Mia & Korum: Toute la Trilogie des Chroniques Krinar - Anna Zaires - E-Book

Mia & Korum: Toute la Trilogie des Chroniques Krinar E-Book

Anna Zaires

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Beschreibung

***Cette Trilogie est un best-seller international, une histoire d’amour érotique*** 

Une Sombre Passion. Une Trahison. Du Danger. De l’Amour. 

Dans cinq ans les hommes ne seront plus l’espèce la plus sophistiquée de l’univers. 
La Terre est désormais sous l’empire des Krinars, une belle espèce mystérieuse venue d’une autre galaxie. 

Mia Stalis est une jeune étudiante, plutôt innocente et timide qui n’a jamais eu vraiment de contact avec les envahisseurs, jusqu’au jour où une simple promenade dans Central Park va changer sa vie à jamais. Mia a été remarquée par Korum et elle doit maintenant se confronter à un puissant Krinar doté de dangereux moyens de séduction qui veut la posséder corps et âme… et qui ne reculera devant rien pour devenir son maître.

Des gratte-ciels de New York aux paysages extra-terrestres de Krina, leur passion épique va transformer le monde. 

Attention: voici toute la Trilogie des Chroniques Krinar, Liaisons Intimes, Obsessions Intimes et Souvenirs Intimes, trois romans en texte intégral (270 000 mots).

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MIA & KORUM

Toute la Trilogie des Chroniques Krinar

ANNA ZAIRES

♠ Mozaika Publications ♠

Ceci est un roman. Les noms, les personnages, les lieux et les évènements ont été imaginés par l’auteur ou sont utilisés de manière fictive et toute ressemblance avec des personnes réelles, vivantes ou non, avec des entreprises existantes, des évènements ou des lieux réels est purement fortuite.

Copyright © 2014 Anna Zaires

www.annazaires.com/book-series/francais/

Tous droits réservés.

Aucun extrait de ce livre ne peut être reproduit, scanné ou distribué sous forme imprimée ou sous forme électronique sans la permission expresse de l’auteur sauf pour être cité dans un compte-rendu de presse.

Publié par Mozaika Publications, imprimé par Mozaika LLC.

www.mozaikallc.com

Traduit de l'anglais (États-Unis) par Julie Simonet

Edité par Valérie Dubar

e-ISBN: 978-1-63142-058-0

ISBN: 978-1-63142-059-7

TABLE DES MATIÈRES

Liaisons Intimes

Prologue

Chapitre 1

Chapitre 2

Chapitre 3

Chapitre 4

Chapitre 5

Chapitre 6

Chapitre 7

Chapitre 8

Chapitre 9

Chapitre 10

Chapitre 11

Chapitre 12

Chapitre 13

Chapitre 14

Chapitre 15

Chapitre 16

Chapitre 17

Chapitre 18

Chapitre 19

Chapitre 20

Chapitre 21

Chapitre 22

Chapitre 23

Chapitre 24

Obsessions Intimes

Prologue

Chapitre 1

Chapitre 2

Chapitre 3

Chapitre 4

Chapitre 5

Chapitre 6

Chapitre 7

Chapitre 8

Chapitre 9

Chapitre 10

Chapitre 11

Chapitre 12

Chapitre 13

Chapitre 14

Chapitre 15

Chapitre 16

Chapitre 17

Chapitre 18

Chapitre 19

Chapitre 20

Chapitre 21

Chapitre 22

Chapitre 23

Chapitre 24

Chapitre 25

Épilogue

Souvenirs Intimes

I. Première Partie

Prologue

Chapitre 1

Chapitre 2

Chapitre 3

Chapitre 4

Chapitre 5

II. Deuxième Partie

Chapitre 6

Chapitre 7

Chapitre 8

Chapitre 9

Chapitre 10

Chapitre 11

Chapitre 12

Chapitre 13

Chapitre 14

Chapitre 15

Chapitre 16

III. Troisième Partie

Chapitre 17

Chapitre 18

Chapitre 19

Chapitre 20

Chapitre 21

Chapitre 22

Chapitre 23

Chapitre 24

Chapitre 25

Chapitre 26

Chapitre 27

Chapitre 28

Chapitre 29

Chapitre 30

Chapitre 31

Chapitre 32

Épilogue

Extrait de Twist Me - L’Enlèvement

Extrait du livre de Dima Zales, Le Code arcane

Extrait de Lecteurs de Pensée de Dima Zales

À propos de l’auteur

LIAISONS INTIMES

Les Chroniques Krinar: Volume 1

PROLOGUE

Cinq ans auparavant

― Mr. le Président, tout le monde vous attend.

Le Président des USA leva la tête d’un air las et ferma le dossier posé sur son bureau. Il dormait mal depuis une semaine, préoccupé qu’il était de la détérioration de la situation au Moyen-Orient et de la persistance des problèmes économiques. Ce n’est pas facile d’être président, mais son mandat le confrontait à des tâches toutes plus insurmontables les unes que les autres, et le stress quotidien commençait à altérer sa santé. Il se promit d’aller voir le docteur avant la fin de la semaine. Avec toutes les difficultés qu’il rencontrait, son pays avait besoin d’un président en bonne santé.

Le Président se leva, sortit du bureau ovale et se dirigea vers la salle de commandement. On venait de l’informer que la NASA avait détecté quelque chose de suspect. Il avait espéré qu’il ne s’agissait que d’un satellite égaré, mais étant donné l’urgence avec laquelle le Conseiller de la Sécurité Nationale avait demandé à le rencontrer ce ne devait pas être le cas.

Il salua ses conseillers en entrant dans la pièce et s’assit en se demandant ce qui avait provoqué cette réunion.

Le Ministre de la Défense fut le premier à prendre la parole.

― M. le Président, nous venons de découvrir dans l’orbite de la terre quelque chose qui ne devrait pas s’y trouver. Nous ne savons pas ce que c’est, mais nous avons des raisons de croire qu’il s’agit d’une menace pour notre sécurité. Il se dirigea vers les images projetées sur l’un des six écrans plats qui figuraient sur les murs de la pièce.

― Comme vous le voyez, il s’agit d’un objet de grande taille, plus grand qu’aucun de nos satellites, et on ne sait d’où il vient. Il ne semble pas avoir été lancé de la terre et nous n’avons rien détecté qui s’approche de la terre. Tout se passe comme s’il s’était matérialisé il y a quelques heures de cela.

Sur l’écran on voyait plusieurs images représentant une forme floue, très sombre, sur un arrière-plan sombre lui aussi, mais constellé d’étoiles.

― Qu’en pense la NASA ? demanda calmement le Président en tentant d’analyser diverses possibilités. La NASA devait savoir si les Chinois avaient mis au point de nouveaux satellites et le programme spatial russe n’était plus ce qu’il avait été. La présence de cet objet était tout simplement inexplicable.

― Ils n’en savent rien, répondit le Conseiller de la Sécurité Nationale. Cela ne ressemble à rien de familier.

― La NASA n’a même pas pu formuler la moindre hypothèse ?

― La seule chose qu’elle puisse affirmer avec certitude c’est qu’il ne s’agit pas d’une planète.

C’était donc un vaisseau spatial. Le Président regardait les images avec stupéfaction, refusant d’accorder le moindre crédit à l’idée absurde qui venait de lui traverser l’esprit. Il se tourna vers le Conseiller et lui demanda : avons-nous contacté les Chinois ? Sont-ils informés ?

Le Conseiller ouvrit la bouche pour répondre quand il fut interrompu par un violent éclair lumineux. Aveuglé, le Président cligna des yeux, essaya de retrouver la vue et fut pétrifié d’horreur.

Un homme se tenait entre lui et l’écran qu’il venait de regarder. Un homme de grande taille, musclé, brun aux yeux noirs, et dont le teint olivâtre contrastait avec son costume blanc. Il était là, calme, détendu, alors qu’il venait de pénétrer dans le Saint des Saints du gouvernement des USA.

