Ça se corse à Lorient - Firmin Le Bourhis - E-Book

Ça se corse à Lorient E-Book

Firmin Le Bourhis

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Beschreibung

Entre Atlantique et Méditerranée, la vérité se voile...

À peine arrivés à Lorient, le capitaine Le Duigou et le lieutenant Phil Bozzi sont confrontés à un premier meurtre dont le corps est découvert dans un centre commercial de Lanester, puis, rapidement, à un second, face à la Cité de la Voile Éric Tabarly…
Quels peuvent en être les mobiles ? Pourquoi dans ces lieux aussi fréquentés ? Serait-ce pour faire diversion ?
De rebondissements en surprises, nos deux OPJ vont rapidement se retrouver déplacés de Lorient à la ville impériale corse d’Ajaccio où leur enquête les fera sillonner la Corse du Sud.
Y découvriront-ils le centre névralgique de cette sordide affaire ?

Le roman policier le plus corse des polars bretons ! Dans ce tome, le lieutenant Phil Bozzi évoluera sur les terres de ses racines ancestrales…
EXTRAIT

L’interlocuteur, un homme affolé et essoufflé, paraissait sous le choc d’une émotion intense, il déblatéra un charabia dont Pierrot n’avait rien à envier, François lui ordonna de reprendre calmement ses propos. Ceux-ci s’avérèrent un peu plus compréhensibles et François tenta de reformuler ce qu’il avait compris, déclenchant par la même occasion le haut-parleur sur le poste afin que Phil puisse en profiter.
— Vous procédiez au ramassage des poubelles de la grande surface Géant Casino de Lanester, quand vous avez découvert, dissimulé par les dernières poubelles, allongé sur le sol, le long du mur carrelé du fond du local, le corps ensanglanté d’un individu, a priori masculin. Votre chef, chauffeur du camion-benne, vous a dit que cette personne était vraisemblablement décédée. Très bien, vous restez sur place, nous arrivons aussi vite que possible, ne laissez personne accéder à ce lieu, nous prévenons les services appropriés.

CE QU’EN PENSE LA CRITIQUE

Pour son 21e roman policier intitulé «Ça se corse à Lorient», Firmin Le Bourhis entraîne ses lecteurs dans le monde de la drogue. Une histoire haletante qui part de Lorient pour se terminer en apothéose en Corse... - Le Télégramme

À PROPOS DE L’AUTEUR

Né à Kernével en 1950, Firmin Le Bourhis vit et écrit à Concarneau en Bretagne. Après une carrière de cadre supérieur de banque, ce passionné de lecture et d’écriture s’est fait connaître en 2000 par un premier ouvrage intitulé Quel jour sommes-nous ?, suivi d’un second, Rendez-vous à Pristina, publié dans le cadre d’une action humanitaire au profit des réfugiés du Kosovo.

Connu et reconnu bien au-delà des frontières bretonnes, Firmin Le Bourhis est aujourd’hui l’un des auteurs de romans policiers bretons les plus appréciés, avec vingt-huit enquêtes déjà publiées. Il est également l’auteur d’essais sur des thèmes médicaux et humanitaires. Ses ouvrages sont tous enregistrés à la bibliothèque sonore de Quimper au service des déficients.

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FIRMIN LE BOURHIS

 

 

 

Ça se corse à Lorient

 

éditions du Palémon

Z.I de Kernevez

11B rue Röntgen

29000 Quimper

 

DU MÊME AUTEUR

 

Aux éditions Chiron

 

Quel jour sommes-nous ? La maladie d’Alzheimer jour après jour

 

Rendez-vous à Pristina - récit de l’intervention humanitaire

 

Aux éditions du Palémon

 

n° 1 - La Neige venait de l’Ouest

n° 2 - Les disparues de Quimperlé

n° 3 - La Belle Scaëroise

n° 4 - Étape à Plouay

n° 5 - Lanterne rouge à Châteauneuf-du-Faou

n° 6 - Coup de tabac à Morlaix

n° 7 - Échec et tag à Clohars-Carnoët

n° 8 - Peinture brûlante à Pontivy

n° 9 - En rade à Brest

n° 10 - Drôle de chantier à Saint-Nazaire

n° 11 - Poitiers, l’affaire du Parc

n° 12 - Embrouilles briochines

n° 13 - La demoiselle du Guilvinec

n° 14 - Jeu de quilles en pays guérandais

n° 15 - Concarneau, affaire classée

n° 16 - Faute de carre à Vannes

n° 17 - Gros gnons à Roscoff

n° 18 - Maldonne à Redon

n° 19 - Saint ou Démon à Saint-Brévin-les-Pins

n° 20 - Rennes au galop

n° 21 - Ça se Corse à Lorient

n° 22 - Hors circuit à Châteaulin

n° 23 - Sans Broderie ni Dentelle

n° 24 - Faites vos jeux

n° 25 - Enfumages

n° 26 - Corsaires de l’Est

n° 27 - Zones blanches

n° 28 - Ils sont inattaquables

n° 29 - Dernier Vol Sarlat-Dinan

n° 30 - Hangar 21

n° 31 - L'inconnue de l'archipel

n° 32 - Le retour du Chouan

n° 33 - Le gréement de Camaret

 

Menaces - Tome 1 - Attaques sur la capitale

Menaces - Tome 2 - Tel le Phénix

Menaces - Tome 3 - Pas de paradis pour les lanceurs d'alerte

 

 

 

 

 

Retrouvez tous les ouvrages des Éditions du Palémon sur :

 

www.palemon.fr

 

Dépôt légal 2etrimestre 2014

ISBN : 978-2-916248-58-5

 

 

 

 

 

NOTE DE L’AUTEUR :

L’auteur s’empare, comme habituellement, d’une véritable affaire criminelle et, au terme d’une étude approfondie des faits et avec l’aide d’officiers de police judiciaire, en donne une version romancée aussi proche que possible de la réalité…

Un fait réel qu’il transpose dans d’autres lieux pour y bâtir une enquête qu’il livre à votre perspicace lecture…

 

 

CE LIVRE EST UN ROMAN.

