Exposée - Christophe Stener - E-Book

Exposée E-Book

Christophe Stener

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Beschreibung

La vidéo d’un viol, publiée sur les réseaux sociaux, conduit le lieutenant Malik Benamar de la DGSI sur la piste d’une cellule djihadistes dans le nord de la France. Son enquête se heurtera à la Realpolitik française à l’égard du Qatar et aux faux-fuyants des palaces parisiens et des cabinets ministériels mais son travail de terrain dans le plat pays et l’infiltration des échanges électroniques des terroristes permettront de libérer la jeune femme endoctrinée puis victime. Djihad 4.0 tant Internet et les réseaux sociaux sont le vecteur de la propagande mais aussi de la lutte contre le terrorisme islamiste. Exposée est le premier tome d’une trilogie romanesque sur l’islamisme radical en France. Imaginée en 2014, l’intrigue trouve une terrible réalité à la date de parution de l’ouvrage.

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Seitenzahl: 245

Veröffentlichungsjahr: 2015

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A Maria,

ma première lectrice

Sommaire

Vidéo porno islamiste

Le capitaine Morel

Les parents Seclin

Le Lycée Kernanec

Le Grand frère

e-Djihad

Conversion islamique

Barnum médiatique

Les élus locaux s’en mêlent

eTV

Realpolitik

Al Jazeera

Prix de l’Arc de Triomphe

La danse des sept voiles

Facebook

Les people et les belles âmes

Paul Vralac

La piste syrienne

La piste qatarie

La mondaine

Salons de massage et réseaux de call girls

Tentative d’intimidation

Christina

e-infiltration

Les gros bras

Retour dans le plat pays

Kevin

Communiqué de Dah’ech

Femen

Le fils de famille de famille de Lambersart

La clé cachée

Le café du Point Du Jour

Libération de Marie

Débriefing de Marie

Epilogue

Glossaire

1 - Vidéo porno islamiste

La fille gisait nue, allongée sur un grabat, les bras retenus par deux hommes. Son visage, pressé sur le matelas, était tourné du côté opposé à l’objectif de la caméra. Sa tête couverte d’un voile noir tentait de se redresser mais en vain.

La scène était filmée en cadrage serré probablement pour dissimuler le visage des deux hommes qui maintenaient la jeune femme plaquée sur le ventre pendant qu’un troisième homme agrippait la jeune femme par les hanches pour mieux s’enfoncer en elle comme la cognée dans l’arbre.

On entendait l'essoufflement de l’homme travaillant le corps livré, le gémissement de sa victime.

Le cinéaste se déplaça pour zoomer sur le corps de l’homme forçant la femme.

Il la sodomisait.

L’homme prit son plaisir et se retira d’un seul élan, arrachant le voile de la femme, en criant en langue arabe : « Salle Roumie, tu ne mérites pas de porter le hijab. Tu n’es qu’une mécréante !».

La torsion du voile arraché avait tourné le visage de la femme, tordue par la douleur, vers la caméra.

Les deux complices s’écartaient alors.

La caméra faisait ensuite un plan large; on apercevait sur le mur, au dessus du lit, un drapeau noir marqué de la devise de Dah’ech en écriture coufique : la chahada « Il n'y a pas de vraie divinité si ce n'est Allah », au dessus du sceau de Mahomet : Allah, Muhammad, Messager.

Un montage incrustait en fin de vidéo une phrase en écriture arabe cursive que le lieutenant Malik Benamar reconnut comme le verset 15 de la sourate IV An-Nisa, Les femmes:

‘Celles de vos femmes qui forniquent, faites témoigner à leur encontre quatre d’entre vous. S’ils témoignent, alors confinez ces femmes dans vos maisons jusqu’à ce que la mort les rappelle ou qu’Allah décrète un autre ordre à leur égard’.

