Mon Obsession: Mon Tourmenteur : tome 2 - Anna Zaires - E-Book

Mon Obsession: Mon Tourmenteur : tome 2 E-Book

Anna Zaires

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Beschreibung

Je l’ai enlevée dans la nuit. Je l’ai emprisonnée car je ne peux pas vivre sans elle. Cette femme est mon amour, mon addiction, mon obsession.

Je ferai n’importe quoi pour garder Sara près de moi.

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Mon Obsession

Mon Tourmenteur : tome 2

par Anna Zaires

♠ Mozaika Publications ♠

Table des matières

Partie I

Chapitre 1

Chapitre 2

Chapitre 3

Chapitre 4

Chapitre 5

Chapitre 6

Chapitre 7

Chapitre 8

Chapitre 9

Chapitre 10

Chapitre 11

Chapitre 12

Chapitre 13

Chapitre 14

Chapitre 15

Chapitre 16

Chapitre 17

Chapitre 18

Chapitre 19

Chapitre 20

Partie II

Chapitre 21

Chapitre 22

Chapitre 23

Chapitre 24

Chapitre 25

Chapitre 26

Chapitre 27

Chapitre 28

Chapitre 29

Partie III

Chapitre 30

Chapitre 31

Chapitre 32

Chapitre 33

Chapitre 34

Chapitre 35

Chapitre 36

Partie IV

Chapitre 37

Chapitre 38

Chapitre 39

Chapitre 40

Chapitre 41

Chapitre 42

Chapitre 43

Chapitre 44

Chapitre 45

Chapitre 46

Chapitre 47

Chapitre 48

Chapitre 49

Chapitre 50

Chapitre 51

Chapitre 52

Chapitre 53

Chapitre 54

Extrait de L’Enlèvement

Extrait de Capture-Moi

Extrait de La captive des Krinars

À propos de l’auteur

Ceci est une œuvre de fiction. Les noms, les personnages, les lieux et les incidents sont le produit de l’imagination de l’auteur ou employés de manière fictive, et toute ressemblance avec des personnes réelles, vivantes ou mortes, des sociétés, des événements ou des lieux ne serait qu’une coïncidence.

Dépôt légal © 2018 Anna Zaires & Dima Zales

https://www.annazaires.com/book-series/francais/

Tous droits réservés.

Sauf dans le cadre d’une critique, aucune partie de ce livre ne peut être reproduite, scannée ou distribuée sous quelque forme que ce soit, imprimée ou électronique, sans permission.

Publié par Mozaika Publications, une marque de Mozaika LLC.

www.mozaikallc.com

Traduction : Laure Valentin

Couverture : Najla Qamber Designs

najlaqamberdesigns.com

e-ISBN : 978-1-63142-334-5

ISBN : 978-1-63142-335-2

Partie I

1

Peter

— Ils gagnent du terrain, dit Ilya tandis que le hurlement des sirènes et le grondement des pâles d’hélicoptère se font entendre, de plus en plus fort.

La lumière des voitures, de l’autre côté de l’autoroute, se reflète sur son crâne rasé, créant l’illusion que les tatouages de sa tête dansent, lorsqu’il jette un œil avec inquiétude dans le rétroviseur, en fronçant les sourcils.

— D’accord.

Sans prêter attention à l’adrénaline qui déferle dans mes veines, je resserre le bras autour de Sara afin d’éviter que sa tête ne glisse sur mon épaule. Au même moment, Ilya fait une embardée pour doubler une voiture plus lente. Je m’attendais à ces représailles – on n’enlève pas sans conséquence une femme surveillée par le FBI –, mais maintenant que nous y sommes, je me fais du souci.

Mes trois coéquipiers et moi, nous pouvons parfaitement nous livrer à une course poursuite aussi rapide, mais je ne peux pas mettre ainsi Sara en danger.

Ma décision est prise.

— Ralentis, dis-je à Ilya. Qu’ils nous rattrapent.

Anton se retourne sur le siège passager. Son visage barbu exprime l’incrédulité la plus totale et il agrippe son M16.

— Tu es fou ?

— Nous ne pouvons pas les conduire jusqu’à l’aéroport, souligne Yan, le frère jumeau d’Ilya.

Assis de l’autre côté de Sara, il semble avoir compris mon plan, car il est déjà en train de fouiller dans le grand sac marin que nous avons fourré sous la banquette arrière de notre 4x4.

— Tu crois que les fédéraux savent qu’on la tient ? demande Anton en posant les yeux sur la femme inconsciente affalée contre moi.

J’éprouve un élan de jalousie irrationnelle en voyant son regard noir balayer le visage de Sara, s’attardant plus longuement que nécessaire sur ses lèvres roses charnues.

— Sans doute. Ces types qui la surveillaient sont stupides, mais pas totalement débiles, répond Yan en se redressant, un lance-grenades dans les mains.

À la différence de son frère, il a opté pour une coupe de cheveux classique et une tenue de ville impeccablement repassée – son déguisement de banquier, comme l’appelle Ilya. En général, Yan donne l’impression de ne pas savoir se servir d’une clé à molette, et encore moins d’une arme, et pourtant c’est l’un des individus les plus dangereux que je connaisse – comme le reste de mon équipe.

Si nos clients nous paient des millions, ce n’est pas pour rien, et ça n’a rien à voir avec nos choix vestimentaires.

— J’espère que tu as raison, lance Ilya en resserrant sa poigne autour du volant tout en jetant un nouveau coup d’œil dans le rétroviseur.

Seuls quatre véhicules nous séparent encore des deux 4x4 noirs du gouvernement et des trois voitures de patrouille. Les gyrophares bleus et rouges clignotent tandis qu’ils dépassent les véhicules plus lents.

— Les flics américains sont des tendres. Ils ne prendront pas le risque de nous tirer dessus s’ils savent que nous l’avons.

— Et ils n’ouvriront pas le feu en pleine autoroute, ajoute Yan en enfonçant le bouton pour baisser sa vitre. Trop de civils autour.

— Attends une minute, lui dis-je lorsqu’il s’approche de la vitre, son lance-grenades à la main. L’hélico doit être le plus bas possible au-dessus de nous. Ilya, ralentis un peu et insère-toi sur la voie de droite. Nous prenons la prochaine sortie.

Ilya obéit et nous bifurquons sur la voie lente, notre vitesse retombant sous la limite autorisée. Une Toyota Camry grise nous double à vive allure sur la gauche et je ramène Sara contre moi tout en demandant à Yan de se tenir prêt. Le vacarme de l’hélicoptère est assourdissant – à présent, il est presque suspendu au-dessus de nos têtes –, mais j’attends encore.

Quelques instants plus tard, je l’aperçois.

Le panneau qui annonce la prochaine sortie dans cinq cents mètres.

