Le mien - Mary Calmes - E-Book

Le mien E-Book

Mary Calmes

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Beschreibung

Trevan  Bean exerce un travail qui flirte avec l'illégalité, a un petit ami qui n'a peut-être pas toute sa tête ainsi qu'un ange gardien qui pourrait effectivement être le mal incarné. Ajoutez à cela la réapparition de la famille de son petit ami, des menaces de mort, un enlèvement et la lutte pour mettre suffisamment d'argent de côté afin de réaliser un rêve… Autant dire que Trevan ne chôme pas. Mais il est du genre à relever les défis : il a promis à Landry une fin comme dans les contes de fées et Landry va l'obtenir, même si cela doit le tuer ! Et c'est bien ce qui pourrait se passer. Il y a deux ans, Landry Carter était une poupée cassée lorsqu'ils se sont rencontrés. Mais il a grandi pour devenir un partenaire qui peut se tenir fièrement aux côtés de Trevan… enfin, la plupart du temps. Maintenant que la vie de Trevan prend un tournant inquiétant – et que Landry se retrouve kidnappé – il espère que l'amour de Landry restera suffisamment fort pour relever ce nouveau défi, parce que sa fin heureuse n'arrivera jamais si Trevan doit faire cavalier seul.

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Veröffentlichungsjahr: 2016

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Le mien

Par Mary Calmes

Trevan Bean exerce un travail qui flirte avec l’illégalité, a un petit ami qui n’a peut-être pas toute sa tête ainsi qu’un ange gardien qui pourrait effectivement être le mal incarné. Ajoutez à cela la réapparition de la famille de son petit ami, des menaces de mort, un enlèvement et la lutte pour mettre suffisamment d’argent de côté afin de réaliser un rêve… Autant dire que Trevan ne chôme pas. Mais il est du genre à relever les défis : il a promis à Landry une fin comme dans les contes de fées et Landry va l’obtenir, même si cela doit le tuer !

Et c’est bien ce qui pourrait se passer.

Il y a deux ans, Landry Carter était une poupée cassée lorsqu’ils se sont rencontrés. Mais il a grandi pour devenir un partenaire qui peut se tenir fièrement aux côtés de Trevan… enfin, la plupart du temps. Maintenant que la vie de Trevan prend un tournant inquiétant – et que Landry se retrouve kidnappé – il espère que l’amour de Landry restera suffisamment fort pour relever ce nouveau défi, parce que sa fin heureuse n’arrivera jamais si Trevan doit faire cavalier seul.

Table des matières

Résumé

Remerciements

I

II

III

IV

V

VI

VII

VIII

IX

X

XI

D’autres livres par Mary Calmes

Biographie

Par Mary Calmes

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Droits d’auteur

Remerciements

CECI EST un remerciement pour toi, Amy, qui m’inspire à mieux écrire ; pour Ariel, qui est toujours là pour moi ; pour Lori, qui me dit les meilleures choses lorsque j’ai vraiment besoin de les entendre ; et pour Anastasia, à qui je pose d’étranges questions, mais qui se contente d’y répondre.

Je vous apprécie toutes.

I

IL ÉTAIT beaucoup trop tôt, même pour lui, pour que le son de la télévision soit aussi fort.

— Landry ! criai-je. Souviens-toi que nous avons des voisins, bébé !

Cependant, le bruit ne cessa pas et comme je n’avais aucune envie d’entendre à nouveau Madame Chun (elle m’avait râlé dessus en mandarin six fois au cours du dernier mois parce que l’amour de ma vie était plutôt bruyant), je sortis du lit et me dirigeai vers les portes coulissantes qui séparaient notre chambre à coucher de la salle de séjour. Seulement, à mi-chemin, je me rendis compte qu’il faisait très froid dans l’appartement. J’enfilai un pantalon de pyjama par-dessus mon short ainsi que ma polaire grise avant de me diriger vers la porte que j’ouvris.

— Va te faire foutre, Chris, barre-toi !

D’accord. Ce n’était pas la télé.

Mon petit ami, mon partenaire, l’homme qui avait partagé ma vie ces deux dernières années, se tenait dans le salon avec un autre type que je n’avais jamais vu auparavant. L’étranger mesurait environ un mètre quatre-vingt-huit – ma taille – avec des cheveux bruns, des yeux bleus. Il n’aurait jamais attiré mon regard, sauf qu’il se trouvait dans mon appartement.

— Que se passe-t-il ? demandai-je aux deux hommes.

Ils se retournèrent tous les deux vers moi.

— Salut, répondit celui que je ne connaissais pas, traversant rapidement la pièce, me tendant la main, s’attendant manifestement à ce que je la serre. Je suis Christian Carter – Chris – le frère de Landry.

Frère ?

— C’est un plaisir de vous rencontrer, ajouta-t-il.

— Pareillement, dis-je lentement, un peu étourdi par la surprise que je ressentais.

— Ne le touche pas ! grommela Landry, se précipitant vers nous, séparant nos mains et bousculant Chris. Fous-moi le camp d’ici !

— Attends ! ordonnai-je, saisissant le bras de Landry, parce que cela faisait beaucoup de volume dès les premières heures du matin. Vous êtes son frère ? demandai-je à Chris.

— Oui, répondit-il en me souriant. Et je suis venu ici car notre mère est malade et elle veut le voir.

Je me retournai lentement vers Landry.

— Non, non, non, tu n’as pas besoin de me regarder comme ça. Ce sont des conneries.

— Ta mère ?

— Bébé…

Sa voix s’estompa et il prit mon visage entre ses mains, s’avançant plus près de moi.

— S’il te plaît, ne dis pas le mot « mère » en pensant à la femme merveilleuse qui t’a élevé et qui m’aime, cela va t’embrouiller les idées. Ma mère n’est pas comme la tienne. Elle se fout complètement de moi.

— Ce n’est pas vrai, corrigea vivement Chris.

Lorsque je le regardai, je ne pus me retenir. Je me radoucis car, après l’avoir étudié de près, je me rendais compte à quel point il ressemblait à mon petit ami.

Ce n’était pas quelque chose que vous remarquiez tout de suite. Il fallait plusieurs minutes d’examen, parce que ce qui vous frappait en premier étaient les différences.

