Rennes au galop - Firmin Le Bourhis - E-Book

Rennes au galop E-Book

Firmin Le Bourhis

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Beschreibung

Les dessous des courses à cheval...

Provisoirement affectés à l’hôtel de police de Rennes, Phil et François sont appelés en pleine nuit pour un sinistre ayant partiellement détruit un bâtiment du centre-ville.
Le cadavre de la personne décédée dans l’appartement situé au-dessus de sa boutique porte des traces suspectes.
Cette nouvelle affaire va entraîner Phil et François dans le milieu commerçant et dans le monde des courses hippiques de Rennes, mais aussi à Châteaugiron, Châteaubourg et Liffré.
Qui avait intérêt à faire disparaître cette femme ? Pourquoi ?
Nos deux policiers devront, pour répondre à ces questions, dénouer les fils d’une ténébreuse enquête menée au pas de course…

Une enquête piquante en milieu hippique qui vous tiendra en haleine de bout en bout !

EXTRAIT

Alors que François était plongé dans un profond sommeil, son téléphone portable sonna ; comme ce n’était pas la sonnerie de la fonction réveil, il se leva sur un coude pour rechercher son appareil… Cinq heures quatorze… Que se passait-il ?
C’était JPP, leur nouveau patron. Celui-ci ne s’embarrassa guère de formules de politesse, allant droit au but :
— Cette nuit, il y a eu un incendie dans la vieille ville, dans la partie habitée située au-dessus d’un commerce de fringues. Un corps de femme y a été retrouvé ; selon les premières informations, il pourrait s’agir de celui de la commerçante. La mort semble être suspecte, selon les pompiers qui ont signalé quelques anomalies. Les spécialistes de la scientifique sont déjà partis sur place et je vais voir avec le procureur pour que vous preniez cette affaire en charge…
— Bien sûr, pas de problème, vous avez quelques renseignements supplémentaires ?
— Non, du moins pas grand-chose, voici l’adresse : rue Leperdit, vous verrez, elle est attenante à la place Champ Jacquet, je vous envoie un SMS pour vous communiquer l’identité de la commerçante, puis je vous demande de me tenir au courant…

À PROPOS DE L’AUTEUR

Né à Kernével en 1950, Firmin Le Bourhis vit et écrit à Concarneau en Bretagne. Après une carrière de cadre supérieur de banque, ce passionné de lecture et d’écriture s’est fait connaître en 2000 par un premier ouvrage intitulé Quel jour sommes-nous ?, suivi d’un second, Rendez-vous à Pristina, publié dans le cadre d’une action humanitaire au profit des réfugiés du Kosovo.

Connu et reconnu bien au-delà des frontières bretonnes, Firmin Le Bourhis est aujourd’hui l’un des auteurs de romans policiers bretons les plus appréciés, avec vingt-huit enquêtes déjà publiées. Il est également l’auteur d’essais sur des thèmes médicaux et humanitaires. Ses ouvrages sont tous enregistrés à la bibliothèque sonore de Quimper au service des déficients.

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FIRMIN LE BOURHIS

 

 

 

Rennes au galop

 

éditions du Palémon

Z.I de Kernevez

11B rue Röntgen

29000 Quimper

 

DU MÊME AUTEUR

 

Aux éditions Chiron

 

Quel jour sommes-nous ? La maladie d’Alzheimer jour après jour

 

Rendez-vous à Pristina - récit de l’intervention humanitaire

 

Aux éditions du Palémon

 

n° 1 - La Neige venait de l’Ouest

n° 2 - Les disparues de Quimperlé

n° 3 - La Belle Scaëroise

n° 4 - Étape à Plouay

n° 5 - Lanterne rouge à Châteauneuf-du-Faou

n° 6 - Coup de tabac à Morlaix

n° 7 - Échec et tag à Clohars-Carnoët

n° 8 - Peinture brûlante à Pontivy

n° 9 - En rade à Brest

n° 10 - Drôle de chantier à Saint-Nazaire

n° 11 - Poitiers, l’affaire du Parc

n° 12 - Embrouilles briochines

n° 13 - La demoiselle du Guilvinec

n° 14 - Jeu de quilles en pays guérandais

n° 15 - Concarneau, affaire classée

n° 16 - Faute de carre à Vannes

n° 17 - Gros gnons à Roscoff

n° 18 - Maldonne à Redon

n° 19 - Saint ou Démon à Saint-Brévin-les-Pins

n° 20 - Rennes au galop

n° 21 - Ça se Corse à Lorient

n° 22 - Hors circuit à Châteaulin

n° 23 - Sans Broderie ni Dentelle

n° 24 - Faites vos jeux

n° 25 - Enfumages

n° 26 - Corsaires de l’Est

n° 27 - Zones blanches

n° 28 - Ils sont inattaquables

n° 29 - Dernier Vol Sarlat-Dinan

n° 30 - Hangar 21

n° 31 - L'inconnue de l'archipel

n° 32 - Le retour du Chouan

n° 33 - Le gréement de Camaret

 

Menaces - Tome 1 - Attaques sur la capitale

Menaces - Tome 2 - Tel le Phénix

Menaces - Tome 3 - Pas de paradis pour les lanceurs d'alerte

 

 

 

 

 

Retrouvez tous les ouvrages des Éditions du Palémon sur :

 

www.palemon.fr

 

Dépôt légal 4e trimestre 2014

ISBN : 978-2-916248-86-8

 

 

 

 

 

NOTE DE L’AUTEUR :

L’auteur s’empare, comme habituellement, d’une véritable affaire criminelle et, au terme d’une étude approfondie des faits et avec l’aide d’officiers de police judiciaire, en donne une version romancée aussi proche que possible de la réalité…

Un fait réel qu’il transpose dans d’autres lieux pour y bâtir une enquête qu’il livre à votre perspicace lecture…

 

 

CE LIVRE EST UN ROMAN.