— Maintenant ! je m’écrie.

Aussitôt, Yan entre en action. Il sort la tête et le torse par la vitre en brandissant son lance-grenades.

Boum ! On dirait que le feu d’artifice le plus impressionnant du monde vient d’éclater au-dessus de nous. Les freins crissent tout autour, mais nous avons déjà emprunté la bretelle et Ilya quitte l’autoroute au moment où l’enfer se déchaîne. Sur les deux voies, les voitures se percutent dans un fracas de tôle froissée, tandis que l’hélicoptère explose en une boule de métal flamboyante.

— Putain ! se récrie Anton en regardant le chaos que nous venons de semer.

Il pleut des morceaux d’hélico en flammes, un énorme camion des magasins Walmart est en train de se renverser, et pas moins d’une dizaine de voitures se sont déjà percutées, tandis que chaque seconde, de nouveaux accidentés viennent grossir le carambolage. Les 4x4 du gouvernement font partie des victimes et les véhicules de patrouille sont pris au piège derrière eux. Maintenant, nos poursuivants n’ont aucun moyen de nous prendre en chasse, et même si je déplore les civils blessés, je sais que c’est notre seule échappatoire.

Le temps qu’ils se rassemblent et envoient d’autres flics à nos trousses, nous serons déjà loin.

Personne ne m’enlèvera Sara.

Elle m’a choisi, et elle reste à moi.

Nous atteignons sans encombre le passage souterrain où nous avons laissé l’autre véhicule. Une fois l’échange effectué, nous respirons plus librement. Je ne doute pas que les fédéraux réussiront à nous localiser, mais à ce moment-là, nous serons déjà en sécurité dans les airs.

Nous sommes presque arrivés à l’aéroport quand Sara pousse un gémissement. Elle remue à côté de moi, ses paupières frémissent et elle ouvre les yeux.

L’effet du somnifère que je lui ai administré est passé.

— Là, là, dis-je d’une voix apaisante en déposant des baisers sur son front tandis qu’elle essaie de se débarrasser de la couverture qui la protège jusqu’au cou. Tout va bien, ptichka. Je suis là, et tout se passe bien. Tiens, bois ça.

De ma main libre, je débouche une bouteille en plastique remplie d’eau et la porte à ses lèvres pour lui permettre d’absorber un peu de liquide.

— Quoi… Où suis-je ? fait-elle d’une voix rauque quand j’éloigne la bouteille et resserre les bras autour de ses épaules pour l’empêcher de se dégager de la couverture et de révéler son corps nu.

— Que s’est-il passé ?

— Rien de grave ! je lui promets en reposant la bouteille avant d’écarter une mèche de cheveux de son visage. Nous allons juste faire un petit voyage.

De l’autre côté de Sara, Yan ricane et marmonne quelque chose en russe à propos de mon léger euphémisme.

Le regard de Sara se tourne vers Yan, avant d’englober toute la voiture, et je vois le moment précis où elle comprend ce qui se passe.

— Je t’en prie, ne me dis pas que… s’exclame-t-elle d’une voix suraiguë. Peter, ne me dis pas que…

— Chut.

Je me tourne vers elle pour poser deux doigts sur ses lèvres souples.

— Je ne pouvais pas rester, et je ne pouvais pas t’abandonner, ptichka. Tu le sais. Tout va bien se passer. Il ne va rien t’arriver de mal. Je te protégerai.

Elle me dévisage, ses yeux noisette remplis de stupeur et d’effroi, et malgré ma certitude d’avoir fait le bon choix, mon cœur se serre douloureusement.

Sara m’a prévenue au sujet du FBI, consciente que je tenterais probablement de l’emmener, mais elle ne s’attendait pas à ce que je m’y prenne de cette façon. J’aurais pu trouver un autre moyen, qui n’implique pas de somnifère ni d’enlèvement en pleine nuit.

Non. Ces doutes ne me ressemblent pas et je m’empresse de les chasser pour me concentrer sur la seule chose qui importe : rassurer Sara et lui faire accepter la situation.

— Écoute-moi, ptichka, dis-je en refermant la paume autour de son menton délicat. Je sais que tu t’inquiètes pour tes parents, mais dès que nous serons dans les airs, tu pourras les appeler et…

— Dans les airs ? Alors, nous sommes toujours à… ? Oh, Dieu merci.

Elle ferme les yeux et je sens un frisson la parcourir. Puis elle ouvre à nouveau les paupières pour affronter mon regard.

— Peter… fait-elle d’une voix douce, enjôleuse. Peter, s’il te plaît. Tu n’es pas obligé de faire ça. Tu pourrais simplement me laisser ici. Ce serait beaucoup moins dangereux pour toi… et il te serait beaucoup plus facile de t’enfuir s’ils ne sont pas à ma recherche. Tu disparaîtrais et ils ne t’attraperaient jamais, et ensuite…

— Dans tous les cas, ils ne m’attraperont jamais.

Je parle d’un ton sec, mais je ne peux contenir ma colère lorsque je laisse retomber ma main. Sara avait l’occasion de se débarrasser de moi, et elle ne l’a pas saisie. En me prévenant, elle a scellé son destin, et maintenant, il est trop tard pour revenir en arrière. Oui, je l’ai droguée et je l’ai enlevée sans lui demander la permission, mais elle devait bien se douter que je ne l’abandonnerais pas. Je lui ai avoué à quel point je l’aimais, et bien qu’elle ne me l’ait pas dit en retour, je sais qu’elle n’est pas indifférente. Ce n’est peut-être pas exactement ce qu’elle attendait, mais elle m’a choisi, et la voir maintenant me supplier de la laisser, essayer de me manipuler avec ses grands yeux et sa belle voix… C’est bête, mais son rejet me fait mal.

Pourtant, j’ai tué son mari pour m’imposer dans sa vie.

— Nous y sommes, me dit Anton en russe tandis que la voiture ralentit.

Je tourne la tête pour apercevoir notre avion, une vingtaine de mètres plus loin.

— Peter, s’il te plaît.

Sara commence à se débattre dans la couverture, sa voix est de plus en plus forte. La voiture s’arrête et mes hommes se précipitent à l’extérieur.

— S’il te plaît, ne fais pas ça. Ce n’est pas bien. Tu sais que ce n’est pas bien. Toute ma vie est ici. J’ai ma famille, mes patients et mes amis…

À présent, elle pleure et redouble de force tandis que je me penche pour attraper ses jambes enroulées dans la couverture et la tirer hors du véhicule.

— Je t’en prie, tu m’as dit que tu ne ferais pas ça si je coopérais, et j’ai obéi. J’ai fait tout ce que tu voulais. S’il te plaît, Peter, arrête ! Laisse-moi ici ! Je t’en supplie !