Ce sont les agents des Services Secrets qui réagirent les premiers, dans l’état de panique qui était le leur ils se mirent à tirer sur l’intrus. Avant que le Président n’ait eu le temps de réagir il se retrouva dos au mur, protégé par le bouclier humain que formaient les agents du Service Secret.

― C’est inutile, dit l’intrus d’une voix grave et bien timbrée. Je ne veux aucun mal à votre président, et si c’était le cas ce n’est pas vous qui pourriez m’en empêcher. Il parlait l’anglais comme un Américain, sans la moindre trace d’accent. Malgré les coups qui l’avaient atteint, il semblait parfaitement indemne et le Président pouvait voir sur le sol les balles inutiles qui avaient été tirées.

Seule l’expérience acquise depuis des années à résoudre les crises qui se présentaient les unes après les autres permit au Président de réagir comme il le fit à ce moment-là.

― Qui êtes-vous ? demanda-t-il d’une voix ferme, sans prêter attention à la terreur et à l’adrénaline qui l’envahissait.

L’intrus se mit à sourire

― Je m’appelle Arus. Nous avons décidé que c’était le moment pour nous de vous rencontrer.

CHAPITREUN

L’air était vif et pur tandis que Mia descendait d’un pas rapide un sentier sinueux de Central Park. Partout, on voyait l’approche du printemps, les arbres encore nus avaient de minuscules boutons et les nounous étaient sorties en masse pour profiter de cette première journée de beau temps avec les enfants turbulents qui leur étaient confiés.

Bizarrement, tout avait changé depuis quelques années et pourtant tout était identique. Si dix ans plus tôt on avait demandé à Mia à quoi ressemblerait la vie après une invasion d’extra-terrestres, ce n’est pas du tout ce qu’elle aurait imaginé. Les films ‘Independance Day’ ou ‘La Guerre des Mondes’ étaient à des lieux de montrer ce qui se passe réellement quand une civilisation plus sophistiquée prend le dessus. Il n’y avait eu ni combat ni résistance du gouvernement parce qu’ils les avaient rendus impossibles. Rétrospectivement, il sautait aux yeux que ces films étaient idiots. Les engins nucléaires, les satellites et les avions de combat étaient aussi primitifs que des pierres et des bouts de bois. Mia aperçut un banc vide près du lac et s’y dirigea avec plaisir, ses épaules se ressentaient du poids de son sac à dos où elle avait mis son volumineux ordinateur portable – elle l’avait depuis 12 ans – ainsi que ses livres, imprimés sur papier comme autrefois. Elle avait beau avoir 20 ans, parfois elle se sentait déjà vieille, et comme dépassée par un monde nouveau sans cesse en évolution, un monde de tablettes fines comme du papier à cigarette et de montres qui servaient de téléphones portables. Depuis le jour K, le rythme des progrès technologiques ne s’était pas ralenti ; en fait de nombreux nouveaux gadgets avaient été influencés par ceux des Krinars. Non pas que les Krinars partageaient allègrement leur précieux savoir technologique ; de leur point de vue, leur petite expérience devait se poursuivre sans la moindre interruption.

Mia ouvrit la fermeture éclair de son sac et en sortit son vieux Mac. Il était lourd et lent, mais il fonctionnait encore et Mia, comme tous les étudiants désargentés, ne pouvait rien s’offrir de mieux. Une fois en ligne elle ouvrit une page vierge sur Word et se prépara à rédiger sa dissertation de sociologie, une véritable torture.

Après 10 minutes sans avoir écrit un seul mot elle s’arrêta. De qui se moquait-elle ? Si elle voulait vraiment s’y mettre, il ne fallait pas venir au parc ; évidemment c’était tentant de se donner l’illusion de pouvoir profiter du grand air et travailler, mais elle n’avait jamais été capable de faire les deux en même temps. Pour ce genre d’effort intellectuel, une vieille bibliothèque poussiéreuse lui convenait bien mieux.

En son for intérieur Mia se reprocha d’être aussi paresseuse, soupira et commença à regarder autour d’elle au lieu d’essayer de travailler. Elle ne se lassait jamais de regarder les gens à New York.

La scène lui était familière, comme elle s’y attendait il y avait le clochard de service sur un banc voisin (Dieu merci ce n’était pas le banc le plus proche parce qu’il avait l’air de sentir le fauve) et deux nounous bavardaient en espagnol en promenant tranquillement leurs landaus. Un peu plus loin, une jeune fille faisait du jogging, ses reeboks roses offrant un joli contraste avec son survêtement bleu. Mia suivit la joggeuse des yeux avant qu’elle ne disparaisse. Elle admirait sa condition physique. Elle avait un emploi du temps tellement chargé qu’elle n’avait pas beaucoup de temps pour faire du sport et elle se disait qu’elle n’aurait pas pu suivre cette jeune fille à ce rythme pendant plus d’un kilomètre.

À sa droite, elle voyait le Pont Bow au-dessus du lac. Un homme était penché sur le parapet et regardait l’eau. Son visage était tourné de l’autre côté si bien qu’elle ne pouvait voir qu’une partie de son profil. Et pourtant il y avait quelque chose en lui qui attira l’attention de Mia.

Elle n’arrivait pas à savoir de quoi il s’agissait. Il était vraiment grand et semblait costaud sous l’imperméable élégant qu’il portait, mais ce n’était pas ce qui l’intriguait. Les hommes grands, beaux et bien habillés ne manquent pas à New York, la ville regorge de top-modèles. Non, il y avait autre chose. Peut-être son attitude, parfaitement immobile, ne faisant aucun geste inutile. Ses cheveux bruns brillaient dans la vive lumière ensoleillée de l’après-midi, sa frange se soulevait légèrement dans la brise douce du printemps.

Et puis il était seul.

― Eh bien ! voilà, pensa Mia. D’habitude, il y avait toujours du monde sur ce joli pont, mais là, il était seul ; pour une raison qui lui échappait, tous semblaient l’éviter. En fait, à part elle et le clochard qui sentait sans doute mauvais, tous les bancs au bord de l’eau, d’habitude si recherchés, étaient vides.

Comme s’il avait senti qu’elle le regardait, l’homme qui faisait l’objet de son attention tourna lentement la tête et la regarda droit dans les yeux. Avant d’avoir compris ce qui se passait elle sentit son sang se glacer, elle était pétrifiée et incapable de détourner son regard de ce prédateur qui semblait maintenant, lui aussi, la regarder avec intérêt.

Respire, Mia, respire !

Une voix enfouie en elle, une petite voix raisonnable n’arrêtait pas de le lui répéter. Et cette même part d’elle-même, bizarrement objective, remarquait la symétrie du visage de cet homme, sa peau bronzée tendue sur ses pommettes saillantes et sa mâchoire solide. Elle avait vu des Ks en photo et sur des vidéos, ni les unes ni les autres ne leur rendaient vraiment justice. La créature qui ne se tenait guère qu’à une dizaine de mètres d’elle était tout simplement extraordinaire.

Alors qu’elle continuait de le regarder fixement, toujours pétrifiée, il se redressa et fit quelques pas dans sa direction. Ou plutôt, il bondit vers elle, lui sembla-t-il, ressemblant à un félin qui s’approche légèrement d’une gazelle. Ce faisant, il ne la quittait pas des yeux. Quand il se rapprocha, elle distingua de petits éclats jaunes dans ses yeux d’or pâle ainsi que ses longs cils épais.

Elle s’aperçut avec un mélange d’horreur et d’incrédulité qu’il s’était assis sur le banc à quelques centimètres d’elle et qu’il lui souriait en montrant ses dents blanches. Pas de crocs, lui dit la part de son cerveau qui fonctionnait encore, rien qui puisse y ressembler. Encore un mythe à leur sujet, tout comme leur soi-disant horreur du soleil.

― Comment vous appelez-vous ? La question avait presque été posée comme un ronronnement. Cette créature avait la voix basse et douce, pratiquement sans le moindre accent. Ses narines se soulevaient légèrement comme s’il sentait son parfum.

