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Ancien déporté d’Auschwitz, Isaac, philosophe de métier, s’installe dans un petit village ignorant qu’il est composé d’ex-résistants et collaborateurs dans la Deuxième Guerre mondiale. Trahi par le numéro gravé dans son bras, il est, à son insu, à l’origine du retour des « vieux démons » entre les habitants… À la demande du professeur de l’école et du maire, il accepte de témoigner de son vécu dans le camp de la mort et de répondre aux questions des élèves et des adultes. Malgré les hostilités qu’il suscite autour de lui, il devient, grâce à son expérience et son savoir, le personnage central des lieux. Dès son arrivée, en parlant de la vie, de la mort et des morts symboliques, il ne cesse de répandre l’esprit de tolérance et de fraternité. Pour lui, les « morts symboliques » représentent la pierre angulaire du développement de l’humain. Sans elles, ce dernier resterait fixé à « l’animalité ».
À PROPOS DE L'AUTEUR
C’est soucieux de partager ses modestes idées nées de son expérience clinique et de son vécu que
José Carcel écrit
Vie, mort, morts symboliques.
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Seitenzahl: 124
Veröffentlichungsjahr: 2022
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José Carcel
Vie, mort, morts symboliques
Roman
© Lys Bleu Éditions – José Carcel
ISBN : 979-10-377-6348-8
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– Au pays de l’autre, 2007, Éditeur Indépendant ;
– L’écho des voix et du silence, 2007, Éditeur Indépendant ;
– Le clown pleureur, 2008, Edilivre ;
– L’échelle, 2008, Edilivre ;
– La nuit des tambours, 2008, Edilivre ;
– Le chant des sirènes, 2008, Edilivre ;
– L’Architecte, 2008, Edilivre ;
– Voyage au-delà du miroir, 2008, Edilivre ;
– Capucine, passage d’un monde à l’autre, 2008, Edilivre ;
– Les plus beaux sentiments, 2008, Edilivre ;
– La dernière rive, 2008, Edilivre ;
– Le temple invisible, 2008, Edilivre ;
– Sur le chemin du souvenir, 2008, Edilivre ;
– Sur le chemin des oubliés, 2008, Edilivre ;
– Les naufragés de la vie, 2008, Edilivre ;
– Félix, le père parfait, 2008, Edilivre ;
– Le visage et le regard, 2008, Edilivre ;
– La chose, 2008, Edilivre ;
– Les retrouvailles, 2009, Edilivre ;
– Quand l’automne arrivera, 2009, Edilivre ;
– Le fils du poète, 2009, Edilivre ;
– La bête folle, 2009, Edilivre ;
– Les mauvais bergers, 2009, Edilivre ;
– Le petit chercheur, 2009, Edilivre ;
– L’hystérie de conversion, 2009, Edilivre ;
– L’autre pays, Edilivre, 2010 ;
– Le cirque universel, Edilivre, 2010 ;
– Le grand rocher, Edilivre, 2010 ;
– Mon île, Edilivre, 2016 ;
– Les quatre mondes de Narcisse, Edilivre, 2016 ;
– Mon enfant a été tué au nom de Dieu, Edilivre, 2016 ;
– L’héritière, Edilivre, 2016 ;
– Le fils de l’autre, Edilivre, 2016 ;
– Le postier et l’homme de lettres, Edilivre, 2016 ;
– Émeraude et moi, Edilivre, 2016 ;
– Un train peut en cacher un autre, Edilivre, 2019 ;
– Le poète disparu, Edilivre 2019 ;
– Désirs mis en scène, Edilivre, 2019, 5 pièces de théâtre :
– Quand on n’a que l’amour ;
– Le dimitrisme ;
– La pierre brute ;
– L’emprise ;
– Un heureux évènement ;
– De l’univers psychologique à l’univers initiatique, Edilivre, 2019 ;
– Quelque chose plutôt que rien, Lulu, 2020 ;
– Le procès du Procureur Félon, Spinelle, 2021 ;
– D’un inconnu à l’autre, Le Lys Bleu Éditions, 2021;
– l’Espoir sinon rien ! Le Lys Bleu Éditions, 2021 ;
– Le père aliénant, Le Lys Bleu Éditions, 2021 ;
– La médiocrité d’esprit, Le Lys Bleu Éditions, 2022 ;
– Je veux… ! Au pays des « goélands », Le Lys Bleu Éditions, 2022 ;
– La Vallée des Loups, Le Lys Bleu Éditions, 2022 ;
– Tais-toi sinon, Le Lys Bleu Éditions, 2022 ;
– D’un monde à l’autre, Lulu, 2020 ;
– Le sablier de la vie, Théâtre, Le Lys Bleu Éditions, 2022 ;
– Fraternité où es-tu ? Théâtre, Le Lys Bleu Éditions, 2022 ;
– La ruche, Le Lys Bleu Éditions, 2022 ;
– Mourir à la française, Le Lys Bleu Éditions, 2022 ;
– Justice où es-tu ? Le Lys Bleu Éditions, 2022.
