L'humour pour aider à grandir - Bruno Humbeeck - E-Book

L'humour pour aider à grandir E-Book

Bruno Humbeeck

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Beschreibung

Rire : la clé pour bien grandir et être heureux

Pour l’enseignant, pour le travailleur social ou pour le parent, le rire et son complice l’humour, constituent incontestablement de précieux outils… à manier avec précaution. Sous ses faux airs naturels, le rire s’appuie sur des ressorts artificiels. Lorsque l’on doit faire rire pour vivre, pour faire vivre, ou tout simplement pour aider à grandir, il vaut assurément mieux ne pas trop laisser l’humour frapper au hasard...
Un guide psychologique pour appréhender la vie avec humour
À PROPOS DE L'AUTEUR 
Bruno Humbeeck est actif à la fois sur le terrain en tant que travailleur psychosocial et dans le domaine de la recherche en tant que collaborateur scientifique. Cette double approche des questions de société contribue à rendre sa vision particulièrement convaincante. Il est aussi formateur au CREAS - Université de Mons et auteur de plusieurs publications dans le domaine de la maltraitance, de la toxicomanie et de la prise en charge des personnes en rupture psychosociale.
EXTRAIT 
Acte 1 : la naissance du rire
Les spécialistes de l’humour pour bambins, recherchant les germes du comique, s’accordent d’emblée sur deux caractéristiques essentielles du rire des nouveau-nés :- Le « rire d’origine » est une construction intersubjective : si le sourire peut être gastrique et solitaire, le rire est nécessairement ludique et interactif.- Aucun stimulus ne déclenche le rire du bébé dans un environnement insécurisant. Un poupon inquiet, peu en confiance, trouvera inévitablement saumâtres les plaisanteries, même les mieux adaptées, qui lui sont destinées. Rien ne peut y faire : les bébés ne rigolent pas tant qu’ils ne se sentent pas suffisamment en sécurité.

Nous reviendrons plus tard sur ces deux bases fondamentales du rire que nous rappellent les recherches. Pour l’heure il ne s’agit pas seulement de se demander à quelles conditions les nouveau-nés vont soumettre leur environnement avant de consentir à rire mais bien de s’interroger sur ce qui déclenche leur hilarité. Il s’agit en quelque sorte de rassembler ci-après quelques recettes irrésistibles pour faire rire les bébés.

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La plus perdue de toutes les journées est celle où l’on n’a pas ri.

Chamfort

INTRODUCTION

Le sens de l’humour améliore indiscutablement les compétences relationnelles de celui qui sait en faire preuve. Pour cette raison, de nombreux professionnels de l’action psychosociale l’assimilent à un véritable outil de travail. Reste à savoir s’ils en maîtrisent toujours les effets. Entre le rire qui tue et la plaisanterie qui relève, les enjeux de l’humour blessent parfois au hasard.

Rire et faire rire constituent sans aucun doute un socle autour duquel une relation de qualité trouve les moyens de s’articuler. Cette double compétence signe pourtant parfois aussi l’indice d’une profonde incompréhension.

Elle révèle alors ce gouffre affectif dans lequel s’enfonce inexorablement celui qui ne comprend pas que ce qui a été dit l’aurait été pour rire ou celui qui ne parvient pas à goûter la plaisanterie.

Trop en difficulté pour s’extraire du drame, le sujet en rupture ne saisit pas nécessairement la perche qui lui est tendue par le rire. Quand on cherche le sens de sa propre vie, on ne le retrouve pas à tous les coups dans le sens de l’humour d’un autre.

Les choses ne sont donc pas si simples. Le malheur avec les drames, c’est aussi qu’il ne suffit pas d’en rire pour en effacer les traces. Ainsi, le rire qui sauve du désastre ou, pour le dire avec plus de poésie, celui qui fait la politesse du désespoir, ce rire-là ne s’impose pas. Il se propose du bout des lèvres.

Or, pour beaucoup de travailleurs sociaux que nous avons interrogés, l’humour n’est plus un droit. Ils le revendiquent comme un devoir. Sans ce zeste de plaisir, la souffrance aurait même, selon eux, trop vite fait de submerger la relation d’aide.

Immergés dans le drame des autres, le rire apparaît ainsi aux intervenants sociaux comme une indispensable planche de salut. Mais pour qui, ce rire-là, est-il salutaire ? À qui profite le crime d’humour ? Le florilège de blagues utiles aux professionnels fait-il pour autant œuvre d’action sociale ? Que faut-il à l’humour pour qu’il devienne ce formidable instrument d’intervention psychosociale qui aide à relever ? Existe-t-il des critères qui permettent de débusquer l’éventuelle dimension professionnelle de l’hilarité ? Bref, qu’est-ce qui permet à l’éducateur de prétendre travailler lorsqu’il pratique l’humour ?

