Le conflit en Irak et en Syrie, expliqué aux lycéens - Christophe Stener - E-Book

Le conflit en Irak et en Syrie, expliqué aux lycéens E-Book

Christophe Stener

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Beschreibung

L’ambition de cet ouvrage est de présenter aux lycéens l’ensemble des dimensions du conflit irako-syrien pour leur permettre d’en comprendre les origines, les enjeux et les perspectives. Cet ouvrage collectif donne, dans un langage simple, aux lycéens une compréhension de l’histoire longue, des enjeux économiques, démographiques, religieux et géostratégiques, et des circonstances de l’établissement d’un Etat islamique, qui font de ce conflit le plus dramatique depuis la fin de la seconde guerre mondiale. Le rôle d’internet dans la propagande et le recrutement djihadiste y est analysé. L’engagement militaire de la France, les actions intérieures de lutte et de prévention contre le terrorisme sont présentés de manière détaillée.

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Sommaire

Préface d’Alain Juillet, Président de l’Académie d’Intelligence Economique

Introduction de Christophe Stener et Bruno Modica

Liste des auteurs

Le Moyen-Orient 1914–2011

Chronologie 2011-2015

Géographie de l’Irak et de la Syrie

Enjeux géoéconomiques au Moyen- Orient

Irak 1979-2015

Syrie 1971-2015

Origines et enjeux de la guerre en Syrie et en Irak

Ethnies et démographie de l’Irak et de la Syrie

Islam

Divisions de l’Islam et autres religions

Comment le monde musulman voit-il l’Occident ?

Opposition démocratique syrienne

D’Al-Qaïda à Al-Nosra et AQPA

Etat islamique-Daech

Autres mouvements islamistes

Kurdes

Les coalitions engagées

16-1 La coalition arabo-occidentale

16-2 L’alliance Syrie-Iran-Russie- Irak + Hezbollah ‘4+1’

16-3 La coalition arabe engagée au Yémen

Les pays voisins et le conflit

L’Europe face au conflit irako-syrien

L’ONU et le conflit syrien

Internet et le terrorisme islamiste

Terrorisme et sécurité publique en France

L’engagement militaire de la France en Irak et en Syrie

Glossaire

Table des sigles

Personnalités

Organisations

Bibliographie

Contributeurs à l’ouvrage

Préface

Dans le monde moderne la toute puissance de l’information et sa rapidité de circulation rendent souvent compliquées des choses simples. L’interprétation des experts réels ou autoproclamés se croisent et s’opposent avec des visions politiques ou idéologiques qui vont de la haine à l’admiration et de la promotion au dénigrement Les Etats, selon leurs relations internationales et leurs objectifs diplomatiques, contribuent à fausser le jugement à travers des actions d’influence donnant une vision partiale ou partielle qui les arrangent. Il s’y ajoute les médias qui choisissent leur camp en fonction de leur ligne éditoriale ou de leurs actionnaires. Il est donc difficile pour celui qui veut comprendre sans se faire manipuler de trouver le chemin critique qui lui permettra de savoir le plus objectivement possible ce qui se passe vraiment et pourquoi on en est arrivé là.

Le cas du conflit en Syrie et en Irak est rendu encore plus emblématique par sa localisation dans une partie du monde où les alliances se font et se défont au gré des intérêts conjoncturels, l’ennemi d’hier pouvant devenir l’ami d’aujourd’hui et réciproquement. Dans le même esprit la religion y est partout présente sous une forme ou une autre, chiite ou sunnite, chrétienne ou juive, possédant chacune ses intégristes, ses fanatiques et ses docteurs de la foi, l’athéisme étant rejeté par tous. Si l’on y ajoute la puissance financière de certains, la pauvreté des autres, la pression de multinationales qui tirent d’immenses profits des exploitations locales, et celles de grandes puissances voulant contrôler partie ou totalité de la zone pour des raisons stratégiques on découvre la complexité de la situation et des solutions à y apporter. L’Orient compliqué ne permet pas sa réduction à un manichéisme primaire.