Toute ressemblance avec des personnes, des noms propres, des lieux privés, des noms de firmes, des situations existant ou ayant existé, ne saurait être que le fait du hasard.

 

Aux termes du Code de la propriété intellectuelle, toute reproduction ou représentation, intégrale ou partielle de la présente publication, faite par quelque procédé que ce soit (reprographie, microfilmage, scannérisation, numérisation…) sans le consentement de l’auteur ou de ses ayants droit ou ayants cause est illicite et constitue une contrefaçon sanctionnée par les articles L 335 2 et suivants du Code de la propriété intellectuelle. L’autorisation d’effectuer des reproductions par reprographie doit être obtenue auprès du Centre Français d’Exploitation du droit de Copie (CFC) - 20, rue des Grands Augustins - 75 006 PARIS - Tél. 01 44 07 47 70 - Fax : 01 46 34 67 19 - © 2014 - Éditions du Palémon.

 

 

 

 

 

 

 

BIBLIOGRAPHIE

 

- Le Magazine de la Cité de la Voile Éric Tabarly.

 

- Le Magazine du Pays de Lorient,

édition 2011/2012 de l’Office de Tourisme de Lorient.

 

- L’imposante documentation

de l’Office du Tourisme d’Ajaccio.

 

- Les deux ouvrages Les Feux de la Saint-Laurent,

aux Éditions Alain Piazzola,

d’Antoine-Marie Graziani et José Stromboni pour l’un,

de Le Faou, en bande dessinée, pour l’autre.

 

- Le site : www.geocaching.com

 

- Le Quotidien régional Corse-Matin, groupe Nice-Matin,

notamment pour ses reportages spécifiques

et certaines informations techniques sur la Corse.

 

 

 

 

 

 

REMERCIEMENTS

 

- À Pascal Vacher, Officier de police judiciaire.

 

- À l’Office du Tourisme,

quai Charles de Rohan à Lorient.

 

- À Christophe Amiot, pour ses informations

et ses conseils sur le géocaching.

 

- À Georges Petit-Renaud,

directeur Hypermarché Géant Casino de Lanester.

 

- À la sympathique équipe

de la Cité de la Voile Éric Tabarly,

 

- À la base de sous-marins de Kéroman de Lorient.

 

- À Michel Denis et Matthieu Fontaine, du restaurant

Quai Ouest, à la Cité de la Voile à Lorient

et, bien entendu, Stéphanie Nicolas.

 

- À mon frère, Patrick, pour ses informations

techniques sur les bateaux de plaisance.

 

- Au restaurant Eat Sushi,

Espace Nayel à Lorient et à Max en particulier.

 

 

 

 

 

 

 

REMERCIEMENTS

 

 

- Au Commissariat de Police d’Ajaccio.

 

- À l’Office du Tourisme,

3, boulevard du Roi Jérôme à Ajaccio.

 

- À toutes les personnes rencontrées

lors du 5eFestival du polar corse et méditerranéen, à Ajaccio.

 

- À la librairie La Marge,

rue Emmanuel-Arène à Ajaccio.

 

- Sans oublier, cette fois : Philippe Bozzi

en personne, sa maman Françoise et, bien sûr, Gwen

et Clémence, pour leurs précieuses informations sur la Corse

et toute l’histoire de la famille Bozzi.

 

- À toutes les personnes qui ont, à divers titres,

apporté leur contribution à ce texte et qui se reconnaîtront,

que ce soit à Lorient ou en Corse

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

Voilà de l’argent qui n’est guère propre,

si tant est qu’il y en est qui le soit…

Pour moi, c’est bien simple, je n’ai vu

que du sale argent et que de mauvais riches.

 

Octave Mirbeau (1848 - 1917)

 

 

Chapitre 1

Lundi 6 juin.

Juin démarrait d’une façon fabuleuse, tout comme avril et mai, faisant craindre le pire pour les récoltes et promettant un été plus chaud encore que 1976, voire 2003. Phil et François avaient pleinement profité de leurs deux semaines de congés bien méritées. François s’était gavé d’innombrables parties de pêche, malgré de faibles coefficients de marée, et de soirées barbecue avec ses amis à Concarneau ; Phil avait partagé ses vacances avec Gwen et Clémence, cette dernière s’était donc retrouvée en vacances scolaires avant l’heure.

À présent, il fallait reprendre le collier, après leur dernière affaire de Rennes1.

Phil et François avaient un peu le blues quand ils repassèrent brièvement à leur bureau de Quimper, pour saluer les collègues et leur patron, Yann Le Godarec. Ce dernier, à contrecœur, mais à la demande du grand patron de la DIPJ2 de Rennes, avait dû céder son équipe aux collègues du commissariat de police de Lorient contre une faible dotation de stagiaires qui, indépendamment de leur bonne volonté, ne compensaient pas vraiment l’absence de ses deux OPJ aguerris.

Le temps de jeter un œil sur quelques circulaires ou notes d’informations, histoire de se tenir au courant, de discuter un peu avec leur patron de la situation de l’hôtel de police, d’écouter ses états d’âme sur la faiblesse des moyens et les difficultés accrues du métier, et ils prirent la voie express, en direction de Lorient. Le temps exceptionnel ne faiblissait pas, allait-il encore durer longtemps ? Si cela continuait ainsi, l’inquiétude irait grandissante et la situation pourrait se transformer en véritable catastrophe.

 

*

 

Une heure après.

Ils traversèrent la ville de Lorient et empruntèrent le quai de Rohan. Ils apercevaient déjà l’immense immeuble aux formes très géométriques, avec sa façade de granit gris foncé aux fenêtres parfaitement alignées. Trois grandes activités y étaient regroupées : le palais de justice donnait sur la rue Maître Pierre Esvelin, puis le long du quai Charles de Rohan, la sous-préfecture et, en continuité, l’hôtel de police. Rien ne semblait avoir changé depuis leur dernière mission dans ces locaux, quelques années plus tôt.

