Force de vivre, force d’exister - José Carcel - E-Book

Force de vivre, force d’exister E-Book

José Carcel

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Beschreibung

Alors que la peur de mourir à cause de la Covid-19 gagne l’esprit des habitants de Ralbolville, Alfred et Hugo, l’un biologiste, l’autre psychologue clinicien, se retrouvent pour échanger sur ce qu’ils appellent « les questions essentielles de la vie »… L’un situe le monde, ainsi que lui-même, en fonction de la conscience d’exister, et l’autre ne vit que pour se préserver des méfaits du virus « tueur »… Sollicité par un groupe de jeunes analystes, Alfred accepte de leur transmettre son expérience et s’efforce de leur ouvrir d’autres horizons de pensée, en tenant compte, avec le concours de son ami Hugo, des apports de la biologie…


À PROPOS DE L'AUTEUR


Psychologue clinicien, José Carcel a exercé dans les hôpitaux et dans les tribunaux en tant qu’expert. Dans Force de vivre, force d'exister, il allie biologie et psychologie et nous les propose comme facteurs d'une existence paisible.

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Seitenzahl: 151

Veröffentlichungsjahr: 2023

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José Carcel

Force de vivre, force d’exister

Roman

© Lys Bleu Éditions – José Carcel

ISBN : 979-10-377-6561-1

Le code de la propriété intellectuelle n’autorisant aux termes des paragraphes 2 et 3 de l’article L.122-5, d’une part, que les copies ou reproductions strictement réservées à l’usage privé du copiste et non destinées à une utilisation collective et, d’autre part, sous réserve du nom de l’auteur et de la source, que les analyses et les courtes citations justifiées par le caractère critique, polémique, pédagogique, scientifique ou d’information, toute représentation ou reproduction intégrale ou partielle, faite sans le consentement de l’auteur ou de ses ayants droit ou ayants cause, est illicite (article L.122-4). Cette représentation ou reproduction, par quelque procédé que ce soit, constituerait donc une contrefaçon sanctionnée par les articles L.335-2 et suivants du Code de la propriété intellectuelle.

Du même auteur

- Au pays de l’autre, éditeur indépendant, 2007 ;
- L’écho des voix et du silence, Éditeur indépendant, 2007 ;
- Le clown pleureur, Édilivre, 2008 ;
- L’échelle, Édilivre, 2008 ;
- La nuit des tambours, Édilivre, 2008 ;
- Le chant des sirènes, Édilivre, 2008 ;
- L’architecte, Édilivre, 2008 ;
- Voyage au-delà du miroir, Édilivre, 2008 ;
- Capucine, passage d’un monde à l’autre, Édilivre, 2008 ;
- Les plus beaux sentiments, Édilivre, 2008 ;
- La dernière rive, Édilivre, 2008 ;
- Le temple invisible, Édilivre, 2008 ;
- Sur le chemin du souvenir, Édilivre, 2008 ;
- Sur le chemin des oubliés, Édilivre, 2008 ;
- Les naufragés de la vie, Édilivre, 2008 ;
- Félix, le père parfait, Édilivre, 2008 ;
- Le visage et le regard, Édilivre, 2008 ;
- La chose, Édilivre, 2008 ;
- Les retrouvailles, Édilivre, 2009 ;
- Quand l’automne arrivera, Édilivre, 2009 ;
- Le fils du poète, Édilivre, 2009 ;
- La bête folle, Édilivre, 2009 ;
- Les mauvais bergers, Édilivre, 2009 ;
- Le petit chercheur, Édilivre, 2009 ;
- L’hystérie de conversion, Édilivre, 2009 ;
- L’autre pays, Édilivre, 2010 ;
- Le cirque universel, Édilivre, 2010 ;
- Le grand rocher, Édilivre, 2010 ;
- Mon île, Édilivre, 2016 ;
- Les quatre mondes de Narcisse, Édilivre, 2016 ;
- Mon enfant a été tué au nom de Dieu, Édilivre, 2016 ;
- L’héritière, Édilivre, 2016 ;
- Le fils de l’autre, Édilivre, 2016 ;
- Le postier et l’homme de lettres, Édilivre, 2016 ;
- Émeraude et moi, Édilivre, 2016 ;
- Un train peut en cacher un autre, Édilivre, 2019 ;
- Le poète disparu, Édilivre, 2019 ;
- Cinq pièces de théâtre, Édilivre, 2019 :
- Quand on n’a que l’amour ;
- Le dimitrisme ;
- La pierre brute ;
- L’emprise ;
- Un heureux évènement ;
- De l’univers psychologique à l’univers initiatique, Édilivre, 2019 ;
- Le procès du procureur Félon, Spinelle, 2021 :
- D’un inconnu à l’autre, Lys Bleu, 2021 ;
- L’espoir sinon rien ! Lys Bleu, 2021 ;
- Le père aliénant, Lys Bleu, 2021 ;
- La médiocrité d’esprit, Le Lys Bleu, 2022.