― Heu... Mia avala sa salive avec nervosité. M-Mia.

― Mia, répéta-t-il lentement, semblant prendre plaisir à dire son nom. Mia comment ?

― Mia Stalis. Merde alors, pourquoi voulait-il savoir son nom ? Et pourquoi était-il là, en train de lui parler ? Et qui plus est, que faisait-il à Central Park, si loin de l’un des Centres K ? Respire, Mia, respire !

― Détendez-vous donc Mia Stalis !

Il sourit de toutes ses dents, et une fossette apparut sur sa joue gauche. Une fossette ? Les K avaient donc des fossettes ?

― Vous n’avez donc encore jamais rencontré l’un d’entre nous ?

― Non, jamais Mia poussa un grand soupir et s’aperçut qu’elle avait retenu son souffle. Malgré tout son trouble, sa voix ne tremblait pas trop et elle en fut fière. Devrait-elle l’interroger, souhaitait-elle savoir ? Elle prit son courage à deux mains.

― Et que… – une fois de plus elle avala sa salive – que voulez-vous de moi ?

― Juste parler, pour le moment. Il plissait légèrement ses yeux dorés, elle avait l’impression qu’il était sur le point de se moquer d’elle. Bizarrement, elle en fut assez agacée pour sentir sa peur s’atténuer. S’il y avait une chose à laquelle Mia était très sensible, c’était la moquerie. Mia était de petite taille, très mince, mal à l’aise avec les autres comme toutes les jeunes filles qui ont dû supporter le désagrément d’avoir eu un appareil dentaire, des cheveux frisés et des lunettes pendant leur adolescence. C’était un véritable cauchemar de faire sans cesse l’objet des moqueries des uns et des autres. Elle releva la tête avec agressivité.

― Alors d’accord, comment vous appelez-vous ?

― Moi, c’est Korum.

― Korum tout court ?

― Contrairement à vous, nous n’avons pas vraiment de nom de famille. Le mien est tellement long que vous n’arriveriez pas à le prononcer si je vous le disais.

Voilà qui était intéressant. En l’entendant, elle se souvenait avoir lu quelque chose à ce sujet dans le New York Times. Jusqu’ici, tout allait bien. Ses jambes ne tremblaient plus, sa respiration s’était calmée. Elle arriverait peut-être à s’en sortir saine et sauve ? Elle se sentait relativement en sécurité en parlant avec lui, bien qu’il ait continué de la dévisager fixement de ses yeux jaunâtres qui la mettaient mal à l’aise.

― Et que faites-vous ici, Korum ?

― Je viens de vous le dire, un brin de causette avec vous, Mia. Il y avait encore un soupçon de moquerie dans sa voix.

Mia se sentit frustrée, elle poussa un nouveau soupir.

― Ou plutôt que faites-vous ici à Central Park ? Et que faites-vous à New York ?

Il sourit une nouvelle fois en penchant la tête légèrement de côté.

― Disons que j’espérais rencontrer une jolie jeune fille aux cheveux bouclés.

Bon, ça suffisait maintenant. Il était clair qu’il se moquait d’elle. Maintenant qu’elle avait un peu repris ses esprits, elle s’aperçut qu’ils étaient là, au beau milieu de Central Park, et devant des millions de témoins. Elle jeta un coup d’œil discret autour d’elle pour en avoir le cœur net. Eh oui, elle avait raison, bien que les gens s’écartent du banc où elle se trouvait avec cet extra-terrestre, plus loin sur le chemin les plus courageux les regardaient fixement. Il y avait même un couple qui les filmait, sans prendre trop de risque, avec la caméra qu’ils avaient au poignet. Si le K devenait trop entreprenant avec elle, en un clin d’œil les images seraient sur YouTube, il le savait bien. Mais comment savoir s’il s’en moquait ou pas ?

Cependant étant donné qu’elle n’avait jamais vu de vidéos où des étudiantes se faisaient agresser par des Ks au beau milieu de Central Park, elle était relativement en sécurité ; Mia prit son ordinateur portable avec précaution et le remit dans son sac à dos.

― Laissez-moi vous aider, Mia.

Avant même qu’elle ne puisse réagir, elle le sentit s’emparer de tout le poids de l’ordinateur, il le prit des mains de Mia devenues inertes et elle sentit alors qu’il lui touchait le bout des doigts. Ce contact provoqua en elle comme une légère décharge électrique et un frémissement nerveux la suivit aussitôt.

ll attrapa son sac à dos et y mit l’ordinateur portable, chacun de ses gestes était précis, doux et d’une grande souplesse.

― Eh bien ! voilà, tout va bien mieux maintenant.

Mon Dieu, il venait de la toucher. Peut-être avait-elle tort de penser qu’on était en sécurité dans les lieux publics. De nouveau, elle sentit sa respiration s’accélérer et son cœur battre la chamade.

― Il faut que j’y aille maintenant, au revoir !

Elle se demanderait toujours comment elle avait réussi à parler sans s’étrangler de terreur. Elle saisit les sangles de son sac à dos qu’il venait de poser par terre et se leva d’un bond, en remarquant au passage qu’elle avait retrouvé l’usage de ses jambes.

― Au revoir, Mia. Et à bientôt !

En partant, elle entendit sa voix légèrement moqueuse qui portait loin – l’air du printemps était si pur –, elle avait tellement hâte d’être loin de lui qu’elle courait presque.

CHAPITREDEUX

― Merde alors ! Ce n’est pas possible ! Tu plaisantes ? Dis-moi tout ce qui s’est passé, dans les moindres détails ! Sa colocataire trépignait presque d’excitation.

― Mais je viens de te le dire… J’ai rencontré un K dans le parc. Mia se frottait les tempes, tout autour du crâne elle sentait encore la tension provoquée par la montée d’adrénaline. Il s’est assis sur le banc voisin et m’a parlé une minute ou deux. Ensuite, je lui ai dit que je devais partir et c’est ce que j’ai fait.

― Et voilà ? Mais qu’est-ce qu’il te voulait ?

― Je n’en sais rien. Je lui ai posé la question, il m’a dit qu’il voulait seulement parler avec moi.

― C’est ça, et bientôt les poules auront des dents. Jessie n’y croyait pas davantage que Mia. Mais sérieusement, il n’a pas essayé de boire ton sang ou quelque chose de ce genre ?

― Mais non, il n’a rien fait. Si ce n’est lui effleurer la main pensa Mia. Il m’a seulement demandé mon nom et il m’a dit le sien.

― Il t’a dit son nom ? Et comment s’appelle-t-il ? lui demanda Jessie, les yeux exorbités de stupéfaction

― Korum.

― Évidemment, Korum le K, c’est logique. L’humour de Jessie se manifestait souvent dans les moments les plus inattendus. Le ridicule de sa remarque les fit ricaner toutes les deux.

― Et tu t’es tout de suite aperçu que c’était un K ? À quoi ressemblait-il ? Jessie avait repris son sérieux et poursuivait son interrogatoire.

― Oui, je m’en suis aperçue tout de suite. Mia pensait au moment où elle l’avait remarqué pour la première fois. Comment avait-elle deviné son identité ? Était-ce d’instinct, grâce à sa capacité à reconnaître un prédateur quand elle en rencontrait un ?

― Je me demande si ce n’était pas ses mouvements. C’est difficile à dire. Des mouvements qui n’avaient rien d’humain. Il ressemblait beaucoup aux K que l’on voit à la télévision, grand, beau, de cette beauté particulière qui est la leur, avec des yeux étranges, presque jaunes.

― Oh la la, j’ai du mal à y croire. Jessie arpentait la pièce. Et comment t’a-t-il parlé ? À quoi ressemblait le son de sa voix ?

Mia soupira.

― La prochaine fois que je serai poursuivie dans le parc par un extra-terrestre, je n’oublierai pas mon magnétophone. Promis.

― N’exagère pas. Toi aussi tu voudrais tout savoir si tu étais à ma place.