Ils ne reconnurent personne à l’accueil. Inutile de déranger le commissaire divisionnaire, en charge du commissariat central qui, lui, dirigeait à la fois tout le corps des policiers en tenue et la section de la police judiciaire. Ils allaient devoir travailler pour cette dernière, aussi, demandèrent-ils à rencontrer leur futur patron, le commissaire principal. Ils furent conduits rapidement jusqu’au bureau de ce dernier, à l’étage. Sur sa porte étaient inscrits son nom, Anthony Kérolay, ainsi que sa fonction. Le gardien de la paix frappa, ouvrit la porte, annonça la visite et disparut.

La quarantaine, pas très grand, blond, aux cheveux courts et au visage fermé, l’homme semblait nerveux et préoccupé. Son visage se détendit lorsqu’ils se présentèrent. Il les pria d’entrer dans son bureau, pendant qu’il rangeait un dossier. Assis à son poste de travail, il tournait le dos à la fenêtre par laquelle ils apercevaient, à travers les arbres, le pignon du Palais des Congrès et, plus à leur droite, le port de plaisance et l’alignement de ses bateaux amarrés à leur anneau.

Puis Anthony Kérolay leur offrit un sourire à la Kennedy, juste derrière sa main tendue et, d’un geste, les invita à prendre place. Ils s’assirent dans les fauteuils, face à lui. Des messages radio de collègues sur le terrain s’élevaient dans la pièce, semblant venir du meuble bas situé à sa droite. Sur sa gauche, occupant tout un pan de mur, une sorte de bibliothèque, stockait pêle-mêle des livres de droit, des revues et sans doute de nombreux ouvrages à usage professionnel. Dans un compartiment à part, quelques photos et un diplôme de commissaire de la police nationale de Saint-Cyr-au-Mont-d’Or, datant du début des années deux mille. Des portes en bois plein cachaient le contenu de la partie basse du meuble.

Sans s’attarder, il évoqua brièvement l’organisation de l’hôtel de police et son large secteur d’activité géographique qui s’étendait depuis Hennebont jusqu’à Fort Bloqué, pour une population de cent quarante à cent cinquante mille habitants… Puis, s’interrompant, il précisa :

— Mais, je crois que vous connaissez déjà ?3

— En effet, reprit François, nous sommes déjà venus au début de l’année du fameux Tsunami survenu dans l’Océan Indien. Mais notre présence ici n’était pas en rapport avec cette catastrophe, mais avec celle de la pandémie de grippe qui avait touché si durement tout l’Europe de l’Ouest ; par conséquent, cette unité de Lorient avait dû faire face à un cruel manque d’effectif.

— Vous aviez fait du bon travail, m’a-t-on dit, était-ce mon prédécesseur qui occupait ce poste ?

— Non, c’était Jean Saliou, nommé peu de temps après à Brest.4

— Effectivement, il y a eu un collègue en poste entre lui et moi.

Une question leur brûlait la langue, Phil ne put s’empêcher de la poser :

— Pierrot est-il toujours dans votre effectif ?

— Pourquoi, vous le connaissez ?

— Il nous avait été d’un grand secours dans notre affaire.

— Ah bon ! répondit-il, surpris, l’air dubitatif, en adressant un regard curieux aux deux OPJ, puis il rajouta : Un peu compliqué comme type… Nous avons essayé de le muter, mais il est connu et personne n’en veut. Remarquez, ce n’est pas le mauvais bougre, pas idiot avec ça, cependant, impossible de le mettre en relationnel, ce ne sera jamais qu’un bon administratif. Dans toutes les équipes, il y a toujours au moins un boulet, faut faire avec. Son bureau est mitoyen du vôtre, il pourra vous être utile, on ne sait jamais… Allez, on y va, je vous conduis à votre bureau, vous verrez, il est assez spacieux pour vous deux ; désolé, mais il donne sur l’arrière.

— Pas grave, nous ne sommes pas en vacances, alors la vue sur mer n’a pas beaucoup d’importance ! rétorqua François, un peu déçu par le commentaire que cet homme venait de faire sur Pierrot.

Malgré son air affable, le commissaire principal ne semblait guère diplomate et François considéra qu’il lui serait difficile de se départir de ses préjugés quant à son collaborateur, Pierrot.

Tout en parcourant le couloir et en descendant l’escalier, Anthony Kérolay poursuivait :

— Il faudra que je vous présente également le commissaire, chef du SSP5. C’est un breton, malgré son nom à consonance méditerranéenne, vous verrez, il est très sympa, à peine la quarantaine, il a pas mal bourlingué, c’est le patron des policiers en tenue et de la Bac.

Au pas de charge, ils arrivèrent à leur nouveau lieu de travail. Anthony Kérolay apporta encore quelques nouvelles précisions, puis tous les trois se placèrent devant la porte du bureau de Pierrot. Ce dernier, la tête penchée sur son travail, disparaissait presque derrière un tas de dossiers.

— Vous connaissez le lieutenant Bozzi et le capitaine Le Duigou, semble-t-il…

Totalement absorbé, il releva la tête comme si toute la misère du monde allait encore lui tomber dessus, lui jetant un regard de ceux que procure l’expérience de la souffrance. Il sourit d’abord avec cautèle, puis soudain, son visage s’illumina.

— Phil… François… je suis drôlement content de vous revoir !

Il se leva, vint leur serrer chaleureusement la main, très ému et leur manifesta toute sa sympathie, visiblement sincère.

— Puisque vous vous connaissez et qu’ils vous apprécient, je leur ai dit qu’en cas de besoin, ils pouvaient compter sur vous.

— Pas d’problème, ça me fait tellement plaisir ! Merci !

Mais il ne voyait plus son patron et n’avait d’yeux que pour ses deux collègues.

Le commissaire principal ne s’attarda pas davantage, un peu surpris par l’accueil de Pierrot, il hésita à rajouter quelque chose et, sans plus de commentaires, songeur, regagna son bureau.