Maintenant, elle est hystérique. Elle se contorsionne et se cabre dans sa couverture, alors que je l’entraîne hors de la voiture et que je la maintiens contre mon torse. Anton me lance un regard gêné tout en aidant les jumeaux à récupérer les armes sous la banquette arrière. Mon ami a beau m’avoir suggéré à plusieurs reprises d’enlever Sara si je la voulais, la réalité de la situation doit lui paraître plus cruelle qu’il l’imaginait.

On pourrait nous traiter de monstres, mais nous sommes capables de sentiments – et il faudrait avoir un cœur de pierre pour ne rien éprouver devant Sara qui implore et supplie, prise au piège dans sa couverture, tandis que je l’emporte vers l’avion.

— Je suis désolé, lui dis-je en l’entraînant dans la cabine des passagers pour la déposer précautionneusement sur l’un des grands sièges en cuir à l’avant de l’appareil.

Sa détresse me fait l’effet d’une lame empoisonnée enfoncée dans le flanc, mais l’idée de l’abandonner m’est encore plus insupportable. Je n’imagine pas ma vie sans Sara, et je suis assez impitoyable – et égoïste – pour ne pas m’y résoudre.

Avec du recul, elle a peut-être quelques doutes sur sa décision, mais elle finira par revenir à la raison et accepter la situation, comme elle avait commencé à accepter notre relation. Ensuite, elle sera à nouveau heureuse – et même encore plus heureuse. Nous allons bâtir une nouvelle vie ensemble, et elle l’appréciera tout autant.

Je dois le croire, car autrement, je ne pourrai jamais l’avoir.

C’est ma seule chance de connaître à nouveau l’amour.

2

Sara

Des larmes de panique et de frustration amère roulent sur mes joues alors que les roues du jet se détachent du tarmac et que les lumières de l’aérodrome s’estompent dans un noir d’encre. Au loin, je distingue l’agglomérat de lumières de Chicago et sa banlieue, mais il ne tarde pas à disparaître à son tour, me laissant avec une évidence écrasante, la fin de mon ancienne vie.

J’ai perdu ma famille, mes amis, ma carrière et ma liberté.

La nausée me retourne l’estomac et des éclats de verre me transpercent les tempes. Ce que Peter m’a injecté pour m’endormir a terriblement accentué mes migraines. Mais le pire, c’est encore cette sensation d’asphyxie qui me comprime la poitrine, la terrible impression de manquer d’air. Je prends de grandes inspirations pour y remédier, mais ça ne fait qu’empirer. La couverture est comme une camisole de force qui maintient mes bras plaqués le long de mon corps, et mes poumons ne parviennent pas à se remplir d’oxygène.

Mon tourmenteur a mis sa menace à exécution.

Il m’a enlevée, et je ne reverrai peut-être jamais ma maison.

Il n’est pas avec moi en ce moment – dès que nous avons décollé, il s’est levé et a disparu au fond de la cabine, où deux de ses hommes sont assis. Je m’en réjouis. Je ne supporte pas de le regarder, de me demander comment j’ai pu être assez stupide pour l’avertir alors qu’il savait déjà tout.

Alors qu’il avait préparé son aiguille et jouait avec moi.

Comment a-t-il su ? Y avait-il des caméras et des micros dans le vestiaire de l’hôpital où Karen m’a prise à partie ? Les hommes que Peter avait chargés de me surveiller ont-ils repéré mon escorte du FBI et lui en ont-ils parlé ? À moins qu’il ait des liens avec le FBI, comme son contact en avait avec la CIA ? Est-ce possible ou suis-je en train de délirer ? Quoi qu’il en soit, ça n’a plus la moindre importance, car le fait est qu’il était au courant.

Il le savait, tout en faisant mine de l’ignorer, jouant avec mes émotions en attendant que je craque.

Seigneur, comment ai-je pu être aussi bête ? Comment ai-je pu le prévenir en sachant ce qui risquait de se passer ? Comment ai-je pu rentrer chez moi alors que je me doutais – non, que je savais ce que mon harceleur était capable de faire s’il était au courant du danger imminent ? J’aurais dû tout dire à Karen quand j’en avais l’occasion pour qu’elle envoie les agents chez moi, et le FBI m’aurait placée en détention par mesure de protection. Oui, Peter se serait peut-être échappé, mais il ne m’aurait pas emmenée – ou du moins, pas à ce moment-là. J’aurais disposé de temps pour m’organiser, pour trouver le meilleur moyen de nous protéger, mes parents et moi. Il serait sans doute revenu me chercher, mais au moins, il y avait une chance que le FBI nous défende.

Au lieu de ça, je suis tombée dans le piège de Peter. Je suis rentrée chez moi et je l’ai laissé me mentir, me faire croire qu’il avait quelque chose d’humain – quelque chose de bon – en lui.

« Je t’aime », a-t-il dit. Et moi, je suis tombée dans le panneau, me berçant d’illusions en croyant que nous tenions quelque chose d’authentique, que sa tendresse signifiait qu’il tenait véritablement à moi.

Je me suis laissé aveugler par mon attachement irrationnel pour le meurtrier de mon mari, refusant de voir ce qu’il était réellement. Maintenant, j’ai tout perdu.

La tension augmente dans ma poitrine et mes poumons se contractent à tel point que respirer devient un combat. La rage et le désespoir se mélangent, me donnant envie de hurler, mais je ne peux émettre qu’un râle tant la couverture autour de mon corps m’étouffe comme un nœud coulant. J’ai trop chaud, je suis trop à l’étroit, ma tête m’élance et mon cœur bat trop vite. J’ai l’impression de suffoquer, de mourir, et j’ai envie de me griffer la gorge pour la déchirer et aspirer de grandes goulées d’air.

— Là, là, tout va bien.

Peter est agenouillé devant moi. Je ne l’ai pas vu revenir. Ses mains puissantes dénouent la couverture et écartent les cheveux de mon visage en sueur. Je tremble et j’ai la respiration sifflante, subissant le contrecoup d’une crise de panique renversante. Curieusement, son contact m’apaise et atténue la sensation d’asphyxie.

— Respire, ptichka, insiste-t-il.

C’est ce que je fais. Mes poumons, qui refusaient d’obtempérer jusqu’à présent, lui obéissent. Ma poitrine se gonfle en une profonde inspiration, puis une autre, et bientôt je respire presque normalement. Ma trachée se relâche pour laisser entrer le précieux oxygène. Je suis toujours en nage, toute tremblante, mais mon pouls ralentit. Je n’ai plus peur de m’étouffer et Peter libère mes bras de la couverture avant de me tendre un t-shirt d’homme.

