Drôle de chantier à Saint-Nazaire - Firmin Le Bourhis - E-Book

Drôle de chantier à Saint-Nazaire E-Book

Firmin Le Bourhis

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Beschreibung

À la pêche au cadavre dans l'Odet

Pour le capitaine François Le Duigou et le lieutenant Phil Bozzi, tout va commencer bizarrement, par une voiture sortie du port du Corniguel à Quimper avec un occupant, côté passager...
Le tout a séjourné longuement dans les eaux de l’Odet.
Cette découverte va rapidement les diriger vers Saint-Nazaire, la ville des prestigieux Chantiers.
De surprises en rebondissements, de rencontres insolites en découvertes inquiétantes, l’enquête les conduira dans des situations aussi troublantes qu’improbables, jusqu’au surprenant dénouement laissant tout le monde sous le choc...

Firmin Le Bourhis promène ses deux héros parmi les prestigieux Chantiers dans ce roman au suspense haletant !

EXTRAIT

L’après-midi était bien entamée. Phil enregistrait la déposition d’une brave dame tandis que François venait de raccompagner son dernier interlocuteur, lorsque le patron, le commissaire Yann Le Godarec, déboula dans leur bureau.
Sans le moindre ménagement, il s’adressa à François :
— François, tu es libre ? Phil en a-t-il encore pour longtemps ?
— Moi, je suis disponible et je crois que Phil a bientôt terminé, pourquoi ?
— Les pompiers ont été appelés pour sortir une voiture du port du Corniguel et il semblerait qu’il y ait quelqu’un dedans.
— Il semblerait ou c’est sûr ?
— C’est sûr et depuis un bout de temps en plus ! Alors, je souhaiterais que vous vous y rendiez aussi vite que possible.
— Pas de problème, je ramasse mes affaires et nous y allons dès que Phil sera prêt.

CE QU'EN PENSE LA CRITIQUE

Policiers consciencieux, énigme et faux-semblants, mise en scène meurtrière : les éléments indispensables sont réunis, pour une affaire que l’odorologie permet de résoudre. C’est fort agréable à lire. - Claude Le Nocher, Rayon polar

À PROPOS DE L’AUTEUR

Né à Kernével en 1950, Firmin Le Bourhis vit et écrit à Concarneau en Bretagne. Après une carrière de cadre supérieur de banque, ce passionné de lecture et d’écriture s’est fait connaître en 2000 par un premier ouvrage intitulé Quel jour sommes-nous ?, suivi d’un second, Rendez-vous à Pristina, publié dans le cadre d’une action humanitaire au profit des réfugiés du Kosovo.

Connu et reconnu bien au-delà des frontières bretonnes, Firmin Le Bourhis est aujourd’hui l’un des auteurs de romans policiers bretons les plus appréciés, avec vingt-huit enquêtes déjà publiées. Il est également l’auteur d’essais sur des thèmes médicaux et humanitaires. Ses ouvrages sont tous enregistrés à la bibliothèque sonore de Quimper au service des déficients.

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FIRMIN LE BOURHIS

 

 

 

Drôle de chantierà Saint-Nazaire

 

éditions du Palémon

Z.I de Kernevez

11B rue Röntgen

29000 Quimper

 

DU MÊME AUTEUR

 

Aux éditions Chiron

 

Quel jour sommes-nous ? La maladie d’Alzheimer jour après jour

 

Rendez-vous à Pristina - récit de l’intervention humanitaire

 

Aux éditions du Palémon

 

n° 1 - La Neige venait de l’Ouest

n° 2 - Les disparues de Quimperlé

n° 3 - La Belle Scaëroise

n° 4 - Étape à Plouay

n° 5 - Lanterne rouge à Châteauneuf-du-Faou

n° 6 - Coup de tabac à Morlaix

n° 7 - Échec et tag à Clohars-Carnoët

n° 8 - Peinture brûlante à Pontivy

n° 9 - En rade à Brest

n° 10 - Drôle de chantier à Saint-Nazaire

n° 11 - Poitiers, l’affaire du Parc

n° 12 - Embrouilles briochines

n° 13 - La demoiselle du Guilvinec

n° 14 - Jeu de quilles en pays guérandais

n° 15 - Concarneau, affaire classée

n° 16 - Faute de carre à Vannes

n° 17 - Gros gnons à Roscoff

n° 18 - Maldonne à Redon

n° 19 - Saint ou Démon à Saint-Brévin-les-Pins

n° 20 - Rennes au galop

n° 21 - Ça se Corse à Lorient

n° 22 - Hors circuit à Châteaulin

n° 23 - Sans Broderie ni Dentelle

n° 24 - Faites vos jeux

n° 25 - Enfumages

n° 26 - Corsaires de l’Est

n° 27 - Zones blanches

n° 28 - Ils sont inattaquables

n° 29 - Dernier Vol Sarlat-Dinan

n° 30 - Hangar 21

n° 31 - L'inconnue de l'archipel

n° 32 - Le retour du Chouan

n° 33 - Le gréement de Camaret

 

Menaces - Tome 1 - Attaques sur la capitale

Menaces - Tome 2 - Tel le Phénix

Menaces - Tome 3 - Pas de paradis pour les lanceurs d'alerte

 

 

 

 

 

 

Retrouvez tous les ouvrages des Éditions du Palémon sur :

 

www.palemon.fr

 

Dépôt légal 2e trimestre 2014

ISBN : 978-2-916248-67-7

 

 

 

 

 

NOTE DE L’AUTEUR :

L’auteur s’empare, comme habituellement, d’une véritable affaire criminelle et, au terme d’une étude approfondie des faits et avec l’aide d’officiers de police judiciaire, en donne une version romancée aussi proche que possible de la réalité…

Un fait réel qu’il transpose dans d’autres lieux pour y bâtir une enquête qu’il livre à votre perspicace lecture…

 

 

CE LIVRE EST UN ROMAN.