Toute ressemblance avec des personnes, des noms propres, des lieux privés, des noms de firmes, des situations existant ou ayant existé, ne saurait être que le fait du hasard.

 

Aux termes du Code de la propriété intellectuelle, toute reproduction ou représentation, intégrale ou partielle de la présente publication, faite par quelque procédé que ce soit (reprographie, microfilmage, scannérisation, numérisation…) sans le consentement de l’auteur ou de ses ayants droit ou ayants cause est illicite et constitue une contrefaçon sanctionnée par les articles L 335 2 et suivants du Code de la propriété intellectuelle. L’autorisation d’effectuer des reproductions par reprographie doit être obtenue auprès du Centre Français d’Exploitation du droit de Copie (CFC) - 20, rue des Grands Augustins - 75 006 PARIS - Tél. 01 44 07 47 70 - Fax : 01 46 34 67 19 - © 2014 - Éditions du Palémon.

 

 

 

 

 

 

REMERCIEMENTS

 

 

À l’Office de Tourisme et des Congrès de Rennes Métropole

11, rue Saint Yves, 35064 RENNES Cedex.

 

À l’Office de Tourisme du Pays de Châteaugiron,

notamment Noëlie Cotteaux.

 

À Pascal Vacher, Officier de police judiciaire.

 

À Georges Jaffré, grand spécialiste du monde

des courses de chevaux, pour tous ses conseils techniques.

 

À l’Hôtel de Police

22, boulevard de la Tour d’Auvergne, 35000 RENNES.

 

À la Gendarmerie Nationale

85, boulevard G. Clémenceau, 35000 RENNES.

 

À Ghislain Pouzet du RestaurantLe Bistrot,

20, boulevard de la Tour d’Auvergne, 35000 RENNES.

 

À l’Hôtel de la Tour d’Auvergnede Rennes.

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

« Le manque d’argent est la source de tous les maux. »

 

Bréviaire du révolutionnaire. Bernard Shaw

 

 

 

 

 

« Les plus dangereux de nos calculs sont ceux

que nous appelons des illusions. »

 

Le dialogue des carmélites. Georges Bernanos

 

 

 

Chapitre 1

Mercredi 4 mai 2011, Rennes.

Deux jours déjà que Phil et François ont pris leurs fonctions à la DIPJ1 où ils sont détachés pour deux mois, au 22, Boulevard de la Tour d’Auvergne, à Rennes. Le patron de la direction, confronté à un cruel manque d’effectif, avait été contraint d’appeler son ami, le commissaire Le Godarec de Quimper, ainsi que d’autres collègues de différentes villes de Bretagne, pour venir à son secours.

Déçus de ne pas avoir de week-end particulier cette année, pour ce Premier mai qui tombait un dimanche, ils étaient arrivés dès le lundi matin 2 mai, en pensant avec morosité que le 8 mai serait du même tonneau. Mais l’actualité ne s’épanchait pas sur ce dimanche de Fête du travail qui avait d’ailleurs peu mobilisé cette année. Non, la une des journaux ne parlait que de la mort de Oussama Ben Laden. Dix ans après, les États-Unis avaient enfin réglé ses comptes avec l’homme du 11 septembre.

Nul doute, à présent, que cet événement allait profiter à Obama pour briguer son deuxième mandat tandis que la campagne pour 2012 était déjà engagée. Comme toujours, l’actualité peut servir ou desservir les hommes politiques…

François se mit à penser que si cette opération médiatique sur l’exécution de Ben Laden s’était produite le vendredi 29, c’est-à-dire quelques jours avant, le mariage glamour d’Angleterre n’aurait pas bénéficié de la même couverture des médias. Comme quoi, et comme toujours, un événement en chasse un autre, même à trois jours d’intervalle parfois. Ainsi, l’attentat de Marrakech, au Maroc, prenait subitement une autre dimension : malheureusement, des victimes françaises étaient à déplorer mais, au-delà de ce drame, se posait la question des otages encore détenus dans le monde entier avec les interrogations que ces derniers événements réveillaient.

Ce lundi matin, les retrouvailles habituelles avec les collègues de l’hôtel de police de Quimper leur manquaient sérieusement pour leurs discussions autour de la machine à café ; les débats auraient été chauds sans aucun doute…

Leur arrivée dans les lieux leur revenait à la mémoire. Guidés par la voix informatique de leur GPS de bord, ils s’étaient d’abord garés le long du boulevard. Caché par quelques résineux, le bâtiment en granit gris, dont la façade était agrémentée de séparations verticales ocre rouge, leur avait paru austère.

Sa construction datait tout au plus de quelques décennies. Cet ensemble aux formes parallélépipédiques s’élevait au centre d’un petit espace de verdure.

