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Henry Gréville, pseudonyme de Alice Marie Céleste Durand née Fleury (1842-1902), a publié de nombreux romans, des nouvelles, des pièces, de la poésie ; elle a été à son époque un écrivain à succès.Fille de Jean Fleury, écrivain haguais et professeur à Paris, elle l’accompagne en Russie quand il devient lecteur en littérature française à l’Université impériale de Saint-Pétersbourg. Elle y étudie les langues et les sciences avant d’y épouser en 1857, Émile Durand, professeur de droit français et amateur d’art. Elle commence à écrire dans le Journal de Saint-Pétersbourg, puis, de retour en France, en 1872, elle prend le nom de plume d’Henry Gréville, en référence au village de ses parents. Elle écrit des romans sur la société russe et publie dans la Revue des Deux Mondes, le Figaro, la Nouvelle revue, le Journal des débats, le Temps… Auteur prolifique, s’essayant au théâtre comme aux nouvelles, à la poésie comme au roman, elle a été à son époque, un écrivain à succès. Son manuel pour l’Instruction morale et civique pour les jeunes filles a été réédité 28 fois entre 1882 et 1891.Elle est morte, emportée par une congestion alors qu’elle suivait une cure à Boulogne-sur-mer.
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Veröffentlichungsjahr: 2016
Dosia
Henry Gréville
C’était au camp de Krasnoé-Sélo, à quelques kilomètres de Pétersbourg.
On finissait de dîner au mess des gardes à cheval. Les jeunes officiers avaient célébré la fête de l’un d’entre eux, et la société était montée à ce joyeux diapason qui suit les bons repas.
Une dernière tournée de vin de Champagne circulait autour de la table. La tente du mess, relevée d’un côté, laissait entrer les derniers rayons d’un beau soleil de juin : il pouvait être neuf heures du soir, la poussière, soulevée tout le jour par les pieds des chevaux et de l’infanterie, redescendait lentement sur la terre faisant un nimbe d’or au camp tout entier.
Vers le petit théâtre d’été, où la jeunesse se désennuie de son exil militaire, roulaient de nombreuses calèches, emportant les officiers mariés avec leurs femmes ; les petits drochkis, égoïstes, étroits comme un fourreau d’épée, sur lesquels perche un jeune officier, – voiturant le plus souvent un camarade sur ses genoux, faute de place pour l’asseoir à son côté, – prenaient les devants et déposaient leur fardeau sur le perron de la salle de spectacle.
Cette joyeuse file d’équipages roulait incessamment de l’autre côté de la place ; mais la représentation de ce soir-là ne devait pas être embellie par les casquettes blanches à liséré rouge : MM. les gardes à cheval avaient décidé de clore la soirée au mess. On y était si bien ! De larges potiches de Chine ventrues laissaient échapper des bouquets en feu d’artifice ; des pyramides de fruits s’entassaient dans les coupes de cristal ; les tambours étaient copieusement garnis de bonbons et de fruits confits, – tout officier de dix-huit ans est doublé d’un bébé, amateur de friandises ; – de grands massifs d’arbustes à la sombre verdure cachaient les pieux qui soutenaient la tente... ; bref, ces jeunes gens, dont beaucoup étaient millionnaires, s’étaient arrangés pour trouver tous les jours au camp un écho de leur riche intérieur citadin, et ils y avaient réussi. D’ailleurs quand pour un dîner d’amis on se cotise à deux cents francs par tête, c’est bien le moins qu’on dîne confortablement.
– Où peut-on être mieux qu’au sein de sa famille ? fredonna le héros de la fête, en se laissant aller paresseusement sur sa chaise, pendant qu’on servait le café et les cigares.
– Vous êtes ma famille, mes chers amis, ma famille patriotique, ma famille d’été, s’entend, car pour les autres saisons j’ai une autre famille ! continua-t-il en riant de ce rire gras et satisfait qui dénote une petite, toute petite pointe.
Les camarades lui répondirent par un chœur d’éclats de rire et d’exclamations joyeuses.