À ce type de questions, certains se contentent de répondre que, puisque le rire cimente les rapports humains, il participe, comme tout ce qui fonde la relation, à l’accomplissement de leur métier. Ils n’ont sans doute pas tort. Toutefois s’ils ne maîtrisent pas leur outil et s’ils ne peuvent en évaluer les effets, ces professionnels de l’aide risquent de se faire rapidement passer pour des clowns. Ils en viendraient même par les temps qui courent à se faire implicitement traiter de joyeux comiques parce qu’ils ne sont pas – ils en conviendront aisément eux-mêmes – payés pour rigoler ou manquer de sérieux.

Dans une relation, on ne perd pas nécessairement son temps lorsque l’on rit. Chacun en est convaincu. Toutefois, lorsque l’on est payé pour être en relation, il vaut sans doute mieux savoir où le rire nous mène pour ne pas laisser place à l’impression de dilapider un temps qui nous est le plus souvent compté.

Le rire est relationnel, c’est vrai. C’est justement pour cela qu’il est rarement simple dès qu’il cesse d’être naturel. Le rire à usage professionnel n’est pas cet éclat de rire spontané qui signe le lien. Il est davantage à rechercher dans celui qui unit deux êtres que tout sépare mais qui prennent le risque de chercher à s’entendre.

Or, cet humour-là, parce qu’il met en danger, suppose d’en comprendre les règles et d’en saisir les mécanismes. Livré à lui-même, le rire n’est qu’un instrument de plaisir. Suffisamment maîtrisé, il peut alors prétendre être cet outil de développement qui, confié à des mains expertes, permet parfois de réaliser des merveilles.

Les comiques professionnels le savent mieux que les autres. Sous ses faux-airs naturels, le rire s’appuie sur des ressorts artificiels. Lorsque l’on doit faire rire pour vivre, il vaut mieux ne pas trop laisser l’humour au hasard. S’il veut s’épargner la peur du bide, l’humoriste salarié doit nécessairement apprendre à démonter les mécanismes du rire qu’il se doit de déclencher. Dans cette optique, toute intégration de l’humour dans une démarche professionnelle suppose sans doute le même type d’apprentissage et la même compréhension rigoureuse.

Sans doute les travailleurs psychosociaux ne prétendent-ils pas vivre du rire qu’ils déclenchent. Ils n’en doivent pas moins cependant se montrer particulièrement attentifs à la qualité de leur humour dès lors que l’enjeu est d’aider à vivre ou survivre au-delà des difficultés. Dès que le rire se donne des prétentions professionnelles, il suppose sans aucun doute cette connaissance suffisante de ce qui le rend possible.

Dans ce but, nous nous sommes attachés en première partie du présent ouvrage à retourner aux sources du rire. Qu’est ce qui fait rire l’enfant ? Comment ce rire puéril va-t-il évoluer ? Qu’est ce qui doit s’y transformer pour amener nos adolescents postmodernes à s’esclaffer ? Que faut-il ajouter pour que cette tranche d’humour se préserve chez l’adulte au-delà des drames qu’il traverse ? Revenus aux origines, nous poursuivrons ce voyage au cœur du rire en envisageant ce que les théories philosophiques, psychologiques et sociologiques apportent à la compréhension du fait comique.

Soumettre le comique à des théories qui l’expliquent, c’est sans doute, nous en sommes conscients, une des meilleures manières de le neutraliser. Ces paradigmes sont effectivement rarement désopilants, il est vrai. Mais puisque nous avons décidé de prendre l’humour au sérieux, nous pouvons aussi admettre que l’analyse du rire n’est pas faite pour rigoler. Dans cette optique, nous nous attacherons à développer ci-après une grille d’analyse du comportement comique qui tient compte de l’ensemble de ses composantes et permet d’en évaluer les effets.

L’humour présente cette particularité d’être à la fois très personnel, lié à la culture et fondamentalement universel. À l’intersection de l’histoire individuelle et sociale, marqué par l’appartenance culturelle et nourri d’invariants, le rire implique cette grille de lecture syncrétique qui tient compte de toutes ces dimensions. Ainsi décortiqué, l’humour, nous le verrons, ne se fait pas triste. Il prend cependant sans doute mieux ses distances avec l’ironie, le cynisme ou la moquerie et tout ce cortège de masques que le comique peut prendre dès qu’il s’agit de se montrer malveillant.

Dès qu’il renonce à la bienveillance, l’humour se met effectivement à marcher de travers. Il encombre alors beaucoup plus qu’il ne soulage. Il n’est dès lors plus d’une grande utilité pour le professionnel qui spéculait sur lui pour aider tous ceux qui paraissent embarrassés d’une vie trop pesante à avancer avec plus de légèreté.