L’édifice, donnant largement sur le boulevard, était bordé de deux rues de part et d’autre. Un autre bâtiment, situé sur l’arrière, attenant et plus haut, de même style et surmonté d’antennes, dominait l’ensemble.

Ils grimpèrent l’escalier en ciment qui les conduisit à l’entrée, et passèrent sous un auvent sur lequel s’imposait, en lettres bleues, « Hôtel de Police ». Après les portes vitrées, un escalier en marbre rouge débouchait sur un hall d’accueil rappelant celui d’une entreprise privée, de par son atmosphère feutrée et ses lumières indirectes.

Ils furent rapidement dirigés chez le grand patron, le commissaire divisionnaire, en charge de la DIPJ, cette grosse machine qui regroupe les SRPJ2 de Rennes, d’Angers et de Rouen, avec des antennes à Brest, Nantes, Caen et Le Havre, celle de Quimper ayant été supprimée.

Les formules de politesse rapidement évacuées, il les remercia vivement d’être là et leur commenta en quelques mots les raisons de leur venue :

— Nous n’échappons pas aux regroupements de moyens, comme dans tous les secteurs de notre économie, s’y ajoutent restrictions budgétaires et retards politiques à répétition, aussi, à force de tirer dessus et faire du flux tendu, par moments, ça ne passe plus… Vous serez sous l’autorité du commandant fonctionnel du SRPJ de Rennes, absent ce matin. C’est lui qui vous présentera son service et ce qu’il attend de vous. Je vais demander à un gardien de la paix de vous conduire au bureau qui a été libéré pour vous, et ce pour tout le temps que vous serez dans nos murs.

Une jeune femme, brune, plutôt petite, vint les chercher et les accompagna jusqu’à leur futur lieu de travail.

En marchant dans le couloir, Phil, du haut de son mètre quatre-vingt-deux, la dominait très largement. D’aucuns lui trouvaient un petit air du footballeur Zinedine Zidane, en plus souriant et volubile. Ses cheveux coupés très courts, étaient de plus en plus grisonnants.

Ils gagnèrent côte à côte le bureau tandis que François suivait, deux bons mètres derrière. En les quittant, elle leur remit un petit dossier sur l’organigramme de l’hôtel de police. François lui fit remarquer l’importance de la structure de Rennes. Elle répondit aussitôt :

— L’implantation est importante, l’avantage c’est qu’un OPJ3, affecté dans un SRPJ4 ou une de ses antennes, a compétence sur l’ensemble de la DIPJ…

— Ouf, on s’en sort bien finalement ! rétorqua Phil, amusé, nous aurions très bien pu nous retrouver à Angers ou Rouen…

— Évidemment… Pour le reste, au gré de chaque affaire, vous pouvez bénéficier d’une extension de compétence à l’ensemble du territoire national décidée par le procureur ou le Juge d’Instruction. Pour votre voiture, vous la mettrez sur le parking à l’arrière, passez par la rue Pierre Abelard, à gauche de notre bâtiment quand vous venez du boulevard.

— Et pour la restauration et l’hôtel ? s’enquit François.

— Vous avez le restaurant interadministratif de la « Tour d’Auvergne » ; nous ne sommes pas seuls à nous y rendre. En arrivant, peut-être avez-vous remarqué le grand bâtiment qui longe le boulevard juste après nous… C’est le Crédit Mutuel de Bretagne et, derrière, vous avez également l’Institut du Notariat et la Cité Judiciaire…

— Ça fait du monde dans le même secteur !

— Pas mal, en effet. Pour l’hôtel, le plus proche est celui de la Tour d’Auvergne au numéro 20, au premier étage, c’est un immeuble de 1895 qui, au départ appartenait à une enceinte militaire de la ville. Vous avez un bon resto au rez-de-chaussée, « Le Bistrot », situé sur votre gauche en sortant, il fait juste l’angle de la rue de l’Arsenal et du boulevard…

En quelques minutes, ils furent plongés dans leur nouvelle vie professionnelle. Ils prirent possession des lieux et connaissance de la documentation qui ne leur apprit rien de particulier. En effet, il s’agissait de brochures sur la DCPJ5 avec notamment son historique et son organisation.

Pour se distraire, quelques instants, Phil lut : « Héritière des « Brigades du Tigre » créées en 1907 par Georges Clémenceau, elle est l’une des directions de la direction générale de la police nationale. » Suivaient les structures nationales avec ses quatre sous-directions : celle chargée de la lutte contre la criminalité organisée et la délinquance financière ; celle de l’anti-terrorisme ; celle de la police technique et scientifique et enfin celle des ressources et des études.

La DCPJ est aussi chargée de la coordination globale des douze offices centraux de la police et de la gendarmerie nationale. Avec ses soixante-deux implantations, la PJ dispose d’un maillage complet du territoire. En dehors de ses douze DIPJ qui gèrent vingt SRPJ et sa quarantaine d’antennes, lui sont rattachés les dix-neuf groupes d’intervention régionaux, les GIR.

Une multitude d’informations accompagnait les documents, allant des missions aux effectifs, plus de quatre mille sept cents personnes, en passant par les grands indicateurs d’activité, plus de douze mille affaires traitées, avec un taux de résolution de plus de soixante-dix pour cent.

— C’est intéressant ? lui demanda François, le voyant plongé dans la lecture.

— Pas plus que ça, mais ça m’occupe !

