Unity Walkyrie Mitford - Christophe Stener - E-Book

Unity Walkyrie Mitford E-Book

Christophe Stener

0,0

Beschreibung

Unity Walkyrie Mitford fut l’intime d’Adolf Hitler entre 1935 et 1939. Conçue en 1914 à Swastika (Ontario), petite fille d’un lord anglais ami de Wagner, nièce de Winston Churchill, belle sœur d’Oswald Mosley, leader du Parti fasciste britannique, Unity se rêva garante de l’amitié entre les peuples anglais et allemands mais ne fut qu’un instrument de la propagande d’Hitler vers le futur Edouard VII. Sont historiques ses débauches avec des officiers SS, son vrai-faux suicide en 1939, sa bizarre fin de vie en Angleterre. La rivalité mortelle entre l'amiral Canaris et Reinhard Heydrich forme le nœud de l’intrigue romanesque. Chronique de la vie privée des hiérarques nazis, ce roman historique montre l’homme Hitler, dans sa complexité, dans sa duplicité et dans ses frustrations sexuelles dont la violence et la volonté inextinguible de pouvoir furent l’exutoire. Etrange destinée que celle de Unity Walkyrie Mitford qui, sincère dans son adulation nazie, ne connut que la fin pitoyable d’une groupie qui a raté sa sortie.

Sie lesen das E-Book in den Legimi-Apps auf:

Android
iOS
von Legimi
zertifizierten E-Readern

Seitenzahl: 407

Das E-Book (TTS) können Sie hören im Abo „Legimi Premium” in Legimi-Apps auf:

Android
iOS
Bewertungen
0,0
0
0
0
0
0
Mehr Informationen
Mehr Informationen
Legimi prüft nicht, ob Rezensionen von Nutzern stammen, die den betreffenden Titel tatsächlich gekauft oder gelesen/gehört haben. Wir entfernen aber gefälschte Rezensionen.



A mes enfants,

Aurélia, Laetitia, Justine et Hadrien

Table des matières

Nécrologie de Unity Walkyrie Mitford

Journal de Unity Walkyrie Mitford

Rapports de Moshe Levy alias Erich Müller

Postface - Avertissement tardif au lecteur

Glossaire

Bibliographie

L’étrange destinée de Unity Walkyrie Mitford

Nécrologie

28 mai 1948

Autant le retour en Angleterre de Unity Valkyrie Mitford un matin boucailleux du 4 janvier 1940 avait fait la une des journaux et des actualités cinématographiques britanniques et internationales, autant son décès ce 28 mai 1948 est passé presque inaperçu même des tabloïds auxquels ses extravagances et ses amours supposées avec Hitler avaient assuré, en leur temps, de forts tirages.

«Bon débarras !» (Good riddance !) titraient les tabloïds britanniques en octobre 1939 quand on la croyait restée en Allemagne, traîtresse à son pays, la Grande-Bretagne entrée en guerre le 3 septembre à onze heures.

Jeune correspondant du Daily Mail à Berlin, j’avais couvert les années 1930-1939 et rencontré à plusieurs reprises Unity Valkyrie Mitford. J’avais même réussi à l’accompagner lors de son rapatriement sanitaire de Suisse vers l’Angleterre. Les entretiens que j’avais pu avoir avec Lady Redesdale, sa mère et quelques témoins clés de son ‘suicide’ furent repris dans un article à l’époque. Relisant mes notes détaillées, à l’occasion de la rédaction de cette nécrologie, mes interrogations d’alors sur les conditions réelles de ce ‘suicide’, peut-être subi ou aidé, sont encore plus avérées aujourd'hui à la lumière de sa fin de vie. Unity Valkyrie Mitford s’est-elle réellement suicidée ? J’en doute.