La DGSI avait reçu un signalement de la vidéo postée sur un compte Facebook. Le titre de la vidéo ‘Nabilla, la djihadiste sodomisée’, un vrai titre de film porno, avait été repérée par le terme djihad du criblage systématique du trafic internet effectué par la NSA. La vidéo étant postée sur la version française de Facebook, le NSA avait transmis le dossier à leur correspondant au sein de la DGSI. Face aux milliers de ressortissants rejoignant les combattants islamistes en Syrie et en Irak, une coordination de plus en plus active des services nationaux de lutte contre le terrorisme islamique générait un flux quotidien de signalements. Malik, jeune lieutenant, affecté depuis six mois au service Djihad de la DGSI, avait été chargé par le capitaine Morel, le chef du service, d’enquêter rapidement sur cette vidéo car elle pouvait, compte tenu de son caractère pornographique, être retirée du jour au lendemain par Facebook qui pratiquait une censure plus rapide des vidéos pornographiques que de celles prônant l’Islam radical.

Malik repassa plusieurs fois la vidéo et écouta à plusieurs reprises la seule phrase prononcée. Fils de marocains, il comprenait les paroles mais le dialecte n’était pas maghrébin, plutôt un parler du Golfe. Il appela son copain Ibrahim, le linguiste du service, qui était libanais, en lui donnant l’url de la vidéo postée sur Facebook. Ibrahim envoya, après une vingtaine de minutes sa réponse : il s’agissait bien d’un dialecte arabe du Golfe, avec une intonation probablement qatari, compte tenu de la prononciation spécifique du thâ’qui était remplacé par f, et le dhâlpar un d mais le locuteur était probablement un étranger parlant arabe avec un accent, selon lui, français.

L’hypothèse la plus probable était donc celle d’un français converti ayant rejoint les rangs de Dah’ech, plus habituellement désigné par les média français sous le nom d’Etat Islamique, EI, traduction du nom anglais ISIS : Islamic State of Iraq and Syria.

La vidéo avait été postée sur le compte Facebook d’un combattant de Dah’ech : ‘Khaled ben Arich’, littéralement traduisible par : ‘Éternel, le fil du riche’. Curieux nom, pensa Malik, mais les Français partant au Djihad adoptaient souvent des noms comportant un clin d’œil à leur ville d’origine en ajoutant un i final pour l’arabiser ou un jeu de mots. Khaled, c’était, historiquement, Khalid ibn al-Walid, compagnon du Prophète Mahomet et chef des armées islamiques, et, de manière plus contemporaine, le nom de scène d’un chanteur de raï, auteur du tube Aïcha, mais aussi, Khaled Kelkal, le terroriste algérien ayant commis les attentats de 1995 d’où le choix provocateur de ce prénom, peut-être. ‘Fils de riche’, probablement un patronyme pas anodin.

Envoyer une demande de coopération à la NSA pour avoir communication de l’adresse IP du créateur du compte au nom de Khaled ben Arich, nota Malik sur son carnet de poche.

La France mettait en place des outils de recherche sémantique sur le web mais notre outil ‘SEMIOS’ n’était pas encore achevé et la DGSI restait encore très dépendant de la bonne coopération avec le NSA, en particulier pour obtenir des informations des Facebook et autres multinationales américaines.

Malik, était perplexe. L’association, l’accouplement pourrais-je dire, blagua-t-il avec honte, des termes sodomie et djihad devrait être normalement proscrit du vocabulaire de la propagande djihadiste. Facebook n’est pas un de ces sites de pornographie ‘ethniques’ genre ‘FuckBeurette’. Cette mise en ligne était surprenante. Peut-être une provocation ? La vidéo semblait trop réaliste pour être un hoax mais dans la guerre de propagande à laquelle se livraient Etat syrien, mouvements islamistes et services de renseignements, tous les coups tordus étaient possibles. Si Dah’ech mettait en ligne des décapitations immondes pour revendiquer sa prééminence sur les autres mouvements islamistes et attirer des sicaires toujours plus nombreux, pourquoi laisser publier cette vidéo qui devrait plutôt dissuader les jeunes femmes françaises de se les rejoindre ? Certes Dah’ech prônait le Djihad par le sexe en incitant les femmes non mariées à rejoindre leurs rangs pour épouser des combattants et pratiquait le viol et la traite de femmes yazidies mais Malik ne savait que conclure.