Leur nouveau patron ne serait là qu’en début d’après-midi, ils décidèrent de se rendre à l’Office de Tourisme pour récupérer cartes et infos, puis de faire un rapide tour de ville, question de commencer à se repérer. Ils découvrirent avec plaisir les constructions les plus anciennes de la vieille ville dans ces rues étroites, parfois pavées, à la fois tournées vers le passé et l’avenir.

En regagnant leur nouveau lieu de travail, ils s’inscrivirent au poste de garde de l’accès au parking pour pouvoir y garer leur véhicule avec ceux de l’effectif dans l’enceinte de l’hôtel de police.

 

*

 

Vers quatorze heures, un quinquagénaire, proche de la soixantaine, affichant un sourire jovial sur sa bouille ronde, pas très grand, un peu enveloppé, la calvitie rassurante, des lunettes remontées sur le crâne, des yeux vifs et acérés, vêtu de gris, se présenta. Il se nommait Jean-Pierre Pacé. Rapidement, ils apprirent que les collègues l’appelaient tous JPP - comme les initiales d’un célèbre joueur de football… Après les politesses de bienvenue, il les invita à le suivre dans son bureau pour quelques formalités à accomplir avant de prendre leurs fonctions.

Son bureau ressemblait à une remise. Sur son poste de travail, très encombré, où lui seul devait pouvoir retrouver ses petits, étaient éparpillés de nombreux post-it de couleurs différentes, annotés et dispersés comme des papillons dans un jardin fleuri. Au mur, des panneaux sur lesquels il avait fixé photos, cartes postales, tickets et certificats divers, comme des bouts de sa personnalité : encombrée, brouillonne, mais sans doute multiple et active.

Il leur expliqua la situation, les conditions de leur prise de fonction et les sollicita aussitôt pour recevoir des personnes…

Puis les entretiens se succédèrent, sans qu’aucun ne présentât d’intérêt exceptionnel. Routine administrative, lança même François à un moment…

L’effectif était important et tout le monde semblait courir dans tous les sens, dans le bâtiment. Aussi peinaient-ils à s’intégrer dans cette équipe un peu déstabilisée et affectée par de nombreuses absences et une surcharge de travail.

Finalement, ils étaient plutôt contents d’avoir été missionnés ensemble, leur solidarité légendaire leur permettant de mieux faire face à l’éloignement de leur famille et de leur environnement professionnel habituel. La convivialité de la vie avec les collègues avait toujours revêtu une certaine importance dans leur travail au quotidien.

Ce deuxième soir, ils décidèrent de prendre leur temps pour dîner au Bistrot, ce restaurant à vins qu’ils commençaient à apprécier, d’autant qu’à midi ils avaient déjeuné à la cafétéria du restaurant interadministratif où les habitués se regroupaient par affinité et par groupes de quatre ou cinq…

Leurs chambres donnaient côté Rue de l’Arsenal et ils avaient donc une vue plongeante sur les installations de l’hôtel de police, impossible d’y échapper !

1. Direction Interrégionale de la Police Judiciaire.

2. Services Régionaux de Police Judiciaire.

3. Officier de Police Judiciaire.

4. Service Régional de Police Judiciaire.

5. Direction Centrale de la Police Judiciaire.

 

Chapitre 2

Jeudi 5 mai 2011, matin.

Alors que François était plongé dans un profond sommeil, son téléphone portable sonna ; comme ce n’était pas la sonnerie de la fonction réveil, il se leva sur un coude pour rechercher son appareil… Cinq heures quatorze… Que se passait-il ?

C’était JPP, leur nouveau patron. Celui-ci ne s’embarrassa guère de formules de politesse, allant droit au but :

— Cette nuit, il y a eu un incendie dans la vieille ville, dans la partie habitée située au-dessus d’un commerce de fringues. Un corps de femme y a été retrouvé ; selon les premières informations, il pourrait s’agir de celui de la commerçante. La mort semble être suspecte, selon les pompiers qui ont signalé quelques anomalies. Les spécialistes de la scientifique sont déjà partis sur place et je vais voir avec le procureur pour que vous preniez cette affaire en charge…

— Bien sûr, pas de problème, vous avez quelques renseignements supplémentaires ?

— Non, du moins pas grand-chose, voici l’adresse : rue Leperdit, vous verrez, elle est attenante à la place Champ Jacquet, je vous envoie un SMS pour vous communiquer l’identité de la commerçante, puis je vous demande de me tenir au courant…

L’entretien fut vite expédié. François réveilla Phil. Ils se rejoignirent rapidement, le temps de filer récupérer leur matériel et leur voiture, puis de jeter un œil sur la carte délivrée par l’Office de Tourisme pour situer le lieu du sinistre. Si le GPS de la voiture conduit toujours à bon port, pour eux, rien ne remplace encore une vision globale de la ville ou du quartier… Ils traversèrent la place de Bretagne, déserte à cette heure, remontèrent les rues pavées de la vieille ville pour rejoindre la rue de la Monnaie, puis leur destination.