Toute ressemblance avec des personnes, des noms propres, des lieux privés, des noms de firmes, des situations existant ou ayant existé, ne saurait être que le fait du hasard.

 

Aux termes du Code de la propriété intellectuelle, toute reproduction ou représentation, intégrale ou partielle de la présente publication, faite par quelque procédé que ce soit (reprographie, microfilmage, scannérisation, numérisation…) sans le consentement de l’auteur ou de ses ayants droit ou ayants cause est illicite et constitue une contrefaçon sanctionnée par les articles L 335 2 et suivants du Code de la propriété intellectuelle. L’autorisation d’effectuer des reproductions par reprographie doit être obtenue auprès du Centre Français d’Exploitation du droit de Copie (CFC) - 20, rue des Grands Augustins - 75 006 PARIS - Tél. 01 44 07 47 70 - Fax : 01 46 34 67 19 - © 2014 - Éditions du Palémon.

 

 

 

 

 

 

 

REMERCIEMENTS

 

 

Pascal Vacher, Officier de Police Judiciaire

pour ses renseignements techniques

toujours aussi utiles voire indispensables.

L’Office de Tourisme de Saint-Nazaire.

L’Hôtel de Police du 59, rue du Général de Gaulle

et en particulier le lieutenant Marie Montel.

Le Service des ressources documentaires

de l’Hôtel de Ville

et en particulier Maripol Gouret

pour qui j’ai glissé quelques passages « bretonnants »

dans cet ouvrage…

Sans oublier, bien entendu,

Marie-Laure Riallot pour son accueil.

 

 

Avec l’aimable autorisation des Chantiers de l’Atlantique

et notamment du service communication,

de Madame Isabelle Huyghe et de sa collaboratrice Nathalie

pour leur gentillesse et leurs informations.

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

« Il faut une terrible passion pour tenir

Contre une humiliation qui n’en finit point. »

 

Denis Diderot (1713-1784)

 

 

 

 

 

« La vérité existe.

On n’invente que les mensonges. »

 

Georges Braque (1882-1963)

 

 

 

Chapitre 1

Jeudi 12 janvier.

Phil et François s’efforçaient d’oublier la tragique enquête de Brest. Les fêtes de fin d’année en famille leur avaient fait le plus grand bien. Ils se sentaient, à nouveau, en pleine forme pour relever tous les défis du monde pour les douze mois à venir !

Pourtant, jusqu’à présent, les premiers jours ne leur avaient offert que de petites affaires sans grande importance.

L’après-midi était bien entamée. Phil enregistrait la déposition d’une brave dame tandis que François venait de raccompagner son dernier interlocuteur, lorsque le patron, le commissaire Yann Le Godarec, déboula dans leur bureau.

Sans le moindre ménagement, il s’adressa à François :

— François, tu es libre ? Phil en a-t-il encore pour longtemps ?

— Moi, je suis disponible et je crois que Phil a bientôt terminé, pourquoi ?

— Les pompiers ont été appelés pour sortir une voiture du port du Corniguel et il semblerait qu’il y ait quelqu’un dedans.

— Il semblerait ou c’est sûr ?

— C’est sûr et depuis un bout de temps en plus ! Alors, je souhaiterais que vous vous y rendiez aussi vite que possible.

— Pas de problème, je ramasse mes affaires et nous y allons dès que Phil sera prêt.

Dans le quart d’heure suivant, Phil conduisait la voiture banalisée, emportant François vers leur destination. Ils quittaient déjà la route de Pont-L’Abbé et s’engageaient sur le rond-point de Ludugris afin de remonter l’avenue Pierre Mendès-France et tourner aussitôt vers l’avenue du Corniguel. Ils traversèrent le quartier pavillonnaire, puis atteignirent la zone boisée de part et d’autre de la route laissant sur la droite le chemin menant au chenil de la SPA. Enfin, ils descendirent vers le port.

Juste après quelques bâtiments abandonnés, ils aperçurent, de chaque côté, les entrepôts et installations de l’entreprise de commercialisation et de conditionnement d’amendements et, en particulier, de maërl des Glénan. Ils passèrent devant un chantier naval et des locaux industriels avant de tourner sur la gauche entre d’immenses tas de sable, devant un autre chantier naval et les sablières.

Là, ils découvrirent des véhicules garés dans tous les sens, camions de pompiers, grue, Zodiac, ambulances, le tout sans cesse balayé par les signaux des gyrophares, blancs, orange, bleus.

Un véhicule reposait sur le bord du quai le long de l’Odet, encore tout dégoulinant. Le toit avait été partiellement écrasé et toutes les vitres avaient disparu. Le chef des pompiers vint aussitôt vers eux.

— Comment avez-vous été prévenu ? lui demanda François.

— C’est le patron du sablier qui nous a signalé avoir touché quelque chose en venant le long du quai…

— Où se trouve-t-il ?

— Il est reparti sur Bénodet. Il n’a pas su ce qu’il a heurté. Mais il sera facile à contacter. Cependant, il ignore ce que nous avons découvert.