Depuis qu’Isaac s’installa à Jonquille, un petit village situé au cœur de « la vallée du Souvenir », il n’avait d’yeux que pour son jardin. Ah ! Le jardin d’Isaac ! Traversé de part en part par un petit ruisseau d’eaux cristallines, il rêvait de cultiver des fleurs aux couleurs de l’arc-en-ciel. Dès son arrivée, il devint le sujet de toutes les conversations dans le bar du village, « les Poireaux ». D’où vient-il, que cherche-t-il ? Pourquoi a-t-il écrit à l’entrée du jardin : Les rêves rendent libre ? se demandaient les gens intrigués par ses allures. Un jour, comme il rêvassait dans le bar devant une tasse de café chaud, un jeune agriculteur prit les devants :
— Excusez-moi, je vous ai entendu demander un café… j’ai remarqué que vous n’avez pas l’accent de la vallée, d’où venez-vous ?
Isaac répondit la tête entre les mains :
— Je viens d’un lieu où l’on avait écrit à la porte d’entrée : « Arbeit Nacht Frei ».
— Ça veut dire quoi ?
— Cela signifie le travail rend libre.
— Pourtant vous avez écrit à l’entrée de votre jardin : Les rêves rendent libre !
— Oui mon garçon, sans les rêves nous n’irions pas très loin.
— Excusez-moi, on m’a dit que vous envisagiez de cultiver des fleurs particulières…
— Oui mon garçon, je songe à cultiver des fleurs joyeuses avec des graines de tristesse…
— Vous êtes drôle ! Je ne comprends pas ce que vous voulez dire. Pourquoi vous ne cultivez pas des concombres, des tomates et des patates pour les vendre sur le marché ?
— Je n’ai plus l’âge de cultiver des concombres, des tomates et des patates… mon garçon, je serais très heureux d’offrir en partage les fleurs que je voudrais cultiver dans mon jardin.
— Monsieur, je m’appelle Marc, je ne comprends pas ce que vous cherchez, ni d’où vous venez, mais si vous avez besoin de mon tracteur, n’hésitez pas à me le demander.
— Merci, mon garçon, tu es gentil.
— Monsieur, en échange, s’il vous plaît, vous pourriez offrir à ma fiancée un bouquet de fleurs joyeuses !
— Je te le promets, mon garçon.
*
Jour après jour, courbé comme un arc, Isaac se rendait avec son âne dans son jardin… Pendant que l’âne trottinait comme un enfant dans un bac de sable, les yeux rivés, tantôt sur la terre, tantôt sur le ciel, il semait des graines issues de son imagination… Le soir, assis sur une pierre, quand les gens lui demandaient : « que faites-vous là ? » Il répondait : « je rêve d’une pluie d’étoiles ». Les mauvaises langues disaient qu’il était farfelu, original, bizarre, un peu fou. Eh oui comme il ne parlait de sa vie qu’avec son âne, personne ne connaissait ses rêves, son passé, ni le regard qu’il portait sur son jardin…
Un jour, comme il retroussait les manches pour aider Marc à transporter les caisses de légumes, un enfant lui demanda :
— Pourquoi as-tu sur le bras 15955 ?
Isaac hésita quelques instants, puis répondit d’une voix tremblante :
— Mon enfant, c’est… c’est ma carte d’identité…
L’enfant partit en courant rejoindre son père.
— Papa, le monsieur ne s’appelle pas Isaac, il s’appelle 15955 !
— Mais non, arrête de dire n’importe quoi, il s’appelle Isaac.
— Tu te trompes papa, il m’a montré sa carte d’identité.