- Je veux… Au pays des goélands, Le lys Bleu, 2022 ;

- La vallée des loups, Le Lys Bleu, 2022 ;

- Tais-toi sinon… Le Lys Bleu, 2022 ;

- D’un monde à l’autre, Lulu, 2022 ;

- Le sablier de la vie, théâtre, Le Lys Bleu, 2022 ;

- Fraternité où es-tu ? théâtre, Le Lys Bleu, 2022 ;

- La ruche - Faut-il craindre le psychopathe paranoïde, Le Lys Bleu, 2022 ;

- Vie, mort et morts symboliques, Le lys Bleu, 2022 ;

- Mourir à la française, Le lys bleu, 2022 ;

- Les égarés, Le Lys Bleu, 2022.

I

Depuis que les goélands argentés et les mouettes rieuses surplombaient menaçants les chalutiers en détresse des marins de Ralbolville, on ne parlait en mer comme à terre que du « tueur » inconnu, la Covid-19… La peur de mourir, enfouie dans l’inconscient collectif, fit irruption tout à coup dans l’esprit de la majorité des gens. Comme l’angoisse prenait la place de la raison, certains politiciens évoquaient déjà la crainte de la « fin du monde » ! Suite aux premiers décès parmi les gens âgés de 85 ans et plus, le Président, qui n’avait pas peur des mots, déclara solennellement le 17 mars 2020 la guerre totale au Covid-19 ! Alors pour protéger les citoyens, surtout les plus fragiles, il décréta le confinement, la fermeture des restaurants, des écoles, des bars, des lieux de culte, des cinémas, des théâtres, le port obligatoire du masque du matin au soir et la prise de distances dans les relations grands-parents et petits enfants…

Alfred et Hugo, originaires de Ralbolville, observaient avec attention chacun à sa façon l’évolution de la situation et les recommandations gouvernementales. Alfred et Hugo étaient comme des frères depuis soixante-dix ans, ils avaient fréquenté la même maternelle, la même école, le même lycée et la même Université. Hugo fit des études de biologie, Alfred de psychologie clinique. L’un était passionné par les « mystères » du corps, l’autre par les « mystères » de l’esprit. Inséparables depuis l’enfance, on pouvait les reconnaître de loin car ils étaient vêtus d’un costume noir, d’une chemise blanche et d’un chapeau de paille sur la tête. Avant que le virus ne fasse son apparition, Hugo était déjà habité par la peur de mourir, avec l’arrivée du virus meurtrier ses peurs s’étaient aggravées. Comme Alfred n’était pas du genre à renoncer aux petits plaisirs de la vie quotidienne ni au contact avec les gens, il oubliait souvent le danger que représentait le virus tueur… cela mettait Hugo hors de lui.

Deux ans plus tard, Omicron, un descendant de la Covid, fit son apparition, certes moins virulent que son ancêtre, mais très redouté aussi. Malgré la menace qu’il représentait pour la santé, Alfred avait choisi de reprendre, contre l’avis de son ami d’enfance, Hugo, le cours normal de la vie…

Le jour de son anniversaire, le 17 mars 2022, Alfred se réveilla avec le lever du soleil, prit un café chaud et se mit à écrire aussitôt les pensées qui traversaient son esprit. Soudain, à huit heures du matin, quelqu’un frappa trois coups à sa porte en criant.

— Alfred, c’est moi, Hugo ! Mets ton masque, s’il te plaît !

— Calme-toi ! Tu n’encours aucun danger.

Le visage masqué, le regard anxieux, les mains gantées, Hugo franchit la porte en gardant les distances.

— Merci, Alfred, c’est mieux comme ça.

— Rassure-toi, Hugo, avec moi tu ne risques rien, je ne suis pas sorti depuis une semaine !

— Tu n’as pas de la fièvre, de la toux, des maux de tête, des courbatures, une fatigue inhabituelle, une disparition du goût ou une diarrhée ?