Landry Carter mesurait un mètre quatre-vingt-deux et avait des cheveux ondulés d’un blond foncé dont il ne savait jamais quoi faire. Il avait environ huit épis qui partaient dans toutes les directions. Il avait renoncé à apprivoiser sa chevelure depuis des années. Maintenant, il se contentait de les laver, de mettre un peu de produit dessus, et de les laisser retomber comme ils le voulaient. Cela importait peu cependant, parce que lorsque vous vous adressiez à lui, vous le regardiez dans les yeux. De grands yeux, des orbes bleu-vert expressifs qui se fermaient toujours à moitié lorsqu’il était heureux. Les petites rides qui les entouraient étaient déjà profondes bien qu’il n’ait que vingt-six ans. Ils pétillaient d’humour et de malice, et étincelaient constamment comme s’ils renfermaient un secret, si bien que les femmes et les hommes étaient attirés par lui comme des abeilles avec du miel. Landry était irrésistible et illuminait la pièce entière de sa présence. Être un grand extraverti aidait. Non pas qu’il ait toujours été comme ça, je savais que c’était grâce à moi qu’il avait retrouvé une certaine confiance en lui. Il était si beau à regarder qu’on lui pardonnait d’être désagréable de temps en temps. Un de nos amis artistes l’avait une fois défini comme étant lumineux, et j’étais d’accord avec lui.

En comparaison, son frère était plus quelconque, mais je vis, après une inspection plus minutieuse, la similitude dans leurs traits ciselés, leurs sourires craquants et les longs cils recourbés.

— Trev, dit Landry en prenant une inspiration.

— Allons simplement nous asseoir, dis-je.

Je saisis la main de Landry, entrelaçai mes doigts avec les siens, le tirant près de moi sur le canapé. Je m’affalai dessus, le gardant près de moi afin que nous puissions tous les deux regarder l’homme qui nous avait suivi. Il prit un siège près de la causeuse, en face de nous.

— Pourriez-vous m’en dire plus ? demandai-je à Chris.

— Bien sûr, dit-il en se penchant en avant, m’adressant l’esquisse d’un sourire. Je suis Chris, comme je l’ai dit. Vous êtes Trevan Bean, n’est-ce pas ?

— En effet, reconnus-je.

Je resserrai mon emprise sur la main de Landry parce que je la sentais légèrement trembler dans la mienne. Je poursuivis :

— Alors, parlez-moi de votre mère, Chris.

Il prit une inspiration.

— J’ai pris l’avion, la nuit dernière, depuis Las Vegas, parce que mon père m’a dit où se trouvait Landry et il pensait que ce serait mieux que ce soit moi qui vienne à sa place. Je veux dire, vous savez, je ne suis pas celui qui l’a viré de la maison lorsqu’il avait dix-huit ans…

Je connaissais cette partie. Mon petit ami était sorti du placard le soir de la remise des diplômes au lycée, et ses parents avaient perdu la tête. Il avait été désavoué et n’avait eu qu’une journée pour réunir les affaires qu’il voulait emporter avant de quitter leur maison. Ils l’avaient informé au passage, bien entendu, qu’ils ne paieraient pas pour son université et qu’il ne pouvait pas prendre sa voiture.

Blessé, perdu et seul, il avait emballé ses affaires et était parti. Il était passé de la maison d’un ami à celle d’un autre durant tout l’été, jusqu’à ce qu’il ait arrangé les choses avec l’aide du conseiller d’orientation au lycée et du conseiller financier de l’école dans laquelle il avait déjà été accepté, l’Université du Michigan. Il avait toujours planifié de s’enfuir de l’autre côté du pays une fois qu’il serait diplômé, mais il ne s’était pas attendu à avoir à le faire sans filet de protection. Landry avait su qui il était lorsqu’il avait quinze ans, et même si ses amis lui avaient dit que tout se passerait bien, que, bien entendu, ses parents l’accepteraient et l’aimeraient, que ses frères et sa sœur ne lui tourneraient jamais le dos, tout au fond de lui, il n’y avait jamais cru. Ainsi, même s’il était triste – dévasté – il s’était également résigné au fait d’avoir été trahi, après toutes ces années durant lesquelles on lui avait dit que sa famille serait toujours derrière lui. Il n’était pas un optimiste, l’homme que j’aimais, il était réaliste et avait su ce qui allait se passer.

Il avait acheté une vieille Honda Civic, l’avait bourrée de tout ce qui était inestimable à ses yeux et avait pris la route, sans jeter un regard en arrière. Cela était advenu huit ans auparavant. Il avait vingt-six ans aujourd’hui et le temps s’était écoulé sans qu’aucun mot ne soit échangé entre lui et sa famille. Ils n’avaient jamais pris le temps de vérifier comment il allait, pas une seule fois. Il ne leur avait pas envoyé de faire-part lorsqu’il avait obtenu sa licence, ni lorsqu’il avait ouvert son entreprise ou lancé son site internet. Ils faisaient partie de son passé ; j’étais son avenir. Ils n’étaient pas importants pour lui et, manifestement, il ne l’était pas pour eux. Sa véritable famille, il le disait tout le temps aux gens, c’était la mienne.

Ma mère l’adorait et ma sœur voulait se marier avec lui. Nous passions chaque période de vacances avec ma famille ; les amis qui étaient à l’origine les miens, étaient désormais les siens et, entre son entreprise et mon travail, nous avions enfin épargné suffisamment pour nous acheter une maison à Berkeley, dans la banlieue de Detroit. Nous étions censés rencontrer un agent immobilier la semaine suivante pour commencer à regarder les offres et trouver notre petit nid d’amour. Tout était en bonne voie, donc je n’étais pas réellement fou de joie que Chris, le frère perdu depuis si longtemps, fût là, mais puisque tout arrivait pour une raison, comme mon père l’avait toujours dit, j’avais juste besoin de garder l’esprit ouvert.

— Ma mère est malade, Trevan, me dit Chris. Et elle veut voir son fils.

Je me retournai pour regarder mon petit ami.

— Non, me dit-il.

— Mon amour… dis-je doucement.

— Bon sang ! Non ! Certainement pas ! cria-t-il en se levant.

— Que vas-tu faire…

— Je vais aller te faire du café avant que tu t’évanouisses, grogna-t-il. Tu ne devrais même pas être encore réveillé à cette heure.

Il avait raison : j’avais besoin de café. Juste pour rester debout après la nuit précédente, j’avais besoin d’une grande quantité de caféine. Les gars dont j’étais allé collecter le paiement à deux heures du matin étaient en train de faire la fête, et lorsqu’ils m’avaient donné mille dollars chacun ainsi que le jus – autrement dit la commission prélevée par la maison auprès des perdants, qui s’élève à vingt pour cent de la somme pariée – ils m’avaient aussi gracieusement offert une ligne pour m’aider à lutter contre l’épuisement. C’était un beau geste, mais j’étais trop pauvre pour me permettre de développer une addiction à la cocaïne, et maintenant que j’étais sur le point d’avoir ce que je voulais, l’idée même de flirter avec une dépendance à mille dollars par semaine n’était pas très attirante. De plus, mon homme ne touchait pas à la drogue. Il avait une excellente influence sur moi, à plus d’un titre. J’avais le projet d’ouvrir un restaurant et rien, pas même le poids que j’avais sur les épaules, n’allait m’en détourner.

Je regardai Chris à nouveau.

— Alors, racontez-moi tout.

