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Sur Unst, l’île la plus au nord des Shetland qui inspira Stevenson pour son roman « L’île au trésor », on vit au rythme paisible des troupeaux de moutons qui déambulent librement sur une lande où il ne pousse aucun arbre.
Pourtant, en dépit de cette quiétude apparente, deux hommes viennent d’être assassinés, poignardés en plein cœur…
Lorsque l’inspecteur-chef Sweeney débarque à Lerwick, il ignore que sur ces terres, on a l’âme viking et pas écossaise. Ici, pas de kilt, de tartan, de pub ou de cornemuse. Aux Shetland, on parle norne, et les drapeaux qui flottent fièrement au gré du vent le plus puissant d’Europe, sont marqués d’une croix scandinave.
Enfin, à Belmont House où il est descendu pour mener son enquête, le policier va découvrir que le confort douillet de cette belle maison géorgienne pourrait bien dissimuler… le plus inattendu des secrets !
À PROPOS DE L'AUTEUR
John-Erich Nielsen est né le 21 juin 1966 en France.
Professeur d'allemand dans un premier temps, il devient ensuite officier (capitaine) pendant douze ans, dans des unités de combat et de renseignement. Conseiller Principal d'Education de 2001 à 2012, il est désormais éditeur et auteur à Carnac, en Bretagne.
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Seitenzahl: 173
Veröffentlichungsjahr: 2024
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À Rufus
Dans la même collection, l’inspecteur
Sweeney vous invite à vivre :
Peur sur le volcan - 2005
Caviar et nuits blanches - 2006
L’étrange sourire de Pamela Dove - 2006
L’œil du totem - 2008
Mort au grand largue - 2009
Les démons de l’île de Skye - 2010
Le serment des Highlands - 2011
Crime à l’heure du Tay - 2012
Un poison irlandais - 2014
Mortelles Hébrides - 2015
Le pendu de St Andrews - 2016
Mystère Édimbourg et Docteur Stevenson - 2017
(Tomes A et B)
Orcades en eaux troubles - 2018
Dans les flammes de Gretna Green - 2019
Archie et le passager perdu - 2020
Le secret des brumes - 2021
Des ombres au paradis - 2021
La marque de la Bête - 2022
Lennox barbare - 2023
Enquête à Belmont House - 2024
En anglais :
Murder on the Green - 2011
En allemand :
Mord am 18. Loch - 2018
Der Fluch der Highlands - 2019
Das seltsame Lächeln der Pamela Dove - 2019
Les éditions HoH
présentent :
____
Belmont House
____
Du même auteur, dans la collection
« Les enquêtes de Lucy Fourstripes » :
Des ombres au paradis - 2021
La Terre des Sept Péchés - 2023
Du même auteur, dans la collection
« Destins d’exception » :
Les roses de Sarajevo - 2015
Blue Baby - 2020
Disponible en version audio :
Meurtre au dix-huitième trou - 2023
à
Éditions HoH
B.P. 132 – 56343 CARNAC Cedex
www.hoh-editions.com
ET HEAD OVER HILLS, 2024
Tous droits de traduction, de reproduction, d’adaptation, de représentation réservés pour tous pays.
SOMMAIRE
Welcome !
Passing Place
Belmont House
Unst
Mise sur orbite
Point de situation
Ligne de fracture
Cambriolage
Disparitions
Rufus
Détectives
Coup de théâtre
L’île au trésor
Double départ
Lerwick, îles Shetland – 27 août
Qu’est-ce que je fais là ?
Planté devant le grand panneau bleu et blanc « Police – Lerwick – Shetland », l’inspecteur-chef Sweeney se répéta : Mais qu’est-ce que je fais là ?
Dans le prolongement de la pancarte, bordé par une vaste cour où stationnait une poignée de véhicules, se dressait l’austère bâtiment en pierre abritant le poste de police le plus au nord du Royaume-Uni. À droite, on distinguait en contrebas les toits des maisons de la plus grande cité des îles Shetland. Enfin, surplombant la ville, la superbe mâture d’un trois-mâts battant pavillon norvégien se détachait sur le fond vert des collines environnantes. Enfin, lorsque l’officier de la criminelle leva les yeux, il observa d’épais cumulus qui filaient lentement d’ouest en est.
Le temps est doux et la température beaucoup moins fraîche que je ne le redoutais, se dit Archibald. Pour un premier séjour aux Shetland, la nature sait se montrer accueillante. Welcome ! pensa-t-il en souriant.