Phil et François restèrent bavarder quelques instants avec Pierrot qui n’avait guère changé, il avait quelques années de plus bien sûr, mais celles-ci se remarquaient à peine. Par contre, dès les premiers échanges, ils s’aperçurent que son élocution ne s’était pas améliorée, mais plutôt dégradée, peut-être était-ce à cause de l’émotion… Ils apprirent que son fils aîné, après avoir brillamment réussi Normale Sup, faisait déjà partie de l’équipe de direction d’une très performante entreprise d’informatique qui couplait les GPS6 dans leurs systèmes d’information et de communication pour toutes sortes d’équipements à usage du simple particulier lambda comme des entreprises de très haute technologie. Quant au plus jeune, il avait rejoint Polytechnique où, il excellait. Si dans son regard transparaissait une grande fierté, une profonde tristesse avait envahi son visage dans le même temps. Il ne leur cacha pas que, malgré la réussite exceptionnelle de leurs cursus universitaires, il regrettait amèrement de voir ses enfants sans vie familiale ni sociale… et surtout que ceux-ci ne soient pas « des jeunes comme les autres », répéta-t-il à plusieurs reprises.

Phil et François s’installèrent dans leur nouveau bureau, puis se rendirent à pied à l’Office de Tourisme, situé à une centaine de mètres de là, pour se procurer le plan de la ville et quelques informations. Une petite marche le long du port de plaisance, par cette journée radieuse, leur donna encore un petit goût de vacances, plus pour très longtemps, se dirent-ils, même si le ciel avait ce bleu pur qui vous donne envie de croire à un monde sans turpitude. Ils voulaient encore, durant quelques instants, se laisser submerger par le sentiment béni de la normalité, le pur bonheur du quotidien. Ils contournèrent ensuite le bassin du port de plaisance pour rejoindre le quai des Indes afin de confirmer leur arrivée à l’hôtel et regagnèrent leur nouveau poste de travail.

Effectivement, rapidement, dès qu’ils furent prêts, ils commencèrent à entrer de petits dossiers, sans grand intérêt, au rythme de ce qui se présentait à l’accueil.

Les jours qui suivirent, ils apprirent que Pierrot était, plus que jamais, laissé pour compte à l’hôtel de police et que bon nombre de ses collègues en profitaient pour utiliser ses compétences sans jamais lui manifester la moindre reconnaissance. Pierrot s’y pliait, même s’il en souffrait terriblement, il ne le montrait jamais. Avait-il un autre choix ?

À plusieurs reprises, au fil des jours, il leur déclara qu’il aimerait bien qu’il y ait une belle enquête à mener afin de pouvoir faire équipe avec eux car il gardait un souvenir heureux de leur précédente affaire. Mais déjà, il appréciait le simple fait de leur proximité au travail, de prendre un café et de déjeuner parfois avec eux ; cela lui permettait de relever la tête face à certains collègues, dont quelques-uns s’étonnaient de sa réaction et de ses affinités avec les deux nouveaux venus.

1. Voir Rennes au galop, même auteur, même collection.

2. Direction Interrégionale de la Police Judiciaire.

3. Voir Peinture brûlante à Pontivy, même auteur, même collection.

4. Voir En rade à Brest, même auteur, même collection.

5. Service de Sécurité de Proximité.

6. Sigle de l’anglais : Global Positioning System.

 

Chapitre 2

Vendredi 10 juin.

Depuis quelques jours, à l’hôtel de police de Lorient, la vie s’écoulait sans difficulté particulière et sans dossier digne d’intérêt pour Phil et François. Ils retrouvèrent, au fil des journées, quelques collègues rencontrés lors de leur première venue et un semblant de relations sociales s’établit rapidement avec les équipes en place où une bonne ambiance semblait régner, malgré la pression très perceptible et permanente du travail. Ceux qui n’étaient pas de service pensaient déjà au week-end dont le temps s’annonçait prometteur. Phil et François pensaient être également de ceux-là…

Il était à peine huit heures quand le poste de l’accueil bascula une communication téléphonique extérieure sur le poste de François, interrompant son travail en cours.

— C’est le service de ramassage des ordures de la ville qui veut un responsable, je vous le passe…

Le gardien de la paix n’attendit pas la réponse de François ni ne donna aucune précision supplémentaire ; l’interlocuteur était déjà en ligne, ne laissant pas d’alternative à François qui n’apprécia guère que l’accueil ne filtre pas davantage les appels et ne cherche pas à savoir de quoi il s’agissait avant de déranger leurs collègues, parfois pour des broutilles, leur occasionnant une perte de temps inutile.

L’interlocuteur, un homme affolé et essoufflé, paraissait sous le choc d’une émotion intense, il déblatéra un charabia dont Pierrot n’avait rien à envier, François lui ordonna de reprendre calmement ses propos. Ceux-ci s’avérèrent un peu plus compréhensibles et François tenta de reformuler ce qu’il avait compris, déclenchant par la même occasion le haut-parleur sur le poste afin que Phil puisse en profiter.

— Vous procédiez au ramassage des poubelles de la grande surface Géant Casino de Lanester, quand vous avez découvert, dissimulé par les dernières poubelles, allongé sur le sol, le long du mur carrelé du fond du local, le corps ensanglanté d’un individu, a priori masculin. Votre chef, chauffeur du camion-benne, vous a dit que cette personne était vraisemblablement décédée. Très bien, vous restez sur place, nous arrivons aussi vite que possible, ne laissez personne accéder à ce lieu, nous prévenons les services appropriés.

— D’accord.

— Cet ensemble commercial est très vaste, où se situe ce local à poubelles ?

— Côté ouest, près de l’entrée de la galerie commerciale et de la cafétéria située à l’étage. En fait, quand vous arrivez de Lorient, prenez l’accès direct au centre commercial pour éviter le grand rond-point et descendez directement sur le parking. Vous verrez devant vous, en rouge, la grande enseigne de la cafétéria qui se trouve à l’étage. Nous serons au pied de celle-ci, entre l’accès ascenseur et le grand escalier.

François n’avait pas raccroché, que Phil était déjà en ligne avec le SMUR, puis avec le médecin de garde et les spécialistes de la police technique et scientifique. François alerta le commissaire principal, Anthony Kérolay, afin que celui-ci avise le procureur et appelle le commissaire, chef du SSP, pour dépêcher du personnel en tenue pour circonscrire les lieux et établir un périmètre de sécurité. Pas le temps d’en parler à Pierrot, ils filèrent récupérer leur voiture et, dans les secondes qui suivirent, trois véhicules, l’un banalisé et les deux autres, aux couleurs de la police nationale, toutes sirènes hurlantes, quittèrent l’enceinte de l’hôtel de police pour se diriger vers Lanester.