Ils reconnurent le médecin légiste Pascal Le Bon et vinrent le saluer, ainsi que les collègues de la police technique et scientifique qui arrivaient au même moment.

Deux pompiers, la mine défaite, conversaient près de la voiture dans laquelle un individu semblait avoir séjourné plusieurs jours dans l’eau du port. Sa ceinture de sécurité le maintenait côté passager. Il n’y avait personne au volant. Le Zodiac venait de redescendre sur l’eau et deux plongeurs continuaient les recherches afin de retrouver un éventuel chauffeur.

Vers l’Ouest, en cette fin de belle journée hivernale, claire et fraîche, le ciel passait du bleu pâle au pourpre. Les derniers rayons du jour cernaient le haut des arbres de la colline dominant le port.

Il était plus de seize heures trente, la nuit serait là dans un peu plus d’une heure, même si les journées rallongeaient depuis quelques semaines.

— Vous n’avez touché à rien ? demanda le légiste aux pompiers.

— Non. Répondirent-ils, offusqués qu’on leur pose une telle question.

De cet emplacement, en regardant la rivière, Phil et François évaluèrent la situation. Sur la droite, des tas de sable encombraient le quai. Sur la gauche, le quai remontait vers l’usine d’entreposage et de conditionnement d’amendements. Des centaines de sacs en plastique blanc, portant une inscription en bleu, attendaient d’être emportés. Le bord du quai à cet endroit comportait une butée en bois sur plusieurs dizaines de mètres pour éviter que des engins ou des chariots tombent à l’eau. Plus loin encore, des friches industrielles, barbouillées de tags, rappelaient à leur souvenir une précédente affaire1.

Le chef des pompiers connaissait bien les lieux pour venir y pratiquer quelques exercices avec les plongeurs. Il estima que le véhicule en question avait dû venir tout droit de la rue située entre les tas de sable et presque en face du deuxième chantier naval. Il le considérait comme le meilleur endroit, car il offrait le plus de profondeur d’eau et restait le plus discret car ce lieu était principalement réservé aux usagers et, l’été, emprunté par de nombreux pêcheurs à la ligne.

— Ici, les camions vont et viennent sans arrêt toute la journée, il est donc impossible de remarquer la moindre trace particulière de pneus ou de freinage en rapport avec le véhicule incriminé, précisa-t-il.

— Oui, effectivement.

Ils s’approchèrent de la voiture. Les flashs des appareils photos donnaient une curieuse ambiance à cette scène macabre. L’individu, ou plutôt le macchabée, fut extrait de la voiture et déposé dans une housse en polyéthylène, aux fins des premiers examens. Le visage et les mains avaient souffert du séjour dans l’eau. L’homme paraissait méconnaissable en l’état. Le légiste, accroupi près du corps, l’examina un long moment sous toutes les coutures, comme il aurait étudié un insecte exotique dans la vitrine d’un musée, puis secoua la tête et se releva.

— À première vue, le décès remonte à une semaine environ, mais je vous en dirai plus après une étude approfondie…

— La noyade est-elle l’origine ou la cause du décès ?

— Trop tôt pour le préciser.

Les hommes de la police technique et scientifique s’activaient, fouillant méticuleusement le véhicule à la recherche d’indices. Phil remarqua que la Peugeot 307 SW break gris métallisé était récente et immatriculée dans le département soixante.

François commençait à inscrire ces informations quand le spécialiste sortit de la boîte à gants un dossier plastifié contenant les papiers de la voiture. Il s’agissait d’un véhicule de location, loué à Paris par un Polonais de la région de Gdanks, un certain Krzysztof Wieckiewicz.

S’agissait-il de lui ? Que faisait-il là ? Se trouvait-il seul dans la voiture ? Pourquoi occupait-il la place du passager ?

— Comment croyez-vous que ce soit arrivé ? demanda Phil.

— Difficile de savoir si la voiture roulait. Le chauffeur aurait-il eu un malaise ? La voiture a-t-elle été poussée à l’eau ? Comme cela s’est produit depuis plusieurs jours, nous ne pouvons vérifier certaines choses, notamment le positionnement par rapport au quai, aux courants… bref, plutôt énigmatique comme situation. Les clefs de contact se trouvent toujours en place, la voiture n’a pas été forcée et les fils n’ont pas été bricolés.

— Ce qui pourrait écarter la thèse du vol du véhicule sur un parking ?

— Peut-être, mais ceci n’exclut pas un car-jacking ou une faute d’inattention du chauffeur. Par exemple, le temps d’aller acheter un paquet de cigarettes, on laisse la voiture en marche et le tour est joué par un opportuniste à l’affût…

— Oui, c’est vrai, tout est possible.

— D’autre part, ici, ce n’est pas réellement un lieu de promenade. Nous pouvons tout imaginer. Les plongeurs ne semblent pas trouver trace du chauffeur. Alors ? Mystère !

— Et l’écrasement du toit ?

— Au vu des divers impacts et des différentes marques de peinture, plusieurs navires ont dû passer dessus en le heurtant au passage. Mais, avec toute cette vase au fond de l’eau, un sablier bien chargé n’aura rien ressenti. C’est une chance que l’un d’entre eux l’ait remarqué du fait du niveau très bas de l’eau dans l’après-midi, sinon, la voiture aurait pu y rester un certain temps encore…

Des reporters de quotidiens régionaux locaux arrivaient sur les lieux, s’informant de ce qui s’était produit.