Comme toujours en géostratégie on ne peut comprendre ce qui se passe si on ignore la géographie, l’histoire locale, et l’économie ou si l’on se refuse à analyser les jeux d’influence respectifs. De l’empire perse à l’empire ottoman, des français installés au début du siècle dernier au Liban et en Syrie aux anglais qui étaient partout ailleurs dans le cadre d’un accord dont nous vivons encore les conséquences, des villages de pauvres pêcheurs du golfe devenus des émirats richissimes aux villes saintes de la péninsule arabique enlevées au bédouin Cherif Hussein pour les donner au wahhabite Ibn Saoud, de l’échec des américains en Irak à l’importance de la base stratégique de Tartous pour les russes, tout contribue à la situation actuelle. Vouloir la ramener à un simple conflit entre un peuple et un dictateur qui protège les minorités et se trouve être le plus laïque du moyen orient est à l’évidence erroné et manipulateur.

On ne peut étudier le présent et son environnement sans se souvenir que tout est parti de la volonté iranienne de construire à travers l’Irak une conduite de gaz jusqu’à la côte syrienne pour avoir un débouché sur la méditerranée pour la production du gisement de South Pars. Dans le même temps il semble bien que les Qataris, appuyés par les Saoudiens et les Turcs, ont eu l’idée d’en construire un autre vers l’Europe à travers l’Arabie, la Turquie et les Balkans ce qui le faisait traverser la Syrie. Bachar El Assad refusa ce projet. C’est à cette époque que commença un soulèvement populaire initié par des groupes dont les principaux leaders se révélèrent très vite salafistes, puis djihadistes, financés de l’extérieur et, pour le plus violent, directement inspiré de la doctrine de l’irakien Zarquawi qui avait combattu Saddam Hussein puis les américains au nom d’Al Qaeda.

Ne voulant pas interférer dans les explications et éclaircissements lumineux donnés par les différents auteurs dans chacun des chapitres, je pense que l’intérêt de ce livre pédagogique et didactique est qu’il montre méthodiquement, en remontant loin dans l’histoire, toutes les facettes du problème tant au niveau des acteurs que des enjeux, de la manière la plus objective possible. Il va permettre au jeune lecteur d’en savoir plus que beaucoup d’adultes sur la question du terrorisme islamique, de sa conception à sa mise en œuvre, et de ne plus se laisser manipuler par les uns ou les autres.

Ce livre va également l’amener à se poser des questions sur la réalité et les choix des uns et des autres. La France, par exemple, s’est-elle lancée dans ce conflit en toute connaissance de cause, pour quels intérêts directs ou indirects, pour la défense de principes ou par méconnaissance de la réalité du dossier ? Le président syrien est-il un monstre à sang froid, un dictateur classique ou un chef de parti pratiquant la brutalité avec ses opposants comme beaucoup de chefs d’Etats de la région ? Qui a intérêt à voir les islamistes de Daech créer un Etat bordant la Syrie, le Kurdistan, la Turquie, l’Irak chiite et d’un peu plus loin l’Arabie saoudite ? Les questions sont multiples et les réponses varieront selon la sensibilité du lecteur et son interprétation des textes.

Un lycéen doit apprendre à se forger sa propre opinion pour que sa formation soit la plus efficace possible et qu’il en tire le maximum de profit. C’est tout le mérite de ce livre, novateur par le choix du sujet et sa cible désignée, que de le permettre. Souhaitons qu’il soit suivi de beaucoup d’autres.

Paris, le 17 janvier 2016

Alain Juillet

Président de l’Académie d’Intelligence Economique

http://www.academie-intelligence-economique.org/

Introduction

L’ambition de cet ouvrage est de présenter aux lycéens l’ensemble des dimensions historiques, économiques, culturelles et cultuelles, du conflit irako-syrien pour leur permettre d’en comprendre les origines, les enjeux et les perspectives.

L’intervention des pays de la région et des puissances étrangères, dont la France, dans le conflit, dans des alliances fondées sur des intérêts géostratégiques a internationalisé ces guerres qui de civiles sont devenues confessionnelles. Le rôle de chaque acteur, Etat, opposition démocrate, mouvements islamistes djihadistes, est complexe. Les alliances militaires, l’action de l’Union européenne et celle de l’ONU sont expliquées. L’irruption du terrorisme djihadiste en France en 2015 et l’importance du nombre de nos compatriotes partis rejoindre Daech a appelé des développements spécifiques sur les moyens de prévenir et combattre le terrorisme en France ainsi que sur son engagement militaire. La place d’internet et des réseaux sociaux dans la propagande et le recrutement djihadiste justifiait également de développements spécifiques.