C’est vrai, Jessie avait raison. Mia soupira de nouveau et raconta tout ce qui s’était passé à sa colocataire, en n’omettant rien si ce n’est ce moment où il lui avait effleuré les doigts. Bizarrement, la manière dont il l’avait touchée et celle dont elle avait réagi lui semblait trop intime pour en parler.

― Alors tu lui as dit au revoir et il t’a dit à bientôt ? Mon Dieu, tu comprends ce que ça veut dire ? Au lieu de satisfaire la curiosité de Jessie lui raconter l’histoire en détail l’excitait de plus en plus, Mia avait l’impression qu’elle allait se mettre à sautiller.

― Non, qu’est-ce que ça veut dire ? Mia se sentait lasse et à bout. Cette conversation lui rappelait l’impression qu’on a après un entretien d’embauche ou un examen, quand on meurt d’envie de laisser se reposer son esprit surmené. Avant de tout raconter à Jessie, elle aurait peut-être mieux fait d’attendre le lendemain et de s’être un peu reposée.

― Il veut te revoir !

― Quoi ? Et pourquoi donc ? Mia sentit sa fatigue s’évanouir, remplacée par un flot d’adrénaline qui revenait de nouveau en elle. Mais non, il l’a dit comme ça ! Sans y penser ! L’anglais n’est même pas sa langue maternelle ! Pourquoi donc voudrait-il me revoir ?

― Mais tu as dit qu’il te trouvait jolie…

― Pas du tout ! J’ai dit qu’il avait dit qu’il était là pour rencontrer 'une jolie jeune fille bouclée'. Il se moquait de moi, je suis certaine que c’était une manière de se jouer de moi… Il devait s’ennuyer dans le parc alors il a décidé de venir me parler. Pourquoi un K s’intéresserait-il à moi ? Mia jeta un coup d’œil désapprobateur au miroir, elle portait de vieilles chaussures, un jean usé et un pull trop grand qu’elle avait trouvé en soldes à Century 21.

― Mia, je te l’ai déjà dit, tu sous-estimes toujours ton pouvoir de séduction.

Jessie parlait d’un ton sérieux, comme elle le faisait toujours quand elle souhaitait encourager Mia à prendre davantage confiance en elle-même.

― Tu es vraiment mignonne, avec tous tes cheveux bouclés, et en plus tu as de très beaux yeux, ce n’est pas commun d’avoir les yeux bleus avec des cheveux aussi noirs que les tiens…

― Je t’en prie, Jessie, Mia fit la grimace, pour un K beau comme lui il ne suffit pas d’être mignonne ; et puis tu es mon amie, c’est normal que tu me dises des gentillesses.

Du point de vue de Mia celle qui était jolie c’était Jessie. Bien faite, athlétique, avec ses longs cheveux bruns, son teint éclatant et sa peau mate, Jessie était la jeune fille dont rêvent tous les hommes, surtout s’ils aiment le type asiatique. Jessie, que Mia connaissait maintenant depuis trois ans, avait été cheerleader et sa personnalité correspondait à son apparence. Mia se demanderait toujours comment elles avaient pu devenir aussi proches, jusqu’à l’âge de dix-huit ans elle avait toujours été tellement mal à l’aise avec les autres. Quand elle y repensait, Mia se souvenait à quel point elle avait été perdue et dépassée par les évènements quand elle était arrivée dans cette grande ville, elle qui avait passé toute sa vie jusqu’ici dans une petite ville de Floride. L’université de New York avait été la plus prestigieuse de celles qui avaient accepté sa candidature, et sa bourse d’études s’avéra plus conséquente que prévu, ce qui avait réjoui ses parents. Mia, quant à elle, avait été plutôt réticente à l’idée d’aller faire ses études dans l’Université d’une grande ville où il n’y avait pas de campus. Quand elle avait posé sa candidature pour faire des études supérieures, un processus hautement compétitif, elle avait envoyé des dossiers aux quinze meilleures universités et n’avait reçu que des refus ou des bourses insuffisantes. À l’époque, les parents de Mia n’avaient même pas pris en considération les universités de Floride toutes proches, la rumeur courait que les Ks allaient installer un Centre en Floride et ils ne voulaient pas qu’elle reste sur place si cela devait arriver. Ce qui n’avait pas été le cas, ils s’étaient finalement installés en Arizona et au Nouveau-Mexique. Mais à ce moment-là, c’était trop tard. Mia avait commencé son second semestre à NYU, rencontré Jessie et petit à petit, elle était tombée amoureuse de New York et de tout ce que la ville pouvait lui offrir.

Le tour qu’avaient pris les évènements était vraiment bizarre. Il n’y avait pas si longtemps – cinq ans seulement ! – les êtres humains croyaient avoir le monopole de l’intelligence dans l’univers. Évidemment, il y avait toujours eu quelques excentriques qui prétendaient avoir vu des ovnis et même des campagnes scientifiques officielles pour savoir si une vie extra-terrestre était possible. Mais on n’avait alors aucun moyen de savoir si une vie, quelle qu’elle soit – même sous la forme d’organismes monocellulaires – pouvait exister sur d’autres planètes. Par conséquent, la plupart des gens pensaient que les êtres humains constituaient une espèce spéciale, unique, et que l’homo sapiens était l’aboutissement du développement et de l’évolution des espèces. Et maintenant, tout ceci semblait absurde, tout comme au Moyen Âge quand les gens pensaient que la terre était plate et que la lune et les étoiles tournaient autour d’elle... Dans la seconde décennie du XXIe siècle, quand les Krinars arrivèrent, ils remirent en cause tout ce que les scientifiques croyaient savoir sur la vie et sur ses origines.

― Je te le répète, Mia, tu dois certainement lui plaire ! le ton insistant de Jessie interrompit la rêverie de Mia.

Soupirant, Mia accorda à nouveau son attention à sa colocataire.

― Je n’en crois pas un mot. Et d’ailleurs, même si c’était le cas, que me voudrait-il ? Nous n’appartenons pas à la même espèce. Ce serait terrifiant d’imaginer que je lui plais… Que me voudrait-il ? Me sucer le sang ?

― Il n’y a aucune preuve, ce ne sont que des rumeurs. On n’a jamais annoncé officiellement que les Krinars buvaient le sang humain. Jessie semblait étrangement optimiste. Mia vivait d’une manière tellement solitaire qu’elle souhaitait la voir rencontrer quelqu’un et qu’elle ne serait pas regardante sur son espèce.

― Il n’y a pas de fumée sans feu. Ce sont des vampires, Jessie. Peut-être pas comme Dracula, mais tout le monde sait que ce sont des prédateurs. Sinon pourquoi auraient-ils installé leurs Centres loin de tout ? Si ce n’est pour y agir à leur guise sans que personne sache quoi que ce soit.

― D’accord, si tu veux. Jessie s’était calmée, elle s’assit sur son lit. Tu as raison, ce serait terrifiant s’il avait vraiment l’intention de te revoir. Mais quelquefois, c’est amusant de faire semblant de croire que ce sont des humains venus d’une autre planète, des hommes extraordinairement beaux, et non pas des créatures mystérieuses appartenant à une espèce complètement différente de la nôtre.

― Je sais, c’est vrai qu’il était extraordinairement beau.

Les deux jeunes filles se regardèrent d’un air entendu.

― Si seulement c’était un homme...

― Il faut toujours que tu cherches la petite bête, Mia, je n’arrête pas de te le répéter.

Jessie secouait la tête comme si elle lui faisait des reproches et prenait son ton le plus sérieux. Mia la regarda d’un air incrédule et elles éclatèrent toutes les deux de rire.

