L’inspecteur-chef Sweeney stationna sa Lexus sur l’un des petits parkings du Western General Hospital au nord-ouest d’Édimbourg. Alors qu’il éteignait le moteur, il ne put s’empêcher de trouver un goût douteux au mélange de bâtiments anciens et modernes qui composaient le grand hôpital de la capitale. L’officier de police songea qu’à travers son architecture disparate, l’établissement reflétait en réalité son caractère ambigu. Car même proche du centre-ville, l’hôpital restait coupé de tout ce qui faisait l’effervescence de l’une des cités les plus vivantes d’Europe ; c’était un édifice à la fois confortable, mais incroyablement froid en raison de ses longs couloirs impersonnels ; un lieu étrange, où s’entremêlaient guérisons et destins brisés ; un espace situé à égale distance entre la vie et la mort. De façon étonnante, le Bien et le Mal y cohabitaient en bonne intelligence.

Conscient que son état d’esprit était tout sauf positif, Archibald repoussa d’un coup ses idées noires en se disant qu’après tout, ses sentiments mitigés n’étaient que le fruit de son propre besoin d’uniformité.

Lorsqu’il quitta la chaleur douillette de son véhicule, Sweeney eut l’impression qu’une fraîcheur humide s’abattait sur son dos. Épaulant son club de golf, l’inspecteur se dirigea droit devant lui. Depuis les deux séjours de sa tante(1), mais aussi à cause des nombreuses visites qu’il rendait aux victimes de tentatives d’homicide afin de recueillir leur déposition, l’Écossais avait la sensation de connaître l’hôpital comme sa poche. Depuis longtemps, l’adresse située dans Crewe Road figurait en bonne place dans son GPS. Pourtant, ce matin-là, sa venue n’avait pas la même saveur que les autres jours…

Parvenu devant un grand bâtiment blanc, Sweeney repoussa la porte, puis il pénétra dans le couloir avant de bifurquer en direction de l’ascenseur. En attendant l’ouverture de l’appareil, le policier salua une jeune infirmière qui l’avait reconnu. Au second étage, il se dirigea cette fois vers la droite. Puis, après avoir frappé à la porte 204, il entra sans attendre.

– Bonjour, Ilona. Comment vas-tu ?

Une tartine de pain de mie dans la bouche, son épouse bafouilla :

– Arch… Archie ! Déjà là ?

Le policier s’avança.

Adossée contre un oreiller, Ilona repoussa la tablette du petit déjeuner, puis elle fit signe à son mari d’approcher encore. Après avoir rejeté ses longs cheveux bruns, elle l’embrassa tendrement.

Archie répéta :

– Bonjour, mon amour. Alors, comment vas-tu ?

Esquissant un sourire, la convalescente lui répondit :

– Ce serait plutôt à moi de te poser la question. Cela fait des mois que tu t’occupes seul de la maison. Tu n’arrêtes jamais ! Tu as l’air épuisé, Archie.

– Non. Tout va bien, la rassura-t-il.

Tout en déposant son sand wedge contre un mur, l’enquêteur attrapa une chaise et vint s’asseoir au chevet de sa femme. À son tour, il nota la fatigue qui semblait marquer le visage de la belle Irlandaise. Ses draps pâles, ainsi que la chemise de nuit jaunâtre dont on affublait les patients, n’aidaient guère à lui donner bonne mine.

Pensif et le regard dans le vide, l’inspecteur eut soudain l’étrange sensation que les mois écoulés repassaient en un instant à travers sa mémoire…

*

Sweeney se revit en train d’appeler les secours(2). Après s’être péniblement défait de ses liens, il était enfin parvenu à saisir son portable glissé dans une poche.

Inconsciente, Ilona gisait dans une mare de sang qui s’écoulait autant de son abdomen que de son dos. Manifestement, la balle de Crabtree lui avait transpercé le corps. Alors qu’il s’efforçait de stopper l’hémorragie, Archie fut terrorisé à l’idée que sa femme puisse mourir dans ses bras. Il lui murmura toutes les paroles d’encouragement qui lui venaient à l’esprit. Pendant ce temps, les secours n’arrivaient toujours pas, cherchant un chalet de chasse que l’inspecteur avait eu bien du mal à leur décrire, puisqu’il faisait nuit et qu’il ignorait où il se trouvait ! Détournant les yeux du corps sans vie de son collègue Paul Sommers, qui s’était effondré dans la même pièce que son épouse, l’enquêteur avait jugé cette attente aussi interminable que terrifiante. Jamais il n’oublierait ces minutes effroyables, où la vie d’Ilona pouvait à tout instant lui glisser entre les doigts.

