L’expiation de Savéli - Henry Gréville - E-Book

L’expiation de Savéli E-Book

Henry Gréville

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Beschreibung

Henry Gréville, pseudonyme de Alice Marie Céleste Durand née Fleury (1842-1902), a publié de nombreux romans, des nouvelles, des pièces, de la poésie ; elle a été à son époque un écrivain à succès.Fille de Jean Fleury, écrivain haguais et professeur à Paris, elle l’accompagne en Russie quand il devient lecteur en littérature française à l’Université impériale de Saint-Pétersbourg. Elle y étudie les langues et les sciences avant d’y épouser en 1857, Émile Durand, professeur de droit français et amateur d’art.Elle commence à écrire dans le Journal de Saint-Pétersbourg, puis, de retour en France, en 1872, elle prend le nom de plume d’Henry Gréville, en référence au village de ses parents. Elle écrit des romans sur la société russe et publie dans la Revue des Deux Mondes, le Figaro, la Nouvelle revue, le Journal des débats, le Temps…Auteur prolifique, s’essayant au théâtre comme aux nouvelles, à la poésie comme au roman, elle a été à son époque, un écrivain à succès. Son manuel pour l’Instruction morale et civique pour les jeunes filles a été réédité 28 fois entre 1882 et 1891.Elle est morte, emportée par une congestion alors qu’elle suivait une cure à Boulogne-sur-mer.

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Henry Gréville

L’expiation de Savéli

I

La maison seigneuriale de Daniel Loukitch Bagrianof, construite en bois sur un haut soubassement en brique, trônait au milieu d’une cour bordée à droite par une rangée d’écuries et de remises, à gauche par les communs et la boulangerie. Une pelouse ovale, devant le perron, séparait en deux bras, comme une île dans le fleuve, la large route plantée d’arbres qui venait en ligne droite de la station de poste la plus voisine, distante environ de dix-huit verstes. Ce chemin, fait exprès pour les seigneurs, était bordé par de gigantesques bouleaux jusqu’à la porte d’entrée, porte peu somptueuse, à la vérité. Pas d’enceinte de ce côté ; un simple fossé suffisait pour défendre la demeure seigneuriale contre les loups ; – pour les hommes, il n’en était pas même question.

Quel audacieux eût pu rêver de franchir cette terrible enceinte, plus redoutable que les haies d’épines vivantes qui protègent les châteaux enchantés ? Daniel Bagrianof avait des chiens ; mais ces chiens, nourris de viande crue et lâchés tous les soirs, étaient moins redoutables que le regard froid et pesant des yeux bleu clair du seigneur.

Jamais personne n’avait vu Bagrianof en colère. On eût dit que, tout enfant même, il avait ignoré les révoltes soudaines et les mouvements involontaires d’une irritation secrète. Son visage exsangue, ses sourcils blanchis de bonne heure comme sa barbe abondante et soignée, lui donnaient l’apparence d’un grand calme. Seuls, ses yeux d’acier et sa bouche aux lèvres minces révélaient l’impitoyable ténacité, la férocité froide de cet homme. Pas plus qu’on ne l’avait vu en colère, de mémoire d’homme on ne l’avait vu pardonner une offense, volontaire ou non. On se racontait à l’oreille une histoire qui en disait long sur son caractère.

Un jour, au temps de sa jeunesse, Bagrianof, tourné en ridicule sous l’éventail par une jolie femme, s’en était pris, non au mari, mais à celui qui passait à tort ou à raison pour être au mieux avec la dame.

Après l’avoir insulté devant une assemblée choisie, il l’avait promptement dépêché à l’épée ; quelques jours plus tard, il dit au mari : – Vous me devez une récompense, mon cher, car j’ai fait votre besogne ; j’ai tué l’amant de votre femme.

Le mari furieux se jeta sur lui ; on les sépara, et le lendemain la dame était veuve.

Cette manière d’entendre sa défense personnelle donnait froid dans le dos aux plus braves ; aussi, après l’avoir vu agir de la sorte en quelques circonstances, la noblesse du district avait pris le parti de faire la morte.

Pendant des années, on avait évité les réunions brillantes, les assemblées où se rencontre la fleur du pays ; puis Bagrianof s’était en quelque sorte écarté de lui-même.

– Je ne vais nul part, déclara-t-il un jour, je me trouve bien chez moi.

L’âge venu, Bagrianof se maria. Il épousa la fille unique d’un veuf, son voisin, dont les biens touchaient à ses terres. C’était prévu, et cependant la nouvelle en fit pousser un grand soupir d’aise à trente verstes alentour, car on n’avait plus à craindre une demande de la part du terrible personnage.

La jeune mariée, Alexandra Rodionovna, élevée en liberté dans la maison de son père, apprit bientôt à modérer les éclats de sa gaieté enfantine. Elle cessa de rire, puis de parler, puis elle apprit à pleurer, – le tout en quinze jours, – et quand son vieux père à moitié imbécile vint la voir dans sa nouvelle demeure, il eut peine à reconnaître sa petite Sacha dans cette femme aux yeux baissés, à la démarche monacale, à la voix éteinte, qui ne parlait que pour répondre, et encore en tremblant.