Mia eut un sommeil agité cette nuit-là, elle se repassait en boucle la scène de leur rencontre. Dès qu’elle réussissait à s’endormir, elle revoyait ces yeux moqueurs couleur d’ambre et sentait cette décharge électrique sur sa peau. Elle fut gênée de constater que son inconscient allait plus loin encore, rêvant qu’il lui touchait la main. Dans son rêve ce geste la faisait frissonner toute entière, la consumant de l’intérieur. Puis il glissait sa main sous son bras, l’enlaçant et l’attirait vers lui, l’hypnotisant du regard en se penchant vers elle pour l’embrasser. Le cœur s’emballant, Mia fermait les yeux et se penchait vers lui à son tour, sentant la douceur de ses lèvres toucher les siennes, envoyant à travers tout son corps de douces vagues de chaleur.

À son réveil, Mia sentit que son cœur battait toujours aussi fort dans sa poitrine et une douce chaleur se répandait lentement entre ses jambes. Il était cinq heures du matin, elle avait à peine dormi ces cinq dernières heures. Merde alors, pourquoi une brève rencontre avec un extra-terrestre avait-elle un tel effet sur elle ? Jessie avait sans doute raison, elle devrait sortir davantage et rencontrer plus de garçons. Depuis trois ans, avec l’encouragement de Jessie, Mia s’était en grande partie débarrassée de sa timidité et de sa gaucherie d’antan. Pour son bac, ses parents lui avaient offert une opération au laser pour corriger sa vue et grâce à l’appareil qu’elle avait porté elle avait désormais un beau sourire et de belles dents bien régulières. Quand elle allait à une soirée où elle connaissait quelques invités elle n’était plus mal à l’aise et après un verre ou deux elle trouvait même le courage de danser. Elle avait été déçue par les quelques flirts de ces derniers mois. Elle ne savait même plus quand un garçon l’avait embrassée pour la dernière fois. C’était peut-être l’année dernière, cet étudiant en biologie qui était sympa ? Sans savoir pourquoi, il n’y avait jamais eu d’étincelles entre Mia et aucun de ceux qu’elle avait rencontrés et admettre qu’elle était encore vierge à vingt-et-un ans l’embarrassait beaucoup.

Heureusement, Jessie et elle ne partageaient plus la même chambre depuis qu’elles avaient trouvé un appartement d’une seule, qui pouvait être converti en deux chambres, au prix raisonnable – pour New York – de 2380 dollars par mois. Avoir une chambre pour elle toute seule lui donnait un certain degré de liberté et d’intimité qui était bien agréable dans une situation comme celle-ci.

Mia alluma sa lampe de chevet, regarda autour d’elle pour s’assurer que la porte de sa chambre était bien fermée. Elle ouvrit le tiroir de sa table de nuit et en sortit une boîte qui était d’habitude tout au fond du tiroir, derrière sa crème de nuit, sa lotion pour les mains et son aspirine. Elle l’ouvrit soigneusement et en sortit le petit vibromasseur aux oreilles de lapin que sa sœur aînée lui avait offert en guise de plaisanterie. Marisa le lui avait donné quand elle avait eu son bac en ajoutant en riant qu’elle devrait s’en servir – chaque fois qu’elle en aurait envie et éviter ainsi tous ces étudiants en chaleur qui rôdent dans les grandes villes.

En entendant ces conseils, Mia avait rougi et s’était mise à rire, mais le cadeau n’avait pas été inutile. Parfois, au cœur de la nuit, quand sa solitude lui pesait trop, Mia avait joué avec le petit lapin qui lui avait permis de découvrir son corps et d’apprendre à jouir pour de bon.

Elle appuya le vibromasseur sur son clitoris, ferma les yeux et retrouva les sensations que lui avait données son rêve. En accélérant le mouvement du jouet, elle laissa libre cours à son imagination, voyant les mains du K parcourir son corps et ses lèvres, l’embrasser, la caresser, la toucher au plus intime d’elle-même, jusqu’à ce que la tension tapie en boule au plus profond d’elle s’intensifie encore pour exploser et envoyer son plaisir brûlant jusqu’à la pointe de ses pieds.

Le lendemain matin quand Mia se réveilla le ciel était gris et couvert. Elle prit son téléphone pour consulter la météo et poussa un gémissement. 90 % de risque de pluie, 7 ou 8°. Juste ce dont elle avait besoin alors qu’elle devait finir son devoir de sociologie ! Tant pis, pourvu qu’elle arrive à la bibliothèque avant qu’il ne pleuve.

Elle se leva d’un bond, mit son jogging le plus confortable, un tee-shirt à manches longues et un grand pull à capuche qu’elle avait acheté en Europe pendant un voyage scolaire. Elle s’habillait toujours ainsi pour étudier et écrire ses devoirs, et c’était toujours aussi peu seyant depuis ses premières révisions d’algèbre quand elle était en seconde. Comme elle n’avait malheureusement pas changé ni en poids ni en taille depuis l’âge de 14 ans, ces vêtements lui allaient toujours.

Après s’être rapidement brossé les dents et lavé le visage, Mia se regarda dans le miroir d’un œil critique. Elle y vit son visage pâle avec quelques taches de rousseur. C’étaient sans doute ses yeux qu’elle avait de mieux. Ils étaient d’un singulier gris-bleu qui offrait un beau contraste avec ses cheveux sombres. Mais ses cheveux, c’était une autre histoire ! Ses boucles en tire-bouchon ne pouvaient être apprivoisées qu’à condition de passer une heure à les lisser soigneusement au lisseur. Mais ayant l’habitude de s’endormir avec les cheveux mouillés, elle se réveillait toujours avec une tignasse rebelle, comme ce matin. Elle poussa un profond soupir et les attacha sans vergogne en une grosse queue de cheval. Bientôt, quand elle aurait un vrai boulot elle irait peut-être dans un de ces salons de coiffure de luxe demander un traitement pour les défriser. Mais pour le moment, étant donné qu’elle ne pouvait pas se permettre de perdre une heure chaque matin à se coiffer, Mia avait décidé qu’il fallait s’y résigner. Il était temps d’aller à la bibliothèque. Mia attrapa son sac à dos et son ordinateur portable, mit ses baskets et sortit de son appartement. En bas des cinq étages, elle sortit du bâtiment sans remarquer la peinture qui s’écaillait sur les murs et les quelques punaises qui affectionnaient le voisinage du vide-ordure. C’était à cela que ressemblait la vie des étudiants à New York et Mia avait bien de la chance d’avoir un appartement à peu près abordable tout près du campus. À Manhattan, les prix de l’immobilier n’avaient jamais été aussi hauts. Deux ans après l’invasion, le prix des appartements s’était effondré à New York et dans toutes les grandes villes du monde. Comme l’esprit des gens était encore hanté par les films sur l’invasion des extra-terrestres, ils s’imaginèrent qu’ils ne seraient pas en sécurité en ville et partirent à la campagne quand c’était possible. Les familles qui avaient des enfants, déjà rares à Manhattan, quittèrent la ville en masse et se dirigèrent vers les endroits les plus reculés qu’elles purent trouver. Cette migration fut encouragée par les Ks parce qu’elle atténuait la pollution dans les villes et aux alentours. Bien sûr, les gens qui étaient partis réalisèrent vite qu’ils avaient fait une bêtise puisque les Ks ne voulaient pas être dans les grandes villes des humains et installèrent leurs Centres dans les zones les plus chaudes et les moins peuplées du globe. Alors, à Manhattan les prix remontèrent de plus belle et quelques chanceux firent fortune en achetant des propriétés à bas prix au moment de la crise. Et maintenant, plus de cinq ans après le Jour K, comme on appelait le premier jour de l’invasion des Krinars, les loyers de New York étaient plus élevés que jamais.

J’en ai de la chance, pensait Mia avec une légère irritation. Si elle avait eu deux ans de plus, le loyer de son appartement actuel aurait été deux fois moins cher. Bien entendu, on pouvait également discuter des avantages d’être diplômé l’année prochaine au lieu de terminer ses études pendant la Grande Panique, les mois terribles qui avaient immédiatement suivi l’invasion de la Terre.