L’ouvrage collectif, coordonné par Christophe Stener, rassemble les contributions rédigées par un collectif de professeurs que nous remercions vivement. Merci à monsieur Alain Juillet d’avoir bien voulu le préfacer et y apporter ses perspectives géostratégiques.

Puisse ce livre aider les enseignants à présenter cette guerre syro-irakienne, politique et confessionnelle, civile et internationale, dont l’issue militaire et surtout, l’issue politique, est encore incertaine à la date de rédaction de l’ouvrage. Ce n’est pas un ouvrage d’expert mais destiné à l’honnête homme qui formera son propre jugement à partir des faits exposés de la manière la plus objective possible.

La situation militaire étant mouvante, nous avons pris le parti de renvoyer par la bibliographie à des sites internet pour la cartographie du conflit ainsi que pour l’actualité immédiate.

Le conflit en Irak et en Syrie est un rappel de l’Histoire tant il nous apparaît évident qu’il faut en rechercher les causes mais également les perspectives dans les conditions de construction de ces deux Etats nations lors du démembrement de l’empire ottoman ainsi que dans les séquelles de la guerre d’Irak.

Formons le vœu que la pression de l’opinion internationale oblige les belligérants à mettre une fin rapide à ce drame humanitaire qui heurte la conscience humaine.

Mars 2016

Christophe Stener

Ancien élève de l’Institut d’Etudes Politiques de Paris

Ancien élève de l’Ecole nationale d’administration

Bruno Modica

Professeur agrégé d’histoire

Lycée Henri IV de Béziers

Chargé de cours en histoire des relations internationales

Président des Clionautes

http://www.clionautes.org/

Liste des auteurs

Laurent Bensaïd, professeur agrégé d’histoire au lycée Janson de Sailly, Paris

Marc de Velder, professeur agrégé d’histoire au lycée Henri IV, Béziers

Vincent Lahondère, professeur certifié d’histoire-géographie

Dominique Mattei, professeure agrégée d’histoire. Formatrice IUFM

Bruno Modica, professeur agrégé d’histoire, au lycée Henri IV, Béziers

Christophe Stener, ancien élève de l’Institut d’Etudes Politiques de Paris, ancien élève de l’Ena

Frédéric Stévenot, professeur agrégé de géographie au lycée Paul-Claudel, Laon

Jean-Baptiste Veber, professeur certifié d’histoire-géographie au collège Vincent Van Gogh de Clichy la Garenne

Chaque auteur est seul responsable de sa contribution.

1 - Le Moyen-Orient de la première guerre mondiale aux révolutions arabes (1914–2011)

Dépeçage de l’empire ottoman

Considéré comme le carrefour des civilisations, le Moyen-Orient a vu se développer sur ce territoire qui s’étend de la mer Noire à l’océan Indien, de l’Égypte à l’Iran, de la Turquie au sud de la péninsule arabique, les premières organisations politiques, avec les grandes cités de Mésopotamie, les trois grands monothéismes, le judaïsme, le christianisme et l’islam. Ce territoire réunissait majoritairement des populations turques et arabes ainsi que des minorités juives et chrétiennes. Seul l’Iran, que l’on appelait alors la Perse, et le sud de la péninsule arabique échappaient à la domination de cet empire que l’on appelait « ottoman ».

À partir du XIXe siècle, les grandes puissances européennes ont exercé sur cet empire une pression permanente, économique, politique et militaire en jouant sur les rivalités intérieures qui opposaient des populations très diverses, d’un point de vue ethnique comme religieux. Toute l’histoire de cette région de la fin du XVIIe siècle jusqu’à la première guerre mondiale est marquée par des reculs successifs de cet empire ottoman qui perd simultanément des territoires en Afrique du Nord, avec la conquête française de l’Algérie en 1830, et la constitution des Etats dans les Balkans, comme la Serbie, la Hongrie, la Roumanie ou la Bulgarie, entre autres.

L’armée ottomane entre en guerre au côté des puissances centrales, Allemagne et Autriche-Hongrie et se heurte simultanément à une offensive russe dans le Caucase, anglaise en Mésopotamie. Les Arabes, en Syrie et en Palestine, soutenus par les Britanniques profitent de la situation et se révoltent contre les Turcs. Cette insurrection est conduite par Hussein, le chérif de La Mecque conseillé par Laurence d’Arabie, un agent des services britanniques.