Tournant la tête vers la gauche, le policier constata qu’il n’apercevait déjà plus sa voiture de location, une Kia rouge qu’il avait stationnée par erreur devant la mairie de Lerwick. Quel étrange bâtiment, avait-il songé en le découvrant. Avec deux monstres marins de couleur bleue enroulés autour des piliers, et cette façade digne des décors les plus kitsch de Disneyland, on se croirait davantage à Portmeirion1(1)que sur le territoire le plus septentrional de mon pays.
Puis Sweeney contempla de nouveau la pancarte face à lui, avant de soupirer : Les collègues auraient quand même pu faire l’effort de venir me chercher à l’aéroport de Sumburgh. Vingt-cinq miles, ce n’était pas le bout du monde… Mais il est vrai qu’il ne m’a pas fallu longtemps pour venir d’Édimbourg : le bimoteur de la Loganair a décollé ce matin à sept heures vingt, j’ai atterri à huit heures quarante-cinq, et à neuf heures pile, je quittais déjà le parking de l’aérodrome. Je n’avais jamais vu une location de véhicule aussi rapide !
Consultant sa montre, l’enquêteur lut encore : Neuf heures quarante seulement. En effet, je n’ai pas traîné.
Rassuré par cette première information positive, Archibald se redressa, inspira profondément l’air maritime, cala son club de golf dans le creux de l’épaule, avant de prendre la direction d’une porte d’entrée moderne qui détonnait avec l’âpreté du reste de la façade. En pénétrant dans le poste de police, le barbu fut rapidement arrêté par un guichet derrière lequel deux agents travaillaient de dos. Sur les murs latéraux, quelques affiches de Police Scotland délivraient leurs recommandations habituelles, tandis que la paroi du fond était occupée par une large carte des îles Shetland. Aux limites de celle-ci, on apercevait les côtes de la Norvège, mais pas celles de l’Écosse. C’est vrai, se souvint Archie, Bergen est beaucoup plus proche de Lerwick qu’Édimbourg. D’ailleurs, sur mon trajet depuis le sud de l’île, j’ai noté que de nombreuses maisons arboraient le pavillon des îles Shetland, une croix scandinave bleue et blanche, mais pas le moindre drapeau écossais. Bizarre…
Pendant que Sweeney cogitait, aucun des deux policiers présents dans la pièce n’avait encore pris la peine de se retourner pour découvrir qui était ce visiteur matinal aux cheveux roux, équipé d’un surprenant club de golf, dont le pull défraîchi, le pantalon froissé et les vieux brodequins évoquaient plus un randonneur égaré qu’un as du Criminal Investigation Department. Surpris par ce manque de réactivité, l’officier finit par faire entendre un « Bonjour » plutôt sonore. Pourtant, personne ne broncha.
Qu’est-ce que c’est que ça ? s’agaça l’enquêteur. Tu parles d’un accueil… Aux Shetland, il n’y a pas que le climat qui sait se montrer glacial.
– Hem, hem… essaya de nouveau Archibald. J’ai rendez-vous avec l’inspecteur-chef Stew Henderson.
En percevant le nom de son supérieur, l’agent le plus à gauche se contenta de brailler « Patron ! » en direction du couloir, sans pour autant chercher à savoir de qui provenait cette demande.
Eh bien, les collègues sont plutôt rustiques par ici ! s’émut le visiteur.
Quelques instants plus tard, un officier d’une quarantaine d’années, trapu, à l’uniforme trop étroit, blond, les yeux verts et le nez en trompette, s’approcha du guichet les mains dans les poches.
L’air dédaigneux, le chef du poste voulut savoir :
– Oui ? De quoi s’agit-il ?
– Bonjour, répondit l’homme en civil. Je suis votre collègue Sweeney du CID d’Édimbourg. On a dû vous prévenir que j’arrivais ce matin, n’est-ce pas ?
– Ah, c’est vous ? Je ne vous imaginais pas comme ça, se contenta de répliquer Stew Henderson.
Scrutant son homologue, le responsable de la police locale ajouta :
– Dites, vous n’avez pas perdu de temps. Vous êtes arrivé ce matin ?
– Oui. Nous n’étions pas plus de sept ou huit à bord de l’avion. J’ai récupéré mon sac en moins de cinq minutes… Alors, comment souhaitez-vous que nous…
– Restez là ! le coupa son collègue, avant de tourner les talons puis de disparaître dans le couloir.
Moins d’une minute plus tard, l’inspecteur-chef Henderson réapparaissait avec deux dossiers coincés sous le bras. Sans ménagement, il les plaqua sur le guichet face à Sweeney.