Mia s’arrêta dans un snack-bar de son quartier et y commanda un bagel toasté – au pain complet, le seul que l’on trouvait désormais – à l’avocat et à la tomate. Elle soupira au souvenir des délicieuses omelettes au bacon, champignons et fromage que sa maman préparait. Maintenant, les champignons étaient le seul ingrédient de la recette qu’une étudiante pouvait encore acheter. La viande, le poisson, les œufs et les produits laitiers étaient devenus inabordables, réservés aux grandes occasions, comme l’étaient autrefois le foie gras et le caviar. C’était l’un des principaux changements introduits par les Krinars. Ils avaient décidé que le régime alimentaire habituel du monde développé au XXIe siècle était nuisible aux humains et à leur environnement. Ils avaient fermé les principales entreprises agroalimentaires, obligeant les producteurs de viande et de produits laitiers à se reconvertir dans les fruits et légumes. Seules quelques petites fermes élevaient encore des animaux pour les repas de fête. Les écologistes et les militants pour les droits des animaux avaient été ravis de ces décisions et le taux d’obésité des USA ressemblait à celui du Vietnam. Évidemment, les conséquences économiques avaient été dramatiques, de nombreuses entreprises avaient fermé leurs portes et il y avait eu des pénuries de vivres pendant la Grande Panique. Plus tard, quand on découvrit que les Krinars avaient des tendances de vampires – sans pouvoir le prouver officiellement – les activistes d’extrême droite avaient prétendu qu’ils n’avaient voulu changer le régime des humains que pour leur donner un sang plus agréable en bouche. Quoi qu’il en soit, la majorité de la nourriture que l’on pouvait désormais acheter à un prix abordable était bonne pour la santé, mais peu appétissante.

― Parapluies à vendre, achetez un parapluie !

Un homme mal habillé se tenait au coin de la rue et faisait de la réclame avec un fort accent du Moyen-Orient.

― Cinq dollars le parapluie !

Effectivement, moins d’une minute plus tard la bruine commença à tomber. Une fois de plus Mia se demanda si les petits vendeurs ambulants avaient un sixième sens qui leur faisait deviner qu’il allait pleuvoir. On avait toujours l’impression qu’ils apparaissaient justes avant que la première goutte ne tombe, même quand la météo n’avait pas annoncé de pluie. Il aurait été tentant d’acheter un parapluie pour rester au sec, mais Mia n’était qu’à quelques pâtés de maisons de la bibliothèque et il ne pleuvait pas assez fort pour justifier une dépense supplémentaire de cinq dollars. Elle aurait pu emporter le vieux parapluie qu’elle avait laissé à la maison, mais elle n’aimait jamais s’encombrer.

Mia marchait aussi vite que lui permettait le poids de son sac à dos et quand elle arriva à la West 4th Street, face à la bibliothèque Bobst il se mit à pleuvoir à torrents. Et merde, elle avait eu tort de ne pas acheter de parapluie ! En se faisant d’amers reproches, Mia se mit à courir, ou plutôt à trottiner, ralentie par le poids de son sac à dos, le visage giflé d’une pluie violente. Sa queue de cheval s’était défaite et elle avait les cheveux dans les yeux l’empêchant de voir correctement. Des gens pressés la dépassèrent et des piétons, gênés à la fois par l’averse et par les parapluies des plus chanceux, la bousculèrent. Dans de telles circonstances, elle était toujours gênée par sa petite taille. Un homme beaucoup plus grand qu’elle la heurta et lui donna un coup de coude dans l’épaule. Mia trébucha et son pied glissa dans une fente du trottoir. Elle tomba en avant et se rattrapa sur les mains glissant sur la surface rugueuse.

Tout à coup, elle sentit que quelqu’un la relevait du sol comme si elle ne pesait pas plus qu’une plume et la mettait à l’abri sous un grand parapluie. Mia avait l’impression d’être sale comme un rat mouillé, d’une main écorchée elle essaya de dégager son visage de ses cheveux trempés tout en s’essuyant les yeux. Pour comble d’humiliation, elle se mit à éternuer de toutes ses forces sur celui qui venait de lui venir en aide.

― Oh, Mon Dieu, je suis vraiment désolée ! Mia répéta ses excuses tellement elle était gênée. La pluie lui ruisselait sur le visage et l’empêchait de voir, elle essayait désespérément de s’essuyer le nez avec sa manche mouillée pour ne pas recommencer à éternuer.

― Je suis vraiment désolée, je ne voulais pas vous éternuer dessus comme ça !

― Vous n’avez pas à vous excuser Mia, vous êtes toute mouillée et vous avez froid. Et blessée. Montrez-moi vos mains.

― Ce n’est pas possible !

Mia avait oublié sa gêne et écarquilla les yeux de surprise alors que Korum lui prenait les mains et regardait ses paumes qu’elle s’était écorchées en tombant. Ses mains à lui étaient beaucoup plus grandes que les siennes, extrêmement douces, même s’il la tenait avec une si grande fermeté qu’elle n’aurait pas pu les dégager. Mia était trempée jusqu’aux os et ce jour d’avril était glacé, mais elle avait l’impression de s’embraser comme un buisson ardent tant son corps était pénétré de chaleur à ce contact.

― Il faut soigner ces blessures immédiatement. Vous aurez des cicatrices si ce n’est pas fait correctement. Allez, venez avec moi, nous allons nous en occuper.

Korum lâcha ses poignets, passa son bras autour de sa taille comme si elle était à lui et commença à la ramener dans la direction de Broadway.

― Attendez une seconde… Mia essaya de reprendre ses esprits. Qu’est-ce que vous faites ? Où m’emmenez-vous ? Elle commençait seulement à prendre conscience de l’étendue du danger et elle se mit à frissonner de peur et de froid à la fois.

― Vous grelottez de froid, nous allons nous mettre à l’abri et puis nous allons parler. Dit-il d’un ton sans appel.

Mia jeta un regard terrifié autour d’elle, les passants se hâtaient de se mettre à l’abri de l’averse sans prendre garde à ce qui se passait. Avec un temps pareil, un meurtre en pleine rue serait passé inaperçu, et à plus forte raison les difficultés d’une jeune fille. Elle sentait le bras de Korum autour de sa taille comme un lien d’acier impossible à desserrer et elle fut obligée de le suivre là où il l’emmenait sans pouvoir résister.

― Attendez, je vous en prie, je ne peux pas venir avec vous protesta-t-elle. Poussée dans ses derniers retranchements, un j’ai un devoir à rédiger ! lui échappa.

― Ah vraiment ? Et vous allez l’écrire dans cet état ? Il avait un ton sarcastique et il regardait ses cheveux trempés et ses mains écorchées avec un mélange de condescendance et de tendresse. Vous vous êtes fait mal et vous allez sans doute attraper une pneumonie, avec votre système immunitaire minable. Tout comme il l’avait déjà fait réagir auparavant, elle s’insurgea contre lui. Comment osait-il lui dire qu’elle était minable ! Mia explosa.

― Excusez-moi, mais mon système immunitaire est parfait ! De nos jours, on n’attrape plus de pneumonie en se prenant une averse ! Et d’ailleurs, en quoi cela vous regarde-t-il ? Que vous faisiez là ? Vous me suiviez ?

― Oui, je vous suivais. Il lui répondit d’une voix douce et parfaitement calme.

La colère de Mia retomba aussitôt et elle sentit de nouveau la peur l’envahir. Comme elle avait la gorge sèche, elle avala sa salive et ne parvint qu’à dire d’une voix rauque

― Ppp… pourquoi ?

― Ah, nous y sommes. Une limousine noire était garée au coin de la 4e Avenue et de Broadway. Quand ils se rapprochèrent, les portes s’ouvrirent automatiquement sur un intérieur luxueux couleur crème. Mia crut qu’elle allait s’évanouir. Hors de question qu’elle monte dans une étrange voiture avec un K qui venait d’admettre qu’il la suivait.

Elle s’arrêta net et était sur le point de hurler.

― Mia. Monte. Dans. La. Voiture.

Chacun de ses mots était comme un coup de fouet. Il semblait en colère et ses yeux devenaient de plus en plus jaunes. Sa bouche qui était sensuelle d’habitude avait pris tout à coup une expression de cruauté implacable.