La nouvelle se répandit aussitôt dans le village. Certains disaient que le numéro 15955 c’était le symbole de son premier grand amour, d’autres prétendaient que c’était le code de son coffre-fort. Le numéro « 15955 » devint le centre de toutes les conversations dans le bar « les Poireaux ». Un soir, comme le professeur de l’école « la Paix » surprit les villageois se disputer à cause du chiffre 15955, il leur dit : « Arrêtez de vous disputer, c’est le « nom » qu’on lui a donné à Auschwitz ».
— Auschwitz… n’importe quoi, murmurait l’un d’entre eux.
— Oui, monsieur, c’est son numéro d’identification.
*
Alors que le village dormait d’un sommeil profond depuis 50 ans, le numéro 15955 réveilla tout à coup les vieux démons. Partout où Isaac se déplaçait, il était suivi du regard compatissant des anciens résistants et du regard méprisant des anciens collabos. Le retour de la haine entre les deux camps mit fin à la fausse paix qu’ils avaient contractée à contrecœur à la fin de la Deuxième Guerre mondiale. Voyant le climat de tensions qui régnait dans le village, le Maire prit la parole dans le bar les « Poireaux » :
— Messieurs, le passé, il est ce qu’il est… Je vous en prie, pour le bonheur de nos enfants, faisons preuve de tolérance, oublions les victimes et les bourreaux.
Un ancien résistant unijambiste répliqua :
— Monsieur le Maire, avec tout le respect que je vous dois, permettez-moi de vous dire qu’on ne doit jamais oublier le mal radical.
Isaac écoutait attentivement le débat sans dire mot. Soudain, le jeune professeur de l’école « la Paix » s’approcha de lui.
— Excusez-moi monsieur, je m’appelle Christian, je suis professeur des écoles.
— Enchanté Christian, je vois que vous avez débuté le métier de bonne heure…
— J’aurai vingt ans dans huit mois. Monsieur, vous avez entendu ? Il a parlé du mal radical…
— Il a raison, on ne peut pas l’appeler autrement.
— Monsieur, accepteriez-vous de parler d’Auschwitz aux enfants de mon école ?
— Vous me demandez de parler de quelque chose dont je n’ai jamais parlé…
— Pourquoi ?
— C’est difficile à expliquer, c’est comme si j’avais honte d’en parler…
— C’est étrange, la plupart des déportés disent la même chose.
— Vous savez, les nazis nous disaient du matin au soir : « Ce qui vous arrive, vous l’avez bien mérité ». À force de l’entendre…
— Je comprends… à force de l’entendre, vous vous sentiez coupables…
Isaac releva la tête et dit d’une voix affirmée :
— Christian, je veux en parler aux enfants.
— Merci, monsieur, ils seront ravis de vous poser des questions…
— J’essayerai de répondre de mon mieux, hélas, ça risque d’être très difficile… c’est délicat de parler aux enfants des atrocités que j’ai vues.
— Je vous comprends.
— Mon garçon, il est difficile de parler des camps de la mort sans interroger les avatars de l’esprit humain.
— Sans indiscrétion, qu’est-ce que vous avez fait dans la vie avant de vous installer dans la « vallée du Souvenir » ?
— J’étais prof de philosophie.
— On m’a dit que vous étiez jardinier…
— C’est vrai, j’ai toujours été « jardinier »… cultiver des idées c’était ma passion, maintenant, je cultive… comment pourrais-je dire, je voudrais cultiver…
— Je sais, j’ai appris que vous cherchiez à cultiver des fleurs joyeuses avec des graines de tristesse.
— Les nouvelles vont vite…
— Les villageois ne parlent que de ça.
— Christian, que pensez-vous de ma métaphore ?
— Cultiver des fleurs joyeuses avec des graines de tristesse… c’est une belle métaphore, très belle ! Malheureusement, ici, les trois quarts des gens ont du mal à comprendre les métaphores… Vous pourriez peut-être vous exprimer autrement…
— Mon garçon, quand les paroles ne suffisent pas pour dire ce que nous avons dans le cœur, il ne nous reste que les métaphores… Je vais te faire une confidence, Auschwitz m’a permis de comprendre que la vie tend vers la mort et que « les morts symboliques » nous ouvrent les portes de la vie. Si j’ai réussi à survivre aux désirs de mort de mes bourreaux, c’est grâce aux morts symboliques.
— Ce que vous dites m’échappe, j’aimerais que vous m’en parliez un jour.
— Avec plaisir, c’est un sujet qui me tient à cœur.
— Monsieur, j’aimerais que les enfants sachent que les pulsions de vie peuvent être plus fortes que les pulsions de mort.