Dès les premières années de la guerre, et dans un premier temps pour rallier l’Italie à l’entente composée par l’empire russe, la Grande-Bretagne et la France, l’empire ottoman est déjà dépecé par anticipation, avec des promesses territoriales faites au gouvernement de Rome. Mais ce sont surtout les accords Sykes-Picot de 1916 qui prévoient un partage de l’empire ottoman démantelé en zones d’influence entre la France et l’Angleterre.

À la fois pour des raisons financières, comme l’accès à des prêts des grandes banques américaines, et pour obtenir un soutien dans leur lutte contre les ottomans dans la région, les Britanniques qui ont anticipé le partage d’une partie des provinces arabes de l’empire turc avec les accords Sykes-Picot prévoient de placer la Palestine sous régime international et d’y favoriser la constitution d’un espace de peuplement pour les juifs par la Déclaration Balfour du 2 novembre 1917. Ce texte est souvent présenté de façon tronquée. La phrase qui légitime l’implantation juive en Palestine : «Le gouvernement de Sa Majesté envisage favorablement l'établissement en Palestine d'un Foyer national pour le peuple juif, et il emploiera tous ses efforts pour faciliter la réalisation de cet objectif », comporte quand même une suite : «étant clairement entendu que rien ne sera fait qui porte atteinte aux droits civils et religieux des communautés non juives de Palestine.»

Le cas particulier de l’Iran

Comme tous les autres pays de la région, l’Iran est une mosaïque de peuples et de religions. Il constitue pourtant un cas à part en raison d’une histoire continue plurimillénaire, comme héritier de l’empire perse. Son autre particularité réside dans son peuplement, les Iraniens, tout comme les Turcs, ne sont pas des Arabes, et dans la religion de la majorité de la population, une division de l’Islam qui remonte au septième siècle de notre ère, le chiisme. Enfin, l’Iran n’a jamais été colonisé, même si à la fin du XIXe siècle ses richesses pétrolières sont sous la domination des Britanniques.

Les mandats britanniques et français au Moyen-Orient

La société des nations attribue, comme territoires à mandats, la Syrie et le Liban à la France, l’Irak, la Transjordanie et la Palestine à la Grande-Bretagne lors de la conférence de San Remo le 20 avril 1920.

Sur ces deux ensembles les puissances mandataires exercent leur autorité en faisant face périodiquement à des soulèvements des populations qui s’opposent à cette forme de domination qui remet en cause leurs spécificités. Les partages d’influence entre les deux grandes puissances ne tiennent absolument pas compte des populations en cause.

Le Moyen Orient en guerres

Avec la fin de la seconde guerre mondiale le Moyen-Orient rentre dans une période de conflits permanents, à la fois interétatiques et intra-étatiques, sur fond d’oppositions territoriales, religieuses, pétrolières, hydrauliques, tribales, claniques, et ethniques.

Si les conflits du Moyen-Orient ne sont pas directement liés à la confrontation planétaire qui oppose, entre 1947 et 1991 les leaders des deux blocs, soviétique d’une part et occidental d’autre part, il n’en demeure pas moins que les deux superpuissances sont très clairement parties prenantes de l’ensemble de ces confrontations.

D’une guerre israélo-arabe à l’autre

Aux lendemains de la seconde guerre mondiale, et comme compensation au sort des juifs d’Europe pendant la shoah, un plan de partage de la Palestine, au détriment des palestiniens, est proposé par les Nations Unies en 1947. Le refus des palestiniens, et la proclamation de l’État Israël le 14 mail 1948 est à l’origine de la première guerre israélo arabe.

L’échec subi lors de cette première guerre suscite dans l’ensemble des pays arabes l’affirmation d’un fort mouvement nationaliste, largement influent dans les armées nationales. L’élimination de l’État d’Israël est l’un de ses thèmes de mobilisation, en Irak, en Syrie mais surtout en Égypte, avec Nasser, à partir de 1954. Les grands pays arabes reprennent à leur compte, de façon d’ailleurs assez confuse, le projet d’une Union des nations arabes, le panarabisme. Les éléments d’unité de la nation arabe, comme la langue, doivent se substituer aux frontières artificielles héritées de la période mandataire. En 1956, la politique de Nasser à propos de la nationalisation du canal de Suez conduit à une nouvelle guerre israélo-arabe, sur fond d’intervention militaire franco-britannique en novembre.