Désespérée de la déclaration de guerre entre son pays natal, la Grande-Bretagne, et son pays d’adoption, l’Allemagne nazie, Unity Valkyrie Mitford avait fui dans le suicide, l’échec de la mission qu’elle s’était assignée, Jeune d’Arc anglaise, prêtresse du culte hitlérien : aider Adolph Hitler à convaincre ses concitoyens que l’alliance entre les anglais, maîtres des mers, et les allemands, maîtres de l’Europe continentale, était naturelle entre deux races de seigneurs. Cette destinée la faisait entrer dans l’histoire, échapper enfin à l’ombre portée de sa sœur Diana, la reine de beauté dont elle ne fut trop longtemps qu’un faire-valoir, damer le pion à la trop brillante et caustique écrivaine Nancy, vivre elle aussi une vie romantique et passionnée comme sa sœur Jessica la passionaria de la guerre d’Espagne.

Rôle trop grand pour elle, elle ne fut, en vérité, qu’un pion dans le jeu diplomatique d’Hitler. Elle fut son agent, mieux son tambour tant elle fit de bruit (Hitler s’était lui-même décrit, dans les années de combat, avant son accession à la Chancellerie, comme le tambour du Volk allemand), auprès des milieux aristocratiques britanniques. Elle fut aussi sa détente, au sortir des meetings où il menaçait, pérorait, exultait, exaltait, excitait les foules et revenait épuisé. Hitler était flattée de l’adulation de cette aristocrate britannique, petite nièce de son plus résolu ennemi, Winston Churchill. Hitler aimait la compagnie des toutes jeunes filles, se laissant aimer, voir désirer, enfermé dans une relation platonique qui n’excluait pas les phantasmes mais laissait frustrées ses groupies. La femme, déclarait Hitler, est « une petite chose amusante… ». Unity Valkyrie Mitford amusait le Führer par ses réparties directes, sa naïveté; elle seule osait le contredire avec une assurance qui scandalisait sa cour. Elle comblait le petit bourgeois par son snobisme, lui servait de dérivatif. Il aimait ses bavardages, ses potins sur les petits secrets d'alcôve de la cour des Windsor, les faiblesses cachées des politiciens anglais.

Charmeur, gentil, d’une politesse désuète viennoise, Hitler pouvait aussi être jaloux, exclusif, possessif, jusqu’à la perversité poussant ses amoureuses à des déclarations d’amour en forme de suicides volontairement raté comme ceux d’Eva Braun, réussi comme celui de sa nièce Angela, dite, Geli Raubal. Geste de désespoir, le suicide, s’il s’agit bien d’un suicide de Unity Valkyrie Mitford, fut un geste d’adieu, l’expression d’un désarroi, l’espoir de le précéder dans le Walhalla comme il convient à « sa Walküre », comme l’appelait Hitler. Issue d’un amour univoque car Hitler n’aimait pas mais se laisser aimer, le suicide était une manière de se cacher l’échec d’une relation amoureuse, d’échapper à la frustration des sens par la sublimation du sacrifice, une manière de posséder enfin celui qui n’avait pas voulu vous prendre.

La beauté nordique de Unity Valkyrie Mitford, son grand père, traducteur du penseur raciste Houston Stewart Chamberlain et admirateur de Richard Wagner, le nom même de Walkyrie alors qu’elle avait été conçue dans une ville dénommée Swastika, tout cela sembla marqué du destin lors de leur premier tête à tête le 9 févier 1935 or Hitler était très superstitieux.

Unity savait qu’elle était une réclame dans la propagande nazie administrée par Joseph Goebbels mais cette renommée entrait dans son propre plan de communication : provoquer par ses déclarations antisémites et pro nazies le scandale pour s’assurer le maximum de couverture médiatique, pour se rendre indispensable face au dédain jaloux de ce fat de von Ribbentrop et au mépris poli d’Henderson, l’ambassadeur d’Angleterre.

Mais ce que Unity Valkyrie Mitford ignora toujours c’est qu’elle fut la pièce maîtresse d’un complot monté par l’amiral Canaris, chef de l’Abwehr, service de contre espionnage militaire allemand, pour compromettre Reinhard Heydrich, fondateur du Sicherheitsdienst (SD) chargé du contre-espionnage politique de la SS, l’adjoint direct de Heinrich Himmler, le Reichsführer SS. La proximité, l’intimité de Unity avec Hitler en fit un enjeu dans la lutte féroce qui opposait Canaris et Heydrich.