— Pas de commentaires pour l’instant, firent les OPJ.

— Allons, Messieurs… se plaignirent les journalistes.

— Non, sincèrement désolés, mais nous ne pouvons vous donner que le strict minimum, tout le reste pour l’instant… c’est de l’inconnu… En rentrant, nous allons nous renseigner sur la voiture, le loueur et, demain, nous devrions pouvoir vous en dire un peu plus, voire vous solliciter pour appel à témoins.

Phil parcourut du regard l’autre rive de l’Odet. Il apercevait parfaitement encore, au loin, à sa gauche, la ville de Quimper puis, plus près, les jardins du château de Lanniron et une partie de la belle architecture de la construction. À droite, au fond de la baie de Kérogan, il distinguait les installations de la grande surface commerciale, le centre universitaire et la patinoire… L’eau atone de la rivière descendait lentement vers Bénodet dans un silence dense, presque palpable. Le jour déclinait à présent rapidement. Quelques mouettes remontaient mollement vers la ville.

Sans résultats, les plongeurs cessèrent leurs recherches. Les différentes équipes rangeaient leurs affaires. Pascal Le Bon, le médecin légiste, sans plus de cérémonie, s’en allait à son tour, leur promettant de faire au plus vite.

La voiture venait d’être tractée sur un plateau pour être enlevée des lieux.

Phil et François en profitèrent pour rendre visite aux personnels des entreprises installées sur le port. Le tour fut rapide. Personne, durant ces huit derniers jours, n’avait remarqué un tel véhicule ni un éventuel suspect, que ce soit dans les chantiers navals, la sablière ou la société d’amendements…

Ils regagnèrent leur véhicule. Les derniers pompiers, en charge du Zodiac, et les plongeurs terminaient de se changer. Quand le lieu fut à nouveau désert, Phil et François parcoururent une dernière fois le quai.

En hauteur, la colline boisée ressemblait à présent à une silhouette brune, telle une forteresse gigantesque, et l’Odet, à une plaque de verre noir, à un miroir où se reflétaient les ombres et les dernières nuées orange du ciel. La nuit était presque tombée. Ils quittèrent le port du Corniguel et rejoignirent leur bureau.

Ils rendirent compte de la situation au patron afin qu’il en avise le procureur. De nombreux faits troublants apparaissaient. Suicide ? Meurtre ? Accident ?

Retenir telle ou telle hypothèse eût été précipité.

La location du véhicule à un Polonais de Gdanks leur fit penser au chantier naval de Concarneau qui employait, leur semblait-il, des professionnels venus de chantiers du nord de la Pologne. Ils appelèrent leur collègue, commandant fonctionnel du commissariat de Concarneau, afin de vérifier si l’état civil de ce Polonais était connu dans la construction navale. Celui-ci leur promit de s’en occuper dès le lendemain matin.

Ils interrogèrent ensuite les fichiers des disparitions et celui des voitures volées : rien n’y figurait. Puis l’agence parisienne d’une enseigne nationale de location de voitures. La responsable étant partie à la fin de son service, personne ne put les renseigner. Phil leur posa une question concernant l’immatriculation :

— Tous vos véhicules sont immatriculés dans le soixante ?

— Oui, tous ! Question de fiscalité. Il y a quelques années, c’était dans le cinquante et un.

Phil et François demandèrent ensuite au binôme en tenu qui venait de prendre son service pour la nuit, de se renseigner dans le milieu des tagueurs. Certains d’entre eux étaient-ils venus au Corniguel ces jours derniers et avaient-ils remarqué quelque chose de particulier ? Les premières réponses ne seraient connues que le lendemain.

 

*

 

Vendredi 13 janvier.

C’était le premier vendredi 13 de l’année… Phil et François se demandaient s’il allait leur porter chance dans cette enquête. Dès leur arrivée, Yann Le Godarec les rejoignit au distributeur de café. Le procureur leur confiait le dossier et nommait François directeur de l’enquête. Les pompiers venaient d’appeler. Une équipe de plongeurs allait prospecter le fond du port, une nouvelle fois, et procéder à une fouille le long de l’Odet en descendant vers Bénodet.

L’absence de chauffeur intriguait, mais peut-être avait-il réussi à sortir… Pourquoi n’avait-il pas donné l’alerte dans ce cas ?

Afin d’approfondir l’enquête de voisinage, le commissaire Yann Le Godarec désigna également une équipe en tenue qui se chargerait aussi de faire le point avec les pompiers qui se rendaient sur les lieux.

Le commandant du commissariat de Concarneau appela peu après… Le Polonais était parfaitement inconnu des dirigeants du chantier naval de la ville.

La responsable de l’agence parisienne de location de voitures se souvenait d’avoir loué la Peugeot 307 SW break à un Polonais effectivement nommé Krzysztof Wieckiewicz.

— C’est un habitué du reste, il vient deux ou trois fois par an pour une période de quelques semaines et, à ma connaissance, il se rend sur le chantier naval de Saint-Nazaire. Un type très bien, d’ailleurs. Il s’exprime difficilement en français, mais on le comprend parfaitement.

Elle donna la description de son client. Il paraissait impossible à Phil et François de déterminer si celle-ci pouvait correspondre la victime. Seule, la taille semblait proche. Mais cette demande de renseignements émanant de la police l’intriguait, aussi se proposa-t-elle d’appeler sa collègue de l’agence de Saint-Nazaire, à toutes fins utiles.