— Non, je suis en pleine forme.

— Attention, Alfred, tu as mis le masque à l’envers, remets-le comme il faut.

— Hugo, arrête de t’affoler comme ça, tu es biologiste, tu sais mieux que moi que l’homme vit en bonne intelligence avec les virus depuis la nuit des temps, pourquoi tu réagis comme un enfant apeuré ?

— L’Omicron me fait peur… il est partout.

— Enfin, ne panique pas, tu es robuste et en parfaite santé !

— Tu dis ça, mais il fait des dégâts…

— Hugo, tu n’as aucun facteur de comorbidité, tu es une force de la nature, ça fait quarante ans que tu suis un régime alimentaire strict, tes examens biologiques sont excellents, tu ne bois pas, tu ne fumes pas, tu dors 8 huit heures et tu fais 10 kms à pied tous les jours… tous les médecins te disent que tu es en parfaite santé. De quoi as-tu peur ? Il est temps que tu cesses de voir dans l’Omicron le « mal radical » et que tu fasses confiance à ton système immunitaire.

— Alfred, je suis venu te souhaiter un bon anniversaire, pas pour parler du « mal radical » ni de mon système immunitaire.

— Veux-tu un café chaud ?

— Tu as désinfecté la cafetière ?

— Bien sûr !

— Bon anniversaire, mon ami ! 75 ans déjà ! L’âge de tous les dangers… Alfred, désormais, il faut que tu fasses attention au froid et à la chaleur, à ce que tu manges et à l’air que tu respires.

— Sois tranquille, je ne pense qu’à ça !

— Menteur ! Si mes informations sont bonnes, ton cœur n’est pas en bon état. Tu devrais marcher, arrêter de fumer, de manger des fruits de mer, du jambon et du fromage. Mon ami, la santé passe avant tout.

— Hugo, la santé est importante, je te l’accorde, mais elle ne passe pas avant tout. Mon échelle de valeurs n’est pas la même que la tienne, toi, pour réduire le taux de cholestérol, tu renoncerais au bonheur, pas moi.

— Tu ne changeras jamais, je t’ai déjà dit mille fois que la santé des cellules et des organes passe avant tout.

— Hugo, nous n’avons pas les mêmes priorités, toi, tu veux vivre à tout prix, moi, je veux exister !

— Alfred, avec ta philosophie j’ai peur que tu ne fêtes pas d’autres anniversaires… je te trouve pâle et amaigri.

— Justement, nous fêterons demain mon anniversaire avec Vincent et Célestin.

— Alfred, j’insiste, fais attention à ton cœur… Pense à demander à Vincent et Célestin de mettre le masque.

— Mon ami Hugo, mon « cœur » ne m’empêchera pas de continuer à prendre la vie comme un printemps permanent.

— Je vois, tu as encore un projet dans ta tête…

— Bien sûr ! J’ai encore mille projets dans la tête !

— Quel est ton projet ?

— Je vais écrire un livre…

— Encore ? À ton âge, cela risque de te fatiguer le cœur…

— Le cœur, toujours le cœur… je ne veux pas tomber dans l’idée qu’à notre âge nous n’avons plus rien à faire, ni à dire.

— Tu dis ça pour moi ?

— Pour nous deux, mais plus pour toi que pour moi. Je remarque que tu as un cœur sain, mais pour le reste…

— Que veux-tu dire ?

— Non, rien.

— Oui, dis-moi ce que tu penses.

— Hugo, j’observe que ton esprit est de plus en plus vide…

— Alfred, c’est plus fort que moi, je suis hanté par la peur de tomber malade… Avec l’Omicron, ma peur s’est aggravée.

— Cela ne m’étonne pas, tu as beau être biologiste, tu n’as jamais pu accepter que la mort fait partie de la vie. Veux-tu que je te dise ? Tu es un obsessionnel de la santé du corps… crois-moi, tu ne manqueras pas de mourir même en bonne santé !

— Arrête de parler de la mort, tu me fous les boules… s’il te plaît, parlons d’autre chose.

— Comme tu voudras… alors propose un sujet de « biologiste » !

— Arrête de te moquer de moi. Depuis que tu es devenu chercheur de pépites d’or rien ne t’arrête.

— C’est un beau compliment. À chacun son domaine, je cherche les pépites d’or dans l’infiniment grand, toi, tu les cherches dans l’infiniment petit.

— Ce n’est pas la peine d’insister, je sais que tu as toujours donné la priorité à l’esprit… tu n’es pas psychologue pour rien.