Le titre de la vidéo : ‘Nabilla, la djihadiste sodomisée’ semblait une mauvaise parodie de titre de film porno à trois sous. Nabilla, par référence à la starlette à généreuses prothèses mammaires probablement et parce que cela facilitait l’indexation par les moteurs de recherche; en tous cas, pas le véritable nom de la victime.

Malik rédigea donc une note à Morel pour résumer ses interrogations :

«Vidéo : ‘Nabilla, la djihadiste sodomisée ‘

url de la vidéo : www.facebook.fr/…

Compte Facebook ouvert au nom de ‘Khaled ben Arich’,

‘Eternel le fil du riche’

Photo d’un jeune homme de type caucasien en tenue de combattant (treillis et keffieh)

Vidéo postée : 1er novembre 2014

Durée : 9:05 minutes

5 vues à date

Vidéo postée récemment et très peu vue, ce qui suggère une diffusion sélective de l’adresse : la communication des coordonnées des internautes a été demandée à Facebook.

La vidéo expose une très jeune femme, entre quinze et vingt cinq ans, violée par sodomie par un homme.

Quatre personnes au minimum présentes : le violeur, les deux complices retenant les bras de la femme, le (la) cinéaste. Age estimé des hommes environ 20 à 30 ans. Type caucasien pour les trois hommes dont les mains sont visibles sur la vidéo.

Cadrage serré de la vidéo ne donnant aucune image du visage des violeurs. Aucun tatouage ou marque significative visible sur le corps des hommes. Le zoom sur la montre de l’un des deux hommes, maîtrisant la victime, une fausse Rolex. Le sodomite porte une alliance dorée à la main gauche.

La pièce où se déroule la scène, semble une pièce nue, sombre, une cave ou un garage dont tout objet signifiant aurait été volontairement enlevé.

Images peu éclairées mais de bonne définition.

Vidéo prétendument islamiste au vu du drapeau de Dah’ech mais vidéo non revendiquée officiellement, à date, par le mouvement terroriste.

Incrustation dans la vidéo du texte du verset 15 de la sourate IV An-ninsa’, Les Femmes : http://islamfrance.free.fr/doc/coran/sourate/4.html

Il ne me semble pas s’agir d’un viol simulé.

L’hypothèse d’une manipulation ne peut toutefois être complètement écartée.

Le violeur s’est exprimé en arabe témoignant qu’il s’agirait d’un châtiment.

Verbatim : « Salle Roumie, tu ne mérites pas de porter le voile, tu n’es qu’une mécréante ».

Dialecte arabe du Golfe, probablement qatari.

La victime est dévoilée à la fin du viol collectif et on aperçoit son visage qui semble caucasien.

Synthèse : vidéo du viol d’une possible française, jugée relaps, par des présumés terroristes de Dah’ech, postée sur un compte Facebook islamiste ouvert par Khaled ben Arich, pseudo arabisé d’un européen converti au djihad Actions proposées :

Demande de communication de l’IP du compte Facebook et des internautes ayant visionné la vidéo à Facebook s/c de la NSA.

Recherche d’appariement du visage de la fille et de la photo du compte Facebook avec nos base de données et celle des personnes déclarées disparues.

Procès-verbal dressé de cette mise en ligne par nous, Malik Benamar, Officier de Police judiciaire, en date du 2 novembre 2014, versé au dossier du service sous la référence DGSI/2014/11/02/...

2 - Le capitaine Morel

Le capitaine Morel reçut le mail de Malik Benamar dans la soirée comprenant l’url de la vidéo. Intrigué. Malgré l’heure tardive, il visionna plusieurs fois le viol filmé. Le service était désert et, comme Malik, ce film le surprenait tant il différait des innombrables vidéos djihadistes mises en ligne.

« Une jeune caucasienne violée par trois individus dont un possible qatari et un caucasien marié, occidental à en juger par son alliance (?). Une vidéo montrant la punition d’une musulmane apostat ( ?) Postée sur Facebook pour que tout le monde puisse la voir. C’est bien une méthode de communication privilégiée de la propagande islamiste mais le contenu de la vidéo n’a rien pour attirer les recrues féminines françaises. Qu’est-ce que cela peut bien signifier ? La vidéo n’était pas excitante, c’est de la pure violence » fut sa première réflexion qui le renforça dans l’idée qu’il s’agissait bien d’un viol et d’une punition.