Ils appelèrent leur ami Pascal Le Bon, le légiste. Celui-ci occupait également un poste de médecin généraliste, car la médecine légale, dans une ville comme Quimper, n’offrait qu’une activité insuffisante.

— Désolé les gars, mais je ne procéderai à l’autopsie de votre homme qu’en début d’après-midi, passez me voir dans la soirée…

Ils s’attaquaient à la rédaction des procès-verbaux au moment où la responsable de l’agence parisienne de location de voitures rappela :

— Excusez-moi, mais je viens d’avoir ma collègue de l’agence de Saint-Nazaire. Nous sommes face à une situation assez troublante.

— C’est-à-dire ?

— Mon client, donc le Polonais, est passé à l’agence de Saint-Nazaire justement hier pour signaler la perte de la voiture qu’il m’avait louée. Comme il craignait que ce soit simplement un de ses collaborateurs et compatriotes qui lui ait joué un tour, ou fait une blague, il a préféré nous avertir, par acquit de conscience, en demandant cependant d’attendre pour porter plainte…

— C’est pour le moins étonnant, non ?

— Oui, tout à fait… bizarre en tous les cas !

— Et vous êtes certaine que c’est bien votre client qui s’est présenté à l’agence ?

— Il semblerait… d’après la description.

— Il serait donc bien vivant !

— Oui, pourquoi ?

— Parce que nous avons repêché votre voiture au fond du port de Quimper avec, à bord, un passager qui aurait séjourné plusieurs jours au fond de l’eau…

— Oh ! Mon Dieu. À Quimper ? Comment est-ce arrivé ?

— C’est ce que nous tentons de savoir.

En fin de soirée, Phil et François se rendirent au funérarium dont un endroit était réservé aux autopsies. Ceci avait toujours surpris Phil. La ville de Quimper n’était pas dotée d’un institut médico-légal digne de ce nom avec tout l’équipement et chambre froide, comme chacun pouvait se l’imaginer. D’ailleurs, il se souviendrait toujours d’une des premières réflexions de Pascal, lors de son arrivée et de sa première affaire.

Devant son air étonné, il lui avait dit :

— Nous ne sommes pas dans une série policière télévisée, ici, avec un légiste mis sur un piédestal. Vous savez… celui qui découvre le petit détail permettant de résoudre l’affaire ! avait-il ironisé. La réalité est plus cruelle et suit le cours des drames de la vie : un SDF, un drame de l’alcoolisme, une personne âgée isolée, décédée dans son appartement dans l’indifférence générale, un accident de la route et, quelques fois seulement, un décès suspect, une mort violente…

Il se rappelait aussi avoir détecté sur ses traits une authentique souffrance, après toutes ces années de médecine légale. Une stupéfaction aussi, mêlée d’incrédulité, comme s’il n’en revenait toujours pas d’avoir, une fois de plus, dû écarteler un être humain et le vider comme un lapin.

Pascal venait juste de terminer au moment de leur arrivée. Les civilités évacuées, sans perdre de temps, il débita son compte-rendu. Un de leurs collègues OPJ, ainsi qu’un autre médecin, avait assisté à l’autopsie dans l’après-midi :

— L’homme doit avoir trente-cinq ans environ ; un mètre quatre-vingts, brun, yeux marron. Pas de signe particulier. Pas de bijoux… ni bague, ni alliance. Les poumons contenaient de l’eau…

— Est-il mort noyé dans sa voiture comme nous pouvions l’imaginer ? rajouta Phil.

— Je n’ai pas dit ça, même si nous pouvons le penser. Tous les viscères sont partis au labo aux fins d’analyses. Au vu des résultats, je pourrai vous en dire un peu plus… Il est important de connaître la composition du dernier repas, s’il y a alcool, drogue, médicaments, que sais-je encore ? Voici le compte-rendu avec tous les détails. Malgré l’écrasement du toit du véhicule, il n’y a pas de traces de blessures ni de choc important, même sur la tête. Le corps a dû se tasser sur lui-même au fond de l’habitacle tout en se maintenant au siège par sa ceinture.

— Est-ce que cet homme pouvait être handicapé ? Souffrant ?

— Handicapé ? Non. Pour le reste, les résultats des analyses nous permettront d’y voir plus clair.

— Des traces de perforation : coup de couteau ou arme à feu ?

— Non, rien de tout ça. Et vous, vous avez des infos sur ce Polonais ?

— Nous ne savons même pas si la victime est d’origine polonaise. Nous savons seulement que le locataire du véhicule n’est pas la personne découverte à l’intérieur et qu’elle se porterait bien.

— Eh bien, ce n’est pas très clair tout ça ! À mon avis, vous n’êtes pas sortis de l’auberge ! Au fait, avez-vous eu des nouvelles des recherches entreprises par les pompiers dans le port et sur l’Odet ?

— Oui, avant de venir. Celles-ci n’ont rien donné.

— Comme nous ne connaissons pas l’identité de la personne découverte dans la voiture, j’ai récupéré ses vêtements et les ai mis à sécher. Nous allons habiller un mannequin de son gabarit pour tenter de reconstituer le personnage et d’établir un portrait-robot.

— Pas de découvertes dans les poches ?

— Rien, pas de papier, pas d’argent, même pas de mouchoir, ni de clefs ! Comme si on avait tout fait pour dissimuler son identité. Les vêtements, de facture classique, ne comportent aucun signe particulier non plus.