Dix minutes après, les trois véhicules débouchèrent sur le parking du grand centre commercial, pratiquement désert à cette heure. François donna les ordres afin que chacun joue son rôle, qui pour déterminer le périmètre, qui pour relever l’identité des premiers témoins de la découverte de la victime, qui pour inspecter l’environnement…

François se rendit dans le local très étroit et découvrit, allongé sur le sol, mais dans une drôle de position, le corps d’un homme dont le visage était salement amoché, pieds et poings liés par de larges bandes adhésives marron, les vêtements maculés de sang dont il était difficile de dire si celui-ci provenait de ses propres plaies visibles sur la tête ou s’il appartenait à quelqu’un d’autre. Songeur, il resta quelques instants sans bouger, observant au passage le logo rouge et blanc de la société de ramassage, apposé sur chaque poubelle, sur lequel ressortait le nom Véolia. Inconsciemment, François pensa au bateau de course au large skippé par Roland Jourdain, même nom et même couleur que cette enseigne, qu’il revoyait amarré à son ponton près du restaurant La Coquille, à Concarneau.

Médecin et SMUR arrivèrent aussitôt. Le médecin ne put que constater le décès. Dès lors, cet endroit devenait une scène de crime qu’il fallait éviter de polluer pour permettre aux spécialistes de relever le moindre indice. Ces derniers ne tardèrent pas non plus et, peu après, ils enfilèrent leur tenue de protection à capuche intégrée, en matière plastifiée très légère. Ainsi équipés, ils donnaient l’impression de se transporter dans un autre monde et, à partir de ce moment, le regard qu’on leur portait, changeait. Ils savaient qu’ils étaient observés, ils devenaient des experts desquels on attendait tout.

Ils examinaient, revenaient sur leurs pas, tentaient de déchiffrer des traces, comme si celles-ci pouvaient avoir une signification profonde.

Le procureur débarqua alors, à la grande surprise de Phil et François. Ils tenaient du commissaire principal, Anthony Kérolay, que ce dernier était d’un très grand professionnalisme et savait faire preuve de lucidité, de calme, et gérait parfaitement ce genre de situation sur le plan judiciaire. Il vint vers eux et ils échangèrent sur les questions habituelles. Ils n’eurent pas à se présenter car il avait été informé de leur affectation provisoire à Lorient et leur indiqua qu’ils étaient tout désignés pour prendre en charge cette affaire, lorsqu’il aurait lui-même avisé le juge d’instruction de cette découverte.

Les spécialistes travaillaient sur la scène de crime, fort heureusement limitée, prenant des photos pour figer la scène et effectuant divers relevés. Les premières informations recueillies auprès des personnes en charge du ramassage des ordures n’apportèrent rien de particulier, il leur fut cependant demandé de se rendre à un endroit bien précis pour inventorier ce qu’elles estimaient provenir des poubelles de ce local vidées dans leur camion-benne ; leur contenu révélerait peut-être quelques indices… Les autres équipes, en binômes, commençaient l’enquête d’environnement, contactant tous les acteurs de vie du secteur et relevant l’immatriculation des véhicules en stationnement sur l’ensemble du parking, que ce soit dans la partie couverte ou aérienne, du côté de la station-service. De même, une autre équipe notait les entrées et sorties de toutes les personnes, qu’elles se déplacent à pied, à vélo ou à l’aide d’un engin motorisé.

Ce genre de découverte d’un cadavre qui, manifestement, ne relevait pas d’une mort naturelle ni accidentelle, pas plus que d’un suicide, nécessitait la mise en place immédiate d’un lourd dispositif. Phil et François savaient pertinemment, qu’avec ce type de dossier, ils ne savaient pas où ils allaient. Qui était cet homme, relativement jeune, a priori ? D’où venait-il ? Dans quelle direction ces investigations allaient-elles les mener ? Tout pouvait s’emballer très vite…

Comme il y avait déjà suffisamment de monde sur place, il leur appartenait de rencontrer au plus vite la direction générale de l’hypermarché Géant Casino, pour l’interroger sur les moyens de surveillance et de sécurité dont elle disposait. Phil terminait du regard un tour d’horizon des lieux, à la recherche de caméras de vidéosurveillance, en vain… étaient-elles bien dissimulées, ou n’existaient-elles pas, tout simplement ?

Le centre commercial n’ouvrait qu’à neuf heures, un des gardiens se proposa de les conduire à l’entrée réservée au personnel. Au bureau du directeur de la grande surface, ils furent accueillis par un homme d’un abord très sympathique, de taille moyenne, aux cheveux gris coiffés en arrière. Vêtu d’un costume gris clair, d’une chemise immaculée et d’une cravate du meilleur goût, cet homme charismatique savait aussi soigner son look.

— Le responsable de la sécurité vient de m’avertir de la macabre découverte et je me proposais justement de me rendre sur les lieux, leur dit-il.

— Inutile dans le moment, nos spécialistes sont au travail. Par contre, nous aurions besoin de quelques renseignements…

— Pas de problème, si vous voulez vous installer autour de cette table, ce sera plus pratique pour prendre vos notes, j’appelle immédiatement le responsable de la sécurité.

Quelques minutes plus tard, tous les quatre étaient fin prêts pour démarrer l’entretien. Phil derrière son ordinateur, François commença à adresser les questions, d’abord au directeur, monsieur Georges Petit-Renaud, qui déclina son état civil et précisa qu’il avait pris cette direction depuis quelques années, après avoir exercé des fonctions similaires dans le même groupe, à Quimper. Ceci détendit l’atmosphère, car François lui confia que tous deux venaient de Quimper également et étaient provisoirement détachés à Lorient. Ils se découvrirent même des connaissances communes.