Il fit un zoom sur la bague de l’homme. L’alliance est une coutume chrétienne, transmise des égyptiens aux grecs, mais rejetée par certains ulémas comme imitée des infidèles même si elle n’est pas, strictement, interdite par le Coran. L’alliance semblait d’or car jaune, en tous cas, pas en acier. Le port de l’or est normalement interdit aux bons musulmans, sourit aigrement Morel, pensant aux princes arabes exhibant leurs Rolex rutilantes qui ne respectaient pas le précepte islamique.

Morel consulta la base de connaissance Islam du service et lut : « Le Prophète, paix et bénédictions sur lui, vit un homme portant une bague en or, il l’ôta immédiatement de sa main et la jeta puis il dit : L’un d’entre vous prendrait-il une braise pour la porter dans sa main... ».

Donc l’homme était probablement un chrétien, ou un homme très récemment converti à l’Islam qui avait conservés des pratiques occidentales. Les réseaux djihadistes étaient peuplés de convertis incapables de lire en arabe le Coran et très rares étaient les prétendus Cheikhs et émis des mouvements terroristes réellement savants en hadiths.

Au surplus, de nombreux musulmans arabes exhibaient des bijoux en or, donc on ne pouvait rien en conclure de certain sur le violeur. Un indice, parmi d’autres.

De jeunes français étaient endoctrinés par la guerre sainte sans avoir jamais lu le Coran. Lui même, devait-il admettre, avait été, dans sa jeunesse frondeuse, dupé par les habits neufs du Président Mao sans avoir jamais ouvert Le Capital de Marx ni mis les pieds en Chine nouvelle. Leurs petits enfants ne connaissaient de l’Islam que la doxa rétrograde des fondamentalistes et les clips déversés par leur propagande sur Facebook et YouTube.

Morel alluma une gitane avec la jouissance d’un interdit. Personne ne viendrait lui rappeler les consignes d’interdiction de fumer à cette heure tardive; ses collègues sifflaient bien du pastis pendant le service, lui pouvait bien s’enfumer pendant ses heures supplémentaires.

« Je rentre tard. Désolé. Ne m’attends pas. Baisers » smsa-t-il à son épouse, en écrasant sa clope et reprenant son analyse de la vidéo.

Donc, quatre personnes, dont trois hommes, probablement quatre, car il était peu probable que le caméraman fut une femme, pas nécessairement tous arabes, aussi bien français, car un seul parlant arabe avec un accent qatari, résuma-t-il.

Le fait que c’était le supposé caucasien converti qui sodomisait la fille méritait une réflexion supplémentaire. La sodomie n’est pas une rareté en Islam, pas plus qu’en Occident chrétien, mais que ce ne soit pas un viol ‘classique’, n’était peut-être pas anodin. La mise en scène n’avait rien d’improvisé. Pourquoi un seul homme violait et aucun des autres hommes ? Le viol consommé, la vidéo semblait achevée avant la profession de foi islamiste. Pas une gang bang ni une tournante en tous cas. Ou alors, hors vidéo ? Peu probable. La fille avait été châtiée par des européens islamistes pour un méfait non révélé.

La femme était abandonnée, pantelante, salie, exposée, mais vivante. Pour quel sort ? Continuer à servir d’objet sexuel à cette racaille ou être assassinée ensuite ?

Morel ne pensait pas que la fille ait été tuée. La propagande en aurait été encore plus efficace selon les critères aberrants de Dah’ech, qui diffusait des images d’une violence insoutenable. Non, la fille n’avait pas été tuée, mais on pouvait craindre de voir publier bientôt une seconde vidéo de son exécution.

Le visage de la fille était très peu visible mais, en ralentissant image par image, Morel réussit à en faire une capture. L’image était de trois quart; il était peu confiant sur la possibilité d’utiliser le logiciel ‘Morpho’ de rapprochement numérique avec les photographies des personnes du fichier ‘Personnes disparues’. Il lança pourtant la requête sur le serveur de la DGSI. La machine peu chargée à cette heure tardive moulina très rapidement.