Bagrianof n’appelait cependant sa femme que « ma chère épouse, mon âme, ma chérie » ; mais, tandis qu’il lui prodiguait ces noms de tendresse, le regard glacial et sardonique de ses yeux clairs suivait les mouvements de la malheureuse.

Si faible que fût la lueur d’intelligence qui lui était restée, le père de la jeune femme comprit quel devait être le lot de sa fille en ce monde ; au bout de quelques semaines, le chagrin l’avait tué.

Vingt ans s’étaient écoulés depuis, et la destinée de madame Bagrianof n’avait pas changé. Elle avait mis au monde et nourri dix enfants, qui tous étaient morts en bas âge. Le onzième enfant était une petite fille frêle et mignonne que la mère ne put nourrir, son lait ayant disparu tout à coup, par suite d’une frayeur que lui avait causée son seigneur et maître. Cela sauva l’enfant, qui, nourrie par une paysanne, grandit à souhait, et sa grâce d’oiseau craintif se développa doucement sous les yeux de sa mère qui l’idolâtrait.

Depuis de longues années, Bagrianof avait coutume de recruter son sérail dans les rangs des jolies filles de son village le plus rapproché. Il les faisait venir chez lui, suivant sa fantaisie, les y gardait un jour, deux parfois, les faisait manger à la cuisine et les renvoyait avec un présent, le plus souvent un mouchoir de coton bariolé, de ceux que les femmes portent sur la tête, et dont il avait un provision dans une armoire de son cabinet.

Au village, on avait depuis longtemps cessé de le maudire. À quoi bon, en effet, charger d’imprécations la pierre du sépulcre qui vous sépare à jamais des vivants ? Bagrianof était sourd et muet comme cette pierre. De temps en temps, obéissant à une coutume immémoriale, les paysans venaient le supplier de leur remettre l’impôt, d’attendre à la saison nouvelle, ou d’épargner quelqu’un des leurs à l’époque du recrutement.

Peine perdue ! Son méchant sourire, sa raillerie contenue, ses façons de grand seigneur, qui ne l’abandonnaient jamais, tout cela faisait plus lourdement retomber sur eux la pierre un instant soulevée par une vague espérance. Aussi les paysans de Bagrianof n’étaient-ils plus des hommes. Le village ne connaissait plus les lois de l’hospitalité.

Malheur au passant de race noble ou seulement vêtu à l’occidentale qui, s’étant égaré dans sa promenade, demandait son chemin ! Malheur à celui qui, dans les chaleurs de l’été, implorait un verre d’eau pour étancher sa soif ! Il se voyait repoussé par les femmes, chassé à coups de pierres par les enfants, poursuivi par des chiens hargneux. Tout homme de race seigneuriale était un ennemi.

Les cabanes nues, le sol aride, les puits desséchés où l’on ne faisait pas revenir la source tarie, de peur qu’il n’en fallût porter l’eau fraîche à la demeure seigneuriale, l’abandon des granges communales, la maigreur des chevaux et des vaches, tout parlait éloquemment de la tyrannie du maître tandis que dans les villages environnants de grasses prairies, des blés magnifiques, des troupeaux abondants évoquaient des idées de richesse et de prospérité. Les paysannes, vêtues de jupes éclatantes et de chemises bariolées, rencontraient à leurs puits les filles hâves et déguenillées de Bagrianovka.

– Pourquoi ne vis-tu pas comme nous ? disaient-elles à la femme émaciée par la misère, qui portait ses deux seaux d’eau pendant une demi-heure sous le soleil ardent pour retourner à son village.

– Le seigneur nous prend tout, murmurait celle-ci en regardant derrière elle avec frayeur.

Plus tard elles cessèrent de répondre ; leurs yeux farouches jetaient un regard de haine aux heureux qui avaient tout en abondance.

– Ils vivent comme des loups, ils se dévorent entre eux, se dit-on dans les villages environnants. Et l’on ne songea même plus à les plaindre.

II

La récolte de 1842 fut exceptionnellement mauvaise pour les habitants de Bagrianovka ; la terre, dès la fin de l’hiver, se trouva brûlée par un soleil ardent ; une sécheresse de quatre mois consomma la ruine des pauvres gens. Dans les gouvernements de l’intérieur, – c’est-à-dire en province, – les communes sagement administrées et les granges seigneuriales renferment souvent une réserve de blé suffisante pour dix années ; mais les paysans de Bagrianovka n’avaient rien. L’année précédente ne leur avait pas été favorable, et dès le printemps il leur avait fallu emprunter au maître le grain des semailles. Septembre était venu ; les maigres avoines se penchaient, légères et vides, – si vides qu’elles pouvaient tout au plus servir de fourrage aux bestiaux faméliques ; – la récolte du blé avait été nulle ; les mauvaises herbes avaient tout envahi. Les paysans de Bagrianovka se virent, un dimanche matin, en face de l’obligation de payer leur redevance au seigneur le jour même ; l’hiver menaçait d’être dur, pas un d’entre eux n’était assuré de pouvoir nourrir sa famille jusqu’au printemps.

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