Ils apprirent que l’accès au parking pouvait se faire jour et nuit sur toute la surface, pas de barrière, pas le moindre contrôle, en raison, notamment, de l’accès à la station-service vingt-quatre heures sur vingt-quatre. Le directeur répondit avec clarté à toutes les questions sur le fonctionnement du centre commercial, puis François s’adressa au responsable de la sécurité :

— Disposez-vous d’une vidéosurveillance donnant sur l’extérieur du centre commercial proprement dit ?

— Oui, tout autour, et elle porte également sur la station-service, le parking, l’entrée du personnel et, bien entendu, la surface commerciale intérieure, la galerie…

— Sur le local à poubelles également, côté ouest, là où le cadavre a été découvert ?

— Évidemment, une caméra est dissimulée en haut du mât sur lequel vous pouvez remarquer trois lampadaires en étoile. Il en est de même pour tous les mâts de ce type. Mais, il faut que vous sachiez que, le jour, toutes nos caméras enregistrent en continu mais qu’à partir de vingt-deux heures, nous passons en images alternées et séquentielles par zone, c’est-à-dire dix caméras pour l’intérieur et six pour l’extérieur, et ce, jusqu’à huit heures du matin.

— Qu’est-ce que cela veut dire pour nous, en clair ?

— Pour ce qui vous intéresse, donc l’extérieur, ceci signifie que les enregistrements correspondent à des séquences de quatre ou cinq secondes, par endroit filmé par chaque caméra, l’une après l’autre, puis on revient sur la première, et ainsi de suite sur les six que comporte cette boucle.

— Pour quel défilement ?

— La nuit ?

— Oui.

— Six images seconde.

— Très bien. Combien de temps conservez-vous les enregistrements ?

— Un mois, depuis que nous sommes passés sur support CD (sigle de l’anglais : Compact Disc). Auparavant, nous utilisions de cassettes et ne gardions les enregistrements qu’une seule semaine.

— Votre archivage sur CD nous arrange et va nous permettre de mieux exploiter les images. Y a-t-il un gardien de nuit ?

— Bien sûr, une personne reste à la régie, mais n’est cependant pas collée en permanence devant les écrans. On lui demande également d’effectuer une ronde dans les installations et d’intervenir ponctuellement à des endroits stratégiques. Il ne s’est rien passé de grave ici, depuis des années, le lot quotidien porte plus sur les fausses alertes en tout genre, du petit animal qui a réussi à s’introduire et déclenche certaines alarmes, au dysfonctionnement de certains appareils…

— Quelles sont vos priorités ?

— La station-service et l’entrée du personnel, nous tenons compte de ce qui nous remonte des autres centres, surtout ceux de la région parisienne et du sud-est de la France, Marseille notamment. Ces derniers considèrent que ce sont les deux endroits les plus critiques…

— Et pourquoi ?

— La station-service, du fait de la mise en place de beaucoup de systèmes de piratage de cartes bancaires, généralement la nuit ; l’entrée du personnel, pour les braquages armés, car c’est aussi l’accès utilisé par les transporteurs de fonds…

— J’imagine bien que le local à poubelles n’a rien de stratégique, s’empressa de rajouter François. Votre employé de nuit est-il encore là ?

— Non, il était rentré chez lui, mais dès que j’ai été informé de la découverte, je lui ai demandé de revenir car il devenait évident que vous voudriez l’entendre… de même que monsieur le directeur, rajouta-t-il en se tournant vers monsieur Georges Petit-Renaud qui approuva de la tête sans se départir de son sourire.

— Bien, nous allons nous rendre à votre régie…

Tous les quatre se levèrent et François dispensa le directeur de les suivre car il se doutait bien qu’une lourde charge de travail devait l’appeler, il le remercia de son accueil et tous les trois se dirigèrent vers le local technique de la sécurité.

Des écrans occupaient tout un pan de mur, déversant les images de la trentaine de caméras actuellement en fonctionnement continu pour la journée. Un homme était assis devant ceux-ci ; on eût dit qu’il regardait la chaîne parlementaire du mercredi à l’Assemblée Nationale tant il avait l’air de s’ennuyer ferme. Les deux OPJ l’interrogèrent et il leur expliqua de quelle manière il contrôlait ces appareils qu’il pouvait orienter à distance et faire zoomer, ainsi que divers principes d’utilisation qui relevaient strictement du domaine confidentiel.

Puis le gardien de nuit fit son apparition, il portait sa tenue de service ; son visage montrait son inquiétude, François le rassura et lui proposa de s’installer dans un bureau voisin. Après que Phil eut enregistré son identité, François commença :

— Quels étaient vos horaires cette nuit ?

— Vingt-deux heures à six heures. Mais j’arrive quelques minutes avant, car je dois passer l’installation de surveillance en système de nuit et je reste aussi quelques minutes de plus avec le collègue qui prend ma suite pour lui remettre le résumé de la nuit ainsi que le cahier que nous visons tous les deux.

— Vous pouvez aller me chercher ce document ?

— Bien sûr.

Il revint quelques minutes plus tard, le registre ouvert sur la page de la nuit et du jour précédent. François le consulta et ne releva aucune information intéressante, car y figuraient ses tournées dans les installations, ponctuées d’un répétitif RAS (Rien à signaler).

— Vous n’avez rien remarqué, cette nuit ?

— Non… dit-il, en haussant les épaules d’impuissance. Vous savez, j’effectue un circuit toutes les heures…

— À heure fixe ?

— Oui, généralement je pars à quarante-cinq

— Qui dure ?

— Un quart d’heure si je ne remarque rien ; vingt minutes et plus, si je dois régler un petit problème.

— Il peut donc arriver n’importe quoi pendant ce temps, vous n’en saurez jamais rien.

— Je travaille ici depuis plusieurs années, il ne s’est jamais rien passé d’exceptionnel, que voulez-vous qu’il arrive ?

— Un meurtre par exemple…

L’homme regrettait visiblement sa réflexion ; vexé, il baissa la tête.

— Avez-vous aperçu un quelconque véhicule passer, puis s’arrêter au niveau du local à poubelles ?