Le logiciel analysa l’image de la fille, identifia quelques points significatifs sur le visage : forme du nez, largeur et hauteur du front, taille du crane, écartement et forme des oreilles, dessin du menton, pli et épaisseur des lèvres. Le logiciel lança ensuite automatiquement une comparaison avec la base de visages numérisés.

Morel lança une demande identique pour la photo du jeune homme se faisant appeler Khaled ben Arich puis, pour occuper la demi-heure qu’il estimait de recherche d’appariements, se leva et alla se servir un café instantané au distributeur sur le palier. Il tomba sur Lekernadec, le breton de la section ‘Indépendantistes’.

« Encore là, l’apostropha Lekernadec. Ça marche la chasse aux excités de l’Islam ? »

« Couci-couça... C’est pas le gibier qui manque. Ce qui est compliqué, c’est de tirer le gros … » répondit Morel évasivement.

Lekernadec sourit à la vanne et relança l’échange, manifestement content de faire la causette à cette heure tardive :

« C’est plutôt calme chez nous en ce moment. Depuis que les indépendantistes corses sont presque tous passés au grand banditisme, on a refilé beaucoup de filoches à la PJ. On essaie de repérer les derniers Mohicans basques planqués en France; il faut cibler cinquante suspects pour espérer une prise; la routine, quoi... »

« Ouais, toujours l’histoire du grand filet et des petits poissons » fut la réponse conciliante de Morel.

« Allez, on s’y remet » proposa Lekernadec qui, en cachette, jalousait la récente célébrité de la cellule anti-djihad qui passionnait les média. Morel était recherché par les journalistes qui ne franchissaient plus que très rarement la porte de son bureau. Bien sur, ni l’un ni l’autre n’étaient supposés communiquer avec les journalistes, mais cela permettait de faire un peu de désinformation parfois utile, de lancer des leurres, et un bon déjeuner aux frais du prince. La convivialité des RG était dans les gènes des anciens de la DGSI.

Morel tapa le code de la porte sécurisée de la Cellule anti-djihad qui ouvrait sur le palier.

« Navrant qu’on en soit ramené à se protéger les uns des autres, pensa-t-il, mais, depuis que ces cons des Stup’ ont fait sortir des kilos de came sous les caméras de surveillance, on n’est à l’abri de rien dans la maison Poulaga. »

Morel fut heureusement surpris de trouver un message clignotant sur sa console :

 Identification 1 : Marie Seclin

 Identification 2 : néant

Il appela la fiche de Marie Seclin à l’écran.

Marie Seclin

date de naissance : 23 Juin 1997 à Marcq-en-Barœul (59700)

adresse : rue de la Rianderie, Marcq-en-Barœul (59700) Père : Robert Seclin, ancien ouvrier des usines Lesaffre (levure) en préretraite

Mère : Pauline Seclin, aide soignante à la clinique du Croisé-Laroche

Déclarée disparue le 27 octobre 2014 par les parents Compte Facebook ‘officiel’ (ouvert 5 avril 2012) url : …

Morel se connecta et regarda Marie sur sa page Facebook publique, une adolescente souriante, trop maquillée. Elle avait posté des échanges, dans le pidgin parlé par les jeunes sur internet, truffé de fautes d’orthographe et d’abréviations sms, sur des starlettes et des people.

Morel ordonna à Malik de voir les parents dès le lendemain. Pour l’heure, il se sentait fatigué et sale des trois heures passées à analyser le viol de cette gamine. Il se demanda s’il allait rentrer chez lui pour se glisser en catimini dans son lit, et réveiller une fois encore sa compagne, ou aller écluser des bières tièdes dans quelques bars de Barbès pour bavarder avec ses indics.

3 - Les parents Seclin

Malik, consulta ses mails sur son portable Samsung en prenant son café avec Madeleine, son épouse. Il découvrit le rapport complété par Morel dans la nuit ainsi que l’ordre d’aller interroger les parents dans la journée.

«Galère ! Il faut que je me tape Paris - Marcq-en-Barœul aujourd’hui ! » râla-t-il à voix haute.

