Hegel en 60 minutes - Walther Ziegler - E-Book

Hegel en 60 minutes E-Book

Walther Ziegler

0,0

Beschreibung

En tant qu'étudiant déjà, Hegel reçut plusieurs avertissements pour pratique démesurée de jeu de cartes et consommation excessive de vin rouge. Sans aucun doute, Hegel est l'un des penseurs les plus anticonformistes - ou le plus cool, comme on dirait aujourd'hui. Une plaisanterie raconte qu'il aurait découvert l'Esprit du Monde dans un moment d'ivresse. En réalité, son explication du monde est fascinante et reste d'une grande actualité. Hegel est le premier à avoir reconnu la dimension du devenir dans toute sa portée. On peut à juste titre l'appeler le Darwin de la philosophie. Selon Hegel, tout est en mouvement perpétuel. La vie de l'homme est un processus, tout comme la nature et l'histoire. L'homme naît en tant que nourrisson, il devient un enfant, puis un adolescent et finalement un adulte. Il en va de même pour l'histoire de l'humanité, qui, partant du plus simple, progresse inlassablement. Une époque suit une autre. Pour Hegel, chaque époque est traversée par un esprit qui la caractérise. Ce fameux « Zeitgeist », ou, comme dirait aussi Hegel, l'Esprit du monde se manifeste dans les convictions des hommes, dans la morale, la justice, l'art, la musique ou l'architecture. Mais Hegel va plus loin et développe l'idée majeure selon laquelle les époques et les différentes formes que revêt l'esprit ne se succèdent pas par hasard, mais seraient déterminées par un principe de mouvement logique, la fameuse dialectique. Le pendule de l'histoire se balance tantôt dans telle direction, tantôt dans l'autre, de manière dialectique. Néanmoins, l'humanité se dirige lentement et irrémédiablement vers un but ultime. Sur la base de citations et d'exemples, le livre explique le fonctionnement de la dialectique, qui est aussi le moteur de l'histoire de l'humanité. Où finit l'histoire ? En sommes-nous juste des spectateurs ou aussi des acteurs ? Qui est ou plutôt, qu'est-ce que l'esprit du monde ? Le livre est paru dans la collection à succès « Grands penseurs en 60 minutes ».

Sie lesen das E-Book in den Legimi-Apps auf:

Android
iOS
von Legimi
zertifizierten E-Readern
Kindle™-E-Readern
(für ausgewählte Pakete)

Seitenzahl: 79

Veröffentlichungsjahr: 2019

Das E-Book (TTS) können Sie hören im Abo „Legimi Premium” in Legimi-Apps auf:

Android
iOS
Bewertungen
0,0
0
0
0
0
0
Mehr Informationen
Mehr Informationen
Legimi prüft nicht, ob Rezensionen von Nutzern stammen, die den betreffenden Titel tatsächlich gekauft oder gelesen/gehört haben. Wir entfernen aber gefälschte Rezensionen.



Merci à Rudolf Aichner pour son infatigable travail de rédaction critique, à Silke Ruthenberg pour la finesse de son graphisme, à Angela Schumitz, Lydia Pointvogl, Eva Amberger, Christiane Hüttner, Dr. Martin Engler pour leur relecture attentive, et à Eleonore Presler, docteur en philosophie, qui a effectué une dernière relecture linguistique et scientifique du texte français.

Je remercie aussi monsieur le Professeur Guntram Knapp à qui je dois ma passion pour la philosophie.

Je tiens à remercier tout particulièrement mon traducteur

Bruno Rousselet

Lui-même philosophe, il a traduit en français, avec soin et précision, mon texte allemand, le complétant là où nécessaire de passages adaptés spécifiquement aux besoins des lecteurs et lectrices francophones.

Table des matières

La grande découverte de Hegel

La pensée centrale de Hegel

Dialectique – le moteur de la pensée

Le triple sens de « Aufhebung »

La logique du devenir

La dialectique du maître et de l’asservi

Le mouvement dialectique de l’Histoire universelle

Dieu comme Esprit du monde

se déployant

La ruse de la raison

Le but ultime de l’Histoire

À quoi nous sert aujourd’hui la découverte de Hegel ?

Y a-t-il une raison dans l’Histoire ou l’Esprit du monde a-t-il fait son temps ?