La révélation du stratagème de Canaris me fut connue à l’occasion de mon enquête pour la rédaction de cette nécrologie. Je n’imaginais pas que la relecture de mes notes de 1939 et les quelques rares témoins des dernières années de Unity Valkyrie Mitford, que je pus questionner en Ecosse, allaient me conduire en Israël pour rencontrer le fils de Moshe Levy, le mystérieux Erich, garde du corps et photographe attitré de Unity Valkyrie Mitford. Moshe Levy alias Erich Müller fut infiltré dans le SD par Canaris pour organiser un montage autour de Unity Valkyrie Mitford. Le SD en fit espion au sein du service de presse internationale et des relations avec les VIP invités par le parti NDSAP, service dirigé par Ernst Hangstaengl, contribuant, sans le savoir, au stratagème de Canaris.

Ruben Levy conservait la copie des rapports secrets remis par son père à Canaris et de ceux ‘officiels’ transmis à Reinhard Heydrich et à Ernst Hanfstaengl, le chef du service de la presse internationale. Plus stupéfiant, il détenait l’original du journal Unity Valkyrie Mitford qu’on croyait perdu. Ce journal montre une Unity Valkyrie Mitford, jeune aristocrate dédaignée par les siens, se cherchant une cause, s’entichant d’Hitler et se rêvant un rôle historique. Enthousiasme et exaltation, en 1933, lors de sa découverte de la vitrine du 3e Reich à l’usage des invités des média étrangers qu’était le congrès du parti NSADP à Nuremberg, coup de foudre pour Hitler, séjour linguistique à Munich et, enfin, rencontre en février 1935 d’Hitler puis intimité avec lui. Unity Valkyrie Mitford rencontra entre 1935 et 1939 plus d’une centaine de fois le Führer. Nombre de dignitaires nazis désespéraient d’obtenir même un bref rendez-vous de travail avec lui tandis qu’Hitler trouvait, même pendant les crises internationales (remilitarisation de la Ruhr, crise des Sudètes, Anschluss…), le temps de papoter des heures durant autour d’un thé avec Unity Valkyrie Mitford, au désespoir de ses collaborateurs directs.

Le journal de Unity Valkyrie Mitford ne scelle pas ses amours avec les Storms (le surnom qu’elle donna aux officiers de la garde prétorienne du Führer, par anglicisation du mot Sturm du grade SS. Sans décrire ses débauches avec ses chers « Storms », son journal narre comment elle ‘coucha’ avec les jeunes SS de la garde rapprochée du Führer pour faciliter son accès au grand homme, un peu comme une groupie couche avec le régisseur dans l’espoir de rencontrer un chanteur. Ce récit constitue également un témoignage étonnant sur la vie privée de quelques dignitaires, en particulier les époux Goebbels. Surtout, il présente l’Hitler privé, un Hitler encore dans un rôle, probablement jamais sincère, mais livrant quelques clés de sa personnalité et des perversions privées de l’ascète public.

Je livre ici le résultat de mon enquête sur les dernières années de Unity Valkyrie Mitford depuis son retour le 4 janvier 1940 en Angleterre jusqu’à son décès le 28 mai 1948. Mon investigation laisse plus de questions ouvertes qu’elle n’apporte de réponses. Le journal de Unity ainsi que les rapports d’Erich Müller/Moshe Levy sont comme un jeu de glaces de la ‘double vie’ de Unity, ils créent des reflets qui égarent plus qu’ils ne révèlent.

La question centrale de mon investigation est : Unity Valkyrie Mitford s’est-elle vraiment suicidée ?

D’autres interrogations restent sans réponse certaine :

- pourquoi Unity Valkyrie Mitford fut-elle protégée de la vindicte populaire et échappa à toute sanction pour ses engagements nationaux-socialistes tandis que sa sœur Diana, infiniment moins compromise, fut internée sans jugement pendant la guerre comme son époux le leader fasciste Oswald Mosley ?