Sa femme qui préparait les céréales de leur fils Omar, âgé de onze ans, la petite dernière Caroline dans les bras, lui demanda, sans illusions, s’il rentrerait pour dîner. Malik essayait de cloisonner vie privée et vie professionnelle, comme deux parties d’un sous-marin, mais il semblait parfois en immersion profonde, pensa-t-elle en filant l’allégorie.

Enfilant son blouson, il embrassa femme et enfants, repensant déjà à la vidéo de la veille.

La fille, cette Marie quelque chose, lui semblait déjà familière. Son esprit évoqua, à sa grande honte, la croupe violentée. Regardant sa femme passer devant lui avec le bébé dans les bras, la formule de Céline : « on a toujours un reste de curiosité pour la chose » lui traversa l’esprit.

Il retira son arme de service qu’il tenait enfermé dans un tiroir fermé à clé par sécurité et hors de portée d’Omar, par ailleurs dûment chapitré, et le glissa dans son holster. Malik détestait les armes à feu mais la consigne était d’être armé pour conduire seul des interrogatoires sur le terrain.

Malik prit le métro jusqu’au Quai des Orfèvres où il se fit délivrer les clés d’une Peugeot 307 de service malheureusement non banalisée mais avec une carte d’essence.

« Super ! Je ne risque pas de passer inaperçu ! » ragea Malik en prenant les clés de la voiture sérigraphiée aux couleurs de la Police nationale.

Sur l’autoroute A1, il mit la radio sur Radio France-Maghreb. Cela lui faisait du bien d’écouter les émissions qui lui rappelaient le pays. Le Maroc c’était aussi son bled car il y avait passé la plupart de ses vacances d’été auprès d’une grand-mère qui ne savait pas lire mais lui racontait des histoires de djinns qui le terrorisaient avec délice. Il ne parlait arabe à la maison que quand il était en tête à tête avec son fils Omar, par respect pour Madeleine, sa femme, catholique non convertie, qui ne comprenait pas l’arabe. L’arabe était devenu une langue de travail plus que celle de la vie courante depuis que ses parents étaient partis vieillir à Fès. Malik ne pratiquait pas. Il n’allait jamais à la mosquée mais il respectait le ramadan, par tradition familiale, sans y réfléchir. Madeleine partageait son jeûne, disant que c’était bon pour sa ligne.

Son père, Mohammed, avait travaillé quarante ans comme OS à l’usine Citroën de Poissy. Sa mère, Achouma, avait fait des ménages puis la bonne d’enfants pour des bourgeois de Saint-Germain-en-Laye. Les deux parents étaient un parfait exemple d’intégration, si fiers de leurs enfants dont l’aîné était devenu officier de police, la cadette, ‘Professeur des écoles’ comme on appelait maintenant les institutrices et le petit dernier était, au sortir du centre de formation minimes du PSG, parti comme joueur professionnel à Abou Dhabi.

Flic n’était pas sa vocation, pourtant. Il avait fait son droit à Nanterre mais, devant la difficulté de trouver un boulot de juriste d’entreprise avec son patronyme arabe, Madeleine étant enceinte d’Omar, il avait, à contrecœur, présenté le concours d’officier de police. Fonctionnaire, c’était, pour lui, alimentaire, mais, pour son père, prestigieux comme au bled. Après la tournée des commissariats du 9.3, où il avait subi les outrages frustrants de racailles insolentes, il avait eu de la chance. La DGSI, débordée de travail par la multiplication de candidats au Djihad, avait lancé un recrutement ciblé sur les officiers de police arabophones. Il se passionnait dorénavant pour son métier, voulant sauver ces jeunes de l’endoctrinement.

Malik réussit à régler la radio sur la station Wah’Raï et écouta les Cheb du Raï en laissant ses pensées baguenauder. Bien que marocain, il préférait le Raï algérien, aux musiques purement marocaines. Le groupe de Sidi Bel-Abbès, Raïna Raï était son groupe préféré même s’il écoutait aussi volontiers les interprètes marocains de Raï : Mimoun Oudji ou Saïd Mousker, notamment. A la maison, son père écoutait plutôt du chaabi et sa mère, berbère, du amazighe.