— Non… enfin je ne sais pas, je ne me souviens pas avoir remarqué une activité particulière. Il arrive aussi parfois que des salariés de la cafétéria soient obligés de revenir la nuit, soit parce qu’ils ont omis de faire quelque chose soit pour récupérer un objet qu’ils ont oublié, comme cette partie est indépendante, ils coupent donc les alarmes…

— Parce que celle-ci ne communique pas avec la galerie ?

— Si, mais elle est dotée de deux réseaux de sécurité : l’un, pour le côté restauration et l’autre, pour le reste et en lien avec l’intérieur du centre commercial. Vous avez dû voir, dans la régie, le tableau lumineux de toutes les alarmes que nous contrôlons.

— Donc, pas de manège particulier entre l’ascenseur de la cafétéria et l’escalier, ni devant cet espace ?

— Non, je n’ai rien remarqué, mais peut-être découvrirons-nous quelque chose en visionnant les images ?

— Souhaitons-le…

Phil et François se rendirent à nouveau dans la régie pour récupérer les CD de la nuit et également ceux de six heures du matin jusqu’à leur arrivée, un peu après huit heures. Puis, ils regagnèrent l’extérieur.

Le centre avait ouvert ses portes au public qui entrait par flots réguliers, chacun poussant son chariot. Le procureur était reparti. Les spécialistes terminaient leur travail, le corps venait d’être enlevé pour prendre la direction du CHBS7 de Lorient, établissement qui mettait à disposition des locaux faisant office d’Institut médico-légal, où un des légistes allait s’en occuper. Quelques badauds s’attardaient autour des bandes plastiques jaunes et noires, qui délimitaient le périmètre de sécurité, malgré la présence des policiers en tenue qui les priaient de poursuivre leur chemin en leur signifiant qu’il n’y avait rien à voir.

Phil et François vinrent discuter avec les spécialistes. Ceux-ci enlevaient leur combinaison.

— Quel est votre premier sentiment ?

— Ce type, a priori, n’a pas été tué à cet endroit. En fait, on l’aura jeté par-dessus les poubelles contre le mur, puis il aura glissé jusqu’au sol ; nous avons, en effet, relevé des traces de sang sur ce mur et également sur une poubelle. Sinon, rien de significatif pour l’instant. Nous partons examiner le contenu des poubelles qui proviennent de ce local. En tous les cas, ce type a dû morfler avant de mourir. Ses agresseurs se sont acharnés sur lui, puis ils l’auront achevé et jeté là.

— Il portait une pièce d’identité ou une quelconque information sur lui ?

— Non, rien de rien, tout lui a été enlevé méthodiquement, même pas de montre ni de bague. Espérons que son ADN et ses empreintes vont parler, car s’il n’est pas fiché et que personne ne signale sa disparition, on est mal pour l’identifier et, dès lors, pour vous ce ne sera pas facile non plus…

— Nous allons d’abord visionner les CD pour, peut-être, découvrir un début de piste.

— Je vous souhaite bonne chance, on se tient informés.

Phil et François se rendirent vers les policiers en tenue. Ceux-ci avaient relevé les immatriculations des véhicules sur le parking et terminaient d’interroger le fichier dans leur voiture. Au passage, ils repérèrent le fameux mât qui portait la caméra entre ses trois éclairages.

— Nous n’avons aucune voiture volée et, sous réserve de vérification de quelques identités, il semblerait qu’elles appartiennent toutes à des salariés du centre. Sinon, personne ne nous a signalé quoi que ce soit. Nous avons également examiné et fouillé les lieux, mais rien vu de particulier qui puisse vous aider.

— Bon, continuez votre vérification et avisez-nous, quand vous aurez terminé.

Phil et François n’aimaient pas ça. Un type, exécuté ailleurs, puis, balancé à cet endroit, cela ne leur laissait guère d’éléments d’investigation.

 

*

 

Ils regagnèrent leur bureau et en parlèrent à Pierrot. Celui-ci se proposa de visionner les CD et de préparer leur travail pendant qu’ils allaient informer Anthony Kérolay.

Ce dernier venait de s’entretenir avec le procureur qui, en accord avec le juge d’instruction, avait décidé de leur confier l’affaire, comme cela avait été envisagé lors de la rencontre avec le procureur sur le parking. Ils rendirent compte de la situation et rejoignirent Pierrot dans le bureau équipé pour visionner les images de la vidéosurveillance.

— Alors, as-tu remarqué quelque chose ?

— Oui… un 4x4 noir… mais c’est chiant, on n’a que des séquences de quatre à cinq secondes.

Ils regardèrent ensemble et découvrirent les images fractionnées en séquences, comme cela leur avait été expliqué à la régie du centre commercial, chacune des caméras des six mâts fonctionnant à tour de rôle pour revenir à la première, trente secondes après.

— Voilà, c’est ici que c’est important, précisa Pierrot.

À trois heures cinquante-sept, un imposant véhicule venait stationner devant le local à poubelles, deux hommes en sortaient et se plaçaient à l’arrière pour ouvrir la cinquième porte… et arrêt de cette séquence pour passer à celles enregistrées par les autres caméras qui ne leur apportaient rien, et, enfin, revenir sur les deux hommes qui remontaient dans leur voiture et repartaient.

— Regardez ! précisa Pierrot, qui revoyait pour la deuxième fois cette séquence, la porte du local est bien fermée lorsqu’ils arrivent mais reste entrouverte lors de leur départ, on peut donc penser que ce sont bien eux qui ont utilisé ce local à poubelles pour y déposer le corps. Car il n’y a eu personne d’autre pendant la nuit à utiliser cet endroit.

— Sans doute, mais nous ne les voyons pas sortir le corps et le transporter au local.

— C’est vrai, mais sur une autre séquence, on voit ce véhicule arriver à l’entrée du parking à trois heures cinquante-cinq et en ressortir à quatre heures trois, ce qui laisse penser qu’ils viennent de l’extérieur du centre commercial pour uniquement y déposer le corps.

— Hum, hum… troublant, fit François, juste pendant que le gardien fait sa tournée, faudra aussi voir de ce côté…

En silence, ils repassèrent en revue toute cette partie sur le moniteur du commissariat et, effectivement, la vidéosurveillance n’apportait pas plus d’informations et surtout montrait bien qu’il n’y avait pas eu d’autres véhicules à venir et à s’arrêter dans ces mêmes champs de vision des caméras.