Ils arrivèrent rapidement sur les lieux. De la place Champ Jacquet où ils se garèrent mais dont ils n’eurent pas le temps d’apprécier les maisons à pans de bois et colombages colorés, ils remarquèrent l’agitation dans l’étroite rue Leperdit que les gyrophares des véhicules de pompiers balayaient sans arrêt. Les pompiers ramassaient leur matériel et se préparaient à rendre la rue à la circulation. Seul était bloqué le trottoir devant le commerce au-dessus duquel les murs noircis des ouvertures et de la toiture, partiellement détruite et fumante, témoignaient de l’incendie.

Ils aperçurent le capitaine des pompiers, le saluèrent et se présentèrent :

— Nous sommes chargés de l’enquête et le patron nous a dit que vous aviez remarqué quelque chose…

— Oui. J’ai communiqué les informations à vos collègues de la scientifique. Le déclenchement de l’incendie ne nous paraît pas accidentel, même si l’incendiaire a tenté de le faire partir du compteur électrique situé dans le couloir d’entrée privé de l’immeuble, voulant sans doute faire croire à un court-circuit. Il a été activé par un produit inflammable et, deuxième point, la victime portait des traces de sang…

— Comment pouvez-vous le savoir, s’il y a eu incendie ?

— Parce que le feu a été déclenché dans la cage d’escalier, vous voyez, à gauche du magasin. Celui-ci s’est ensuite propagé jusqu’au toit par cette sorte de conduit naturel. Une partie de l’appartement proprement dit n’a pas été détruite, notamment la cuisine où nous avons découvert cette femme ; la chambre non plus n’a pas été trop touchée. Car cet espace se trouve complètement sur la droite au-dessus du magasin, la cuisine côté rue et la chambre sur l’arrière. Mais vos collègues sont en train de faire les relevés, vous verrez avec eux.

— C’est possible d’y aller ?

— Oui, l’escalier est en pierre et renforcé en béton, jusqu’au premier étage. Vous ne pourrez pas accéder plus loin pour le moment. Je vais demander à un de mes gars de vous prêter un casque. Nous avons sécurisé l’immeuble, cependant, quelque chose peut toujours tomber de la partie incendiée…

— Qui vous a prévenus ?

— Un locataire qui habite juste en face, au premier étage, juste au-dessus de ce commerce. Il lui désigna du doigt le lieu en question.

Affublés d’un casque de pompier, ils accédèrent au premier étage, par l’escalier désormais à ciel ouvert, en évitant de toucher les murs noircis et dégoulinants. À ce niveau, une passerelle métallique permettait d’éviter de poser le pied sur des parties brûlées. Une odeur très caractéristique envahit leur odorat et leurs poumons. La première pièce était partiellement détruite, de la fumée et de la vapeur d’eau continuaient à s’élever ici ou là. L’incendie avait été stoppé à l’extrémité de l’appartement, pour éviter une propagation dans l’immeuble mitoyen.

Ils se présentèrent aux spécialistes. Revêtus de leur tenue de cosmonaute, ceux-ci prenaient des photos et effectuaient divers prélèvements. Ils ne se connaissaient pas, aussi François leur expliqua-t-il, en deux mots, la raison de leur venue pour la prise en charge de cette enquête.

— L’intervention des pompiers a certainement détruit beaucoup d’indices, mais nous tentons d’en recueillir le plus possible. Les draps du lit sont mouillés, mais nous les avons tout de même récupérés. De toute façon, ici, tout est trempé.

— Et la femme ?

— C’est la commerçante. Le médecin légiste vient de faire diriger le corps vers l’Institut Médico-légal à Pontchaillou, au moment même où son époux arrivait. Il vient de repartir, sans doute pour s’y rendre aussi…

À l’évocation de l’Institut Médico-légal de Rennes Pontchaillou, l’affaire de Redon lui revint aussitôt en mémoire.6 Peut-être s’agissait-il du même médecin légiste ?

Mais il verrait cela plus tard ; en attendant, le spécialiste poursuivit :

— La femme a fait l’objet d’une agression assez violente. Elle a reçu des coups, a été victime d’une tentative de strangulation et frappée à l’aide d’une arme blanche. La fumée de l’incendie ne l’a pas épargnée non plus… Aussi ignorons-nous précisément les causes du décès. Connaissait-elle son agresseur ? A-t-elle été suivie ? Les questions ne vont pas vous manquer. Nous ne pourrons pas vous apporter certaines informations, notamment sur les portes qui ont été détruites par l’incendie, impossible par conséquent de savoir si elles ont été forcées ou ouvertes naturellement par la victime.

— Effectivement, j’imagine que l’incendie et l’intervention des pompiers vont rendre la scène de crime très difficile à exploiter…

— Elle n’a pas dû mourir tout de suite, au vu de l’importante perte de sang. Mais vous verrez tout cela avec le légiste, lors de l’autopsie… On termine l’exploitation des lieux et d’ici une heure ou deux, je vous dépose le procès-verbal à votre bureau. Une précision, elle était vêtue d’une nuisette et d’une robe de chambre et portait, vraisemblablement, des chaussons aux pieds.

— Comme si elle sortait de son lit, c’est ce que vous voulez nous dire ?

— Oui, elle avait enlevé son maquillage, si toutefois elle en avait porté dans la journée…

— D’accord, vous savez quelque chose sur la victime ?