La Révolution de 1958 en Irak qui porte au pouvoir des militaires nationalistes et antioccidentaux amène à un rapprochement du pays avec l’Union soviétique. De la même façon, et après une série de sept coups d’état, la Syrie voit s’installer au pouvoir, en 1970, le général Hafez al-Assad, membre de la minorité alaouite qui entend poursuivre une pression permanente contre Israël, et qui ne fait pas mystère d’exercer une forte influence sur le Liban voisin.

La guerre des Six Jours, déclenchée par Israël, en riposte à un blocus du golfe d’Akaba, apparaît comme une terrible défaite pour les pays arabes, Jordanie, Égypte, Syrie. L’armée israélienne s’empare de Jérusalem-est, occupe la Cisjordanie et la bande de Gaza, qui avait été annexées respectivement par la Jordanie et l’Égypte après 1949, s’installe dans le Sinaï et sur le plateau du Golan.

Après la guerre du Kippour, déclenchée en 1973 par l’Egypte et la Syrie, on assiste à un rapprochement de l’Égypte et de l’État d’Israël qui aboutit à la signature des accords de camp David en 1978. Les difficultés des palestiniens vivants dans les territoires occupés depuis 1967,un certain sentiment d’abandon de la part des pays arabes censés les soutenir conduits au déclenchement en 1987 de la première intifada, une « guerre des pierres » que l’armée israélienne réprime par la force.

1991 - 2011 - Nouvelle période, nouveaux enjeux

L’implosion de l’Union soviétique, tout comme la révolution iranienne de 1979 qui l’a précédée ouvrent une nouvelle période dans l’histoire du Moyen-Orient.

La révolution islamique en Iran, dans un pays chiite, est tout d’abord un échec de la stratégie américaine dans la région qui perd l’un de ses alliés essentiels. Les États-Unis conservent pourtant des points d’appui importants dans les monarchies pétrolières du golfe arabique, et en tout premier lieu en Arabie Saoudite.

Dès 1980, le dirigeant irakien, Saddam Hussein cherche à apparaître comme une nouvelle puissance régionale en espérant un effondrement rapide de l’Iran déstabilisé par la révolution islamique. Il reçoit d’ailleurs un soutien très large, des monarchies pétrolières et des pays occidentaux qui considèrent l’Irak comme un rempart contre l’Iran. Au terme d’une guerre sans vainqueur ni vaincu, l’Irak se retrouve en 1988 profondément affaibli. Il pense pouvoir compter sur le soutien traditionnel de l’Union soviétique et s’engage en août 1990 dans une annexion du territoire du Koweït qui le mettrait à la tête de près de 20 % des réserves pétrolières mondiales.

Une coalition de pays arabes et occidentaux, sous direction des États-Unis libère le Koweït de l’occupation irakienne sans pour autant remettre en cause l’unité du pays. L’Irak subit de la part de ses vainqueurs un embargo qui touche durement la population.

À propos du conflit israélo-arabe, la première Intifada qui s’achève en 1991, le sentiment qu’il faut trouver une porte de sortie honorable à ce conflit conduit à la signature, en 1993, des accords d’Oslo, avec l’arbitrage du président Bill Clinton. La reconnaissance mutuelle de l’État d’Israël et de l’Organisation de Libération de la Palestine (OLP) comme représentant du peuple palestinien, l’attribution d’une base territoriale à un futur État palestinien en Cisjordanie, et l’engagement de la fin de l’occupation de la bande de Gaza ont permis d’espérer, pendant une brève période, la fin de ce conflit.

L’irruption du religieux dans l’équation politique du Moyen-Orient

Parmi les questions que l’on avait souhaitées remettre « à plus tard », lors des accords d’Oslo, le statut de Jérusalem, ville trois fois sainte, montre bien que le facteur religieux est particulièrement important.

Le statut de Jérusalem est à l’origine du déclenchement de la deuxième Intifada, à partir de 2000, qui marque la fin des espoirs de paix.

De la même façon, et même si cela ne concerne pas directement le Moyen-Orient, la résistance d’une partie de la population afghane à l’occupation soviétique de 1979 à 1989 avait permis l’affirmation, au nom de la défense de l’Islam contre les infidèles, de plusieurs mouvements islamistes radicaux qui avaient reçu alors un soutien appuyé des États-Unis par l’intermédiaire du Pakistan.