— Écoutez, je ne suis pas venu ici pour le perturber et je sais qu’il est toujours très en colère, mais j’ai réellement besoin de votre aide pour le convaincre de venir à Las Vegas. Il doit voir ma mère, voir mes parents. Elle a besoin de lui parler, de faire amende honorable et de réunir à nouveau la famille pour la remettre sur pieds. C’est ce qu’elle désire et nous ferons tout pour qu’elle l’obtienne.

Je me frottai le dessus du crâne, ce qui était une de mes habitudes lorsque j’étais nerveux, avant de passer ma paume sur mon sourcil gauche. J’étais fatigué, ce qui ne m’aidait pas à trouver ce que je devais faire ou dire.

— Vous devez penser à la situation en vous mettant à sa place, d’accord ? Si votre mère n’était pas malade, aurait-elle voulu lui parler ?

Il prit une grande inspiration.

— Je comprends. Mais elle est en rémission, donc, vous savez, c’est le bon moment.

Je le regardai.

— En rémission ?

— Ouais.

— Quelle sorte de cancer ?

— Leucémie.

Je pris une inspiration.

— Je suis tellement désolé.

Il n’y eut qu’un rapide hochement de tête en réponse.

— Voilà, annonça Landry lorsqu’il revint, me donnant une tasse fumante qui sentait tout un tas de choses en plus du café.

Il l’avait manifestement préparée d’avance puisque nous n’avions pas de machine à remonter le temps dans notre cuisine.

Je le regardai alors qu’il s’affalait sur l’accoudoir de mon canapé.

— Il y a de la cannelle dedans, dit-il, et j’ai utilisé le lait aromatisé à la vanille que tu aimes.

Je hochai la tête avant d’en prendre une gorgée.

— Merci. Pourquoi n’en préparerais-tu pas une pour ton frère, le temps que je passe un appel ? Il a l’air d’en avoir besoin…

Ses merveilleux yeux bleu-vert se rivèrent sur Chris. Les voir s’opacifier et vides d’émotion me fit de la peine.

— Veux-tu du café ?

— S’il te plaît.

Il se leva de nouveau, sa main glissant sur le dessus de ma tête. Mes cheveux étaient rasés, ne dépassant mon crâne que de quelques millimètres. Il m’avait répété à plusieurs reprises qu’il aimait la sensation de mes cheveux sous sa paume.

— Ton téléphone est juste là ; tu l’as laissé tomber lorsque tu es rentré en faisant ton imitation d’un zombie.

Je lui souris et pris mon iPhone sur la table basse.

— Mais n’appelle pas, m’ordonna-t-il. Envoie un texto. Je ne veux pas que tu te retrouves coincé à devoir parler.

— Oui, monsieur.

— Arrête ça immédiatement ! dit-il avec irritation. Et nous allons devoir parler du fait que tu as recommencé à fumer.

— Je n’ai pas fumé, lui assurai-je. Je suis juste allé dans beaucoup de salles et de clubs enfumés la nuit dernière. J’ai arrêté. Je t’ai dit que je le ferais et je l’ai fait.

— Entendu, dit-il avant de se diriger vers les portes battantes menant à la cuisine.

Le regardant, je me rendis compte qu’il avait dû être au lit avec moi avant que je me lève. Il était toujours vêtu de son pantalon de pyjama en flanelle, d’un tee-shirt à manches longues et de grosses chaussettes en laine. Comme nous étions en novembre à Royal Oak, Michigan, il faisait déjà froid. Lorsque le mois de décembre arriverait, Landry ressortirait tous les radiateurs de l’endroit où ils étaient stockés. Un simple radiateur n’était pas suffisant pour garder l’appartement bien au chaud comme il aimait qu’il le soit.

— Désolé, dis-je à Chris alors que je tapais mon code de sécurité sur mon téléphone. Cela ne prendra pas longtemps.

— Bien sûr, répondit-il en me souriant.

J’avais juste besoin d’envoyer un message, indiquant le montant total de ce que j’avais récolté pendant la nuit. J’avais ramassé près de soixante mille dollars, mais j’indiquai n’en avoir eu que trente mille, et je savais que dès qu’ils liraient la somme, ils enverraient quelqu’un pour venir la ramasser. Habituellement, je ne transportais même pas trente mille, encore moins souvent le double, mais plus d’un de mes clients habituels avait finalement payé ce qu’il me devait. J’avais mis la pression à plusieurs gars ces deux dernières semaines, et c’était agréable qu’ils aient tous payé comme ils l’avaient promis. Je n’aurais jamais pensé qu’ils paieraient leurs dettes alors que les vacances approchaient à grands pas. Le fait que personne ne se défile était une preuve des bonnes relations que nous entretenions. Ce genre de chose – payer les dettes des autres gars chez moi – n’était pas mon passe-temps favori, mais je n’aimais pas jouer les gros bras et ne collectais les paiements de manière musclée que si j’y étais obligé.

— Fais, dis-je à Chris, reposant le téléphone, face vers le bas, sur ma cuisse droite.

— Donc, Trevan, dit-il en plissant les yeux. Qu’est-ce que vous faites dans la vie ?

Que répondre ?

— Je suis dans la collecte, répondis-je vaguement, afin de ne pas devoir m’expliquer.

— De quel genre ?

— Il est coursier, expliqua Landry alors qu’il revenait dans le salon avec une tasse de café pour Chris et une autre pour lui-même.

Il tendit à son frère un petit mug et posa son énorme café au lait sur la table basse, avant de se pencher en arrière, contre moi afin que son dos soit appuyé contre le côté gauche de ma poitrine.

Je posai ma main dans sa douce chevelure ébouriffée, repoussant des mèches folles de son visage, lui tirant la tête pour la faire reposer sur mon épaule. Le soupir qu’il poussa me fit sourire alors qu’il fermait les yeux de contentement. Le voir ainsi était très satisfaisant.

— Vous collectez pour un bookmaker ? me demanda Chris, attirant mon attention loin de mon homme, qui était littéralement en train de ronronner de plaisir.

— Oui, c’est ce que font les coursiers.

— Portez-vous une arme ? voulut savoir Chris, scrutant mon visage.

— Non, cela ne ferait que me créer des ennuis, dis-je en secouant la tête. Et la plupart du temps, je n’en ai pas besoin. J’ai des clients réguliers et je ne rencontre pas beaucoup de problèmes. Quand j’ai besoin de renforts, j’ai un ami qui vient avec moi. Mon patron est un homme d’affaires. Il suit la même ligne que Vegas : des gars parient avec moi une fois qu’ils savent sur quoi le faire, certains gagnent, d’autres perdent. Je ramasse ce qui est dû.

— C’est quand même illégal, me rappela Chris.

— C’est vrai, acquiesçai-je. Mais en toute sincérité, rien de ce que je fais n’est consigné, toute l’étendue de mon crime est de suivre le mouvement de l’argent d’un point A à un point B… Que pensez-vous que les flics puissent réellement me faire s’ils m’attrapaient ?