— Non, rien de spécial, son sac à main contenant ses papiers se trouve dans la chambre à côté. Nous venons de rassembler tous ces accessoires sur le lit pour les mettre sous scellés…

Phil et François acquiescèrent d’un signe de tête, puis se rendirent dans la pièce voisine et examinèrent tout un étalage de différents sacs de mise sous scellés avec, dans chacun, un élément recueilli sur les lieux. D’autres attendaient près d’un tas de sacs vides. La pièce d’identité datait de moins d’un an, la photo leur montrait une jolie femme : Kristelle de la Bourjeraie ne souriait pas à l’objectif du photographe comme cela est désormais exigé. Elle était âgée de quarante-deux ans et domiciliée à Châteaugiron. Ils revinrent vers les spécialistes pour les interroger sur l’adresse :

— Oui, nous avions remarqué son adresse à Châteaugiron, elle a été confirmée par son époux… C’est à une quinzaine de kilomètres d’ici. Pour le reste, aucune info sur sa vie privée.

— Qu’y a-t-il au-dessus ?

— Un appartement inoccupé qui sert de réserve pour le magasin, où il y avait pas mal de vêtements sur des portants dans différentes pièces, comme sans doute, dans les combles non aménagés. Le feu a suivi la cage d’escalier jusqu’au toit qu’il a détruit ainsi que les combles et la moitié de l’appartement situé au-dessous, d’où toute cette flotte qui n’arrête pas de nous tomber dessus…

Phil et François les laissèrent terminer leur travail. Ils observèrent les lieux, laissant leurs sens capter un maximum de choses, bien que la scène de crime soit polluée par les dégâts occasionnés par l’incendie et les secours. Puis ils regagnèrent précautionneusement la sortie, pas mécontents de quitter cet air oppressant, chargé de fumée et de lourdes odeurs nauséabondes, et cette eau qui ne cessait de tomber du plafond et imprégnait leurs vêtements. Ils remirent leurs casques aux pompiers qui s’en allèrent peu de temps après, en laissant deux personnes pour surveiller les lieux, en cas de reprise de l’incendie.

Six heures trente.

Ils se rendirent immédiatement chez l’un des deux commerçants mitoyens, où il y avait de la lumière.

Un couple vint leur ouvrir. Véritablement sous le choc, ils avaient été prévenus par des amis du quartier et s’étaient précipités.

Les présentations faites, la femme s’exprima la première :

— C’est affreux ce qui s’est passé cette nuit ! Kristelle est si jolie et si gentille, mon Dieu, quelle injustice !

— Vous la connaissiez bien ?

— Comme ça, mais elle est… était très sympathique.

— Vous habitez sur place également ?

— Non, nous avons un logement au-dessus, comme elle, mais il ne nous sert que pour déjeuner et, exceptionnellement, lorsque nous préparons les soldes ou s’il y a un risque de neige ou de verglas. Nous avons également deux logements au deuxième, nous les louons à des étudiants, mais ils ne sont pas là en ce moment, ils font un stage…

— Votre voisine habitait au-dessus de son commerce ?

— Non ! Elle habite Châteaugiron avec son mari, mais nous savons qu’il lui arrive assez souvent de rester sur place, en fonction de son activité. Dans les fringues, surtout le dégriffé comme elle fait, ça tourne beaucoup et il y a toujours des promos, des prix à changer, des actions commerciales à mener…

— Elle rentrait donc habituellement à Châteaugiron ?

— Oui, pour elle, c’était certainement mieux que de rester ici ! Surtout vu la propriété de son époux…

— Pourquoi ? Que fait-il ?

— Comment ? Vous ne le savez pas ? C’est l’entraîneur d’une écurie réputée dans les courses de trot attelé ! Jean-Charles de la Bourjeraie est vraiment un nom dans le monde des chevaux de course !

— Bien, nous allons étudier cela. Ils ont des enfants ?

— Non ! Ils sont mariés depuis une dizaine d’années et lui est beaucoup plus âgé, il s’agit d’un second mariage et je crois que c’est lui qui n’en voulait pas, il doit avoir la soixantaine…

— Depuis combien de temps exploite-t-elle ce commerce ?

— Sept ou huit ans, répondit-elle en se tournant vers son époux qui approuva de la tête sans parler.

— Où habitez-vous ?

— À Noyal-sur-Vilaine, où nous avons une maison qui donne sur la Vilaine. C’est à mi-route entre ici et Châteaubourg.

— Châteaubourg ?

— Oui, rien à voir avec Châteaugiron, nous sommes sur la route de Paris si vous voyez, alors que Châteaugiron, c’est sur la route de La Guerche-de-Bretagne.

François et Phil situaient difficilement toutes les villes citées mais se promettaient intérieurement de bien étudier la carte de Rennes et des environs, ceci s’avérait indispensable.

— Avez-vous remarqué, hier soir avant de quitter votre commerce ou les jours précédents, des visites inhabituelles ?

Madame se tourna une nouvelle fois vers son époux et finit par secouer négativement la tête, soulevant ses épaules dans un geste d’impuissance, tout comme lui.

— Non, nous sommes désolés, nous n’avons rien aperçu de particulier. Il faut dire que nous fermons à dix-neuf heures précises, puis nous rentrons chez nous, tandis qu’elle a tendance à garder son magasin ouvert plus tard, surtout en ce moment, à l’approche des beaux jours.

— Connaissez-vous bien son époux ?

— Non. Il vient très rarement.

— Recevait-elle du monde ?

— Pas à notre connaissance, mais nous ne la surveillons pas…

— A-t-elle eu des altercations avec certaines personnes ?