La désorganisation du pays et l’opposition entre factions rivales après le départ des troupes soviétiques en 1989 permet la constitution en Afghanistan, surtout après 1990, de groupes armés comme les talibans qui s’emparent du pouvoir en 1996 et qui fournissent un sanctuaire au mouvement terroriste structuré par Ben Laden : Al Qaïda.

C’est ce mouvement qui est à l’origine des attaques simultanées contre les tours jumelles du World Trade Center et le Pentagone au moyen d’avions de ligne détournés le 11 septembre 2001.

La guerre contre le terrorisme déclenchée par les États-Unis après les attaques sur le sol américain conduit à deux interventions contre l’Afghanistan des talibans, dont le pouvoir sur Kaboul est facilement abattu (Décembre 2001) mais également contre l’Irak de Saddam Hussein à partir de mars 2003. Dans ce cas précis l’intervention militaire américaine ne reçoit pas de mandat des Nations unies. La France notamment manifeste de façon très claire son opposition sur ce point.

Ces interventions militaires dans lesquelles les États-Unis se retrouvent enlisés jusqu’en 2014 finissent de déstabiliser le pays en remettant totalement en cause ses infrastructures administratives et politiques au profit des kurdes au nord du pays et des chiites qui représentent sensiblement plus de la moitié de la population de l’Irak.

L’impasse dans laquelle se trouve actuellement le mouvement palestinien, profondément divisé entre le Hamas, mouvement islamiste, émanation des Frères musulmans, et l’organisation de libération de la Palestine dirigée, depuis la mort de Yasser Arafat en 2004 par Mahmoud Abbas, favorise dans l’ensemble du monde musulman différentes formes d’extrémisme.

Dans le cas de la Syrie, le clan au pouvoir se rassemble après la mort de Hafez al-Assad en 2000 autour de l’un de ses fils, Bachar al-Assad qui entend maintenir la domination de la minorité alaouite sur l’ensemble du pays.

Conclusion

Au début de l’année 2011, avant que n’éclatent les révolutions arabes, le Moyen-Orient est toujours dans une situation profondément instable. Cette situation a été aggravée par des interventions occidentales qui ont remis en cause des cadres nationaux déjà fragiles et que des parties significatives des populations considéraient comme illégitimes. Le Moyen-Orient dont une partie significative des pays qui le composent, dépend de la rente pétrolière, n’a pas été en mesure d’apporter à la plus grande partie de sa population un progrès social suffisant. D’autres pays comme l’Égypte, mais également la Syrie, ou encore la Jordanie, ont rencontré, du fait du maintien d’une forte croissance démographique, des difficultés sociales majeures, aggravées sans doute par l’importation de la crise économique mondiale de 2008.

Ces facteurs externes, ajoutés à des foyers de tensions internes qui se sont cristallisés depuis des décennies ont créé les conditions d’une instabilité sociale et politique majeure favorisée par le jeu contradictoire des acteurs régionaux, comme la Turquie, l’Iran, l’Arabie Saoudite et les autres monarchies pétrolières.

Bruno Modica

2 - Chronologie 2011-2015

Si le déclenchement de la guerre civile en Syrie fut provoquée, en 2011, par la répression violente de la contestation démocratique, initialement pacifique, du régime autoritaire de Bachar el-Assad, c’est l’absence de réconciliation nationale irakienne après le renversement, en 2003, du régime de Saddam Hussein par l’invasion américano-britannique, soutenue à la fois par l’Arabie saoudite et l’Iran, qui fournit le combustible à l’embrasement islamiste. Les deux guerres civiles, larvée en Irak et ouverte en Syrie, ont été mises à profit et confessionnalisées par les organisations islamistes financées par les pétromonarchies. L’Iran et la Russie interviennent pour sauver Bachar el-Assad tandis que les pays occidentaux et arabes œuvrent pour son renversement. Ces conflits nationaux sont ainsi l’espace de confrontation, par féal interposé, des grandes puissances régionales et mondiales. La propagande médiatique de ses exactions par l’Etat islamique (EI) et les attentats terroristes mondialisent le conflit qui mobilise l’Australie et inquiète la Chine. cf. chap. 16&17

La période 2011-2015 sera présentée autour de ses grands moments structurants.