– Voilà, vous avez tout : Scott Nicolson déjà, dans la chemise verte.
Puis, soulevant un second dossier de couleur bleue, l’officier précisa :
– Et John Carter pour celui-ci. Je vous ai joint toutes les photocopies des pièces officielles, ainsi que quelques originaux. Ne les perdez pas.
Abasourdi, l’inspecteur-chef Sweeney n’avait toujours pas riposté. Hésitant à prendre possession des documents qui lui étaient destinés, il préféra poser une première question :
– Vous ne pensez pas que l’on devrait s’isoler pour parler de tout ça ?
La mine revêche et les deux mains à nouveau dans les poches, son homologue rétorqua :
– Ah bon ? Mais pour quoi faire ?
– Pour quoi faire ? répéta Sweeney, énervé. Great Scott ! Deux meurtres ont été commis la semaine dernière. La moindre des choses serait quand même que nous puissions…
Stew Henderson l’interrompit une fois encore :
– Tout est là-dedans. Que voulez-vous que je vous raconte de plus ? Pour le premier cadavre, celui qu’on a découvert près du mégalithe de Lund, je n’ai rien d’autre à vous apprendre que ce qui est écrit dans le rapport. Quant au second, celui du château de Muness, n’hésitez pas à visiter le site durant votre reconnaissance. L’endroit est très pittoresque.
Archibald s’efforça de refouler la colère qui montait en lui. À la recherche d’un nouvel angle d’attaque, il demanda :
– Si j’ai bien compris, dans les deux cas, un papier avec une tache noire a été poignardé sur le torse des victimes. C’est bien ça ?... Qu’est-ce que vous pensez de cette signature ? Quelle peut être la signification de ce symbole ? Est-ce qu’il s’agit de la malédiction des pirates, cette menace de mort qu’ils adressaient à leurs ennemis ? Ou bien cette marque peut-elle avoir un lien avec la culture des îles ?
L’officier en uniforme pivota vers l’agent de droite et l’interpella :
– Sergent Harris !
Devinant l’objet de sa requête, le sous-officier se leva, déplia lentement son double-mètre puis, en trois enjambées, il rejoignit son supérieur au guichet. Après avoir farfouillé dans l’une de ses poches, il finit par en extirper une feuille de papier au centre de laquelle figurait une tache noire.
– J’en ai reçu une moi aussi, déclara le sergent Harris.
Tandis qu’Archibald s’emparait de la feuille pour mieux l’observer, l’agent aux cheveux bouclés se mit à dodeliner de la tête tout en passant sa langue sur les lèvres comme un jeune chien fou.
Décidément, ils sont gratinés dans le coin, jugea Sweeney.
L’inspecteur-chef Henderson précisa :
– Le sergent Harris n’est pas le seul à avoir découvert cette tache dans sa boîte aux lettres. Moi-même, j’en ai trouvé une glissée sous ma porte. Mais comme près d’un habitant sur dix de Lerwick ou des autres îles. Tous les gens connus, ou ceux dont l’activité est publique, en ont été victimes.
– Quoi ? Autant que ça ? s’étonna son homologue.
– Mais oui… Les pauvres Nicolson et Carter n’étaient que deux noms parmi d’autres… Durant le mois qui a précédé ces assassinats, un dingue en a déposé des centaines sur les trois îles principales : Mainland, Yell et Unst. Les gens nous ont très vite alertés. Au début, je vous avoue que j’ai pensé qu’il s’agissait d’une blague faite par des gamins. Je ne me suis pas inquiété une seconde. Malheureusement, tout cela a fini par devenir beaucoup plus sérieux.
– Est-ce que vous avez une idée de qui se cache derrière cette mise en scène ? Et pourquoi ces deux personnes ont été visées ?
Stew Henderson commença par froncer les sourcils, tordit son nez en trompette, puis il riposta :
– Ah mais pour ça, il aurait fallu qu’on nous laisse le temps de travailler, plutôt que de nous parachuter une huile de la criminelle. Vous savez, on aurait pu s’en occuper nous-mêmes. Ici, aux Shetland, on n’est pas forcément des demeurés ou des sauvages. Mais bon, apparemment, les pontes d’Édimbourg ont dû juger que nous n’allions pas assez vite, ou que nous avions besoin de renfort. Nous avions à peine commencé nos investigations qu’on nous annonçait déjà l’arrivée d’un « super flic » de la capitale. Et vous voilà !