– J’ai même une famille pour chaque saison, reprit Pierre Mourief avec la même bonne humeur. J’ai ma famille de Pétersbourg pour l’hiver ; ma famille de Kazan pour la chasse... l’automne, veux-je dire ; ma famille du Ladoga pour le printemps...
– La saison des nids et des amours ! jeta un interlocuteur un peu gai.
Le colonel, qui avait assisté au dîner, – il était l’ami de toute cette belle jeunesse, – jugea que le moment était venu de se retirer, et recula son siège. Les vieux officiers, au nombre de quatre ou cinq, l’imitèrent.
– Vous vous en allez, colonel ? s’écria Pierre en s’appuyant des deux mains sur la table. C’est une défection ! le colonel qui fuit devant l’ennemi !... Eh ! vous autres, le punch !... cria-t-il en russe aux soldats de service. Présentons l’ennemi au colonel, il n’osera pas abandonner son drapeau.
– J’ai un rendez-vous d’affaire, dit en souriant le chef du régiment, vous voudrez bien m’excuser... C’est très sérieux ! ajouta-t-il d’un ton si grave, que Pierre et les autres officiers n’insistèrent pas.
Le colonel se retira, serrant toutes les mains et répondant à tous les sourires.
– Qu’il est gentil, le colonel ! dit un lieutenant, il s’en va juste à temps pour se faire regretter.
– Parbleu ! c’est un homme d’esprit ! répondit un capitaine de vingt-cinq ans environ, décoré de la croix de Saint-Georges, et dont la belle figure offrait un mélange très piquant de gravité et de malice. Il a vu que Pierre allait dire des bêtises, et comme il ne veut pas le mettre aux arrêts pour le jour de sa fête...
– Des bêtises, moi ? Tu ne me connais pas ! riposta Pierre avec une gravité inénarrable.
Tout le mess éclata de rire.
– Des bêtises ! Est-ce que c’est une bêtise que d’avoir une famille pour chaque saison ! C’est au contraire le moyen de ne jamais vivre seul. Or, le Seigneur a dit à l’homme qu’il n’est pas bon d’être seul !...
– Monte sur la table ! cria-t-on de toutes parts. Allons, en chaire ! nous allons avoir un sermon.
– Non, je ne monterai pas, fit Pierre en secouant la tête ; je n’aurais qu’à mettre les pieds dans le punch.
Le punch arrivait flambant, formidable, dans un énorme bassin d’argent aux armes du régiment. Les petits bois de même métal, marqués aux mêmes armes, qui remplaçaient les verres, se rangèrent autour de la coupe magistrale, en corps d’armée bien ordonné.
Pierre prit la grande cuiller et commença à agiter consciencieusement le liquide enflammé.
– Ta famille d’hiver, cela se comprend, dit un officier ; la famille de chasse, c’est raisonnable aussi ; mais que diable peux-tu faire de ta famille de printemps ?
– Est-ce que cela se demande ? fit Pierre avec un ton de supériorité sans égal.
– Mais encore ? insista un autre.
– Je lui fais la cour ! jeta triomphalement le jeune officier. Il n’y a que des femmes.
Un éclat de rire roula d’un bout à l’autre de la tente et revint sur lui-même comme une balle violemment lancée contre une muraille. Pierre Mourief ne put conserver son sérieux.
– Sur huit verstes carrées de terrain, reprit-il, j’ai dix-neuf cousines. Il y en cinq dans la maison à gauche de la route, en arrivant ; il y en trois dans la maison à droite, deux verstes plus loin ; il y en a sept sur la rivière et quatre au bord du lac. Total, dix-neuf. Et vous me demandez à quoi bon ma famille de printemps !
Il haussa les épaules et se remit à faire flamber le punch.
– À laquelle as-tu fait la cour ? lui demanda un voisin.
– À toutes ! répondit Pierre d’un air vainqueur.