2011-2012 Le printemps arabe syrien confisqué par l’islamisation d’une contestation au départ démocratique et pacifique

2011 La contestation démocratique des régimes en place désignée sous le vocable de ‘Printemps arabe’, initiée en Tunisie en décembre 2010, conduira au renversement des régimes en Tunisie (14/01/11), en Egypte (11/02/11), au Yémen (27/02/12), en Lybie (23/08/11). Le Qatar attise le feu de la rébellion par les reportages d’Al-Jazeera. Des remaniements ministériels, la distribution d’argent et la répression policière, en des proportions variables, contint la contestation au Maroc, en Algérie, Jordanie, Koweït, Bahreïn, Arabie Saoudite et Oman. Le Liban, vraie démocratie, reste peu touché par ce mouvement général du monde arabe. En Irak, la ‘journée de la colère’ du 25/02/11, est rapidement réprimée. Les monarchies du Golfe ont vu leur trône vaciller; es Frères musulmans gouvernent en Tunisie à travers le parti Ennadhan et en Egypte, à travers le Parti Liberté et Justice de Mohammed Morsi. La Turquie est dirigée par l’AKP d’Erdogan qui s’éloigne du laïcisme kémaliste dans une ambition néo-ottomane.

15/03/2011 Début du Printemps syrien. Le Président syrien Bachar el Assad sort de quelques brèves années de modernisation de l’image du régime marquée par la lune de miel avec le président français Nicolas Sarkozy, communication instrumentalisée par Hamad al Thani, l’émir du Qatar, ami des deux Présidents, et marquée par la visite d’Etat en France et la présence du dirigeant syrien, hôte d’honneur de la France, au défilé militaire du 14 juillet 2008 puis le dîner privé des deux couples présidentiels le 8/12/10. Le 31/1/11, le Président Assad, interrogé sur le Printemps arabe, déclare : « La Syrie est stable. Parce que nous partageons les convictions du peuple ». Le 15/03/11, les premières manifestations d’opposants démocrates et laïques, qui ont lieu à Damas, mais surtout à Deraa, ville du sud, proche de la Jordanie, sont noyautées par des islamistes qui se livrent à des provocations (renversement d’une statue d’Hafez, le père du Président, assassinat d’alaouites à Jisr el-Chorour). Le 30/03/11, Bachar el-Assad ferme la porte aux réformes. La presse panarabe (Al Quds al-Arabi, Al-Hayat) financée par l’Arabie Saoudite exagère grandement l’ampleur des mouvements. La minorité alaouite qui détient le pouvoir politique et économique depuis 1971 décide de sauver le régime, quel qu'en soit le prix en termes de répression. Les pays du Golfe qui voient, eux, dans la contestation démocratique une opportunité pour remplacer un pouvoir dont l’alignement sur l’Iran est en passe de créer un ‘axe chiite’ Yémen-Iran-Irak-Syrie-Liban sud sous contrôle du Hezbollah et financent les milices islamistes sunnites. Sur amplifié par les médias, la vague de contestation semble devoir submerger la dictature des Assad mais le régime fera montre d’une résilience largement sous-évaluer par les chancelleries et les média. Les opposants démocrates vont se faire confisquer leur Printemps syrien par la lutte à mort du gouvernement alaouite et des milices islamistes.

17/03/11 Se fondant sur la résolution 1973 de l’ONU, Une coalition américano-anglo-française vole au secours de la rébellion démocratique au régime d’Anouar Kadhafi qui est lynché le 20/10/11. L’opposition syrienne rêve de la reproduction de ce scénario en Syrie.

2/5/11 Ben Laden est assassiné par un commando de SEAL américains. Ayman al-Zaouahiri lui succède. Les capacités opérationnelles d’Al-Qaïda annihilées en Afghanistan, l’organisation va rechercher des relais d’action au Pakistan, en Irak et au Yémen notamment mais le prestige de son successeur est moindre.

31/05/11 Bachar al-Assad libère de la prison militaire de Sadnaya des centaines de détenus djihadistes syriens et irakiens, emprisonnés à leur retour d’Irak où ils avaient combattu l’armée d’occupation américaine, infiltrés alors le soutien de la Syrie, dont Mohammed al-Joulânî qui lancera Jabhat Al-Nosra en février 2012 en Irak, groupe qui s’affiliera à Al-Qaïda et Abou Mousaad al-Souri le théoricien du djihad global ou encore Zahran Alouch fondateur de Jaysh al-Islam cf. chap. 12. Ces détenus formeront les cadres des milices islamistes. Le régime alaouite prit ainsi le risque, calculé, de peupler les milices islamistes pour en faire un repoussoir, instrumentalisant une alternative ‘moi ou le chaos’ vers les chancelleries occidentales, justifiant une répression armée sans pitié des forces rebelles démocratiques tout en ménageant les milices islamistes.