Longtemps que je ne suis pas venu dans le Nord, pensa-t-il, en traversant Lille pour rejoindre Marcq-en-Barœul. Coupant la radio, il se mit au travail sérieusement dans le dernier quart d’heure du trajet. Il avait téléchargé la fiche signalétique de ‘Personne disparue’ de Marie. Au départ de Paris, Il avait appelé le commissariat marcquois pour obtenir quelques informations de voisinage sur les Seclin. Ses collègues ne savaient rien. Ils avaient seulement pris la déposition des parents lors de la disparition de leur fille unique mais le père et la mère étaient ‘inconnus des services de police’. Une famille banale, anonyme, jusqu’au départ de Marie. Le Commissaire local, un certain Jacques Lannoy, avait proposé mollement de faire accompagner Malik pour les entretiens avec les parents mais celui-ci avait préféré, sans surprise, les rencontrer seul.

Les parents Seclin habitaient dans un immeuble modeste de la rue de la Rianderie, proche de la clinique du Croisé-Laroche où travaillait la mère de Marie.

C’est le père qui vint ouvrir quand Malik sonna vers onze heures. Malik espérait pouvoir parler une heure avec lui avant que son épouse ne rentre, avec un peu de chances, pour déjeuner. Au pire, il devrait aller lui parler sur son lieu de travail.

« C’est pour quoi ? » demanda d’un ton rogue Robert Seclin en entrebâillant la porte.

« Lieutenant Malik Benamar, de la Police parisienne » annonça Malik qui préféra éviter de s’annoncer comme ‘DGSI - Cellule anti-terroriste’.

« Puis-je vous parler ? » ajouta-t-il en présentant sa carte de service.

Le père ouvrit la porte sans faire pourtant encore entrer Malik mais pour le regarder tout entier.

« Vous êtes policier ? De Paris ? »

On entendait dans sa voix la surprise, le doute de voir un policier arabe appartenir à la police parisienne. Pour lui les flics arabes comme les flics noirs faisaient la circulation. Il ne devait pas regarder les séries policières de la télévision politiquement correctes, pensa Malik.

Malik ne répondit pas mais regarda calmement l’homme qui, lentement, finit par s’effacer pour lui permettre de rentrer.

« Asseyez-vous. Si vous venez pour Marie, on a dit tout ce que l’on savait au Commissariat. »

« Merci. J’ai lu en effet le rapport de signalement de la disparition de votre fille. J’appartiens à une brigade spécialisée dans la recherche des personnes disparues. »

« Vous l’avez retrouvée ? »

« Non, mais on a une piste. Ce qui m’aiderait serait que je puisse vous poser quelques questions et voir sa chambre, si vous le permettez. »

« Allez-y; venez voir sa chambre si cela peut vous aider. On a touché à rien. » précisa-t-il utilisant la formule sacramentelle des films policiers pour désigner les lieux de crime.

La chambre de Marie était la chambre banale d’une adolescente. Un poster de Jennifer au mur, une minichaîne bon marché, un ordinateur, des fringues voyantes, pas de photos de petit ami.

« Marie avait-elle un petit ami ? » questionna sans ambages Malik.

Cette question intime venant d’un étranger déplut manifestement au père mais, par respect pour l’autorité, il se força à répondre.

« Pas que je sache… Elle avait eu un petit ami l’année dernière, Kevin quelque chose, mais depuis elle passait surtout son temps libre à tchatcher avec ses copines sur Facebook. »

« Vous permettez ? » demanda Malik en s’asseyant devant l’ordinateur et en l’allumant, sans attendre la réponse.

« Vous n’avez pas le mot de passe de son ordinateur, j’imagine. »

« Non. »

« Pourriez-vous me dire quel est votre opérateur d’accès internet ? »

Malik nota la réponse, Free, dans son carnet. L’ordinateur était verrouillé par un mot de passe qu’il serait aisé aux informaticiens de la DGSI de contourner.