— Pas toujours… au pays de l’horreur on avait beau s’accrocher à la vie, souvent les pulsions de mort étaient plus fortes que les pulsions de vie.
— Les films le montrent bien…
— Je sais, les films montrent les corps amaigris, les regards désespérés, la faim, les humiliations, les travaux forcés… mais la cruauté, la vraie cruauté entre quatre murs… les films ne parviennent pas à la montrer… les gens ne savent pas à quoi ressemble un visage habité par le mal radical…
— Excusez-moi, monsieur, de vous rappeler de mauvais souvenirs…
— Tu ne me les rappelles pas, ils sont toujours dans mon esprit, le jour et la nuit.
— Monsieur, parlons d’autre chose… Vous vous sentez bien parmi nous ?
— Je n’ai pas à me plaindre, Jonquille est un arbre de paix ! Espérons qu’il ne se transforme pas en un champ de bataille ! Mon garçon, je m’en veux un peu, je n’aurais jamais imaginé qu’un jour les cinq chiffres gravés sur mon avant-bras gauche réveilleraient la haine entre les villageois.
— Pourquoi vous aviez été déporté ?
— Si je m’appelais Henry Delarue, personne ne se serait intéressé à moi, or je m’appelle Isaac Weizmann… à l’époque, à défaut d’autres raisons, les nazis déportaient les gens à cause des origines signifiées par leur nom…
— Ah ! Les origines ! Je dis souvent à mes élèves : le lieu de naissance n’est pas forcément le lieu du destin.
— Christian, tu soulèves une question qui a fait couler le sang dans tous les coins du monde. Aristote disait que l’homme est un animal rationnel, hélas, force est de constater que quand l’animalité prend le dessus sur la rationalité cela donne lieu à Auschwitz… Mon garçon, si tu le souhaites, nous en reparlerons. Quand veux-tu que j’aille à l’école ?
— Je vous propose d’intervenir lundi de la semaine prochaine à dix heures du matin.
— D’accord. Au fait, quel âge ont les enfants ?
— Les plus jeunes 7 ans, les plus âgés 12 ans. Monsieur, vous pourriez être mon arrière-grand-père, puis-je vous appeler par votre prénom ?
— Je t’en prie mon garçon, j’aime bien être tutoyé.
Soudain, monsieur le Maire de Jonquille fit irruption.
— Excusez-moi de vous interrompre. Monsieur Weizmann, j’ai eu une idée dont j’aimerais vous parler.
— Je vous écoute monsieur le Maire.
— En écoutant les uns et les autres, je suis arrivé à la conclusion que Jonquille a besoin d’une cure de vérité… Je ne peux pas tolérer les dires de certains de mes administrés…
— Que disent-ils ?
— Désolé de vous faire de la peine, certains prétendent qu’Auschwitz c’est une invention, que c’est le plus grand mensonge de l’histoire.
— Oh, d’autres le disent aussi, il n’y a pire aveugle que celui qui ne veut pas voir.
— Voilà, je vous propose de témoigner…
— Monsieur le Maire, d’autres l’ont déjà fait.
— Je sais mais, après ce que vous avez subi, votre témoignage pourrait donner à penser…
— Je ne sais pas, les gens sont plus intéressés par le futur que par le passé.
— Justement, je souhaiterais que vous parliez des deux.
— Monsieur le Maire, vous me demandez beaucoup trop. Je ne manque pas d’expériences, en revanche, je suis mal placé pour envisager l’avenir…
Monsieur le Maire se retourna vers Christian.
— Qu’est-ce que tu en penses ?
— C’est une excellente idée.
— Tu accepterais d’animer le débat ?
— Avec plaisir. Monsieur le Maire nous avons eu la même idée, j’ai demandé à Isaac de parler aux enfants aussi.
Christian se retourna vers Isaac.
— Isaac, qu’est-ce que tu réponds à monsieur le Maire ?
— Si Jonquille a besoin d’une cure de vérité, je suis partant pour dire ma part de vérité.
Le Maire lui prit la main en s’exclamant : merci, monsieur Weizmann, merci de tout cœur ! Je vais demander au Secrétaire de la mairie d’informer tous les administrés. Monsieur Weizmann, vous aurez affaire à des hostilités…
— Pas de souci monsieur le Maire, il me reste encore assez d’énergie pour ne pas succomber au poids des hostilités !
*