Partie 1 Perspective développementale De l’éclat de rire du bébé

Il faut rire avant que d’être heureux, de peur de mourir sans avoir ri.

Jean de La Bruyère

DE L’HUMOUR DE BÉBÉ À L’ENFANCE DU COMIQUE

Acte 1 : la naissance du rire

Les spécialistes de l’humour pour bambins, recherchant les germes du comique, s’accordent d’emblée sur deux caractéristiques essentielles du rire des nouveau-nés :

- Le « rire d’origine » est une construction intersubjective : si le sourire peut être gastrique et solitaire, le rire est nécessairement ludique et interactif.

- Aucun stimulus ne déclenche le rire du bébé dans un environnement insécurisant. Un poupon inquiet, peu en confiance, trouvera inévitablement saumâtres les plaisanteries, même les mieux adaptées, qui lui sont destinées. Rien ne peut y faire : les bébés ne rigolent pas tant qu’ils ne se sentent pas suffisamment en sécurité.

Nous reviendrons plus tard sur ces deux bases fondamentales du rire que nous rappellent les recherches. Pour l’heure il ne s’agit pas seulement de se demander à quelles conditions les nouveau-nés vont soumettre leur environnement avant de consentir à rire mais bien de s’interroger sur ce qui déclenche leur hilarité. Il s’agit en quelque sorte de rassembler ci-après quelques recettes irrésistibles pour faire rire les bébés.

Pour les moins de six mois

Les stimuli kinétiques apparaissent clairement comme les plus efficaces. Si vous souhaitez faire rire un bébé, secouez-le gentiment, bisoutez-le gaiement sur l’abdomen, chatouillez-le en riant ou, si vous êtes plus audacieux, lancez-le légèrement en l’air – il faudra bien sûr dans ce cas précis veiller à le rattraper sous peine de galvauder définitivement toutes vos chances – et vous verrez probablement bébé s’esclaffer. Tous ces stimuli tactiles moteurs permettent habituellement des succès faciles aux papas et aux mamans facétieux.

Toutefois si le poupon est insécurisé parce qu’il vous connaît mal ou que l’ambiance ne s’y prête pas, un conseil : abstenez-vous ou prenez au moins le temps de vous faire connaître. S’il ne se sent pas en sécurité, vos secousses ne feront généralement qu’aggraver son inquiétude. Dans la majorité des cas bébé tirera alors la sonnette des larmes et vous passerez aussitôt pour un piètre amuseur de bambins.

Même chose si vous faites une tête d’enterrement ou si vous êtes peu disposé à jouer. S’il n’est pas convaincu du caractère ludique de l’interaction ou s’il se sent menacé par votre humeur saumâtre, bébé ne vous trouvera pas drôle. Il vous montrera alors à ses dépens le court chemin qui mène du rire aux larmes… et vous vous exposerez à nouveau à un bide retentissant.

Par contre, si vous êtes suffisamment sécurisant et d’humeur assez joyeuse, vous pouvez améliorer vos stimuli kinétiques en les enrobant de petits jeux rituels du style « je vais te manger… » avant un bisou emphatique sur le ventre. Succès garanti ! Vous pouvez aussi lancer le célébrissime « la petite bête qui monte, qui monte, qui monte… » servi en accompagnement de chatouillis. Les mamans le savent bien, bébé apprécie d’autant plus leur forme d’humour en mouvements quand ces mini-rituels contribuent à le rassurer.

C’est sans doute parce que ces rites ludiques jouent pleinement leur rôle qu’ils améliorent l’impression de maîtrise du bébé. C’est en effet une fonction bien connue des rituels d’apprendre à se nourrir du passé pour anticiper l’avenir et ne pas craindre le présent.

Sécurisé par votre humeur enjouée et ce qu’il connaît de vous, bébé saisit très vite le sens de ces rites pour rire. Il comprend rapidement que vous n’allez pas le dévorer et que cette petite bête qui monte appartient à une autre qui l’aime beaucoup trop pour lui vouloir réellement du mal.

L’observation du rire des tout petits enfants permet ainsi de résoudre l’équation des origines du comique. Elle prend la forme de l’addition :

Voilà une formule universelle qui garantit l’hilarité de tous ceux qui peuplent la terre depuis moins de six mois.

Cette racine du rire continue par ailleurs à survivre, sous sa forme puérile, à l’âge adulte. Nous la retrouvons chaque fois que, dans le cadre d’un jeu, nous rions d’être bousculés, bringuebalés ou secoués sans nous être sentis menacés dans notre sentiment de sécurité.

C’est cette forme de rire qui sévit notamment dans les parcs d’attraction à la descente du Splatsch