Un souvenir aussi effroyable que l’annonce du chirurgien qui venait d’opérer la jeune femme à Inverness : la balle avait quasiment sectionné la colonne vertébrale. Ilona allait survivre, mais elle ne pourrait probablement plus jamais remarcher. Enfin, quand Sweeney avait demandé au praticien des nouvelles de l’enfant qu’elle portait, son regard navré avait suffi pour lui répondre.

Trois mois plus tard, l’état de l’Irlandaise lui avait permis d’être transférée à Édimbourg au sein du prestigieux Western General Hospital. Puis, au terme de quatre autres longs mois, une seconde opération majeure avait été planifiée afin de tenter de reconstituer les deux vertèbres les plus endommagées. L’équipe de chirurgiens de la capitale estimait qu’Ilona avait une réelle chance de s’en sortir. Alors le couple n’avait pas hésité une seconde pour donner son accord à cette intervention providentielle.

Malheureusement, celle-ci devait avoir lieu la semaine prévue pour leur voyage de noces à l’île Maurice. Un séjour qu’ils avaient déjà dû repousser maintes fois mais qui, inéluctablement, avait fini par être programmé sur le dernier créneau disponible. Plus pragmatique que son mari, Ilona lui avait dit : « On va perdre notre voyage. C’est idiot ! » Dans un sourire amusé, Archie lui avait reproché d’être plus « Écossaise » que lui. Mais rien n’y avait fait. Son épouse avait insisté en répétant : « Ce séjour, tu vas le faire pour moi. Tu me raconteras. Et puis tu as besoin de te changer les idées. Crois-moi, cela te fera du bien. »

La mort dans l’âme, Sweeney lui avait finalement obéi. Il s’était envolé seul pour cette île paradisiaque de l’océan Indien. Par ailleurs, sa tante Midge étant souffrante – une mauvaise bronchite au cœur de l’hiver – elle aussi avait dû renoncer à l’accompagner. Puis une fois sur place, la semaine s’était avérée beaucoup plus mouvementée que prévu(3) !

Depuis ces aventures rocambolesques, son homologue et nouvelle amie Lucy Fourstripes continuait de lui faire part de ses enquêtes mauriciennes les plus trépidantes. Peut-être viendrait-elle même bientôt au Royaume-Uni pour faire la connaissance de sa femme.

Au retour de ce séjour exotique, l’inspecteur-chef avait bien compris qu’en réalité, Ilona souhaitait que durant cette opération décisive, son mari soit aussi loin d’elle que possible. Pour tous les deux, le stress aurait été probablement trop difficile à supporter. Mieux valait encore l’endurer chacun de son côté, plutôt que de le surajouter. Dès son retour, Sweeney saurait si tout s’était bien passé.

Or, par bonheur, les nouvelles s’avéraient excellentes. Selon les chirurgiens, l’intervention était un franc succès. En théorie, plus rien ne s’opposait à ce qu’Ilona recouvre l’usage de ses jambes. Toutefois, la rééducation allait forcément rester longue et douloureuse. Mais puisqu’Ilona devait remarcher, alors Archie était aux anges ! Pourtant, ce processus enclenché depuis déjà près de trois mois lui donnait souvent l’impression de ressembler à leurs années de séparation, lorsque la jeune femme avait purgé une peine de prison interminable(4). Avec cette rééducation, un nouveau tunnel de temps, tout aussi long et douloureux que le précédent, s’annonçait…

*

– Archie, tu rêves ?

– Hem, pardon… Oui, ma chérie. Désolé.

Le merveilleux sourire d’Ilona le ramena d’un coup à la réalité. Ce sourire était une véritable promesse d’avenir. Conquis, l’inspecteur se surprit à penser : Décidément, elle est incassable !

– Je pars en rééducation dans moins de dix minutes. À huit heures trente, précisa son épouse.

– Si tôt ? Ils ont changé ton créneau ?… Sinon, comment se passe ta semaine ? Est-ce que tu sens que ça progresse ?

– Pas tant que ça. Les douleurs sont terribles, aussi bien dans les hanches que dans les articulations. Elles persistent durant des heures. J’ai l’impression que mon organisme refuse de fonctionner. Je lutte contre moi-même. C’est épuisant… Même si l’on me dit que tout cela est normal, je finis par désespérer. Les quelques améliorations que j’observe sont vraiment lentes. Presque insignifiantes.

Pour tenter de lui changer les idées, son mari lui demanda :

– Et ta date de sortie ? Est-ce que tu as des nouvelles ? À la maison, j’ai reçu tout le matériel médical pour ton kiné. Je suis prêt à t’accueillir !