Archibald voulut intervenir :
– Non, ce n’est pas ça. Vous vous trompez. Mon supérieur m’a expliqué que…
Mais son collègue n’écoutait plus. Agacé, il poursuivit :
– Qu’est-ce qu’ils s’imaginent chez vous ? Qu’on se tourne les pouces dans le « grand Nord » ? Que nous passons notre temps à chasser les phoques sur la banquise ?... Et si je refuse de coopérer avec vous, que va-t-il m’arriver ? Une mutation au fin fond du Royaume-Uni ? Mais j’y suis déjà ! clama-t-il, ce qui déclencha un large sourire sur le visage du sergent Harris.
L’inspecteur-chef n’en avait pas terminé. Il ajouta :
– Ce que votre hiérarchie oublie, c’est qu’ici, je suis chez moi. Je suis né ici, moi. Ce n’est pas votre cas. Est-ce que vous parlez la langue norne ? J’en doute… Alors je vous souhaite bonne chance pour tenter de comprendre qui sont les habitants de ces îles.
Soudain, le second agent qui tournait encore le dos lâcha « Sooth Moother ! » sur un ton nasillard et moqueur.
– Pardon ? s’offusqua Sweeney, qui avait deviné que cette remarque probablement désobligeante lui était destinée. Qu’est-ce qu’il a dit ?
Aucun des deux hommes au guichet ne prit la peine de lui traduire.
Stew Henderson finit par demander à son homologue :
– Unst, vous connaissez ? Est-ce que vous êtes déjà venu ?
– Non, jamais. Je sais juste qu’il s’agit de l’île la plus au nord, celle sur laquelle vous avez découvert les deux cadavres à trois jours d’intervalle.
– Où est-ce que vous comptez dormir ? Vous avez réservé ?
– Oui, la Belmont House. J’ai vu qu’elle se trouvait à proximité du débarcadère. Il m’a semblé que ce serait plus pratique si jamais j’arrivais tardivement.
– Belmont House ? Très bon choix, apprécia l’officier en uniforme. Ceci dit, à Unst, en termes de choix, on a vite fait le tour ! ironisa-t-il.
Avant d’enchaîner :
– Bien, si vous êtes là, c’est que vous avez une voiture ou un taxi. Et même si vous avez oublié de réserver votre ticket pour le ferry, pas de souci : vous pourrez toujours l’acheter une fois sur le bateau. Veillez juste à vous ranger dans la bonne file… Allez, je ne vous retiens pas plus longtemps. N’oubliez pas les dossiers, ils sont pour vous. Bon séjour aux îles Shetland ! conclut son homologue d’un air goguenard.
Archie rendit sa feuille au sergent Harris, mais le visiteur voulut insister :
– Henderson, soyons sérieux : est-ce que vous n’avez pas une équipe pour moi ?
– Une équipe ? Quelle équipe ? L’essentiel de mon effectif se trouve là, sous vos yeux… Vous êtes aux îles Shetland, d’accord ? Sur Yell ou sur Unst, il n’existe aucun poste de police. Les gens se débrouillent. Quand ils nous appellent, c’est qu’il s’agit forcément d’une urgence. Les seules forces de police disponibles sont là, devant vous. C’est tout.
Aussitôt, « Sooth Moother ! » retentit une seconde fois depuis le fond de la pièce. Puis, dans une langue rude que Sweeney ne comprenait pas, Henderson parut recadrer son impertinent subordonné sans pour autant parvenir à se défaire d’un petit sourire narquois.
Enfin, le chef de la police de Lerwick se tourna vers son collègue de la capitale pour lui dire :
– Bien. Dans les dossiers, vous trouverez mon numéro de téléphone personnel. Appelez-moi quand vous aurez lu l’ensemble des pièces. Sur Unst, allez voir les sites de Lund et de Muness pour vous faire une idée… Je ne suis peut-être qu’un « petit gars des Shetland », mais je connais bien le terrain, ainsi que les gens qui y habitent. Ce n’est pas vraiment l’Écosse ici, Sweeney. N’oubliez jamais ça, termina-t-il en le fixant droit dans les yeux.
Puis Stew Henderson regagna son bureau, aussitôt suivi par le sergent Harris.
Dépité, mais comprenant qu’il ne servait à rien d’insister, Archibald se résolut finalement à glisser les deux dossiers sous son bras gauche, avant de quitter le poste de police.
De retour dans la cour, et le regard tourné face au port, l’enquêteur prit le temps de réfléchir. Alors ça, quel accueil ! pensa-t-il, consterné. Et puis Sooth Moother, qu’est-ce que ça signifie ? Certainement pas « Welcome » en norne ou en norvégien. Cela m’étonnerait.