— Pas grand-chose, je suppose.

— Et je ne veux pas balancer, mais je dois faire remarquer qu’il y a un nombre assez important de flics parmi mes clients.

J’agitai mes sourcils dans sa direction.

— Est-ce comme ça que vous avez rencontré Landry ? me demanda-t-il avec un vague sourire. Est-il un joueur invétéré ?

— Loin de là, lui assurai-je. Non, nous nous sommes rencontrés de façon banale, lors d’une fête, et je n’ai pas pu détourner mon regard de lui.

— « Regard », se moqua mon homme, se nichant contre moi, tournant sa tête pour embrasser ma joue.

— Quoi ? dis-je en riant.

Il tourna son visage vers moi, sa main gauche se levant, ses doigts se posant sur le côté droit de mon visage alors qu’il se penchait en afin que ses lèvres s’ouvrent sur le côté de mon cou.

— Je suis là, l’apaisai-je d’une voix douce et câline. Bébé, je suis là.

Il hocha la tête et je l’entendis reprendre sa respiration. Il avait retenu son souffle, étant à quelques secondes d’une crise de panique que j’avais failli manquer parce que j’étais trop fatigué. En temps normal, j’aurais encore dû être au lit et il se serait levé, aurait fait son rituel du matin et m’aurait embrassé avant de partir. Tant que tout se passait en douceur, que rien ne sortait de l’ordinaire, que l’endroit et les sons lui étaient familiers, que le rythme de sa journée était normal, il allait bien. Mais s’il y avait des changements, des imprévus, comme le retour d’un fantôme de son passé, il était possible qu’il se mette à paniquer. L’attaque que je venais juste d’éviter était l’une de ses réactions typiques aux pépins qui jalonnaient sa vie, du moins depuis aussi longtemps que je le connaissais. Si j’étais là, il se précipitait vers moi, je l’apaisais, il prenait une grande respiration et allait de l’avant. C’était comme ça depuis que nous nous étions rencontrés.

JE ME souvenais de la nuit où il m’avait enfin vu comme si c’était hier. Il attendait près d’un baril à une fête où nous étions tous les deux et je m’étais avancé vers lui, j’avais empoigné ses magnifiques fesses et lorsqu’il s’était retourné pour me regarder, je lui avais demandé s’il pouvait me voir.

— Ouais, avait-il dit en riant. Je peux sentir tes doigts aussi.

— Es-tu sûr de bien me voir ? J’ai participé à plein de fêtes où tu te trouvais et j’avais l’impression d’être invisible, lui avais-je dit, sans retirer ma main, et préférant faire glisser mon majeur lentement le long de la raie de ses fesses, de manière suggestive. Je veux être sûr de te laisser une bonne impression cette fois-ci.

Son souffle était devenu haletant, ce qui avait asséché ma bouche.

— Considère que c’est fait.

— Laisse-moi m’occuper de ça pour toi, avais-je dit en le relâchant et le cognant doucement de mon épaule. Je t’attends dehors, sur le balcon.

— Il fait froid dehors.

— C’est tranquille. Je te garderai au chaud.

— Que tu es arrogant !

J’avais tout de même indiqué la baie vitrée de ma tête.

Il m’avait alors laissé, se dirigeant vers le patio. Je lui avais pris une bière et un autre whisky-coca pour moi, j’avais attrapé ma parka et l’avais suivi dehors. Il grelottait lorsque je l’avais rejoint, et lorsqu’il avait expiré, j’avais vu son souffle. J’avais mis mon manteau autour de ses épaules et m’étais approché de lui afin de pouvoir le regarder boire.

— Quoi ? avait-il dit en me souriant, reniflant dans le froid.

— Tu es magnifique.

Il s’était moqué.

— Tu n’as pas à me flatter. Je sucerai ta queue.

Il avait regardé par-dessus son épaule.

— Il y a un coin là-bas et…

— Ouais, je t’ai vu faire ça à la fête de Jimmy Drake, l’avais-je interrompu, empoignant son chandail en laine afin qu’il ne puisse plus bouger. Tu as passé ta nuit à genoux, hein ?

Son regard était revenu sur moi, croisant enfin sur le mien au lieu de regarder n’importe où ailleurs. J’avais levé ma main pour la poser sur sa joue et laissé traîner mon pouce sur sa bouche magnifique. Il avait des lèvres pleines, charnues et sombres, faites pour être embrassées.

— Et si je t’embrassais et qu’ensuite je te laissais mettre ta queue dans ma bouche ?

Ses grands yeux – bleu-vert, une couleur que je me souvenais avoir vue sur une tasse en classe de céramique au lycée, bleu paon, le mélange absolu des deux couleurs – étaient rivés sur mon visage.

— Tu n’as pas besoin de faire tant d’efforts, m’avait-il dit. Je taille des pipes à la chaîne.

J’avais grogné alors que je me penchais afin de prendre possession des lèvres qui avaient hanté mes rêves. Il avait un goût de bière et de cacahuètes avec un soupçon de bonbons à la cerise. Je m’étais reculé rapidement, le temps de reprendre sa bière et de la poser, ainsi que mon verre, sur une table, puis je m’étais retourné afin de me précipiter sur lui. Mes mains étaient sur son visage lorsque je l’avais embrassé la deuxième fois, l’épinglant au mur, lui volant tout, son souffle, sa salive, ses gémissements et ses soupirs. Ma langue avait poussé contre la sienne, la caressant, la ravageant alors que je prenais ce que je voulais. J’avais glissé mes mains sous son pull, tiré sur son tee-shirt et la peau que j’avais rencontrée était lisse, chaude et soyeuse. Son abdomen tremblait sous ma main et lorsque j’avais poussé mon genou entre ses cuisses, son gémissement rauque m’avait fait durcir. Je l’avais embrassé jusqu’à ce qu’il soit obligé de me repousser afin de pouvoir respirer.

— Viens à la maison avec moi et laisse-moi te parler parce que, manifestement, tu es confus à propos de certaines choses.

— Je ne suis pas confus, avait-il haleté, ses longs cils papillonnant. Je suis une pute.

— Plus maintenant, lui avais-je dit.

Je l’avais embrassé à nouveau jusqu’à ce qu’il en perde son souffle. J’avais sucé sa langue dans ma bouche, desserré sa ceinture, ouvert son jean et glissé ma main dans son caleçon.

Son hoquet alors que je décollais sa bouche de la mienne m’avait fait sourire.

— Tu me traites comme si j’étais une pute.

— Je te traite comme si tu étais à moi, l’avais-je corrigé. Parce qu’à partir de maintenant… tu ne feras ça qu’avec moi.

— Personne ne veut de moi sur le long terme, avait-il grogné, se poussant dans ma main, les yeux fermés, la bouche ouverte, la tête en arrière contre le mur.

— Jusqu’à présent, avais-je dit en réclamant sa bouche et en mordillant ses lèvres.