Satisfaite, mais d’humeur taquine, Ilona riposta :

– Et l’escalier mécanique ? Est-ce que l’entreprise est enfin venue l’installer ?

– Non, pas encore. Mais ce n’est pas un souci. En attendant, je te porterai dans mes bras. Tu es légère comme une plume.

D’un air décidé, l’Irlandaise affirma :

– Ce n’est pas si grave. De toute façon, je marcherai bientôt ! J’en ai la conviction. C’est juste une question de temps. Tout redeviendra comme avant.

Soudain, détournant le regard, Sweeney prit un air sombre.

Devinant les pensées qui l’assaillaient, sa femme ajouta :

– Nous ferons un autre enfant. Tu m’entends ?… Le docteur Berenson m’a assuré que c’était possible. Il ne faut pas douter.

Puis, plongeant ses yeux dans les siens, elle lui prit la main et répéta :

– Nous ferons un autre enfant. D’accord ?

Archibald se contenta de lui sourire avec confiance.

Cherchant à son tour à détendre l’atmosphère, Ilona changea de conversation :

– J’y pense, et Higgins ? Comment va notre chien ?

– Vraiment bien. Il est en pleine forme. Je l’aurais bien confié à mon ancienne logeuse, Mrs Trench, mais tante Midge et Granny s’en occupent à merveille. J’ai hâte de le revoir. Cette boule de poils finit par me manquer.

– Il me manque à moi aussi. Dommage que les animaux soient interdits à l’intérieur de l’hôpital… Sinon, pour le reste ?

Comprenant aussitôt l’allusion d’Ilona, l’inspecteur la renseigna :

– Ça fonctionne plutôt bien. Désormais, la cellule Trevor Crabtree existe vraiment. Les quatre collègues qui y sont affectés à plein temps sont tous des gars expérimentés. La hiérarchie leur a même attribué un grand bureau au dernier étage, dans Fettes Avenue(5). Même s’ils communiquent peu avec moi, j’ai le sentiment que mes collègues réussiront à coincer notre ennemi. À force, le rat finira bien par sortir de son trou.

– Si ce trou se trouve au Royaume-Uni… relativisa sa femme.

Brusquement, un appel retentit sur le portable du policier. Ce dernier se leva d’un bond pour extirper l’appareil de sa poche. Découvrant le nom de son interlocuteur, Archie prit un air étonné et dit à Ilona :

– Le superintendant, déjà ? Sales sait pourtant que je n’arrive qu’à neuf heures. Qu’est-ce que le patron peut bien me vouloir ?

Juste avant de répondre, le barbu attrapa son club de golf, puis il ajouta :

– Excuse-moi, ma chérie. Le travail. Je reviens dans un instant.

Tandis qu’il franchissait la porte donnant sur le couloir, Sweeney déclara :

– Bonjour, Monsieur. Je vous écoute. Que se passe-t-il ?

(1) Lire Crime à l’heure du Tay et Le pendu de St Andrews.

(2) Lire Le secret des brumes.

(3) Lire Des ombres au paradis.

(4) Lire Un poison irlandais.

(5) Siège du Criminal Investigation Department à Édimbourg

Page blanche

– Ah, le voilà ! entendit Sweeney alors qu’il gravissait la dernière marche de l’étage.

Avant d’entrer dans son propre bureau, l’enquêteur distingua par la porte entrebâillée son supérieur Brandon Sales, ainsi que son coéquipier McTirney. Les cheveux lissés et la moustache taillée avec précision, le superintendant portait l’un de ses traditionnels pulls en cachemire surmonté d’une veste sombre. Quant à l’inspecteur au visage grêlé, il arborait une cravate noire sur un élégant complet gris.

Ce dernier tourna la tête en direction du nouveau venu pour lui demander :

– Alors, comment va ta femme ?

Tandis qu’Archibald pénétrait dans la pièce, Sales ne put réfréner une moue désabusée. Il songea : Club de golf le long du bras, la barbe en bataille, un vieux pull défraîchi et un pantalon froissé qui lui tombe dans les brodequins… Quelle dégaine ! Décidément, depuis que son épouse n’est plus là pour s’occuper de lui, Sweeney donne l’impression de régresser. Tout du moins d’un point de vue vestimentaire. Parce que pour le reste, il est évident que ses neurones sont toujours bien en place !

Ignorant la mine déconfite de son supérieur, l’inspecteur-chef sourit à McTirney et lui répondit :

– Salut, Ian… Oui, elle va bien. Je te remercie. Son retour à la maison n’est plus qu’une question de jours à présent.

– Tant mieux, se réjouit son coéquipier.