- que croire de la rumeur d’un enfant dont Unity Valkyrie Mitford aurait accouché à son retour d’Allemagne et de la théorie qu’il puisse s’agir de l’enfant d’Hitler ?

- Unity a-t-elle imaginé fuir en Allemagne avec son amant John Andrews le pilote de la RAF, faisant en sens inverse l’incroyable périple de Rudolph Hess ?

- quelle fut la vraie cause du décès de Unity ?

Les conditions de son ‘suicide’ sont étranges. Nous ne disposons pas de sources certaines, de témoins vraiment dignes de foi. L’histoire a été réécrite tant par les nazis que par sa famille. Le rapport d’Erich Müller suggère un suicide raté, organisé par les nazis, mais il ne prouve rien et peut être une ultime manipulation.

La version officielle soutenue par les nazis et reprise par la famille Mitford est que Unity Valkyrie Mitford s’est tirée une balle de petit calibre dans la tempe droite, la balle restant fichée dans le crane sans provoquer de lésions mortelles. Les séquelles furent, après une aphasie temporaire, une perte d’équilibre, et durablement, une diminution notable des capacités intellectuelles de Unity et son incontinence. Les médecins allemands auraient décidé de ne pas retirer la balle, suivis en cela par les médecins suisses et enfin par le professeur Cairns éminent spécialiste britannique.

Unity Valkyrie Mitford aurait donc survécu presque dix ans avec une balle dans le cerveau sans autre troubles qu’une débilité relative. La blessure provoquée par une balle dans la tête n’aurait provoqué en 1939 aucune septicémie mortelle mais ce serait un réveil de cette ‘vieille blessure’, sous forme d’une méningite à pneumocoques foudroyante, qui aurait emporté Unity en 1948.

Tout cela n’est, selon moi, guère crédible.

La balle fracturant le crane et entrant dans le cerveau aurait du provoquer une septicémie fatale à la victime. Rappelons les conditions du décès de Reinhard Heydrich qui mourut quelques jours après l’attentat perpétré à Prague par deux résistants, l’un tchèque, l’autre slovaque, de l’infection provoquée par la présence de quelques poils du fauteuil de sa voiture projetés dans son abdomen par l’explosion d’une grenade. Les allemands ne disposaient en effet alors pas de la pénicilline, découverte anglaise réservée à l’usage militaire et secret bien gardé.

Les termes même du médecin allemand ayant examiné la radio sont particulièrement ambigus : «elle était inconsciente mais pas si gravement blessée. Quelques jours après, elle revint à elle et nous prîmes une radio qui montrait que la balle était à l’arrière du crâne, étant venue à travers la tempe gauche mais ne la pénétrant pas» (sic). Sa face était gonflée par la blessure. On la garda en salle d’opérations pour des soins mineurs mais non pour extraire la balle ce qui n’aurait pas été possible.»

Le communiqué du professeur Cairns, un des meilleurs neurochirurgiens britanniques qui l’examina à son retour en Angleterre, quatre mois plus tard, est également remarquablement sibyllin : « Son état général est bon et la blessure dont elle a souffert en Allemagne en septembre, habillement soigné en Allemagne, a cicatrisé de manière normale et satisfaisante. Après consultation, il a été décidé qu’aucune opération n’était ni recommandé ni souhaitable ».

La faculté était unanime : mieux valait laisser Unity survivre avec une balle fichée à l’arrière du crâne ! Il est plus que troublant qu’aucun dossier médical en particulier aucune radio n’ait jamais été produite.

Que les médecins allemands aient conservé leur dossier de par devers eux est crédible car nous nous nous situons dans les premiers jours de la déclaration de guerre de l’Angleterre à l’Allemagne, mais que le dossier médical suisse ait disparu ainsi que toute trace du dossier médical anglais de Unity Valkyrie Mitford tant lors de son examen à son arrivée en Angleterre que lors du permis d’inhumer alimente l’hypothèse d’un mensonge organisé.