Je ne l’avais pas laissé s’éloigner jusqu’à ce que, entre ma masturbation, les suçons que je lui faisais dans le cou, ma main gauche à l’arrière de son jean et mes doigts glissant le long de sa raie, il avait joui dans mon poing avec un frisson et des cris étouffés.

— Seigneur, tu m’as fait jouir simplement avec ta voix qui me disait de le faire.

Ça et une bonne masturbation, accompagnée de quelques frottements pour faire bonne mesure.

— Putain…

J’avais doucement ri et tracé une ligne qui allait de la base de son cou à l’arrière son oreille à l’aide de ma langue, suçant la peau sensible avant de revenir sur sa bouche. Cet homme suivait bien mes instructions, et j’aimais cela. J’avais essuyé ma main sur le tee-shirt que je portais sous mon propre pull.

— Que fais-tu ? avait-il demandé sèchement, me poussant loin de lui afin de prendre une bouffée d’air. Si tu fais cela, tu auras mon sperme partout sur toi.

— Ce ne sera que la première d’un nombre incalculable de fois, non ?

Un gémissement était sorti de sa gorge.

— Personne ne veut de moi. Tout le monde m’est passé dessus et…

— Nan.

J’avais refusé de l’entendre se déprécier.

— Tu es lumineux, tu es ma lumière, tu n’appartiendras qu’à moi.

Des larmes étaient rapidement apparues.

— Putain, mais qui es-tu ?

— Je suis le gars que tu as complètement zappé ces trois derniers mois, lui dis-je

Puis je l’avais regardé remettre son sexe en place, maintenant qu’il avait repris ses esprits, et refermer son pantalon. C’était dommage de ne plus pouvoir regarder sa superbe longue verge circoncise, mais je ne voulais pas que quelqu’un d’autre se rince l’œil.

— Je te l’ai dit, je te vois tout le temps, partout, et tu ne m’as jamais adressé un seul regard. J’en ai simplement eu assez, et je me suis dit qu’il était temps de faire quelque chose à ce sujet.

Il s’était jeté sur moi, enroulant ses bras autour de mon cou, son visage contre mon épaule.

— Je suis désolé. Je suis tellement désolé… Pardonne-moi.

— Il n’y a rien à pardonner, tu ne me voyais pas. Maintenant, si.

— Maintenant, si, avait-il acquiescé tout en frissonnant.

— Tu t’appelles Landry, c’est ça ?

Il avait hoché la tête, s’éloignant de moi.

— Je m’appelle Trevan. Boucle ta ceinture car nous allons partir d’ici.

Et il m’avait embrassé. Son baiser était plein d’espoir tremblant et de bonheur à l’idée qu’il puisse peut-être se reposer, arrêter de courir, et ne plus avoir à être seul à moins de se mettre à genoux.

Je l’avais observé pendant un certain temps, le suivant partout lorsque nous nous trouvions aux mêmes endroits, et j’avais essayé de lui parler à plusieurs reprises. Mais il avait été tellement occupé à s’offrir à ceux qui le lui demandait que moi, un gars bien, un gars patient, un gentleman, je n’étais jamais apparu sur son écran radar. Parce que j’avais aimé ce que j’avais vu à l’extérieur – c’était un homme tout simplement magnifique – je devais voir s’il était intéressant au-delà de son physique. En temps normal, personne n’attirait mon attention ou ne piquait mon intérêt, donc le fait qu’il ait réussi à le faire signifiait sûrement quelque chose. Après avoir enquêté, j’avais découvert plusieurs choses sur lui.

L’homme n’était pas accro à la drogue, mais il en consommait de temps à autre pour s’intégrer. Il n’aimait pas vraiment boire, mais le faisait trop souvent pour la même raison. Il avait des vices dont il pouvait se débarrasser en un claquement de doigts parce qu’ils n’avaient jamais été les siens pour commencer ; c’était juste un moyen pratique pour permettre aux personnes qui l’entouraient de mettre leurs inhibitions de côté afin de l’utiliser. Je lui avais dit que, désormais, plus personne ne poserait ses mains sur lui excepté moi. Le sourire qu’il m’avait adressé tout en pleurant était déchirant et éblouissant à la fois.

Puisqu’il était la seule raison pour laquelle j’étais venu à cette fête, une fois que j’avais refermé sa ceinture pour lui – il n’avait pas suivi mes dernières instructions, trop occupé à se jeter sur moi – j’avais pris sa main et l’avais guidé à travers la foule. Lorsque je l’avais senti s’arrêter, je m’étais retourné et avait vu un gars avec sa main sur le biceps de Landry. Ce dernier me serrait la main fermement et j’avais lu la supplique dans ses yeux.

C’était le premier test : allais-je vraiment le ramener avec moi ou allais-je le laisser partir ? C’était bizarre, mais je ne m’étais même pas posé la question de savoir pourquoi il ne lui disait pas tout simplement « non ». J’avais compris. Il voulait voir ce que j’allais dire, ce que j’allais faire. Il ne pouvait pas se battre pour quelque chose, pour l’idée d’un « nous », s’il ne savait pas qu’il pouvait compter dessus.

— Tu me connais ? avais-je demandé au gars, à cet étranger qui retenait mon nouveau petit ami.

— Non.

J’avais haussé les épaules.

— Et tu n’en as pas envie. Lâche-le.

Ma voix était plate, mon regard était serein et j’avais patienté, immobile.

L’étranger m’avait évalué.

— Peu importe, avait-il dit en faisant marche arrière avant de se tourner vers Landry. On se voit plus tard. J’apporte le lubrifiant et les préservatifs.

Mais il ne l’avait pas fait parce que j’avais ramené Landry Carter chez moi, à mon appartement, dans ma cuisine où je l’avais nourri et dans mon lit pour le faire dormir.

— Je croyais que tu voulais me baiser ? avait-il demandé avec inquiétude, se tenant debout dans ma chambre, fraîchement douché et portant l’un de mes pyjamas.

— Je veux te tenir dans mes bras, avais-je dit en souriant, saisissant sa main et l’attirant au-dessus de moi.

Lorsque je l’avais fait rouler sur le côté et m’étais mis en cuillère derrière lui, repoussant ses cheveux de sa nuque avant de l’embrasser, je m’étais dit qu’il allait voler en éclats, tellement il tremblait.

— Oh, mon Dieu, avait-il dit en recommençant à pleurer.

J’avais eu un petit rire et il avait repris sa respiration avant de se blottir en arrière contre moi. Lorsque je m’étais réveillé durant la nuit, il était enroulé autour de moi, sa tête dans le creux de mon cou, son bras sur mon torse, sa jambe par-dessus la mienne. Il était si mignon. Lorsque je m’étais penché pour embrasser son front, le soupir de Landry avait été long, profond et satisfait.