— Je suis désolé. Je n’ai pas eu l’occasion de te prendre des vêtements, dit-il en m’aidant à passer le t-shirt noir et ample par-dessus ma tête. Heureusement, Anton a mis de côté des habits à l’arrière. Tiens, tu peux aussi enfiler ce pantalon.

Il guide mes jambes tremblantes dans un jean d’homme, m’aide à passer une paire de chaussettes noires et me débarrasse de la couverture, qu’il jette sur la table à côté de nous.

Je nage dans le jean, comme dans le tee-shirt, mais il y a une ceinture autour de la taille. Peter la resserre sur mes hanches avant de la nouer sur le devant telle une cravate, puis il retrousse les jambes du pantalon.

— Et voilà, dit-il en contemplant son œuvre avec satisfaction. Ça devrait faire l’affaire pour le vol. Ensuite, je t’offrirai une toute nouvelle garde-robe.

Je ferme les yeux pour ne plus le voir. Je ne supporte pas son beau visage aux traits exotiques ni la chaleur de ses yeux d’un gris métallique. Ce n’est qu’un mensonge, qu’une illusion. Il ne tient pas à moi, pas réellement. L’obsession, ce n’est pas de l’amour, et c’est ce qu’il éprouve envers moi : une obsession terrible et sombre qui avilit et qui détruit.

Elle a déjà détruit ma vie de bien des manières.

Je l’entends soupirer et ses grandes mains se referment sur mes paumes glacées.

— Sara…

Sa voix grave au léger accent me fait l’effet d’une caresse sur la peau.

— Nous allons y arriver, ptichka, je te le promets. Ce ne sera pas aussi difficile que tu l’imagines. Maintenant, dis-moi… veux-tu appeler tes parents pour tout leur expliquer ?

Mes parents ? J’ouvre des yeux ébahis pour le regarder, bouche bée. C’est alors que je me rends compte qu’il l’a déjà évoqué, mais je n’y ai pas prêté attention sur le moment.

— Tu me laisses appeler mes parents ?

Mon ravisseur hoche la tête, un petit sourire au coin de ses lèvres sculpturales. Il reste accroupi devant moi, les mains autour des miennes.

— Bien sûr. Tu ne veux pas qu’ils s’inquiètent, avec le cœur de ton père et le reste…

Oh, mon Dieu. Le cœur de mon père. À cette pensée, ma migraine s’intensifie. À quatre-vingt-sept ans, mon père tient une forme olympique pour son âge, mais il a été opéré pour un triple pontage il y a quelques années et il doit éviter le stress. Et je n’imagine rien de plus stressant que…

— Tu crois que le FBI leur a déjà parlé ? je me récrie avec horreur. Ont-ils annoncé à mes parents que j’avais été enlevée ?

— Je doute qu’ils aient eu le temps.

Peter me serre les mains dans un geste rassurant, avant de me lâcher pour se relever. Il sort alors un smartphone de sa poche et me le remet.

— Appelle-les, pour leur donner ta version de l’histoire.

— Ma version de l’histoire ? Et quelle version ?

Le téléphone est aussi lourd qu’une brique dans ma main, son poids amplifié par ma crainte de tuer mon père si je dis quelque chose de travers.

— Que puis-je bien leur annoncer pour faire passer la pilule ?

Mon ton est sarcastique, mais ma question sincère. Je ne trouve rien qui pourrait atténuer la panique de mes parents devant ma disparition ni expliquer ce que le FBI s’apprête à leur annoncer – d’autant plus que j’ignore ce que les agents vont révéler exactement.

L’avion choisit ce moment pour traverser une zone de turbulences et Peter s’assoit à côté de moi.

— Dis-leur que tu as rencontré un homme… un homme dont tu es tombée amoureuse.

Il pose sa paume chaude sur mon genou et l’intensité de son regard d’acier m’hypnotise.

— Dis-leur que, pour la première fois de ta vie, tu as décidé de faire une folie, quelque chose d’inconsidéré. Que tu vas bien, mais que pendant les prochaines semaines, tu voyageras dans le monde entier avec ton amoureux.

— Les prochaines semaines ?

Un espoir farouche m’envahit.

— Es-tu en train de dire que…

— Non. Tu ne rentreras pas dans quelques semaines. Mais ils ne sont pas obligés de le savoir pour l’instant.

Mon espoir se flétrit aussitôt avant de disparaître, et le désespoir écrasant fait un retour en force.

— Je ne les reverrai jamais, n’est-ce pas ?

— Si.

Sa main me serre le genou.

— Un jour, quand il n’y aura plus de danger.

— Mais quand ?

— Je l’ignore, mais nous trouverons un moyen.

— Nous ?

Un rire amer s’échappe de ma gorge.

— Aurais-tu l’impression qu’il s’agit d’un partenariat ? Que nous m’avons enlevée de connivence ?

Le regard de Peter s’assombrit.

— Ça pourrait être un partenariat, Sara. Si tu le voulais bien.

— Ah, vraiment ? dis-je en repoussant sa main de mon genou. Dans ce cas, que ce putain d’avion fasse demi-tour, partenaire. Je veux rentrer chez moi.

— C’est impossible, et tu le sais.

Son menton se contracte sous sa barbe de plusieurs jours.

— Ah bon ? Pourquoi ? Parce que tu adores me baiser ? Ou parce que tu m’aimes trop ?

Ma voix s’échauffe et je me lève d’un bond, les poings tout faits. J’aperçois ses hommes sur les sièges derrière nous, la mine impassible, tournés vers les hublots comme s’ils ne nous écoutaient pas, mais ça m’est bien égal. J’ai dépassé le stade de la gêne, j’ai dépassé la honte. Tout ce que je ressens, c’est une rage profonde.

Jamais encore n’ai-je voulu faire autant souffrir un être vivant que Peter en cet instant.

Le regard de mon tourmenteur est sombre et son expression fermée quand il se lève.

— Assieds-toi, Sara, m’ordonne-t-il sèchement.

Il tend la main vers moi au moment où l’avion rencontre un autre trou d’air, et je me retiens au mur près du hublot pour garder l’équilibre.

— C’est dangereux.

Il me prend le bras pour me forcer à m’asseoir, et mon autre main réagit de sa propre initiative.

Le téléphone bien serré entre mes doigts, je lance le poing – et atteins ma cible, car au même moment, l’avion fait un autre soubresaut qui nous déstabilise tous les deux. Dans un bruit distinct, le téléphone s’écrase sur le visage de Peter. L’impact projette sa tête sur le côté et se répercute jusque dans mes os.

J’ignore qui est plus étonné par le coup que je viens de lui asséner, moi ou les hommes de Peter.

Je remarque leurs regards incrédules tandis que Peter me lâche le bras, lentement et délibérément, avant d’essuyer le sang qui coule sur sa pommette. La coque métallique du téléphone a dû lui entamer la peau, à moins que les turbulences inattendues aient donné plus d’élan à mon coup, augmentant sa force.