— Ça promet !

— Bon. Pas le moment de se laisser abattre, je vous offre un verre ?

Ils restèrent discuter quelques instants encore avec le légiste, plus pour se poser des questions, à haute voix, afin de tenter d’y voir un peu plus clair que pour prendre un pot. Les idées des uns et des autres pouvant faire évoluer les recherches.

Le soir même, ils firent leur compte-rendu au patron qui appela le procureur. Au vu des éléments, ce dernier décida que Phil et François se rendraient à Saint-Nazaire pour interroger le Polonais et son environnement, après le week-end.

1. Voir Échec et Tag à Clohars-Carnoët, même auteur, même collection.

 

Chapitre 2

Lundi 16 janvier.

Les lumières grises de l’aube perçaient tout juste sur la ville de Quimper quand Phil et François s’engageaient sur la voie express les menant en Loire-Atlantique. Depuis le vendredi, ils n’avaient rien appris de nouveau sur l’affaire les concernant. Aussi, en chemin, parlèrent-ils surtout du week-end passé en famille. Évoquant cependant, lors de leur passage à hauteur de Quimperlé puis de Lorient, leurs enquêtes précédentes menées avec succès2.

Tout en conduisant, Phil se sentait léger. Après plusieurs années passées en Bretagne, il se considérait désormais comme un breton bon teint et, pour rien au monde, ni lui ni sa famille ne voudrait quitter cette région.

Pensif, François rajouta :

— C’est curieux, « on dit toujours jamais deux sans trois » ! Après Lorient et Brest, Saint-Nazaire est la troisième ville que nous allons découvrir et qui a aussi payé un lourd tribut à la dernière guerre mondiale : villes rasées puis reconstruites durant les années cinquante et soixante.

— J’espère qu’elle sera à l’image de l’enquête de Lorient et non de celle de Brest ! surenchérit Phil, pensant toujours à l’issue de leurs enquêtes précédentes.

Ils s’accordèrent pour emprunter la route touristique en quittant la voie express à La Roche-Bernard afin de passer par Guérande et La Baule. François adorait cette région et regrettait de ne pas y venir assez souvent. Phil, quant à lui, la découvrait.

Quand ils dominèrent les marais salants à la sortie de Guérande, un soleil d’hiver, blanc et brillant dans un ciel lisse et bleu, les éblouit et ils restèrent admiratifs devant ce paysage si surprenant et si pittoresque, découvrant ces œillets sans tas de sel à cette saison et tous ces oiseaux à la recherche de leur pitance.

À Saint-Nazaire, après avoir contourné l’étang du Bois-Joalland, ils se rendirent directement à l’hôtel de police situé au 59, rue du Général de Gaulle.

— Vous verrez, le bâtiment fait l’angle d’une rue avec la rue d’Étables, sur votre droite en venant par le boulevard de l’hôpital et la rue commandant Gâté, peu après le carrefour du boulevard Gambetta, leur avait dit le commissaire principal Duval, en charge de Saint-Nazaire - La Baule-Escoublac, qu’ils avaient eu au téléphone, sur la route, le matin même.

Ils y arrivèrent effectivement sans difficulté. Ils gravirent les quelques marches et franchirent les deux portes vitrées automatiques pour se retrouver à l’accueil où ils furent pris en charge immédiatement.

Le commissaire principal Duval les reçut aussitôt chaleureusement, heureux d’accueillir des collègues dans ses locaux. Il leur présenta rapidement son territoire d’action, allant de Saint-Nazaire à La Baule-Escoublac où un commissaire dirigeait également une unité. Puis il entra aussitôt dans le vif du sujet :

— J’ai réfléchi à ce que vous m’avez présenté sur votre affaire. Je pense que le mieux c’est que je vous adjoigne un de mes binômes. Ceci vous facilitera le travail et vous aidera d’autant que vous m’avez dit qu’un ressortissant étranger semblait être concerné. Il s’avère qu’ici, nous avons aussi la charge de la PAF3. Le manque d’effectif se fait cruellement sentir alors nous avons hérité de ce service…

— Malheureusement, c’est un peu partout pareil…

— Que cette affaire concerne les Chantiers me gêne. J’imagine que vous n’êtes pas sans savoir que le groupe Alstom a cédé soixante-quinze pour cent de ses actions des chantiers navals de Saint-Nazaire et de Lorient au norvégien Aker Yards…

— Oui, nous l’avons lu dans la presse.

— Nous craignons à présent quelques tensions de ce côté. Les syndicats doivent être sur les dents et, sans doute, une partie du personnel est-il inquiet. Ce n’est pas le moment d’en rajouter…

— Nous le comprenons parfaitement. Néanmoins, doivent-ils l’être au vu des commandes historiques enregistrées ces derniers temps ?

— On ne sait jamais… Enfin, nous verrons, soupira-t-il. Il se leva d’un bond de son siège. Je vais vous présenter aux deux lieutenants avec lesquels vous pourrez travailler. Ils sont excellents dans leurs fonctions, vous verrez… Ils ont sous leur responsabilité le bureau de police de proximité situé tout près des Chantiers de l’Atlantique, ce qui simplifiera les choses.

Le commissaire principal les invita à le suivre dans les couloirs, d’un pas énergique, jusqu’au bureau des deux lieutenants.

Surprise : pour une fois, il s’agissait d’un homme et d’une femme.