— Faisons un arrêt sur image et un zoom sur la plaque…

La définition de l’image était bien trop faible ; un agrandissement la rendait encore moins lisible et ne permettait pas de relever l’immatriculation, pas plus que d’établir un signalement précis des deux personnes sorties du véhicule. C’était inexploitable… Seule certitude, il s’agissait d’un Mercedes. Phil ne put s’empêcher d’exprimer son mécontentement :

— Dans les séries télé, il faut les voir, il n’y a jamais de problème, ils repèrent même le moindre petit détail… mais, dans la réalité, c’est une autre histoire !

— Et en plus, la plaque est peut-être maquillée pour ne pas être lisible à l’image, suggéra François, comme pour se consoler.

— Ce n’est jamais simple et ça m’énerve toujours de voir toutes ces conneries sur nos écrans !

— Eh oui, mon vieux, tu rêves d’être le héros solitaire des écrans, celui qui résout les mystères les plus insolubles en cinquante-deux minutes et embrasse la jolie fille à la fin, c’est ça ?

— Non, mais tout de même, entre ce que l’on nous montre à la télé et les éléments vraiment exploitables d’une enquête, il y a tout un monde et ceci entretient la confusion dans l’esprit du téléspectateur.

— Je suis bien d’accord avec toi, cette méconnaissance totale de l’enquête, française de surcroît, ainsi véhiculée, et ces erreurs procédurales répercutées à l’infini, font que, dans l’esprit du public, elles se substituent peu à peu à la réalité, même si la nôtre au quotidien est tout autre !

— La vérité, c’est que nous ne pouvons rien résoudre sans un travail d’équipe…

Pierrot, attentif, approuva de la tête et, pour interrompre la discussion, proposa de dupliquer les CD et de demander à son fils de les exploiter dans la société où il travaillait. Tous les trois s’accordèrent sur cette solution à mener discrètement, la version officielle restant que les images n’étaient pas suffisamment exploitables en l’état.

Un des policiers en tenue vint à cet instant pour rendre compte de ses recherches.

— Il ne nous reste plus que trois véhicules, immatriculés dans le Morbihan, dont nous devons contacter les propriétaires. Tous les autres sont bien des salariés du centre commercial que nous avons pu joindre et mettre hors de cause.

— Il se peut que ce soient des personnes qui se sont donné rendez-vous à cet endroit, dans le cadre d’un covoiturage par exemple ou pour toute autre raison et sont donc totalement étrangères à ce drame, répondit Phil.

— Possible, dès que nous serons renseignés, nous vous communiquerons les résultats.

— Où ces trois véhicules sont-ils garés ?

— Le premier, la Golf grise, d’un modèle plutôt ancien, dans le parking couvert, vous voyez, à gauche en arrivant quand on vient de la zone commerciale, côté station-service, et les deux autres, en plein milieu du parking situé devant la façade où vous avez découvert le cadavre.

— Bien. Tenez-nous au courant.

Ils réfléchirent tous les trois à cette énigme et Pierrot proposa de récupérer les CD de vidéosurveillance se rapportant aux enregistrements effectués avant vingt-deux heures, ne serait-ce que pour vérifier si le véhicule suspect était déjà venu sur place avant les faits.

Ils s’accordèrent pour considérer que c’était une bonne idée.

 

*

 

Phil et François se rendirent, une nouvelle fois, à la régie de vidéosurveillance du centre commercial, où le responsable leur remit les CD en question.

— Nos collègues nous ont informés qu’il ne nous reste plus à identifier que trois véhicules dont nous n’avons pu joindre les propriétaires. L’un d’entre eux se trouve là dans le parking couvert, comment peut-on suivre son itinéraire ? demanda Phil.

— Impossible, les caméras sont toutes aériennes, vous pourrez juste le voir entrer et sortir du parking couvert…

— Dommage, car s’il y a eu éventuellement une altercation, ou je ne sais quoi, on n’en saura rien. Nous avons aussi ces deux véhicules, ici, sur le parking, Phil montra du doigt l’endroit sur le plan.

— Là aussi, nos caméras sont braquées uniquement sur chaque façade de l’immeuble pour contrôler les entrées et les sorties, mais pas pour surveiller la fréquentation du parking à proprement parler.

François sortit une photo agrandie de l’arrêt sur image au moment où les deux occupants sortaient du 4x4 :

— Cet équipage et ce véhicule vous disent-ils quelque chose ? Les connaissez-vous ?

Après l’avoir examinée attentivement, les employées de la régie ne purent que leur répondre négativement.

— C’est du beau véhicule haut de gamme, pas le genre de nos fréquentations, commenta l’un d’eux.

— Justement, pouvez-vous nous donner le dossier du gardien de nuit ?

— Pourquoi, vous soupçonnez quelque chose ?

— Non, pas du tout, simple routine. Exigez-vous un extrait de casier judiciaire au moment du recrutement ?

— Pour ce type de poste, oui. Il possède, en effet, toutes les clefs du centre commercial et maîtrise tout le système de sécurité, y compris des alarmes, ce qui n’est pas le cas pour bon nombre de nos vigiles. L’homme regarda l’OPJ d’un œil torve, puis poursuivit : Mais, s’il y a un type en qui j’ai totalement confiance, c’est bien lui, c’est un gars sérieux, honnête et discret, jamais un mot plus haut que l’autre et pas d’addiction connue, ni au tabac ni à l’alcool.

— Bien, nous notons.

En rentrant au bureau, ils confièrent les CD à Pierrot, trop heureux d’être impliqué dans cette affaire. Nul doute que, sans tarder, certains collègues allaient se plaindre de ne plus l’avoir sous la main pour accomplir leurs basses besognes, voire leur sale boulot. Mais, à chaque jour suffisait sa peine…

Ils s’attaquèrent à leur charge administrative, fulminant de voir leur week-end de Pentecôte s’évaporer, alors que, jusqu’à ce matin encore, ils avaient cru pouvoir rejoindre leur famille.

7. Centre Hospitalier de Bretagne Sud.