Ses yeux rencontrent les miens et mon cœur bondit dans ma gorge quand je lis une fureur glaciale dans les profondeurs argentées de son regard. Je recule avec méfiance. Le téléphone échappe à mes doigts engourdis et atterrit sur le sol dans un bruit de métal sourd.

Je n’ai pas oublié ce dont Peter est capable, ce qu’il m’a fait lors de notre première rencontre.

Je parviens à esquisser deux pas en arrière avant que mon dos rencontre la cloison de la cabine du pilote, m’empêchant de battre en retraite. Je n’ai nulle part où fuir dans cet avion, aucune cachette possible, et la peur m’enserre le ventre tandis qu’il s’avance vers moi. Je suis captive de son regard furieux. Il plaque les paumes sur le mur de part et d’autre de ma tête et je me retrouve prise au piège entre ses bras musclés.

— Je…

Je devrais dire que je suis désolée, que je n’en avais pas l’intention, mais je ne peux me résoudre à proférer de tels mensonges et je garde la bouche fermée, de peur d’aggraver la situation en lui disant à quel point je le déteste.

— Tu, quoi ?

Sa voix est grave et dure. Il se penche en avant et baisse la tête jusqu’à ce que ses lèvres effleurent mon oreille.

— Tu, quoi Sara ?

Je frissonne en sentant son souffle chaud et humide, et mes genoux manquent de se dérober. Mon pouls redouble de vitesse, mais cette fois, ce n’est pas entièrement de la peur. Malgré tout, il est si proche que mes sens sont en ébullition et mon corps tremble en imaginant ses caresses. Quelques heures plus tôt, il était en moi et j’éprouve encore les séquelles de cette possession, la douleur du rythme effréné de ses coups de reins. En même temps, j’ai une conscience aiguë de mes tétons durcis qui pointent sous le t-shirt qu’il m’a prêté et de la moiteur qui se forme entre mes jambes.

Même habillée, j’ai l’impression d’être nue dans ses bras.

Il lève la tête et me dévisage. Je sais qu’il la ressent, lui aussi, cette chaleur magnétique, cette obscure connexion dont l’air vibre autour de nous, intensifiant chaque instant jusqu’à ce que les millisecondes nous paraissent durer des heures. Les hommes de Peter sont à moins de quatre mètres de nous et nous observent, mais j’ai l’impression que nous sommes seuls, enveloppés dans une bulle de désir sensuel et de tension volatile. J’ai la bouche sèche, le corps aux aguets, et je redouble d’efforts pour ne pas me laisser aller, pour rester immobile au lieu de me presser contre lui et céder au désir qui me brûle de l’intérieur.

— Ptichka…

La voix de Peter s’est radoucie, a pris une intonation plus intime, tandis que la glace de son regard commence à fondre. Sa main quitte le mur pour se poser sur ma joue et quand son pouce frôle mes lèvres, je retiens ma respiration. Au même moment, son autre main m’attrape le coude, d’une poigne à la fois délicate et implacable.

— Viens, allons nous asseoir, dit-il en m’écartant de la cloison. C’est dangereux de rester debout et de se promener comme ça.

Étourdie, je me laisse reconduire vers le siège. Je sais que je devrais continuer à me débattre, ou du moins lui opposer une certaine résistance, mais la colère qui m’a envahie est retombée, ne laissant dans son sillage qu’hébétude et désespoir.

Même après ce qu’il a fait, j’ai envie de lui. Je le désire autant que je le hais.

J’ai froid aux pieds en sentant le sol glacial à travers mes chaussettes, et je suis soulagée quand Peter récupère la couverture sur la table pour l’enrouler autour de mes jambes avant de prendre place à côté de moi. Il tire ma ceinture de sécurité et la boucle. Je ferme les yeux pour fuir son regard à présent chaleureux. Aussi effrayant que soit le côté sombre de Peter, c’est l’homme attentionné – l’amant tendre et prévenant – qui me terrifie le plus.

Je peux résister au monstre, mais à l’homme, c’est une tout autre histoire.

Des doigts chauds effleurent ma main et je sens du métal froid contre ma paume. Étonnée, j’ouvre les yeux et regarde le téléphone que Peter vient de me donner.

Il a dû le récupérer là où je l’avais laissé tomber.

— Si tu veux appeler tes parents, tu devrais peut-être le faire maintenant, dit-il d’un ton affable. Avant qu’ils apprennent quelque chose de leur côté.

Je déglutis et regarde fixement le téléphone dans ma main. Peter a raison, je n’ai pas de temps à perdre. J’ignore ce que je vais dire à mes parents, mais ça vaudra toujours mieux que ce que les agents du FBI risquent de leur annoncer.

— J’appelle comment ? je demande en regardant Peter. Y a-t-il un code spécial ou quelque chose à faire ?

— Non. Tous mes appels sont automatiquement encodés. Il te suffit de composer leur numéro comme d’habitude.

Je prends une grande inspiration et saisis le numéro de portable de ma mère. Un appel en pleine nuit risque de la faire paniquer, mais elle a neuf ans de moins que mon père et on ne lui connaît aucun problème cardiaque. Portant le téléphone à mon oreille, je me détourne de Peter et contemple le ciel nocturne par le hublot en attendant que la connexion s’établisse.

Au bout d’une dizaine de sonneries, le répondeur automatique s’enclenche.

Maman doit avoir le sommeil trop lourd pour l’entendre, à moins qu’elle ait éteint le téléphone pour la nuit.

Frustrée, j’essaie à nouveau.

— Allô ? répond ma mère d’une voix ensommeillée et bougonne. Qui est-ce ?

Je pousse un soupir de soulagement. Apparemment, le FBI ne les a pas encore contactés, sinon maman ne dormirait pas si profondément.

— Salut, maman. C’est moi, Sara.

— Sara ?

Aussitôt, ma mère a l’air plus vive.

— Que se passe-t-il ? D’où appelles-tu ? Il est arrivé quelque chose ?

— Non, non. Tout va bien. Je vais très bien.

Je prends une inspiration, laissant à mon esprit en désordre le temps d’inventer une histoire rassurante. Tôt ou tard, le FBI contactera bel et bien mes parents, et mon mensonge sera mis au grand jour. Et à ce moment-là, ils seront soulagés que je les aie appelés pour leur raconter ma version des faits. Ils sauront au moins que lors de notre échange téléphonique, j’étais en vie et en bonne santé, ce qui atténuera le choc de ce que la police leur annoncera.

Je reprends d’une voix plus assurée :

— Désolée d’appeler si tard, maman, mais je pars pour un petit voyage de dernière minute. Je voulais te prévenir, tu sais, pour que tu ne t’inquiètes pas.