Il avait besoin de moi et j’avais tout autant besoin de lui. Aucune personne ne m’avait laissé l’aimer simplement parce que je pouvais le faire. Les hommes me regardaient et ne voyaient qu’un gars sans « vrai » travail, un gars avec seulement un diplôme de lycée, un gars sans avenir ni perspectives. J’avais l’air effrayant, dangereux, alors ils me fuyaient. Personne n’avait pris le temps de me connaître, d’apprendre quels étaient mes projets et ce que je voulais faire de ma vie. Ils voulaient des garanties. Personne ne voulait construire une relation avec moi – personne à part Landry.

Je lui avais dit que c’était parce que la vie était dure pour lui aussi.

Il m’avait répondu qu’en effet, il passait sa vie à être vraiment dur.

— Pervers.

— Ce n’est pas nouveau.

La plupart de nos conversations finissaient par des injures, des chatouilles, des batailles d’eau, des batailles de nourriture, des combats d’oreillers, des baisers, des tâtonnements, des frottements, puis il terminait immobilisé sous moi, suppliant. C’était ainsi depuis deux ans.

La première chose que j’avais faite était de le retirer de son cercle de « connaissances » pour l’intégrer au mien. Ce n’était pas que mes amis étaient des modèles de vertu. Ils n’étaient pas parfaits. Mais ils étaient loyaux, dignes de confiance, fidèles et on pouvait compter sur eux. Ils étaient également très possessifs, tout comme je l’étais. Quand un type posait ses mains sur Landry dans un club et que je me trouvais aux toilettes ou ailleurs, le mec était rabroué, humilié et écarté. Une fois, le gars n’avait pas voulu écouter, et ils en étaient venus aux mains. Le message était clair : Landry Carter n’était plus disponible et il ne s’agenouillerait plus pour personne comme il le faisait auparavant. Il m’appartenait. Il était à moi et à moi seul.

Ces deux dernières années, les changements chez mon homme avaient été spectaculaires. Après six mois, je l’avais aidé à réaliser son rêve et à ouvrir son propre magasin de bijoux, en plein centre de Detroit, et malgré la récession, son affaire marchait bien. Il avait un catalogue qu’il avait mis en ligne et un site web. Vous pouviez visiter le show-room et commander les pièces qui vous intéressaient. Lorsque les gens me demandaient comment il se faisait que je portais d’aussi beaux accessoires, je leur disais toujours où se les procurer. Les triple bracelets en cuir que je portais recevaient toujours des compliments et Landry disait que la meilleure chose qu’il avait faite était de me les faire porter. Je rencontrais beaucoup de gens ; ils voyaient tous mes bracelets et me demandaient où ils pouvaient en trouver de semblables. D’après ce que je savais, j’étais le seul coursier qui avait sur lui la carte de visite de son mec.

Sa boutique se portait bien. Ses relations professionnelles se multipliaient, on pouvait trouver ses créations dans plusieurs boutiques haut de gamme du centre-ville et il venait d’engager une agence de relations publiques pour l’aider à lancer une nouvelle ligne destinée aux consommateurs des centres commerciaux. J’étais très fier de lui. Entre mes économies et son commerce en pleine expansion, nous étions prêts à déménager, à acheter une maison, une propriété et ainsi passer de notre mode de vie actuel, c’est-à-dire vivre au jour le jour, à une situation plus agréable où nous aurions de l’argent de côté à la banque. J’avais eu ma dose de journées durant lesquelles je ne mangeais que du beurre de cacahuètes et des nouilles asiatiques avant de le rencontrer. Même lorsque nous avions emménagé ensemble, avant qu’il ne sache ce qu’il voulait faire, nous avions vécu des passages à vide où il fallait se serrer la ceinture. Mais désormais, ils semblaient être sur la bonne voie, alors le timing de sa famille qui réapparaissait brusquement me rendait méfiant.

— DONC, DITES-MOI, déclara Chris, me ramenant au présent après ma promenade dans le passé. Comment cela marche-t-il ?

J’étais confus. Landry et moi ?

— Quoi ?

— Ce que vous faites pour votre bookmaker, comment ça marche ?

Bookmaker ? Qui utilisait encore ce genre de mot ?

— Je vais te le dire, offrit Landry, se redressant et se penchant en avant, tout en restant pressé contre moi, sa jambe par dessus la mienne.

— D’accord, accepta Chris et je pouvais voir qu’il mourait d’envie que Landry se confie à lui.

Et je le comprenais ; moi aussi je recherchais constamment à avoir son attention.

— Des gars appellent Trev et demandent : « Hé, quel est la côte pour tel ou tel jeu ? » ou « Donne-moi la côte à la moitié du jeu » ou « Qui a la plus haute ou la plus basse ? » afin qu’ils puissent placer leurs paris. S’ils gagnent, ils touchent ce qu’ils ont parié, mais s’ils perdent, ils doivent payer ce qu’ils ont parié plus le jus.

— Le jus ? demanda-t-il.

— Ouais, c’est la commission prélevée par les coursiers si tu perds, c’est habituellement vingt pour cent de la mise, mais cela peut varier selon les maisons qui prennent les paris. Le patron de Trevan prend vingt.

— Oh, d’accord.

— Mais, il y a toutes sortes de paris différents, continua Landry, jouant avec les bandes de cuir noir sur mon poignet gauche, agrémentées d’hématites et de turquoises, avant de toucher l’anneau en argent qui faisait croire que j’étais un homme marié. Il y a les paris simples et les paris reportés, mais plus tu achètes de points, moins tu dois d’argent.

Ses yeux se portèrent soudain sur Chris afin de vérifier s’il écoutait. Il n’aurait pas dû s’inquiéter.

— Tu vois, continua-t-il, il y a Green Bay et Indianapolis et ils comptent pour dix points. Quelques fois, les gars diront qu’ils veulent parier trois points, donc au lieu de risquer de perdre dix points, ce n’est que sept. Mais plus tu achètes de points, moins tu gagnes au final.

— Intéressant, dit Chris.

Il ne se souciait pas le moins du monde de ce que je faisais dans la vie, mais cela lui donnait une excuse pour écouter parler son frère. Il me regarda ensuite.

— Alors Trevan, où vous situez-vous dans toute cette histoire ?

— Il est coursier comme je te l’ai dit, répondit Landry pour moi. Trev est la personne qui récupère l’argent qui est dû et qui le reverse aux gagnants. Le lundi et le mardi, il récupère ; le mercredi, il paie tout le monde.

— Donc vous êtes populaire le mercredi, dit Chris en me souriant.

— On peut dire ça, oui, dis-je en hochant la tête.

— Et si les gars n’ont pas l’argent pour vous payer ? Vous leur brisez les jambes ?

— Non.

Landry lui sourit.

— Trevan se contente de rayer le gars de la liste de ses clients et une fois que le mot selon lequel c’est un mauvais payeur est passé, il ne peut plus parier nulle part.