— Hugo, tu te trompes, les autres « pépites d’or » m’intéressent beaucoup.

— Nous débattons sur le sujet depuis quarante ans ! Dis-moi Alfred, quel est sujet de ton livre ?

— La question de Heidegger…

— Laquelle ?

— Pourquoi y a-t-il quelque chose plutôt que rien ?

— Et voilà, encore un sujet énigmatique… trop intellectuel pour moi. Qu’en pense Paulette ?

— Ah ! Paulette ! Elle est comme toi, elle n’a que mon cœur dans sa tête… c’est devenu sa seule préoccupation.

— Elle a raison, tu devrais l’écouter. Elle m’a dit que les résultats des derniers examens ne sont pas bons…

— Ils ne sont pas catastrophiques non plus…

— Alfred, je les ai analysés, ton cœur est « fatigué »…

— Peut-être qu’il est « fatigué », en tout cas, moi, je ne suis pas fatigué.

— Alfred, tu ne changeras jamais… bon, parlons d’autres choses… Ta fille Marie et ton petit-fils, Pierrot, se portent bien ?

— Très bien, ils ne vont pas tarder à arriver.

— Ils sont dehors ? Quelle inconscience !

— Ils sont partis faire quelques courses au centre-ville.

— Excuse-moi, je vais partir avant qu’ils n’arrivent, on ne sait jamais.

— Ne t’inquiète pas, ils ont mis le masque.

— Alfred, mieux vaut prévenir que guérir…

— Bon sang, Hugo, il est temps que tu prennes le risque d’exister.

— Je veille à ma santé… tu es incapable de l’entendre.

— Hugo, à quoi bon vivre en bonne santé en se privant de tout ce qui nous fait exister ?

— Pense aux méfaits de l’Omicron… il ne faut pas les oublier, moi, je ne les oublie jamais…

— Mon cher Hugo, quand la vie ne tient qu’aux souvenirs, ce n’est plus une vie.

— Ce que tu dis n’est pas bête… bon, je reviendrai demain, et n’oublie pas de dire à Vincent et Célestin de mettre le masque.

— Rassure-toi, ils le mettront, tu ne seras pas en danger de mort !

— Alfred, tu auras ton cadeau plus tard.

— Pourquoi ?

— Je ne veux pas entrer dans les magasins, on ne sait jamais… Qu’est-ce qui te ferait plaisir ?

— Que tu retrouves la joie de vivre !

— Alfred, arrête de te moquer de moi, j’ai pensé à t’offrir de la musique relaxante, ça te plairait ?

— Paulette sera ravie… Hugo, offre-moi plutôt le livre de Heidegger « Que signifie penser ».

— Non, sûrement pas ! Ton cardiologue m’a dit : « Il faut qu’Alfred repose son esprit ».

— Tu lui as demandé de te conseiller ?

— Non, il m’a téléphoné pour me conseiller. Tu sais, il t’aime bien.

— Je vois, il m’aime trop !

Alfred s’assit sur un fauteuil et ferma les yeux. Soudain il entendit la voix aiguë de Pierrot.

— Grand-père ! Grand-père ! Où es-tu ?

— Je suis là ! Approche-toi mon petit.

— Bon anniversaire, dinosaure !

— Merci, mon petit.

— Ton ami Hugo est venu te voir ?

— Oui, il vient de partir.

— Il est embêtant, il demande toujours à grand-mère comment va ton cœur. Pourquoi il ne demande pas comment tu vas ?

— Il est comme ça, il voit l’être humain comme un ensemble de cellules et d’organes.

— Je suis sûr qu’il est parti parce qu’il avait peur d’être infecté…

— C’est vrai mon petit.

— Tu l’aimes bien ?

— C’est mon meilleur copain.

— Pourquoi il n’a pas d’enfants ?

— Il ne voulait pas avoir d’enfants…

— Grand-père, tu n’as pas répondu à ma question.

— Tu sais, Hugo a des idées particulières sur la vie…

— Grand-père, je sais pourquoi il n’a pas d’enfants…

— Pourquoi ?

— Parce qu’il a peur de transmettre la mort.

— Tu as compris ça tout seul ?

— Oui… Dis grand-père, qu’est-ce que tu faisais avant que je n’arrive ?

— Je m’occupais à ne rien faire.

— Grand-mère dit que tu n’arrêtes pas de ne rien faire ! Grand-père, je voudrais te poser une question… c’est vrai que le chef des armées a déclaré la guerre au virus ?