— Un voyage ?

Ma mère a l’air perplexe.

— Où ça ? Pourquoi ?

— Eh bien…

J’hésite avant d’opter pour la suggestion de Peter. Ainsi, quand mes parents auront vent de l’enlèvement, ils croiront peut-être que je l’ai suivi de mon plein gré. Ce que le FBI en pense, c’est une autre paire de manches, mais je m’en inquiéterai une prochaine fois.

— J’ai rencontré quelqu’un. Un homme.

— Un homme ?

— Oui, ça fait quelques semaines que je le fréquente. Je ne voulais pas vous en parler, parce que je ne le connaissais pas assez et je n’étais pas certaine que ce soit bien sérieux.

Comme je sens ma mère prête à se lancer dans un interrogatoire, je m’empresse d’ajouter :

— Quoi qu’il en soit, il a dû quitter le pays de manière inattendue et il m’a invitée à l’accompagner. Je sais que c’est complètement fou, mais j’avais besoin de m’éloigner – tu sais, de tout ça – et j’ai sauté sur l’occasion. Nous allons faire le tour du monde pendant quelques semaines, alors…

— Quoi ? s’écrie ma mère d’une voix haut perchée. Sara, c’est…

— De la folie ? Je sais.

Je fais la grimace, contente qu’elle ne puisse pas voir le chagrin sur mon visage. Entre ce mensonge et mes maux de tête permanents, je me sens au plus mal.

— Je suis désolée, maman. Je ne voulais pas t’inquiéter, mais je devais le faire. J’espère que papa et toi, vous comprendrez.

— Attends une minute. Qui est cet homme ? Comment s’appelle-t-il ? Que fait-il ? Où vous êtes-vous rencontrés ?

Ses questions fusent comme des balles.

Je me tourne vers Peter et il hoche légèrement la tête d’un air impassible. J’ignore s’il entend ma conversation, mais j’interprète son geste comme une autorisation à donner plus de détails à mes parents.

— Il s’appelle Peter, dis-je en décidant de rester aussi proche de la vérité que possible. Il est entrepreneur, en quelque sorte, et travaille principalement à l’étranger. Nous nous sommes rencontrés quand il était dans la région de Chicago, et depuis, on sort ensemble. Je voulais t’en parler à notre déjeuner sushis, mais le moment m’a semblé mal choisi.

— D’accord, mais… et ton travail ? Et la clinique ?

Je me pince l’arête du nez.

— Je vais tout régler, ne t’inquiète pas.

Bien sûr, je n’en ferai rien – ce genre de sornettes ne passera pas auprès du personnel hospitalier, même si Peter m’autorise à les appeler –, mais je ne peux pas le dire à ma mère sans l’inquiéter prématurément. Sa crise de panique surviendra bien assez tôt, quand les agents débarqueront sur le pas de sa porte. En attendant, j’aime autant que papa et maman me croient folle.

Une fille qui agit sur un coup de tête, comme une adolescente tardive, c’est infiniment mieux qu’une fille enlevée par l’assassin de son mari.

— Sara, ma chérie… dit ma mère d’un ton soucieux. Tu es sûre de ce que tu fais ? Enfin, tu as dit toi-même que tu ne connaissais pas bien cet homme, et maintenant tu quittes le pays avec lui ? Ça ne te ressemble pas du tout. Tu ne m’as même pas dit où tu allais. Tu pars en avion ou en voiture ? Et de quel numéro m’appelles-tu ? Il est masqué, et la réception est mauvaise, comme si tu…

— Maman.

Je me frotte le front. Ma migraine est lancinante. Je ne peux plus répondre à ses questions et je me contente de lui dire :

— Écoute, je dois y aller. Notre avion va décoller. Je voulais juste te tenir au courant afin que tu ne te fasses pas de souci, d’accord ? Je t’appellerai dès que possible.

— Mais, Sara…

— Au revoir, maman. On se reparle bientôt !

Je raccroche avant qu’elle puisse ajouter quoi que ce soit, et Peter me prend le téléphone, un sourire approbateur aux lèvres.

— Bien joué. Tu as un vrai talent pour ça.

— Pour mentir à mes parents à propos de mon enlèvement ? Oui, un vrai talent, bien sûr.

Mes paroles exsudent une amertume que je ne prends pas la peine de dissimuler. J’en ai assez d’être gentille et agréable.

Ce jeu-là est terminé. Mais Peter ne se laisse pas démonter.

— Ce que tu leur as dit apaisera leurs pires craintes. Je ne sais pas ce que leur dévoileront les fédéraux, mais au moins tes parents seront rassurés de te savoir en vie, en tout cas aujourd’hui. Espérons que ça leur suffise jusqu’à ce que tu reprennes contact avec eux.

Mes pensées ont suivi le même fil et ça m’ennuie que nous soyons sur la même longueur d’onde. C’est infime, un raisonnement similaire sur un point de détail, mais je me sens entraînée sur une pente glissante, comme si je faisais un pas en direction de ce partenariat mentionné par Peter, de cette illusion qu’il existe un « nous », que notre relation est authentique.

Je ne peux pas – je ne veux plus – me laisser avoir par ce mensonge. Je ne suis pas la partenaire de Peter, ni sa petite amie, ni sa maîtresse.

Je suis sa captive, la veuve d’un homme qu’il a tué pour venger sa famille, et je ne peux pas le lui pardonner.

M’efforçant de maîtriser ma voix, je demande :

— Alors, j’aurai l’occasion de les rappeler ?

Comme Peter hoche la tête, j’insiste :

— Quand ?

Ses yeux gris étincellent.

— Une fois qu’ils seront contactés par le FBI et qu’ils auront eu le temps de digérer la nouvelle. En d’autres termes, bientôt.

— Comment sauras-tu qu’ils ont été contactés par… ? Oh, laisse tomber. Tu fais surveiller mes parents aussi, n’est-ce pas ?

— Oui, leur maison est sur écoute.

Il n’a pas l’air gêné le moins du monde et ajoute :

— Nous saurons exactement ce que la police leur annonce, et quand. Ensuite, nous réfléchirons à ce que tu devras leur dire et par quel moyen entrer en contact avec eux.

Je pince les lèvres. Encore ce « nous » insidieux. Comme s’il s’agissait d’un projet commun, tel que la décoration d’intérieur ou le choix d’une bouteille de vin pour une réunion de famille. S’attend-il à ce que je sois reconnaissante ? À ce que je le remercie d’être si gentil et prévenant dans le déroulement de mon kidnapping ?

En me laissant soulager l’inquiétude de mes parents, croit-il que j’oublierai qu’il m’a volé ma vie ?