Penser dialectiquement, c’est penser de façon critique

La vie est changement Hegel pour managers

Dépasser Hegel avec Hegel

Index des citations

La grande découverte de Hegel

Hegel (1770-1831) est l’un des plus importants philosophes du monde. De son vivant déjà, il exerçait une incroyable fascination sur ses contemporains. Des intellectuels de toute l’Europe se rendaient à Berlin pour voir le célèbre professeur. Ses cours magistraux étaient légendaires, malgré que son apparence physique et verbale fût plutôt rébarbative. Il avait les traits du visage anguleux, les coins des lèvres qui retombaient, le regard grave et franchement perçant. Son langage n’était pas moins acerbe. Aucun autre penseur n’a jamais écrit de manière aussi austère, abstraite et percutante.

Cela suscitait l’admiration chez ses adeptes, la colère et l’indignation chez ses adversaires. Schopenhauer, contemporain de Hegel, était exaspéré par le langage compliqué devenu à la mode chez les philosophes universitaires. Il les traitait d’ergoteurs et Hegel du pire de tous : « Pourtant on n’était pas encore au comble de l’impudence ; il restait des non-sens plus indigestes à nous servir, du papier à barbouiller avec des bavardages plus vides et plus extravagants encore réservés jusqu’alors aux seules maisons de fous : Hegel parut enfin […]. » 2 À propos des livres de Hegel, le fameux philosophe de la culture américain Durant a écrit : « Ce sont des chefs-d’œuvre d’obscurité. » 3

Hegel n’avait donc pas que des amis. Après sa mort, il fut interprété de manière extrêmement diverse, notamment en raison de son langage abstrait et ambigu. Certains le considéraient comme un philosophe d’État prussien et un réactionnaire, d’autres comme un réformateur social visionnaire, d’autres encore comme un mystique. Aujourd’hui, son œuvre fait toujours débat.

Toutefois, une chose est certaine : quel que soit le caractère abstrait de ses écrits, il fit une découverte formidable. Le premier, il perçut la dimension du « devenir » dans toute son ampleur. Il peut être qualifié de Charles Darwin de la philosophie.

Car tout, selon Hegel, est en perpétuel mouvement. La vie humaine revêt tout autant un caractère processuel que la nature et l’Histoire. Tout être humain est d’abord un nourrisson, devient enfant, adolescent et finalement adulte. L’Histoire de l’humanité aussi ne cesse d’évoluer, depuis les commencements les plus simples. Les époques se succèdent les unes aux autres. De nouveaux États voient le jour, les lois sont sans cesse adaptées aux temps nouveaux. Même la justice ne jouit pas d’une validité intemporelle : elle est vouée à changer sans cesse. Ce qui semblait juste autrefois est souvent considéré comme une injustice aujourd’hui. La vérité elle-même, à savoir ce que les humains estiment vrai et objectif, change au cours de l’Histoire.

Ainsi, dans l’Antiquité, Aristote considérait que l’es-clavage était tout à fait naturel et juste. Il classait les esclaves au rang de « ta onta », d’objets domestiques. De nos jours, l’esclavage est interdit et puni au titre de séquestration. C’est pourquoi Hegel tire la conclusion radicale que même la vérité n’est pas un idéal intemporel, mais un processus vivant.

Tout – absolument tout – est en perpétuel mouvement : les convictions, la morale, la justice, le droit, les lois et même l’art, la musique ou l’architecture. Si l’on recherche la vérité, on ne peut selon Hegel considérer une simple phase de développement comme étant la vérité absolue : il convient au contraire de saisir l’ensemble du processus. Hegel résume bien cette idée dans une phrase devenue célèbre :

Lorsque nous parlons aujourd’hui de « l’esprit du temps », ou d’« air du temps » (Zeitgeist en allemand), cela remonte à la grande découverte de Hegel selon laquelle chaque époque possède un esprit bien défini qui pénètre tout. Cet esprit du temps change au cours de l’Histoire et ne cesse de prendre des formes nouvelles. Mais il forge, pour un intervalle de temps donné, la pensée d’une époque. L’absolutisme par exemple, avec un prince tout puissant à la tête de l’État, représentait une telle forme d’esprit. Aujourd’hui, en Europe, ce serait sans doute le pluralisme démocratique. Dans la pensée directrice d’une époque ou, comme l’exprime Hegel, dans son principe directeur, se reflètent la compréhension et la conscience que les humains ont d’eux-mêmes. Ce faisant, l’Esprit universel, ou Esprit du monde (Weltgeist), réalise le principe correspondant de l’échelon historique en une multitude de tendances et de manifestations. Dans l’absolutisme par exemple, les nobles portaient des perruques blanches et des corsages, allaient à l’opéra, écoutaient Vivaldi, Händel et Mozart, construisaient des châteaux baroques avec des salles de glaces, des jardins à la française et des fontaines à cascades. Hegel affirme :