— Oui, le 17 mars 2020 il a dit six fois à la télé : « Nous sommes en guerre contre le virus ! »

— Qu’est-ce qu’il a dit encore ?

— Il a exhorté les citoyens à se battre le jour et la nuit.

— Avec des canons et des fusils ?

— Non mon petit, en restant tranquillement chez soi et en se lavant les mains régulièrement.

— C’est une façon très bizarre de faire la guerre… Grand-père… je…

— Oui ?

— Je n’aime pas la guerre… c’est trop bête de faire la guerre.

— On n’a pas le choix, il faut éradiquer le virus…

— Grand-père, je pense à l’autre guerre…

— Tu as raison, c’est trop bête.

— Pourquoi les vieux envoient-ils les jeunes faire la guerre ?

— C’est une très bonne question…

— Grand-père, ce n’est pas une réponse.

— Pierrot, ta question demande une longue réflexion…

— Moi, je sais, les vieux se haïssent entre eux, comme ils n’ont plus la force de faire la guerre, ils envoient les jeunes la faire.

— Tu as peut-être raison.

— Grand-père, les jeunes sont bêtes de s’entretuer parce que les vieux se haïssent.

— Tu as raison…

— Moi, quand je serai jeune, je n’irai pas faire la guerre… tu sais pourquoi?

— Non, pourquoi ?

— Je dirai merde aux vieux haineux !

— Ça se tient…

— Grand-père…

— Oui ?

— Je me pose beaucoup de questions…

— Sur la guerre ?

— Non, sur les mystères…

— Ça m’intéresse, je t’écoute…

— Mon professeur d’histoire-géo dit que je suis trop petit pour penser aux mystères de la vie…

— Voyons, de quoi rêve-t-il ? Il n’y a pas d’âge pour s’interroger sur les mystères de la vie. Parfois les adultes pensent qu’ils sont les seuls à pouvoir se poser les grandes questions.

— Ai-je le droit de m’interroger sur les mystères de la vie des abeilles ?

— Bien sûr !

— Et même sur les mystères du ciel et de la terre ?

— Bien sûr !

— Et même sur mon mystère à moi ?

— Bien sûr !

— Grand-père, es-tu aussi un mystère pour toi ?

— Oui mon petit, nous sommes tous habités par le mystère. Tu sais, l’homme est, a été et sera toujours un mystère pour l’homme…

— Dis grand-père, qui a inventé les mystères ?

— Je ne sais pas.

— Que je suis bête, les mystères ne s’inventent pas !

Grand-mère dit que tu vois des mystères partout, c’est vrai ?

— Grand-mère n’a pas tort, j’adore réfléchir aux mystères !

— Où vois-tu les mystères ?

— Ils sont partout… dans les pleurs et les sourires des enfants, dans le ciel et la terre, dans les regards et les paroles, dans la naissance et la mort… tu sais, ils sont partout !

— C’est drôle de voir le mystère dans toutes les choses !

— Pierrot, cela n’a rien d’extraordinaire, tout ce qui existe a son propre mystère.

— Je vois des mystères, mais pas autant que toi… grand-mère dit que tu dors les yeux ouverts à cause des mystères.

— Grand-mère dit cela pour rire…

— Comment tu fais pour voir autant de mystères…

— Je ne sais pas quoi répondre… ta question me met dans l’embarras.

— Je peux te poser d’autres questions ?

— Bien sûr !

— Comment j’étais avant d’être né ?

— À ton âge, je me posais la même question…

— Tu as trouvé la réponse ?

— Je la cherche toujours…

— C’est pour ça que tu es devenu psychologue ?

— Peut-être bien !

— Pourquoi les psychologues s’intéressent-ils aux questions des enfants ?

— Pour comprendre les adultes…

— Dis grand-père, c’est vrai que l’adulte vit toujours avec l’enfant qu’il a été ?

— Absolument !

— Moi, quand je serai grand, je serai psychologue…

— Pourquoi ?

— J’aimerais comprendre le mystère des gens.

— Pourquoi ?

— Je ne sais pas !

— C’est une bonne raison.

— Grand-père, encore une fois, pourquoi les gens se font la guerre ?

— C’est une grande question… peut-être parce que les hommes n’ont pas rêvé assez des mystères.

— La grand-mère de mon meilleur copain dit que l’Omicron est un démon… Vient-il d’une autre planète ?

— Non, il est né sur la planète Terre.