Dans la baie, les mâts du grand bateau blanc faisaient déjà mouvement vers l’est. Comme ce spectacle est majestueux. Il est même apaisant, jugea Sweeney. En outre, je suis agréablement surpris par la douceur de la température. Il doit faire au moins treize ou quatorze degrés, estima-t-il. Avant d’ironiser : En août, aux Shetland, la fraîcheur est finalement plus sensible à l’intérieur des bâtiments qu’à l’extérieur !
Ragaillardi par son trait d’humour, le barbu épaula son club de golf puis, dossiers sous le bras, il prit la direction de son véhicule tout en sifflotant Flower of Scotland2(1)…
Archibald Sweeney traversait Yell, l’île centrale de l’archipel des Shetland, en roulant du sud vers le nord. Autour de lui s’ouvrait un espace où il n’y avait rien d’autre à contempler qu’un horizon dénué d’arbre, composé de tourbières couvertes par une herbe rase plaquée au sol par l’effet conjugué du vent le plus puissant d’Europe et le passage incessant de troupeaux de moutons plus affamés que des sauterelles. Au milieu de ce désert de verdure serpentait un ruban étroit de mauvais goudron, seule trace visible de la présence humaine au cœur de ces contrées septentrionales. De temps à autre, le croisement d’un camion ou d’un pick-up, un champ d’éoliennes en mouvement, ou bien la présence insolite d’une ferme aux murs rouges, venaient distraire un conducteur étonné de découvrir un paysage aussi peu écossais, probablement plus proche de ceux que proposait la célèbre E6, cette route de Norvège qui remontait, rectiligne, jusqu’au cap Nord.
En dépit de cette solitude, Sweeney avait rapidement choisi d’éteindre la radio. Sans doute ressentait-il à cet instant le besoin de se couper du monde pour mieux poser ses idées. Je ne devrais plus tarder à rejoindre le port de Gutcher. Quinze à vingt minutes tout au plus, estima le policier. Si l’embarquement, puis la traversée, sont aussi simples et rapides qu’entre Mainland et Yell, alors je serai sur Unst avant la nuit. De mémoire, la Belmont House se trouve à moins d’un kilomètre du débarcadère. Quand j’avais consulté la carte, j’avais noté qu’il s’agissait de la première maison sur la gauche de la route. Mon point de chute sera facile à trouver, se rassura-t-il. Avant de s’interroger : Quel temps fera-t-il là-bas ? Sûrement le même que sur les deux premières îles : brumeux et frais. Pas si mal pour un mois d’août aux Shetland. Je m’attendais à pire, réalisa-t-il enfin.
À la sortie d’un virage débouchant sur une nouvelle ligne droite interminable, l’enquêteur se mit à ronchonner : Eh bien, quel accueil à Lerwick… Je devrais peut-être en parler à Sales, ce soir, au téléphone. J’espère pour Henderson que ses dossiers sont aussi complets qu’il me l’a promis. Sinon, son refus de coopérer pourrait bien lui valoir un blâme pour entrave à l’enquête… Nous n’en sommes pas encore là, se modéra l’officier de la criminelle. Mais au minimum, mon collègue aurait pu m’adjoindre une équipe ou bien me prêter un véhicule de fonction. Il ne perd rien pour attendre celui-là, maugréa le rouquin. Avant de conclure, en Écossais soucieux des affaires d’argent : En outre, cette location de voiture va me coûter une fortune. Je lui enverrais bien ma note de frais, moi, à ce Nordique mal embouché !
Scrutant la nature désolée qui enserrait la route, Archie ronchonna encore : Rien. Rien de rien. Pas le moindre pub, pas la moindre boutique, pas la moindre station-service. Même pas une maison ou un arrêt de bus… Je me suis levé tôt, moi. J’espérais pouvoir prendre un café sur le trajet. C’est raté… Comment font les insulaires qui veulent boire une bière ? C’est quand même l’été. Il doit bien exister un endroit pour se désaltérer sur cette fichue île de Yell, voulut-il se persuader. Les hameaux se succèdent, mais non, toujours rien. Quelle drôle d’atmosphère… Pour nuire encore à son moral, une bruine chagrine s’invita sur le pare-brise, le contraignant à déclencher ses essuie-glaces. Il ne manquait plus que ça, se désespéra Sweeney.
Sous l’influence de cette ambiance morose, l’enquêteur se mit à revivre les moments très difficiles durant lesquels, quelques mois plus tôt, il avait bien failli mourir à deux reprises dans l’enceinte du château de Lennox3(1)