J’en faisais un peu plus que ça, mais mon homme n’avait pas besoin de connaître tous les tenants et les aboutissants de mon travail. Je devais rendre des comptes à mon patron et si les clients ne me payaient pas lorsque j’allais leur rendre visite, alors je devais trouver l’argent autre part. La maison, ou dans ce cas particulier, Adrian Eramo, ne se souciait pas de savoir qui me payait, du moment que lui soit payé. Point final.

— Tu n’es pas devenu flic, n’est-ce pas ? demanda brusquement Landry, réalisant tout ce qu’il avait déjà dit, sa voix tremblante trahissant son inquiétude. Tu ne vas pas faire de mal à Trev.

— Non.

La voix de Chris était sur le point de se casser.

— Je ne suis là que pour te demander de revenir à la maison. C’est tout ce que je veux. Je ne suis qu’un étudiant à l’université, Lan ; je suis totalement inoffensif, je t’assure.

Landry hocha la tête, un rapide frisson le traversant alors que mon téléphone sonnait. Normalement, je n’aurais pas pris la peine de répondre, mais c’était le numéro de mon patron. Je le retournai pour que Landry puisse le voir. Il retira sa jambe d’entre les miennes, et je me levai pour répondre à l’appel.

— Trev, m’interpella Landry avant que je sorte de la pièce.

Je le regardai mais ne dis rien.

— Ne reste pas trop longtemps au téléphone.

Lorsque je passai mes doigts dans ses cheveux, empoignant une touffe, il inclina sa tête en arrière et ferma les yeux. Je me penchai et l’embrassai sur le front, puis le libérai avant de me diriger vers la fenêtre du salon qui donnait sur le parc derrière l’immeuble. Je répondis à la huitième sonnerie.

— Qu’est-ce que c’est que ce bordel ?

— Gabe ?

Un long soupir se fit entendre à l’autre bout du fil.

— Ouais, désolé, grogna-t-il. Putain, où es-tu ?

— À la maison. Pourquoi, que se passe-t-il ?

Il se racla la gorge.

— Est-ce qu’Ellis Kady a placé des paris avec toi la semaine dernière ?

— Non, il est sur ma liste noire.

Plusieurs secondes de silence s’écoulèrent.

— Trevan, cet homme possède trois night-clubs, un restaurant et une concession automobile. Pourquoi l’as-tu mis sur ta liste noire ?

Il ne semblait pas en colère ; on aurait plutôt dit qu’il était à la pêche aux renseignements. Quelques fois, lorsque je refusais de prendre les paris de certaines personnes, Gabriel Pike m’appelait pour savoir pourquoi. Il ne me forçait jamais à aller contre mon instinct, mais voulait une explication. S’il trouvait que ma raison n’était pas valable, il accepterait le pari du joueur lui-même. La plupart du temps, Gabe suivait mon conseil et laissait partir le client, mais parfois, il ne tenait pas compte de mon avis et de la petite voix dans ma tête.

— T ? insista-t-il.

— Je l’ai mis sur liste noire parce qu’il ne m’a pas payé deux semaines d’affilée.

— Mais tes comptes étaient bons.

— Est-ce qu’il en a déjà été autrement ?

Il soupira.

— Non, Trev, tu es le meilleur coursier que j’ai jamais eu.

— Eh bien, c’est agréable à entendre, mais je me préoccupe de mes amis, pas de connards comme Ellis Kady qui pensent être trop bons pour me payer.

— Qu’est-ce qu’il te doit ?

— C’est entre Ellis et moi, lui dis-je. Je t’ai payé, tu as payé Adrian – je suis carré avec la maison et c’est comme ça que j’aime que ce soit. Le reste, c’est mon problème.

— Normalement, j’aurais été d’accord, mais deux de ses gars s’en sont pris à Benji. La police l’a trouvé dans une ruelle et il a dû être hospitalisé.

— Oh, merde ! grognai-je.

J’appréciais Benji Matthews. C’était un bon gars, gentil et toujours de bonne humeur. Lorsque nous nous croisions, nous finissions toujours par manger ensemble ou prenions une tasse de café avant de reprendre nos chemins séparément.

— Est-ce qu’il est gravement blessé ?

— Je ne sais pas. Tony est allé à l’hôpital et dit qu’il est vraiment mal en point. Donc Ira, Pete et moi allons rendre visite à Kady pour comprendre ce qui se passe.

— Juste vous trois ?

— Non, dit-il, sa voix s’estompant.

Je compris. Je devais arrêter de poser des questions sur ce qu’ils comptaient faire.

— Comment savez-vous qu’il s’agit bien de Kady ?

— Il a appelé Adrian en lui disant que chacun des coursiers de sa maison qu’il trouverait dans la rue étaient des hommes morts.

— Ça a le mérite d’être clair.

Il grogna.

— D’accord, dis-je avant de reprendre mon souffle.

— Je t’envoie Francesco pour ramasser ta part.

— S’il est en chemin, je l’attendrai en bas pour lui donner le magot, mais s’il ne l’est pas, je peux te l’amener dans quelques heures.

— Tu es sûr ? Je te connais, tu détestes le faire.

— J’appellerai Connie quand je serai prêt, et il pourra m’accompagner.

Il éclata d’un rire profond.

— Quoi ?

— Il n’y a que toi, Trev, je te le jure.

— J’ai raté quelque chose ?

— Seigneur, T. ! Conrad Harris est un tueur dénué de sentiments, mais toi tu appelles ce sociopathe par son prénom. C’est même pire : tu lui as donné un surnom !

— C’est un bon gars, dis-je pour défendre mon ami.

— C’est un putain de tueur à gages, c’est tout ce qu’il est, m’assura Gabe.

— Cela n’a jamais été prouvé, dis-je.

Et j’avais raison, même si je savais aussi bien que les autres ce que cet homme faisait pour gagner sa vie.

— C’est un tueur sur gages, je le jure devant Dieu.

— Que tu dis.

Déni, déni, déni. Dès qu’il s’agissait de Conrad, c’était ce que je faisais. Personne ne pourrait jamais m’attraper à accepter de dire ce qu’il était ou n’était pas, particulièrement au téléphone. Je me moquai bien de savoir qui était à l’autre bout du fil.

— D’accord, T., acquiesça-t-il avec condescendance. Nous allons juste prétendre qu’il n’est pas effrayant entre autres choses.

— Il ne l’est pas, soupirai-je.

Parce que pour moi, il ne l’était pas. Je ne pouvais pas parler pour les autres…

— Hum… grogna-t-il.

— Bon… On peut passer à autre chose ?

— Bordel, oui, passons à autre chose. Parle-moi de Kady. Depuis combien de semaines te pose-t-il des problèmes ?

— Juste deux et depuis j’ai arrêté de répondre à ses appels.

— C’est probablement la raison pour laquelle il a appelé Benji.

— Je crois qu’il a appelé Luis avant ça.