Il s’agit donc selon Hegel d’un esprit très riche puisqu’il ne comprend pas seulement la mode vestimentaire, les tendances ou les meubles en vogue à un moment précis, mais aussi la musique, la peinture, l’architecture, la constitution de l’État et même la philosophie d’une époque donnée. C’est pourquoi Hegel parle, à propos de ces divers instantanés, de formes d’esprit individuelles qui sont produites par l’humanité au cours de l’Histoire :

La forme d’esprit du romantisme est par exemple toute autre que celle du gothique ou du baroque ; la forme d’esprit de l’absolutisme est autre que celle des Lumières. Quand nous considérons des temples, des statues ou des images d’époques passées, nous pouvons généralement les attribuer facilement à une époque donnée. Même sans être historiens d’art, nous savons par exemple que l’Acropole avec ses colonnes de marbre fait partie de la forme d’esprit de l’Antiquité grecque, ou qu’un château des croisades relève de la forme d’esprit du féodalisme chrétien du Moyen Âge.

Jusque-là, la découverte de Hegel relative à la dimension du « devenir » paraît encore assez simple et tout à fait recevable. Car qui contesterait le fait qu’il y a toujours eu dans l’Histoire quelque chose comme un esprit du temps, ou différentes formes d’esprit ou époques ?

Mais Hegel ne s’arrête pas là. Il fait également une autre découverte lourde de conséquences. Les différentes formes d’esprit, affirme-t-il, ne s’enchaînent nullement de façon arbitraire ou par simple hasard, mais suivent au contraire un principe de mouvement logique appelé dialectique. Hegel compare tout d’abord la succession logique des formes d’esprit dans l’Histoire avec la croissance d’une plante. En effet, les phases de croissance de la plante ne sont pas de simples transformations aléatoires et dénuées de sens, mais suivent un principe interne et ont un but défini, même si celui-ci n’apparaît pas d’emblée.

Tout comme la plante est d’abord graine et germe, puis produit feuilles et fleurs avant de déployer finalement le fruit, l’Histoire de l’humanité suit elle aussi une logique interne. Une forme jaillit de la précédente. C’est ce jaillissement que Hegel appelle dialectique.

Néanmoins, la dialectique n’est pas simple croissance et déploiement harmonieux de forces, mais progresse par crises et contradictions. Le passage d’une phase de vie à une autre revêt souvent, dans la conception de Hegel, une dimension dramatique. Tout comme l’enfant qui, arrivé à la puberté, ne veut subitement plus être un enfant que l’on dirige et se met dès lors à tout refuser et à mettre en question ce que les adultes lui dictent, l’Histoire universelle connaît elle aussi crises, conflits et contradictions lorsque survient un changement d’époque. Pour Hegel, la contradiction, soit une inadéquation ressentie par le peuple ou l’individu, n’a en soi rien de mal, c’est au contraire quelque chose de tout à fait bénéfique :

Par exemple, si une époque historique porte en elle des contradictions, que beaucoup de gens sont insatisfaits de la société et de leur propre situation, une révolte spirituelle et matérielle se produit. L’ordre ancien se met à chanceler et finit par être remplacé par un ordre nouveau. Prenons par exemple la Révolution française, passage de l’absolutisme aux Lumières.

À partir de la résistance contre la noblesse, le droit divin, le féodalisme et le servage, une nouvelle forme d’esprit émerge peu à peu, la forme d’esprit des Lumières et du rationalisme. L’idée religieuse et mystique de la domination divine du Roi et du sang bleu de la noblesse fait place à l’idée rationnelle de souveraineté du peuple et d’égalité entre les êtres humains.

Hegel était très impressionné, surtout dans sa jeunesse, par les idées radicales de la Révolution française et sentait que toute l’Histoire européenne s’était mise en mouvement sous la contradiction de l’esprit des Lumières des révolutionnaires français :