Grinçant des dents, je me tourne vers le hublot avant de me rendre compte que je ne connais toujours pas la réponse aux questions de ma mère.

Je tourne alors la tête vers mon ravisseur et rencontre son regard amusé.

— Où allons-nous ? je demande d’une voix sereine. D’où allons-nous réfléchir à tout ça, exactement ?

Peter sourit, révélant ses dents blanches. Entre ses incisives inférieures légèrement de biais et la petite cicatrice sur sa lèvre du bas, son sourire aurait dû me rebuter, mais ces imperfections ne font que renforcer l’attirance dangereusement sensuelle qu’il exerce sur moi.

— Nous réfléchirons à tout ça depuis le Japon, ptichka, dit-il en s’avançant par-dessus la table pour prendre ma main dans sa large paume. Un nouveau foyer nous attend au Pays du Soleil Levant.

3

Sara

Je ne parle pas à Peter pendant le reste du vol. Au lieu de ça, je sombre dans le sommeil, mon esprit choisissant de se déconnecter pour échapper à la réalité. J’en suis heureuse. Les maux de tête ne me laissent aucun répit et, chaque fois que j’essaie d’ouvrir les yeux, des tambours me martèlent le crâne. Ce n’est que lorsque nous amorçons notre descente que je me réveille assez pour traîner les pieds jusqu’aux toilettes.

En revenant, je trouve Peter sur le siège à côté du mien, qui travaille sur un ordinateur portable. Peut-être a-t-il passé tout le vol à côté de moi, mais je n’en suis pas sûre. Je me rappelle m’être endormie la main dans la sienne, ses doigts puissants massant ma paume. Il a remonté la couverture autour de moi quand la cabine s’est considérablement rafraîchie.

— Comment te sens-tu ? demande-t-il en levant les yeux de son ordinateur au moment où je le contourne pour revenir m’asseoir sur mon siège en cuir confortable.

Maintenant que le choc initial de l’enlèvement est passé, je me rends compte que le jet est luxueux, sans être excessivement grand. Au fond de l’appareil, il y a deux autres rangées en plus de la nôtre. Chaque siège est imposant et inclinable, et au centre de la cabine se trouve un canapé en cuir beige avec deux tables de part et d’autre.

— Sara, insiste Peter devant mon absence de réaction.

Je me contente de hausser les épaules. Je n’ai pas envie de lui donner bonne conscience en admettant que je me sens mieux après cette longue sieste. Les effets des somnifères ont dû s’estomper, car la nausée et la migraine qui me tourmentaient ont disparu.

En revanche, j’ai faim et soif, et je tends la main vers la bouteille d’eau et le bol de cacahuètes posés sur la petite table entre nos sièges.

— Nous prendrons un vrai repas bientôt, dit Peter en poussant le bol dans ma direction. On ne s’attendait pas à quitter le pays si soudainement et c’est tout ce que nous avions à bord.

— Hmm, hmm.

Sans croiser son regard, j’avale la moitié de l’eau, grignote une poignée de cacahuètes et les fais passer avec le reste de la bouteille. Je ne suis pas étonnée d’apprendre qu’il n’y a rien à manger à bord. Ce qui est surprenant, c’est que Peter ait un avion à sa disposition, en attente. Je sais que son équipe touche des sommes hallucinantes pour assassiner des barons du crime et autres sinistres personnages, mais le coût de ce jet de taille moyenne doit atteindre les huit chiffres.

Incapable de contenir ma curiosité, je jette un œil vers mon ravisseur.

— C’est à toi ? je demande en désignant la cabine de la main. Tu l’as acheté ?

— Non.

Il referme son ordinateur et sourit.

— Je l’ai reçu en guise de paiement de la part d’un client.

— Je vois.

Je détourne le regard, concentrée sur le ciel noir de l’autre côté du hublot pour ne pas voir son sourire magnétique. Maintenant que je me sens mieux, j’ai encore plus amèrement conscience de ce qu’a fait Peter – et du caractère désespéré de ma situation.

Si j’étais à la merci de mon tourmenteur chez moi, où je craignais ce qui se passerait si je m’adressais aux autorités, je le suis d’autant plus maintenant. Peter Sokolov peut me faire tout ce qu’il veut, me garder captive jusqu’à la mort s’il en a envie. Ses hommes ne m’aideront pas, et je m’apprête à entrer dans un pays dont je ne parle pas la langue et où je ne connais rien ni personne.

J’aime les sushis, mais mes connaissances sur le Japon s’arrêtent là.

— Sara ?

La voix grave de Peter interrompt mes pensées et je me tourne instinctivement vers lui.

— Attache-toi, dit-il en désignant la ceinture de sécurité détachée à côté de moi. Nous allons bientôt atterrir.

J’amène la ceinture devant ma taille avant de reporter mon attention sur le hublot. Je n’aperçois pas grand-chose dans l’obscurité – nous avons dû voler assez longtemps pour qu’il fasse nuit au Japon, malgré le décalage horaire –, mais je garde les yeux rivés sur le ciel, à l’extérieur, dans l’espoir de voir quelque chose et surtout d’éviter les conversations avec Peter.

Je ne vais pas me comporter comme si nous étions vraiment des amants en voyage, faire semblant que ça me convient sous quelque forme que ce soit. Le moyen de pression qu’il exerçait sur moi – sa menace de m’enlever si je n’entrais pas dans son fantasme de bonheur conjugal – a disparu, et je n’ai aucune intention d’être à nouveau sa victime docile. Je commençais à céder, à tomber sous son charme tordu, mais maintenant c’est terminé. Peter Sokolov m’a torturée et a tué mon mari, et voilà qu’il m’enlève. Il n’y a rien entre nous, à l’exception d’un passé malsain et d’un avenir encore plus noir.

Il me possède peut-être, mais je n’y prendrai aucun plaisir.

Je m’en assurerai.

4

Peter

Ma pommette pique encore après le coup de Sara. Nous atterrissons dans un aérodrome privé non loin de Matsumoto avant d’embarquer à bord de l’hélicoptère qui nous y attend. Demain, j’aurai un œil au beurre noir – une idée que je trouve amusante maintenant que le choc initial de la colère est passé. La douleur infligée par Sara est infime – j’ai enduré bien pire lors de mes entraînements de routine –, mais voir mon joli petit médecin s’en prendre physiquement à moi m’a ému.

Comme si je m’étais fait griffer par un chaton, alors que je cherchais uniquement à le câliner et à le protéger.

Elle m’en veut toujours. C’est évident, à en juger par sa posture rigide, la manière dont elle me parle et même les coups d’œil qu’elle me lance au moment où l’hélicoptère décolle. Il fait encore nuit, mais elle garde les yeux braqués sur le paysage en contrebas, et je sais qu’elle essaie de mémoriser notre trajet.