Il réfléchit un moment et reprit :
– Non, je n’ai pas fait la cour à l’aînée, parce qu’elle a trente-sept ans, ni à la plus jeune, parce qu’elle a dix-sept mois et demi... Mais j’ai fait la cour à toutes les autres.
– Oh ! si tu comptes les bébés... dit son voisin d’un air dédaigneux.
– Les bébés ? sachez, monsieur, qu’il n’y a pire coquette qu’une petite fille de douze ans ; et comme elle est censée ignorer les vertus féminines, elle vient vous tirer par votre surtout et vous dit : – Eh bien ! cousin, vous ne me faites plus de compliments ?
– Accordé ! rugit la moitié du mess la plus voisine du punch.
– Mais as-tu réussi près de quelque autre cousine ? reprit l’officier à la croix de Saint-Georges, en se rapprochant.
– Réussi ?... Hum !... fit Pierre.
Après une seconde de réflexion, il éclata de rire en s’écriant :
– Oh ! que oui, j’ai réussi ! j’en ai enlevé une !
– Enlevé ?
– Qu’est-ce que tu en as fait ? cria-t-on.
– Ah ! voilà ! en croisant les bras sur sa poitrine, qu’est-ce que je peux bien en avoir fait ?
Mille suppositions se croisèrent comme des baïonnettes dans l’air saturé d’alcool et d’aromates. Le capitaine Sourof était devenu très sérieux.
– À quelle époque as-tu fait cette belle équipée ? demanda-t-il à Pierre.
– Il y a environ six semaines, répondit celui-ci : c’était pendant mon dernier congé.
– Et tu ne nous en as jamais parlé ? Oh ! le cachottier ! Oh ! le mystérieux ! Oh ! le mauvais camarade ! cirèrent les jeunes fous en frappant dans leurs mains.
– Voulez-vous savoir mon histoire ? demanda Pierre Mourief en reposant sa grande cuiller.
Le punch ne flambait plus que faiblement ; les plantons avaient allumé de nombreux candélabres, il faisait clair comme en plein jour.
– Oui ! oui ! cria-t-on.
Sourof n’avait pas l’air content.
– Pierre, dit-il à demi-voix, pense un peu à ce que tu vas faire.
– Oh ! monsieur le comte, répondit Pierre avec une gravité d’emprunt, soyez tranquille : on n’offensera pas vos chastes oreilles.
Le comte réprima un geste d’humeur.
– Là ! dit Pierre en posant la main sur le bras du jeune capitaine, tu m’arrêtera si tu trouves que je vais trop loin.
– Ah ! le bon billet ! s’écria le voisin d’en face.
– Pas si mauvais ! fit Pierre d’un air narquois. Vous verrez que c’est lui qui me priera de continuer. Attention ! je commence.
Le punch circula autour de la table, on alluma des cigares, des cigarettes turques, des paquitos en paille de maïs, en un mot tout ce qui peut se fumer sous le ciel, et Pierre commença son récit.
– Je ne vous dirai point dans quelle maison vivait la cousine que j’ai enlevée, ni combien elle avait de sœurs ; cela pourrait vous mettre sur la voie, et je préfère laisser peser le soupçon sur ces dix-neuf Grâces ou Muses, à votre choix. Je vous dirai seulement que ma cousine... Palmyre...
– Palmyre n’est pas un nom russe ! cria une voix.
– Disons Clémentine, alors !
– Clémentine non plus n’est pas russe !
– Raison de plus, riposta Pierre, puisque je ne veux pas vous dire son nom ! Ma cousine Clémentine vient d’avoir dix-sept ans, et c’est la plus mal élevée d’une famille où toutes les demoiselles sont mal élevées. La cause de cette déplorable éducation est assez singulière. Ma tante Eudoxie, – je vous préviens que ce n’est pas son nom, – ma tante eut pour premier enfant une fille admirablement laide. Désolée de voir cette fleur désagréable s’épanouir à son foyer, elle s’appliqua à l’orner de toutes les vertus qui peuvent embellir une femme. Mais ma tante Prascovie...
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