— Non, ce n’est pas le genre, elle… était vraiment très bien cette femme, mignonne, sympathique, attentionnée, très polie et d’humeur toujours égale.

— Savez-vous si elle faisait l’objet de menaces ? Vous a-t-elle paru inquiète ces derniers temps ? Vous aurait-elle fait des confidences ?

— Non, jamais rien de ce genre. Nos relations s’arrêtent au commerce que nous exploitons et à la vie de quartier.

Phil et François n’apprirent rien de plus du couple. Celui-ci semblait vouloir se tenir à l’écart de toute déclaration à caractère privé.

Avait-il quelque chose à cacher ou leurs réponses étaient-elles sincères ? Ils leur laissèrent leur carte professionnelle.

Les commerçants mitoyens, situés de l’autre côté, n’apportèrent rien de plus. Ils habitaient vers Saint-Grégoire et rentraient chaque soir. Ils entretenaient de bonnes relations mais ne se fréquentaient pas, la vie du quartier n’avait rien d’une communauté.

Revenus dans la rue, Phil observait le petit matin qui s’installait, le jour commençait juste à poindre. Tous deux se rendirent en face pour rencontrer la personne qui avait donné l’alerte.

Un petit homme aux cheveux d’un gris superbe, coiffés en arrière, les accueillit fort aimablement. Un peu voûté, il semblait fragile, sans doute à cause de sa maigreur et de son teint pâle, mais il n’avait cependant rien du vieillard cacochyme. Fraîchement rasé, il n’avait pas lésiné sur l’après-rasage. Il prenait son petit déjeuner. François lui fit remarquer qu’il était matinal, il lui répondit que c’était exceptionnel, en raison des événements de la nuit. Il les installa au salon qui donnait côté rue, d’où ils voyaient parfaitement l’immeuble sinistré, tandis qu’il s’empressait de débarrasser sa table.

La cuisine communiquait avec la pièce par un espace libre, seul un meuble bas séparait la grande pièce en deux.

Phil nota son état civil, puis l’homme répondit à François qui l’interrogeait :

— Il était deux heures et demie, je me suis levé pour aller aux toilettes et, avant de me recoucher, je suis venu boire un verre d’eau à la cuisine et, machinalement, j’ai regardé par la fenêtre d’où j’ai aperçu, au rez-de-chaussée, une lueur et de la fumée qui s’échappait de la porte à gauche du magasin… Il expliquait la situation en refaisant le circuit qu’il avait dû faire et en désignant du doigt ce qu’il commentait.

— Vous n’avez pas de volets ?

— Si, mais je ne les ferme jamais côté rue, je dors sur l’arrière.

— Vers quelle heure vous étiez-vous couché ?

— Après le film à la télé, vers vingt-deux heures trente environ, j’ai bu une tisane et puis…

— Aviez-vous, à ce moment-là, remarqué quelque chose en face ou entendu un bruit anormal, une altercation par exemple, aperçu un ou des visiteurs…

— Non, désolé, il est rare que je regarde ce qui se passe dans la rue et encore moins dans les immeubles en face. Dans ce quartier, la rue est calme la nuit. En été, on entend parfois du bruit mais qui provient de la place Champ Jacquet, ce sont les jeunes, mais c’est tout.

— Qu’est-ce qui a attiré votre attention lorsque vous avez aperçu le début d’incendie ?

— D’abord un craquement, puis j’ai vu le feu qui embrasait la porte d’entrée située à côté du magasin, il risquait de gagner tout l’immeuble. Ni une ni deux, j’ai aussitôt appelé les pompiers. Ils ont fait vite, ils étaient là en moins d’un quart d’heure. Déjà, on apercevait la fumée qui montait du toit, je pense que la cage d’escalier a dû servir de conduit. Les pompiers ont alors protégé de chaque côté pour éviter la propagation, puis noyé le sinistre…

Son visage s’affecta, il garda le silence quelques secondes avant de poursuivre :

— C’est triste pour cette p’tite dame, elle était bien gentille et bien mignonne… Quand j’ai aperçu le brancard qui l’emportait, ça m’a fait bien de la peine…

Sa douleur n’était pas feinte, il secoua légèrement la tête comme par dépit.

Ses yeux perdirent momentanément leur flamme.

— Vous la connaissiez ?

— Juste comme ça, bonjour bonsoir, y’a quarante ans que je vis ici, alors je connais un peu tout le monde dans le quartier, mais de vue, sans plus… Mon épouse ne voulait pour rien au monde aller vivre ailleurs.

— Vous étiez commerçant ?

— Non, cadre à la Banque de France, et j’ai eu de la chance de pouvoir rester une grande partie de la fin de ma carrière à Rennes, alors vous pensez bien que j’en ai vu défiler… Mais, depuis que mon épouse est partie… il y a cinq ans maintenant, d’une sale maladie… je parle moins avec les commerçants de la rue.

— Habitait-elle là ?

— Non, on m’a dit qu’elle vit vers Châteaugiron et que son mari est dans les courses de chevaux, je crois… Une femme vient aussi de temps en temps travailler avec elle, soit pour la remplacer, soit pour des opérations ponctuelles.

— Vous connaissez cette dernière ?

— Non, elle ne vient que depuis un an ou deux.

— La femme commerçante recevait-elle souvent ?