― Ne m’oblige PAS à me répéter.

Mia lui obéit en tremblant comme une feuille. Oh Mon Dieu ! Elle voulait seulement en sortir saine et sauve, quels que soient les desseins du K. Elle ne pensait plus qu’à tous ces terribles récits qu’elle avait entendus sur les envahisseurs et à toutes les visions d’horreur de la Grande Panique. Elle étouffa un sanglot en regardant Korum fermer son parapluie et monter dans la voiture. Les portes se refermèrent.

Korum appuya sur le bouton de l’intercom.

― À la maison, Roger. Il avait retrouvé son calme, ses yeux avaient retrouvé leur brun doré habituel.

― Oui Monsieur. La réponse du chauffeur traversa l’écran qui le dissimulait.

Roger ? Mais c’était un nom d’homme et non pas de Krinar, pensa Mia dans sa détresse. Il pourrait sûrement l’aider, appeler la police de sa part, faire quelque chose. Et pourtant que pourrait faire la police ? Les Ks ne risquaient pas d’être arrêtés, Mia avait l’impression qu’ils étaient au-dessus des lois. Il pouvait donc faire d’elle ce qu’il voulait et personne ne pouvait l’en empêcher. Mia sentit les larmes couler sur son visage déjà mouillé par la pluie. Elle pensait au chagrin de ses parents quand ils apprendraient que leur fille avait disparu.

― Que se passe-t-il ? Vous pleurez ? Il y avait une nuance d’incrédulité dans la voix de Korum.

― Mais quel âge avez-vous donc ? Cinq ans ? Il se rapprocha d’elle, la prit par les épaules et la regarda fixement, le visage presque contre le sien. Quand il la toucha, Mia se mit à trembler de plus belle et à sangloter.

― Chut, voyons, calmez-vous, il n’y a aucune raison de pleurer comme ça. Tout à coup, Mia se retrouva assise sur ses genoux, dans ses bras, son visage pressé contre son large torse. Tout en continuant de sangloter, elle sentit un léger parfum agréable de chemise fraichement lavée mélangé à une odeur très masculine tandis que la main de Korum lui caressait doucement le dos pour la réconforter. C’était lui qui la traitait comme une petite fille de cinq ans qui vient de se faire un bobo, pensa-t-elle à la limite de l’hystérie. Et pourtant, bizarrement, ça marchait. La peur de Mia s’atténua quand il la prit dans ses bras, remplacée par une plus grande lucidité et une sensation de chaleur au plus profond d’elle-même. Avec un étrange détachement, elle s’aperçut que l’adrénaline amplifiait l’attraction comme elle l’avait appris dans un de ces cours de psychologie.

Tout en restant dans ses bras, elle réussit à s’en dégager suffisamment pour voir son visage. D’aussi près, il était encore plus beau. Son teint doré était un petit peu plus sombre que celui de Jessie, il avait une peau parfaite qui donnait une remarquable impression de bonne santé. Ses yeux si lumineux étaient encadrés d’épais cils noirs et de sourcils parfaitement droits, sombres eux aussi.

― Vous allez me faire du mal ? La question lui avait échappé sans qu’elle puisse se contrôler. Son ravisseur laissa échapper un soupir qui ressemblait curieusement à ceux des humains.

― Écoutez-moi bien Mia, je ne vous veux aucun mal… C’est compris ? Il la regarda droit dans les yeux et Mia ne put détourner le regard, elle était hypnotisée par les éclats dorés de ses iris. Je voulais seulement vous mettre à l’abri de la pluie et m’occuper de vos écorchures. Je vous emmène chez moi parce que c’est à côté et que vous pourrez y être soignée par un médecin. Et vous changer. Je ne voulais absolument pas vous faire peur et encore moins vous mettre dans cet état.

― Mais vous avez dit… vous avez dit que vous me suiviez ! Mia le fixa des yeux, complètement perdue.

― C’est vrai, je vous ai suivie parce que vous m’avez intrigué quand je vous ai rencontrée dans le parc et que je voulais vous revoir. Mais pas pour vous faire du mal.

Maintenant, il lui frottait l’avant-bras de haut en bas, doucement, comme s’il voulait calmer un cheval ombrageux.

Avec son aveu, elle sentit une nouvelle vague de chaleur l’envahir. Il venait donc de dire qu’elle lui plaisait ? Le rythme de son cœur s’accéléra de nouveau, mais pour une autre raison. Il y avait autre chose qu’elle avait besoin de comprendre.

― Mais vous m’avez obligée à monter dans la voiture…

― Uniquement parce que vous vous êtes obstinée et que vous refusiez d’entendre raison. Vous étiez trempée, vous aviez froid, je ne voulais pas perdre de temps à discuter sous la pluie alors qu’on pouvait se mettre au chaud dans la voiture qui était à deux pas… Présenté ainsi, il avait l’air d’être un sauveur.

― Là.

Il sortit un mouchoir, essuya soigneusement les larmes qui coulaient encore sur son visage et lui donna un autre mouchoir pour se moucher, la regardant avec amusement lorsqu’elle essaya de le faire le plus discrètement possible.

― Vous vous sentez mieux maintenant ?

Oui, bizarrement, elle était plus calme. Peut-être lui mentait-il, mais dans quel but ? De toute façon, il pouvait faire d’elle ce qu’il voulait, pourquoi perdre son temps à la rassurer ? Quand elle fut débarrassée de sa terreur initiale, Mia se sentit épuisée par l’avalanche d’émotions qu’elle venait de subir. Comme s’il devinait ce qu’elle ressentait, Korum la reprit dans ses bras et serra doucement son visage contre lui. Mia se laissa faire. Curieusement, assise sur ses genoux, sentant son parfum et toute la chaleur de son corps autour d’elle, Mia ressentait un bien-être qu’elle n’avait pas éprouvé depuis longtemps.

CHAPITRETROIS

― Nous y voilà, bienvenue dans mon humble demeure !

Mia regarda tout autour d’elle, bouche bée, elle examinait les baies vitrées qui donnaient sur l’Hudson, les parquets étincelants et le luxueux mobilier de couleur claire. Quelques tableaux contemporains étaient accrochés aux murs et près des fenêtres des plantes vertes ajoutaient une touche de couleur. C’était le plus bel appartement qu’elle ait jamais vu et tout semblait comme chez un humain.

― C’est ici que vous vivez ? demanda-t-elle avec surprise.

― Seulement quand je viens à New York.

Korum déposait son imperméable dans une penderie près de la porte. C’était un geste simple et banal, mais ses mouvements étaient un petit peu trop gracieux pour être ceux d’un être humain. Maintenant qu’il n’avait plus qu’une chemise bleue et un jean, ses vêtements mettaient admirablement en valeur son corps mince et musclé. Mia avala sa salive en s’apercevant que la beauté de l’appartement n’était rien en comparaison de celle de son habitant.

Comment pouvait-il se permettre un tel luxe ? Les Ks étaient-ils donc tous riches ? Quand la limousine était entrée dans le garage du gratte-ciel le plus luxueux du quartier de TriBeCa, Mia avait reçu un choc en entrant dans un ascenseur privé qui les mena directement au vaste appartement du dernier étage. C’était un appartement immense, surtout selon les critères de Manhattan. Occupait-il tout le dernier étage de l’immeuble ?

― Oui, j’occupe tout le dernier étage.

Mia rougit en réalisant qu’elle venait de lui poser cette question à haute voix.

― Heu… c’est vraiment beau chez vous.

― Merci. Venez, asseyez-vous.

Il la conduisit vers un canapé en cuir, de couleur crème évidemment.

― Montrez-moi vos mains.

Mia lui tendit ses paumes de mains en hésitant, se demandant ce qu’il avait l’intention de faire. Allait-il la soigner avec son propre sang comme les vampires le font dans les romans de gare ?