Elle essaiera de s’enfuir à la première occasion, je le devine.

Anton pilote l’hélico, et Ilya est assis à l’arrière avec Sara et moi. Yan a pris place à l’avant. Nous n’attendons aucune difficulté particulière, mais nous sommes armés, et je conserve un œil attentif sur Sara pour m’assurer qu’elle ne tente rien d’inconsidéré, comme essayer de m’arracher mon pistolet ou celui d’Ilya.

Étant donné son humeur, elle en serait bien capable.

Notre repaire japonais se trouve dans la préfecture de Nagano, une région montagneuse à la densité de population faible, dans une épaisse forêt, au sommet d’un mont escarpé surplombant un petit lac. Par temps clair, la vue est à couper le souffle, mais la raison pour laquelle j’ai acheté cette propriété, c’est que le sommet n’est accessible que par la voie des airs. Autrefois, il y avait un chemin de terre sur le flanc ouest – c’est ainsi qu’un riche homme d’affaires de Tokyo a bâti sa résidence secondaire là-haut, dans les années quatre-vingt-dix –, mais un séisme a entraîné un éboulement et la pente s’est changée en falaise, coupant tout accès terrestre à la propriété et faisant ainsi chuter sa valeur.

Les enfants de l’homme d’affaires étaient aux anges quand l’une de mes sociétés-écrans la leur a rachetée l’an dernier, les libérant du fardeau des taxes à payer pour un endroit dont ils ne voulaient pas et qu’ils n’avaient pas les moyens de visiter régulièrement.

— Alors, pourquoi le Japon ?

La voix de Sara est atone et désintéressée. Elle est tournée vers la vitre de l’hélicoptère, mais pour rompre le silence qui dure depuis plus d’une heure et m’adresser la parole, elle doit mourir de curiosité.

À moins qu’elle cherche à grappiller quelques informations susceptibles de faciliter son évasion.

— Parce que c’est le dernier endroit où l’on penserait à nous chercher.

Après tout, je ne risque rien en lui disant la vérité.

— Rien ne m’attache à ce pays. La Russie, l’Europe, le Moyen-Orient, l’Afrique, l’Amérique du Nord et du Sud, la Thaïlande, Hong Kong, les Philippines – à un moment ou à un autre, les autorités m’ont repéré sur leur radar dans chacun de ces endroits, mais jamais ici.

— Et puis, c’est une planque agréable, ajoute Ilya en anglais, s’adressant à Sara pour la première fois. Bien mieux que de se terrer dans une grotte au Daguestan ou suer comme un bœuf quelque part en Inde.

Sara lui lance un regard indéchiffrable avant de reporter son attention sur le paysage. Je ne peux pas le lui reprocher. Les premières lueurs de l’aube éclairent le ciel et on distingue des pentes montagneuses et des forêts en contrebas. Quand nous arriverons dans notre repaire, elle pourra admirer la vue dans toute sa splendeur – et elle se rendra compte que tout espoir d’évasion est impossible. Parce que j’ai également choisi le Japon pour une autre raison : l’emplacement éloigné de cette maison.

La nouvelle cage de mon petit oiseau sera magnifique, et elle ne pourra pas s’en échapper.

Nous atterrissons quarante minutes plus tard sur un petit héliport non loin de la maison. Je regarde le visage de Sara quand elle découvre notre nouveau foyer : une construction résolument moderne tout en bois et en verre qui se mêle sans fausse note à la nature préservée environnante.

— Ça te plaît ? je demande en rencontrant son regard, tandis que je l’aide à descendre de l’hélico.

Elle détourne les yeux et retire sa main de la mienne dès que ses chaussettes ont touché le sol.

— Quelle importance ? Si je réponds non, tu me ramèneras ?

Elle se retourne et se dirige vers le bord de la piste, où la montagne forme une falaise à pic qui plonge dans le lac en contrebas.

— Non, mais si tu la détestes, nous pourrons envisager l’une de nos autres planques.

Je la suis et lui attrape le poignet avant qu’elle atteigne les limites de la plateforme. Je ne pense pas qu’elle soit assez bouleversée pour sauter, mais je ne veux pas prendre le risque.

— Où ça ? Au Daguestan ou en Inde ?

Elle finit par lever les yeux vers moi, les paupières plissées. Le printemps touche à sa fin, et pourtant il règne un froid hivernal à cette altitude, et l’air mordant du matin soulève ses boucles brunes autour de son visage et plaque le tee-shirt ample sur son buste élancé. Je la sens frissonner, son poignet fin et fragile dans ma main, mais son menton délicat est contracté avec obstination, tandis qu’elle soutient mon regard.

Elle est tellement vulnérable, ma Sara, pourtant forte à la fois. C’est une battante, comme moi, même si la comparaison ne lui plairait pas.

— Le Daguestan et l’Inde sont deux options, en effet, lui dis-je sans cacher mon amusement.

Elle essaie de me contrarier, de me faire regretter de l’avoir emmenée, mais tout le sarcasme ou le mutisme du monde n’y parviendront pas.

J’ai besoin de Sara comme j’ai besoin d’air et d’eau, et je ne regretterai jamais de la garder près de moi.

Elle pince ses lèvres souples en agitant le bras pour essayer de libérer son poignet de mes doigts de fer.

— Lâche-moi, siffle-t-elle en voyant que je tiens bon. Enlève tes sales pattes de moi.

Malgré mon intention de rester de marbre, une pointe de colère me traverse. Si elle n’a pas exactement souhaité que tout cela arrive, Sara m’a choisi et je refuse qu’elle me traite comme un pestiféré.

Au lieu de libérer son poignet, je resserre la main et l’attire à moi, l’éloignant du bord de la plateforme. Une fois qu’elle ne risque plus de tomber, je me penche et la soulève, sourd à son cri de protestation.

— Non, dis-je froidement en la pressant contre mon torse. Je ne te lâcherai pas.

Sans prêter attention à ses tentatives pour se dégager, j’emporte la femme que j’aime dans notre nouvelle maison.

5

Sara

Peter ne me libère pas avant d’être à l’intérieur. Quand il me pose sur mes pieds, il garde une poigne d’acier autour de ma main, m’enchaînant à ses côtés tandis que je découvre ma somptueuse prison.

Et elle est vraiment somptueuse. Malgré la colère et la frustration qui m’étouffent, j’apprécie les lignes modernes et épurées du vaste étage à aire ouverte, ainsi que le paysage de carte postale que m’offrent les montagnes et le lac que l’on aperçoit à travers les immenses baies vitrées. Au centre de la salle, à côté d’une cuisine ultra-moderne, les marches en bois d’un escalier en colimaçon conduisent au premier étage – et c’est là que Peter m’entraîne, sa main possessive autour de mon poignet.