— Non, rarement.

— Qui, par exemple…

— J’ai aperçu, mais sans surveiller, comme ça par hasard, à plusieurs reprises, une femme et peut-être un ou deux hommes, tout au plus, je veux dire en dehors de son commerce…

Il réfléchit et poursuivit toujours de son élocution parfaite :

— Je suppose que l’un devait être son mari, car il semblait avoir à peu près son âge, tandis que l’autre était beaucoup plus âgé…

— Vous pourriez nous les décrire ?

— Non, j’en serais bien incapable ! rajouta-t-il en secouant négativement la tête.

— Restait-elle souvent dormir sur place ?

— Au début de son installation, presque jamais, mais je dois dire, un peu plus souvent depuis quelques mois peut-être.

— Plus précisément ?

— Depuis la fin de l’année dernière, disons octobre… novembre, si je le dis, c’est à cause de la lumière, c’est pour cela que je l’ai remarqué. La rue est étroite…

— Était-ce régulièrement ?

— C’est-à-dire ?

— Disons, certains jours précis chaque semaine, par exemple ?

— Non, pas du tout.

— Recevait-elle alors la visite d’une personne en particulier ?

— Non, je ne pourrais pas vous dire, car je fais mon petit tour dans la journée pour marcher et boire le coup avec les copains. Je participe à un cercle de bridge et je suis membre d’une association caritative, je vais aussi au club… Mais partout, je suis le doyen maintenant, avec mes quatre-vingt-cinq ans, je n’ai plus de copains de mon âge… En plus du quotidien régional que je reçois dans ma boîte aux lettres chaque matin, j’achète, de temps en temps, Le Monde, les Échos et quelques magazines, selon les événements d’actualité et, le soir, je rentre et ne ressors plus…

— Bien sûr, nous comprenons. Y a-t-il d’autres locataires ou propriétaires de chaque côté de chez vous ou au-dessus ?

— Au-dessus, non, le locataire est décédé il y quelques mois. Il y a pas mal de travaux à faire, le propriétaire a donc laissé l’appartement vide pour l’instant, je pense qu’il doit attendre que je me casse la pipe aussi pour tout refaire ou pour vendre, peut-être…

— Celui-ci habite-t-il dans le quartier ?

— Non. C’est un commerçant à la retraite, il a hérité de l’affaire de ses parents et a acheté plusieurs immeubles dans la rue, du temps où les affaires marchaient bien. Maintenant, il est veuf aussi et je ne le vois plus jamais, il habite à Cesson-Sévigné.

— Vous avez son adresse ?

— Oui, je vais vous l’écrire sur un bout de papier… Il s’installa dans un coin de la pièce, sur une chaise, près d’un guéridon sur lequel étaient posés un téléphone sans fil sur son socle ainsi qu’un carnet d’adresses.

Tout en écrivant, il réfléchissait et fit part de ses pensées :

— Heureusement que maintenant toutes les constructions de cette rue sont en béton ou en pierre. Car, avant, toute la vieille ville était construite en bois et en torchis, comme sur la petite place plus bas, et ce matériau, quand ça brûle, ça va vite… Dans le temps, Rennes était reconnue pour la tradition du pan de bois : des portes Mordelaises à la rue du Chapitre. Je m’intéresse un peu à l’histoire et j’ai lu que les maisons en bois s’entassaient à l’intérieur des murailles de la ville. La circulation se faisait difficilement à travers les rues sinueuses. Il y a eu de nombreux incendies dont le plus connu est celui de décembre 1720, provoqué par l’ivresse d’un menuisier, lors duquel, dans trente-trois rues, huit cent cinquante maisons à pans de bois ont brûlé pendant une semaine, soit les deux tiers de la ville…

— Il y a eu un incendie plus récemment aussi… lui fit remarquer François.

L’homme hésita, cherchant dans sa mémoire, puis soudain, comprit l’allusion de François.

— Vous voulez parler du Parlement de Bretagne en février 1994, j’imagine ? Le type de construction n’était pas en cause cette fois, mais plutôt l’altercation entre les marins pêcheurs bretons et les forces de l’ordre, semblait-il… En tous les cas, il a bénéficié d’une restauration exemplaire et a été ouvert à la visite depuis 1999…

— Bien, merci pour toutes ces informations et si quelque chose vous revenait, surtout n’hésitez pas à nous appeler, quels que soient le jour et l’heure, voici nos cartes…

Ils redescendirent dans la rue et aperçurent les spécialistes toujours au travail.

Les autres boutiques étaient toujours fermées, tous les commerçants n’avaient pas été prévenus du sinistre.

À la lumière du jour, l’endroit ne rappelait plus rien du violent incendie de la nuit précédente qui aurait pu devenir catastrophique pour le quartier si l’alarme et les pompiers avaient tardé.

Ils reprirent leur voiture et décidèrent de repasser à l’hôtel pour se prendre un bon petit-déjeuner, ensuite, ils fileraient à l’adresse de Châteaugiron.

Déjà, François notait sur son carnet, en préparation de l’entretien avec l’époux de la victime, les questions qu’il lui poserait. Cependant, cette affaire ne devait pas leur faire oublier leur équilibre biologique !

6. Voir Maldonne à Redon, même auteur, même collection.

 

Chapitre 3

Jeudi 5 mai 2011, suite de la journée.