Au lieu de se couper la main ou d’agir comme le ferait un vampire, Korum approcha un petit objet fin de couleur argentée de la main de Mia. Il avait la taille et l’épaisseur des cartes de crédit d’autrefois et semblait complètement inoffensif. Ou du moins il l’était jusqu’à ce qu’il projette une douce lumière rouge sur sa main. Elle n’eut pas mal, elle sentit seulement une chaleur agréable là où la lumière toucha son écorchure. Mia vit la peau se cicatriser sous ses yeux comme une gomme efface une inscription au crayon, et deux minutes plus tard la paume de sa main était complètement guérie, comme si elle n’avait rien eu. Elle toucha prudemment du doigt l’endroit qui avait été écorché, il ne lui faisait plus mal du tout.

― Mais ce n’est pas possible ! Mia laissa échapper son souffle d’un coup, elle ne s’était pas rendu compte qu’elle avait retenu sa respiration plusieurs secondes. Bien sûr, elle savait que les Ks étaient beaucoup plus avancés technologiquement, mais voir de ses propres yeux quelque chose qui s’apparentait à un miracle était un véritable choc.

Puis Korum répéta l’opération sur son autre main. Ces deux paumes étaient maintenant parfaitement guéries, plus la moindre trace d’écorchure.

― Hum… merci de m’avoir soignée. Mia ne savait que dire. Ce qu’il venait de faire, était-ce l’équivalent des sparadraps chez les Ks ou était-ce une opération sophistiquée ? Devrait-elle lui proposer de payer les soins qu’il lui avait prodigués ? Et s’il acceptait, accepterait-il aussi sa mutuelle étudiante ? Arrête Mia ! Tu es complètement ridicule!

― Je vous en prie. Dit-il d’une voix douce, retenant encore délicatement sa main gauche dans la sienne. Maintenant, débarrassons-nous de ces vêtements trempés.

Mia secoua la tête sans y croire. Ce n’était pas possible, il n’avait pas l’intention de…

Mais avant qu’elle n’ait eu le temps de dire quoi que ce soit, Korum poussa un grand soupir d’exaspération.

― Mia, quand je vous ai dit que je n’avais pas l’intention de vous faire de mal j’étais sincère. Et violer une femme, c’est lui faire du mal. Je le précise au cas où vous penseriez qu’il y a une différence culturelle entre nous sur ce point. Maintenant, détendez-vous et cessez de sursauter au moindre mot de ma part.

― Je suis désolée, ce n’est pas ce que je voulais dire. Mia aurait voulu disparaître sous terre. Il était évident qu’il n’avait pas l’intention de la violer. Il ne s’intéressait sans doute pas à elle de cette manière. Pourquoi serait-il attiré par une petite femme maigre et pâlichonne quand il pouvait avoir n’importe laquelle des superbes K du sexe féminin qu’elle avait vues à la télévision ? Il ne lui avait jamais dit qu’elle l’attirait, seulement qu’elle ‘l’intriguait’. Si ça se trouve, il était un savant K qui étudiait l’espèce humaine à New York, et il venait de trouver un cobaye aux cheveux bouclés. Poussant un nouveau soupir Korum se leva élégamment du canapé, chacun de ses gestes était empreint d’une grâce athlétique qui le distinguait des humains.

― Allons, venez avec moi.

Dans sa gêne Mia ne prêta guère attention à l’endroit où elle se trouvait tandis qu’il la menait dans le couloir. Cependant en découvrant l’immense salle de bains où ils étaient arrivés elle laissa échapper une exclamation de surprise.

Le cabinet de douche aux parois de verre était à lui tout seul plus vaste que sa propre salle de bain, et un grand jacuzzi surélevé occupait le centre de la pièce. La salle de bain était entièrement déclinée dans les tons ivoire et gris, une association de couleurs inhabituelles, mais qui s’accordait bien à ce cadre luxueux. Deux des murs étaient couverts de miroirs du sol au plafond ce qui agrandissait encore la pièce et elle remarqua qu’ici aussi il y avait des plantes, deux plantes exotiques aux grandes feuilles rouges qui semblaient beaucoup se plaire dans les coins de la salle de bain, obtenant sans doute assez de lumière par la verrière du plafond.

― C’est pour vous.

Korum avait ouvert l’une des parois de verre et lui tendait une grande serviette de bain couleur ivoire et un peignoir doux et moelleux.

― Vous pouvez prendre une douche bien chaude et mettre ceci, pendant ce temps je vais mettre vos vêtements dans le sèche-linge.

Elle accepta d’un signe de tête, le remercia d’un murmure et le regarda sortir de la pièce et fermer la porte.

Un sentiment irréel l’envahit alors qu’elle regardait fixement tout ce luxe avant-garde qui l’entourait. Rien de ceci n’était réel, elle faisait seulement un rêve et elle allait se réveiller. Ce n’était pas Mia Stalis d’Ormond Beach en Floride qui était là, dans cette salle de bains princière et à qui un K venait de dire de prendre une douche. Un K qui venait en quelque sorte de la kidnapper pour soigner des écorchures sans gravité avec un instrument magique venu d’une autre planète. Peut-être lui suffirait-il de cligner plusieurs fois des yeux et elle se réveillerait dans sa chambre exigüe, dans l’appartement qu’elle partageait avec Jessie ?

Voulant vérifier son hypothèse, Mia ferma les yeux bien fort et les rouvrit. Mais non, elle était toujours là, avec la serviette de bain douillette et le peignoir dans les mains. Si c’était un rêve, c’était vraiment le rêve le plus réaliste qu’elle avait jamais eu. Autant prendre une douche comme il le lui avait dit : maintenant que son excitation commençait à retomber, elle sentait jusque dans la moelle de ses os le froid pénétrant de ses vêtements mouillés.

Elle posa son fardeau sur le bord du profond jacuzzi, alla jusqu’à la porte et la ferma à clef. Évidemment si Korum voulait vraiment entrer ce n’était pas une petite serrure comme celle-ci qui l’en empêcherait. Pendant les premières semaines qui suivirent l’invasion, on avait pu constater l’extraordinaire force des Krinars quand des guérilleros du Moyen-Orient tendirent une embuscade à un petit groupe de Ks, violant ainsi le traité de coexistence qui venait d’être signé. Les images vidéo filmées par un témoin sur son téléphone portable montrèrent des scènes d’horreur dignes d’un film de science-fiction. Le bataillon de Saoudiens, un peu plus d’une trentaine d’hommes, armés de grenades et d’armes d’assaut automatiques, n’avaient pas eu la moindre chance d’en réchapper face aux six Ks désarmés. Même blessés, les extra-terrestres allaient à une vitesse supérieure à celle de n’importe quel être humain, et ils déchirèrent littéralement leurs adversaires à mains nues. Dans une scène particulièrement dramatique, on voyait un K jeter en l’air deux hommes qui hurlaient, il en tenait un dans chaque main et ils furent propulsés à une hauteur qui se révéla plus tard être d’environ deux mètres. Inutile de dire que leur chute fut fatale. L’extrême sauvagerie de ce combat, et de ceux qui suivirent pendant la période de la Grande Panique, stupéfia les humains et donna une certaine crédibilité aux rumeurs de vampirisme qui apparurent quelques mois plus tard. Malgré toute leur sophistication technologique et leur apparente conscience écologique, les Ks pouvaient être aussi brutaux et aussi violents que les vampires des contes et légendes.

Et Mia se retrouvait prisonnière d’un K qui voulait lui soigner une écorchure sans gravité, lui faire prendre une douche dans son luxueux appartement et mettre ses vêtements dans son sèche-linge.

Un rire hystérique lui échappa à cette pensée.

Sans doute préférait-il que sa proie soit propre et parfumée, malgré tout Mia le croyait quand il disait qu’il ne voulait pas lui faire de mal. Et d’ailleurs que pouvait-elle donc faire pour s’en sortir ? Elle ferait mieux de se calmer et de profiter du plaisir de prendre une douche dans un luxe qu’elle n’avait encore jamais goûté de sa vie.