Je bâillai encore, me frottant les yeux, j’avais l’impression qu’ils étaient pleins de sable.

— Est-ce qu’il doit de l’argent à Luis également ?

— Je ne sais pas, mais tu le connais. Luis ne laisse jamais personne lui devoir de l’argent. Il en vient aux mains lorsqu’on ne le paie pas.

— Ouais, je sais, je me demande… Patiente, une seconde.

Je restai debout, patientant, pendant qu’il invitait Luis à se joindre à notre conversation téléphonique.

— Vargas, tu es là ?

Il y eut un bâillement sonore.

— Ouais, je suis là. C’est quoi ce bordel ? Je viens juste de me mettre au lit !

Dans son meilleur jour, Luis Vargas était un con, toujours fatigué et de mauvaise humeur et cela faisait ressortir les facettes colorées de son charme et de sa personnalité pétillante.

— Benji Matthews vient de se faire passer à tabac par Ellis Kady et quelques-uns de ses gars. En parlant avec Trev, soupira Gabe, j’ai découvert que Kady lui devait de l’argent. Est-ce qu’il t’en doit à toi aussi ?

— Ouais, il m’en doit. J’ai pris ses paris après que Trevan l’a mis sur sa liste noire. J’ai pensé que Kady mettait de trop grosses sommes en jeu et que c’était la raison pour laquelle la petite fée ne voulait pas les accepter.

J’adorais être appelé « la petite fée » parce que j’étais gay. Le fait que Vargas soit incapable de m’appeler ainsi lorsqu’il se trouvait en face de moi me faisait l’apprécier encore moins.

— Agréable.

— Quoi ? Juste parce qu’Adrian et toi vous foutez bien de savoir ce qu’il prend dans le cul ne signifie pas que le reste d’entre nous devons nous incliner devant lui.

— Pouvons-nous nous concentrer ?

— Bien. J’ai pris les paris de Kady, mais la semaine dernière lorsque je me suis rendu chez lui pour collecter l’argent, il m’a dit qu’il n’avait pas les quinze mille qu’il me devait et qu’il ne les aurait pas cette semaine non plus.

— Et ?

— Donc je lui ai dit le fond de ma pensée et il m’a dit qu’il avait besoin de moi pour le couvrir pendant environ deux semaines et qu’ensuite il me rembourserait ce qu’il me devait.

— Qu’est-ce que tu lui as répondu ?

— Que crois-tu que je lui ai dit ? Je lui ai dit d’aller se faire foutre et de me donner mon foutu pognon.

— A-t-il payé ?

— Non, Benji m’a payé.

— Quoi ?

— Ouais, il m’a dit qu’il obtiendrait l’argent par Kady et m’a donné la somme que Kady me devait.

— Oh merde !

— Je ne sais pas ce qui se passe avec ton gars, Gabe. Et quand tu me dis que Kady l’a tabassé, je me demande bien comment ça a pu dégénérer à ce point.

— Pourquoi n’as-tu pas fait appel à des gars baraqués pour aller récupérer ton argent chez Kady avant que Benji ne te paie ? Ça ne te ressemble pas de t’enfuir parce que tu es effrayé.

— Va te faire foutre, je n’avais pas peur, lui assura Luis. C’est juste que je n’avais pas assez de cash pour payer suffisamment de gars.

— De combien de gars pensais-tu avoir besoin ?

— Au moins cinq, grogna-t-il, vu la façon dont Kady a fortifié son club à Jericho ; je n’y entrerais pas seul.

Il y eut une longue pause.

— Adrian ne peut pas se permettre de laisser les clients croire que l’on peut se foutre de la gueule de ses coursiers.

— Nan, acquiesça Louis.

— Est-ce que Kady a du soutien ?

— Tu veux dire des gars tout en muscles ?

— Ouais.

— Je ne sais pas.

— Veux-tu venir et rester à la maison ?

— Nous verrons.

— Devrais-je le proposer à Trevan ?

— Non. Il a déjà Harris pour surveiller ses arrières et tout le monde le sait. Personne ne va venir l’emmerder. Même s’il voyait Trevan dans la rue, Kady ne serait pas assez stupide pour lui chercher des ennuis.

— D’accord, on se parle plus tard.

Luis raccrocha une seconde plus tard.

— Désolé pour toutes ses conneries d’homophobe, T.

— Comme si ça m’atteignait ! dis-je en laissant échapper un profond soupir.

Je ne m’étais jamais inquiété de ce que pensais Luis Vargas et je n’allais certainement pas commencer.

— C’est un enfoiré, ça a toujours été un enfoiré et ce sera toujours un enfoiré. Vargas peut bien aller se faire foutre, car ce qui m’importe en ce moment, c’est Benji. Ça et le fait que si tu fais l’addition, je pense que Kady nous doit quelque chose comme… deux.

— Tu te fous de moi ? s’étrangla-t-il, parce qu’il savait que lorsque je disais deux, je voulais dire deux cents mille.

— Non, parce qu’il me doit trente mille, qu’il doit encore plus que ça à Benji, et qu’il doit la somme que Benji a donné à Luis en son nom. Ce serait complètement surréaliste qu’il ne paye pas.

— Eh bien, je pense qu’Adrian va vouloir être remboursé, donc arrange-toi avec Francesco ces prochains jours jusqu’à ce que je te rappelle, d’accord ?

— Ouais.

— Okay. Bon, je vais dire à Francesco que tu vas passer le voir… quand ? À l’heure du déjeuner ou plus tard ?

— Plus tard. Je dois retrouver mon putain de lit.

— D’accord, je t’appelle bientôt.

— Attends ! Dans quel hôpital se trouve Benji ?

— Saint Vincent.

— D’accord.

— Tu vas y aller ?

— Ouais.

— Avant de dormir ?

— Je n’ai pas vraiment le choix, tu comprends ? J’ai besoin de vérifier qu’il va bien, de voir s’il a besoin de quelque chose.

— Achète-lui tout ce dont il a besoin et lorsque tu reviendras à la maison, prends l’argent que cela t’a coûté dans la petite caisse.

— Je vais me débrouiller.

— Fais ce que je te demande ; achète-lui tout ce que tu penses pouvoir lui être utile.

— Très bien.

Lorsqu’il raccrocha, je réalisai combien je voulais retourner dans mon lit. Je voulais me coucher, m’étirer un maximum, ressentir ce tremblement qui parcourt le corps entier, avant de laisser tout l’air contenu dans mes poumons s’échapper. Je voulais m’allonger et fermer les yeux, mais d’abord, je devais me rendre à l’hôpital pour voir Benji.

En revenant vers le canapé, je croisai le regard de Landry.

— Tout va bien, bébé ?

— Non, un de mes amis est à l’hôpital. Je dois aller lui rendre visite pour voir comment il va.

— Qui ? demanda-t-il en s’approchant de moi.

J’acceptai l’offre de réconfort et glissai sa main dans la mienne.