« Pourriez-vous me communiquer le nom des amies les plus proches de votre fille ? »

« On voyait parfois la Léa Desumaux et aussi Marlène Kitnik, les parents sont polonais, crut-il nécessaire de préciser, des camarades de classe, venir à la maison. »

« Votre fille était-elle politisée ? »

« Politisée, que voulez-vous dire par là ? On parle pas politique à la maison. J’ai mes opinions, je n’ai pas peur de le dire. Je vote Front national, si vous voulez le savoir mais Marie ne s'intéressait pas à la politique. Sa mère évite de parler politique car, aussi, on n’est pas du même bord. Elle a voté Hollande et ne veut pas reconnaître qu’elle aurait mieux fait de se casser la jambe. »

Robert Seclin avait débité cette tirade tout à trac, avec l’aplomb des timides. Malik comprenait qu’afficher son vote Front national était une manière de lui dire en face qu’il ne l’aimait pas, qu’il n’aimait pas les beurs et que la Police devrait, selon lui, « rester aux Français ».

Malik ne releva pas la provocation mais préféra faire asseoir le père pour lui faire ses révélations. Il attendit qu’ils soient tous deux assis sur les chaises du salon télévision pour livrer la vérité.

« Votre fille s’intéressait-elle à l’Islam ? »

« L’Islam, non… pourquoi l’Islam ?... Marie est baptisée… On est français pas arabes… »

L’assimilation Arabe-Islam était si banale que Malik ne releva pas.

L’ignorance du père était sincère et rien dans la chambre de Marie ne pouvait laisser penser qu’elle ait eu le moindre intérêt pour l’Islam.

« Lui connaissiez-vous des amis arabes ? » questionna Malik conscient de la provocation.

« Des amis arabes ? … Non. Mais allez savoir. Elle était en terminale au Lycée Kernanec, il y a de tout là bas. Des beurs, des blacks, même un chinois ! Je ne pouvais surveiller ses fréquentations. Ce n’est plus une gamine ! »

Curieux comme il parlait d’elle d’un coup à l’imparfait comme si le soupçon qu’elle puisse avoir eu des relations avec des immigrés l’éloignait.

Malik nota le nom du Lycée se disant qu’il devrait aller voir le Proviseur pour avoir la liste des élèves et d’éventuels indices sur des camarades de classe. La plupart du temps le recrutement des jeunes djihadistes se faisait directement par internet mais c’était son boulot de ne négliger aucune piste.

« Monsieur Seclin, nous avons des raisons de craindre que votre fille se soit enfuie pour partir faire la guerre sainte, le Djihad, pour utiliser le mot arabe. Nous ne savons pas où elle se trouve. Ici, en France ou quelque part au Moyen-Orient. »

Le père se tassa sur sa chaise à l’écoute de ces révélations. Le ton calme et compatissant de Malik suffisait à le convaincre de la véracité de cette annonce.

« Votre fille était en vie, il y a encore quelques semaines. Depuis, nous ne savons pas, mais nous la recherchons. »

« Comment savez-vous qu’elle était encore en vie si vous ne l’avez pas retrouvée ? » interpella Seclin.

« Nous avons une vidéo la montrant en vie, vidéo postée il y a quelques jours sur Facebook mais elle a pu être tournée depuis quelques temps donc on ne peut pas affirmer la dernière date à laquelle votre fille était en vie. »

« Puis-je voir cette vidéo ? »

« Oui, mais il faut que je vous prévienne qu’il s’agit d’une vidéo pornographique qui montre votre fille, semble-t-il violée, par des présumés terroristes, en châtiment, déclarent-ils, de sa trahison de l’Islam. C’est une vidéo très dure. Cela nous aiderait pourtant que vous puissiez confirmer l’identification de votre fille. »

Robert Seclin resta, tassé sur sa chaise, essayant de comprendre la masse d’informations stupéfiantes révélées d’une seule tirade par le jeune flic.

La mère rentra à ce moment et découvrant son mari, courbé sur sa chaise, silencieux, face à un inconnu, elle s’écria : « Marie est morte ? »

« Mais non, elle n’est pas morte, ta fille ! Elle est allée faire le Djihad !! » rétorqua hargneusement Robert, rejetant sur sa femme toute sa frustration d’avoir dû répondre aux questions indiscrètes de ce policier arabe et de découvrir que sa fille était à la fois ‘une folle de