La jeune femme se présenta la première : « lieutenant Valérie Halgand ». Des yeux bleus, profonds et pétillants d’intelligence. Des yeux de professionnelle avertie. Ses cheveux châtains lui descendaient sur les épaules en de discrètes ondulations. De taille moyenne, elle devait avoir trente à trente-cinq ans. Seuls signes particuliers : quelques rides de sourire au coin des yeux et un tic qui consistait à chasser de la main une mèche rebelle de cheveux glissant régulièrement le long de son charmant visage.

Le jeune homme se présenta à son tour : « lieutenant Stéphane Lemétayer ». Même âge que sa collègue, un mètre quatre-vingts, mince, cheveux blonds coupés très court lui donnant un air sévère malgré la douceur de son regard.

Les présentations terminées, le commissaire principal précisa :

— Voici une de mes meilleures équipes, deux OPJ sortis frais émoulus de Cannes-Écluses4. Je suis sûr que vous allez bien vous entendre et réaliser du bon travail…

Le commissaire regarda avec ostentation sa montre et prit aussitôt congés sans autre forme de procès, tournant les talons pour filer dans le couloir en direction de son bureau.

— Toujours aussi speed votre patron ? demanda Phil afin de rompre le silence qui s’installait après ce départ brutal.

— Toujours ! lui répondit Valérie.

Quand son regard croisa celui de Phil, quelque chose dans ses prunelles, une sorte de malice d’écolière mâtinée de timidité, le fit rire. Il la trouvait vive, « juste un brin trop crispée sur les bords, peut-être », se dit-il.

Elle proposa de se rendre au distributeur pour prendre un café et faire connaissance avant de les installer dans un coin du bureau disponible, en l’absence du collègue en vacances. La pièce était égayée par des reproductions colorées de voiliers évoluant en mer.

Dans la demi-heure suivante, les deux nouveaux collègues furent informés de ce qui amenait Phil et François et de la situation. Dans l’immédiat, ils décidèrent que le plus simple était que Valérie se joigne à eux pour se rendre aux Chantiers de l’Atlantique afin de rencontrer le fameux Polonais. Stéphane pourrait, quant à lui, rester au bureau et continuer à traiter les affaires courantes.

Valérie prit le volant de la voiture banalisée et proposa, question de faire découvrir le front de mer à ses hôtes, de rejoindre le boulevard Albert 1er. Un des beaux quartiers de la ville face à la plage. Ils profitaient d’une très belle matinée avec un soleil pâle mais brillant et une agréable brise soufflant de la mer.

Elle fit un petit commentaire en passant devant le mémorial Américain entouré d’eau à marée haute. Quelques personnes âgées, bien couvertes malgré le soleil, marchaient d’un pas lent sur l’esplanade, au pied des arbres dénudés.

En prolongement, le boulevard Wilson avec, en contrebas, la plage de Saint-Nazaire bordée d’une digue harnachée de sa multitude de mâts penchés au-dessus de l’eau dans l’attente des pêcheurs et de leurs carrelets…

Côté constructions, beaucoup de résidences cossues. L’ensemble se présentait comme un patchwork curieux d’architecture et de couleurs. Le tout dans un ensemble à la fois majestueux et romantique, parfois si délicat et raffiné ou si massif et démesuré entre la corniche et la base sous-marine.

Puis le port s’offrit à leur regard avec ses petits bateaux de pêche et ses ponts automatiques permettant le passage au Bassin de Saint-Nazaire. Valérie, tout en commentant le paysage, reprit le boulevard de la Légion d’Honneur pour passer devant la base sous-marine, cette immense construction tout en béton abritant dorénavant des expositions, l’Office de Tourisme et l’Escal’Atlantic…

— Tout un parcours de découverte, précisa-t-elle. C’est fermé en janvier, mais si vous revenez en février et si vous avez un peu de temps, je vous invite à découvrir les quatre pôles qui sont vraiment très intéressants. Vous irez ainsi de l’univers des grands paquebots, au voyage au cœur des profondeurs en visitant le sous-marin Espadon, à la naissance des géants des Chantiers de l’Atlantique et au défi de l’aéronautique avec Airbus…

— Tout un programme de réjouissances, en effet !

— Voilà, nous arrivons au bassin de Penhoët. Nous apercevons déjà, dans la perspective, les grandes grues, à l’enseigne Alstom, des Chantiers de l’Atlantique et même le haut du magnifique pont qui enjambe la Loire. Airbus, c’est juste après, en suivant le boulevard que nous venons de quitter. Il n’y a qu’une entrée pour l’accueil des visiteurs. Un badge nous sera remis contre notre pièce d’identité.

Après avoir satisfait aux démarches administratives à l’accueil, un jeune homme vint les chercher pour les conduire au local où il avait été demandé à Krzysztof Wieckiewicz de se présenter.

Ils entrèrent dans une baraque préfabriquée, posée sur le quai, qui servait de bureau. L’homme les attendait, accompagné d’un autre homme. Ce dernier se présenta immédiatement :

— Je suis interprète et collègue de Krzysztof. Monsieur Wieckiewicz comprend et parle le français mais, en cas de difficulté, je suis là pour l’assister.

— Très bien.

L’interprète s’empressa de chercher quelques chaises dans le bureau voisin et tout le monde put s’asseoir autour d’une table. François prit la parole tandis que Phil installait son portable.

— Monsieur Wiekiewicz, quel est votre rôle ici, sur le chantier ?