Impatient d’entrer dans le vif du sujet, le superintendant se contenta de répliquer :

– Bonjour, Sweeney. Asseyez-vous, je vous en prie, puis il contourna le bureau de son subordonné pour aller occuper le fauteuil de ce dernier.

McTirney l’imita en se glissant derrière le second bureau. Sans s’offusquer, Archie récupéra l’une des chaises réservées aux visiteurs et, après avoir déposé son sand wedge à même le sol, il s’installa au centre de la pièce. Tout en soupirant, il songea que même si Sales faisait mine de ne pas avoir entendu sa réponse concernant Ilona, il était pourtant probable que le patron de la criminelle se réjouissait de cette bonne nouvelle. Sweeney avait appris à connaître le bonhomme : sous ses airs de technocrate pisse-froid, le superintendant n’était pas un si mauvais bougre que ça.

Celui-ci enchaîna sans attendre :

– Bien, pour cette nouvelle affaire, vous ne serez pas trop de deux.

– Quelle nouvelle affaire ? réagit Sweeney.

Comme s’il ne percevait pas l’impatience dans le ton de l’enquêteur, Brandon Sales poursuivit tranquillement :

– J’ai demandé aux agents de vous attendre sur place. Le corps a déjà été pris en charge. Il s’agit d’une femme âgée. La soixantaine environ. Son identité est inconnue… La pauvre, crucifiée devant les Kelpies(1) !

– Hein ? sursauta l’inspecteur-chef. Quoi ?… Où ça ? Les Kelpies ? Mais ce n’est pas dans notre juridiction. Qu’est-ce que nous…

– Est-ce que je peux poursuivre ? le coupa Sales, et il lui décocha un regard glacial. Merci… Je disais : avec ce second meurtre, le lien est clairement établi cette fois.

– Le lien ? Quel lien ? continua de s’étonner le barbu, alors que son coéquipier, manifestement déjà au courant, observait l’échange d’un sourire amusé.

En constatant que McTirney était le plus détendu dans la pièce, son supérieur lui lança :

– Bien, Ian. S’il vous plaît, expliquez-lui.

Posément, l’ancien commença par se déplier, puis il s’accouda sur le plateau du bureau. Enfin, il dit à Sweeney :

– Voilà… Il y a dix jours, un premier crime a été commis à Arbroath. Au début, on a cru que c’était un prêtre que l’on avait assassiné. Mais après deux jours d’enquête, les collègues de l’Angus ont finalement découvert qu’en fait de curé, la victime était un SDF de Glasgow, un certain Brad Tucker.

– Et alors ? riposta son coéquipier. Quel rapport avec les Kelpies ?

Imperturbable, McTirney continua son récit :

– La mise en scène d’Arbroath était insolite… Le pauvre type avait été empoisonné, puis poignardé dans le dos. Mais au préalable, on l’avait affublé d’un costume de prêtre avant de le transporter au cœur des ruines de l’abbaye. Rapidement, nos gars ont fait remarquer que cette scène de crime peu commune, et manifestement scénarisée, leur rappelait « quelque chose ». Cependant, sans plus d’éléments, ils ont fini par faire abstraction de cette anomalie et ils ont poursuivi leurs investigations.

– Pour quels résultats ? le questionna son coéquipier.

– Rien de sérieux, malheureusement. Les gars font du surplace. Aucune piste tangible depuis dix jours… Mais bon, maintenant, avec ce second meurtre, la situation vient d’évoluer. On ne peut plus faire comme si.

– Comme si quoi ? bouillonna Archibald.

Agacé, Sales intervint :

– La décision a été prise de lier ces deux affaires. On les a nationalisées. Donc, nous en héritons… Sinon, Arbroath, puis la crucifixion devant les Kelpies, ça ne vous dit rien ? Vraiment ? Vous ne lisez jamais de thrillers ?

Sans se laisser impressionner, son subordonné rétorqua :

– Ben non. Pour quoi faire ? Les crimes, c’est mon quotidien depuis près de vingt ans. Pourquoi m’en rajouter ?

Prenant le relais, McTirney lui précisa :

– Joe Keegan, la série 666. Est-ce que tu connais ?

– Ah, mais oui ! Il me semble que j’ai vu le film. Je crois même qu’ils en ont fait deux ou trois autres depuis… En plein covid, des cameramen tournaient une scène à Édimbourg, je me souviens. Princes Street avait été bouclée pendant toute une journée.

– Enfin ! Heureux de voir que les lumières se sont rallumées, ironisa le superintendant.

Ian conclut :

– En réalité, le crime d’Arbroath, puis celui découvert ce matin à l’aube près de Falkirk, correspondent exactement aux premières scènes des tomes 1 puis 2 de la célèbre série 666