29/7/11 Création de l’Armée Syrienne Libre (ASL), le bras armé de la contestation démocrate, par des déserteurs syriens. L’ASL, prise entre le marteau du régime alaouite et l’enclume des milices islamistes, est décimée dés 2012. cf. chap. 11

18/08/11 Le Président Nicolas Sarkozy demande, conjointement avec le Premier ministre britannique David Cameron et la Chancelière allemande Angela Merkel, à Bachar el-Assad de quitter le pouvoir et de mettre fin à toute violence.

2011-2014 Les monarchies pétrolières du Golfe arabo-persique financèrent les milices sunnites dans l’espoir d’installer un pouvoir sunnite à Damas en remplacement d’al Assad et de contrecarrer le projet iranien d’axe chiite. Le Qatar et l’Arabie Saoudite se font concurrence dans le rôle de parrains des diverses factions. Seule l’extension du djihad islamiste à leur propre territoire et au Yemen ainsi que la pression des alliés occidentaux conduira ces monarchies à cesser, au moins officiellement, leur soutien aux mouvements islamistes sunnites.

Fin 2011, le retrait précipité des troupes américaines d’Irak crée un vide sécuritaire dans un pays en guerre civile larvée

Elu le 4/08/08, Barak Obama accélère, conformément à ses engagements de campagne, la sortie des troupes américaines d’Irak dans le cadre des accords SOFA du 17/11/08. Ce départ crée un vide sécuritaire compte tenu de l’insuffisante capacité des armées et de la police irakienne à faire face à la dissidence de la minorité sunnite opprimée par le gouvernement chiite de Bagdad, dissidence instrumentalisée par les organisations islamistes. Le dernier G.I. quitte l’Irak le 1/12/11.

2012 Le devoir d’ingérence empêché

Les pays occidentaux, croyant à tort à un renversement proche du gouvernement syrien par l’opposition démocrate, sous-estimant l’émergence des milices islamistes, condamnèrent fortement la violente répression des opposants et les massacres de civils mais voulurent placer une intervention militaire sous chapitre VII des Nations-Unis. Le veto conjoint de la Russie et de la Chine aux propositions de résolutions françaises et américaines en ce sens présentées en 2012 et l’absence de soutien militaire occidental à l’ASL laissèrent le champ libre aux exactions du régime et des organisations islamistes, confessionnalisant la guerre civile à outrance.

17/12/12 Laurent Fabius, ministre des affaires étrangères, au sortir de la visite d’un camp de réfugiés syriens, déclare : «Conscient de la force de mes propos...le régime syrien doit être abattu et rapidement … Bachar al-Assad ne mériterait pas d'être sur la Terre».

2012 Les défections de dirigeants syriens font croire au délitement du régime

2/03/12 La France ferme, au regret de l’opposition démocrate son ambassade en Syrie, se coupant d’une précieuse information de terrain.

Le Premier ministre syrien Riad Hijab rejoint 6/08/12 la rébellion démocratique en dénonçant des "crimes de guerre et de génocide du régime meurtrier et terroriste “. Les défections de dirigeants, ambassadeurs et généraux syriens (Manaf Tlass) entre 2011 et 2012 accrédite, dans les chancelleries et les média, la théorie de l'effondrement prochain du régime mais la capacité de résilience a été gravement sous-évaluée.

2012 Le schisme au sein d’Al-Qaïda

2004-2010 D’AQI à l’Etat islamique

Abou Moussab Al-Zarqaoui chef d’un gang islamiste irakien, est désigné comme ennemi n° 1 désigné par l’armée d’occupation américaine, il y gagne la franchise d’Al-Qaïda en Irak (AQI) qu’il dirige de 2004 jusqu’à sa mort en 2007. Abou Hamza al-Mouhajer lui succède jusqu’à sa mort en 2010. Les miliciens d’AQI rejoignent alors l’Etat islamique, rallié à Al-Qaïda, fondé et dirigé par