— Je suis responsable d’une importante équipe polonaise d’une société européenne. Nous travaillons sous coordination de la direction des Chantiers et notamment du maître d’ouvrage du navire que nous réalisons en ce moment.

— Vous êtes sous-traitant, en quelque sorte…

— Ce n’est pas le terme approprié, nous sommes co-réalisateurs, en réalité. Moi, j’ai en charge mes compatriotes. Des collègues ont la responsabilité d’autres travailleurs étrangers de différentes nationalités. Il y a aussi et, surtout, de nombreuses entreprises co-réalisatrices françaises employant des travailleurs français…

— Avez-vous loué un véhicule, Peugeot 307, auprès d’une agence de location parisienne et dont voici les papiers, en mauvais état certes après ce qu’ils viennent de subir, mais encore lisibles ?

— Oui. Je procède toujours de la même manière. En arrivant à l’aéroport de Paris, je loue une voiture pour toute la durée de mon séjour. Je partage mon temps entre le chantier de Gdanks et celui-ci où je viens deux à trois fois par an.

— Pouvons-nous voir ce véhicule ?

L’homme prit un air consterné et son visage se tourna vers son interprète, implorant son aide. Il faisait de son mieux pour afficher une authentique sincérité. Mais François ressentit dans son attitude comme une légère forme de mépris. Visiblement, il ignorait ce qui se passait et ce qu’il devait dire. Il se posait plus de questions qu’il ne pouvait trouver de réponses. L’interprète prit aussitôt le relais. Il s’exprimait d’une voix posée, un rien condescendante, genre maître d’hôtel dans un grand restaurant, tout au moins dans un premier temps car, rapidement, il changea au fil de la discussion.

— Mon collègue est navré. Il m’a expliqué que sa voiture a disparu depuis plus d’une huitaine de jours.

— Quand précisément ?

— Vendredi soir, il y a un peu plus d’une semaine.

— C’est-à-dire le 6 janvier ?

— Exact.

— Dans quelles circonstances ?

— Un pot avait été organisé tout près des Chantiers, pour la nouvelle année. L’occasion de rassembler tous les électriciens et câbleurs : permanents, intérimaires et co-réalisateurs. Ici, il n’y a pas de rencontre entre corporations. Il arrive qu’à la fin d’un chantier, le maître d’ouvrage décide de faire un grand pot mais ce n’est pas automatique et de moins en moins fréquent. D’autre part, au vu de la taille des Chantiers, il est pratiquement impossible de réunir tous les corps de métiers en même temps. De plus, nous n’avons pas le droit de faire venir de l’alcool dans l’enceinte des Chantiers et, pour réserver un self, il faut s’y prendre longtemps à l’avance. Comme cela a été préparé de façon impromptue, entre nous les électriciens, surtout après l’annonce de la cession d’actions par Alstom au norvégien Aker Yards…

— Oui, et alors ?

— Ceci nous a obligés à l’organiser à l’extérieur de l’enceinte des Chantiers, dans une ancienne salle des fêtes, juste à côté. Nous disposons d’un parking privé également pour garer les voitures, c’est très pratique…

— En quoi consistait cette soirée ? demanda brutalement François se souciant peu des commentaires que souhaitait apporter l’interlocuteur.

— C’était un apéritif dînatoire permettant à toute la corporation de mieux se connaître.

— À quelle heure s’est-il aperçu de la disparition de sa voiture ?

— Vers vingt-deux heures, au moment de quitter les lieux.

— Qu’a-t-il fait quand il s’en est rendu compte ?

— Il m’a expliqué avoir pensé que c’était peut-être un de ses collègues polonais qui l’avait empruntée, soit pour lui faire une blague soit pour effectuer une virée… Impossible à savoir ou à vérifier. Que le véhicule disparaisse à cet endroit, pour lui, ce ne pouvait être que l’œuvre de quelqu’un du chantier. Dans cet espace privé et sur ce parking réservé de la salle, il avait laissé les clefs sur le contact. Cela a été très facile de partir avec…

— Et pourquoi ne pas aller porter plainte ?

— Pour ne pas porter préjudice à un collègue ou à un de ses compatriotes. Nous avons dans nos rangs quelques fêtards invétérés et évitons de faire du ramdam à chaque dérapage. Si un de ses compatriotes est pris sur le fait d’un incident de ce genre, c’est la perte de l’emploi et le retour au pays par ses propres moyens… Comme ce genre d’incident s’est déjà produit quelquefois et qu’à chaque fois, tout s’était toujours bien terminé, il a préféré attendre que le week-end passe et, dès le lundi, il a interrogé tous ses gars. Mais, comme certains ne sont pas venus travailler, pour raison de santé ou autre, il n’a pu faire le tour de tout le monde que le mercredi et se rendre à l’évidence : sa voiture avait bien été volée.

— Est-ce qu’il est allé porter plainte à ce moment-là ?

— Ben… non. Il s’est seulement rendu à l’agence de location de la même enseigne pour le signaler, en s’accordant encore quelques jours avant de déposer plainte, car il ne pouvait toujours pas croire qu’on la lui ait volée.

— C’est très embêtant. Car nous avons retrouvé cette voiture, mais dans le Finistère, au fond d’un port, avec, à l’intérieur, un type qui y avait séjourné, semble-t-il, une huitaine de jours environ. Ce qui tendrait à laisser penser que la voiture aurait pris cette direction dès le vendredi soir… Est-ce que quelqu’un a disparu des effectifs sans laisser de trace ?