Survivre dix ans avec une balle dans le cerveau aurait mérité une publication dans les annales médicales britanniques tant le cas est exceptionnel. Il existe des cas documentés de personnes ayant survécu à une perforation du cerveau par une barre de mine (...) ou à une balle ayant traversé le crâne mais en étant ressorti mais un seul cas d’un russe ayant vécu au XIXe siècle avec une balle dans le crâne est connu mais peu documenté.

Tentons de rassembler les éléments et de formuler des hypothèses.

Si Unity Valkyrie Mitford s’est servi de son pistolet, il s’agissait d’une balle de petit calibre. Nous disposons en effet de plusieurs témoignages attestant que Unity Valkyrie Mitford disposait d’un petit pistolet qu’elle prétendait lui avoir été offert par Hitler, tandis que d’autres sources déclarent qu’elle l’avait acheté en Belgique. Tous les témoins s’accordent sur ce que le pistolet était de petite taille, parfois décrit avec une crosse décorée de perles. Certains parlent d’un pistolet de dame, voire du prostitué comme ceux que ces dames gardaient dans leur réticule pour se protéger des michés dangereux. S’il s’agissait d’un pistolet offert par Hitler, ce qui n’est pas une hypothèse non crédible car Hitler offrit à Unity, outre un grand portrait dédicacé qu’elle emportait partout avec elle, un poignard et un appareil photo, il s’agissait probablement d’un Walther de calibre 6.5, version de salon du Walther PPK, l’arme des officiers allemands comme celle dont disposait le Führer et avec lequel il se serait suicidé.

On peut alors raisonnablement imaginer qu’une balle de si petit calibre ait été détournée par le crane de Unity si l’angle de tir n’était pas perpendiculaire à la tempe. Le choc de la balle aurait provoqué l’évanouissement de Unity Valkyrie Mitford et les troubles temporaires décrits par les médecins allemands : perte d’équilibre, aphasie… La blessure au cuir chevelu aurait pu cicatriser entre le 4 septembre 1939 et le 3 janvier 1940, date de son rapatriement ce qui expliquerait qu’aucune blessure apparente n’apparaisse sur les images filmées du retour de Unity Valkyrie Mitford dont on voit clairement la chevelure longue, soigneusement coiffée et sans aucune trace de blessure.

L’absence de toute perte de cheveux et de tout bandage atteste suffisamment que si blessure au cuir chevelu, il y ait eu, elle devait être bien superficielle et que les médecins n’avaient pas eu besoin de raser les cheveux sur la tempe pour dégager un champ opératoire. Ce qui est cohérent avec les déclarations du professeur allemand Magnus.

L’absence même de toute blessure à la tête ne doit donc pas être écartée.

Conservons un instant l’hypothèse d’une balle effleurant le crane sans y pénétrer. Comment peut-on se rater ? On peut tout d’abord imaginer que la main de Unity ait tremblé. On peut aussi imaginer qu’elle ait voulu mettre en scène un ratage volontaire pour exprimer son désespoir de devoir quitter l’Allemagne et son grand homme. Hitler lui avait en effet, sinon ordonné, du moins vivement recommandé de quitter l’Allemagne, alors que toute la communauté britannique avait déjà quitté le pays. Hitler était pris par la campagne de Pologne et n’avait plus le temps de papoter autour d’un thé avec Unity. Elle était seule, désespérée de devoir quitter la scène, perdant ce rôle d’égérie de l’homme le plus puissant du monde, Hitler. Son grand homme l’avait abandonné, elle s’en rendait compte car, même si Hitler ne renonçait pas encore à l’espoir d’une paix séparée entre l’Allemagne et l’Angleterre, sur un marché donnant/donnant après l'écrasement de la Pologne, Unity n’avait plus d’utilité dans sa manœuvre de séduction des milieux aristocratiques britanniques ou pour passer des messages à son oncle Winston Churchill. Unity se serait alors inspirée de l’exemple de Eva Braun qui, se sentant négligée par Hitler, avait recouru au subterfuge d’une balle tirée dans la nuque mais si volontairement maladroitement qu’elle appela le médecin elle-même et en fut récompensée par un bouquet de fleurs du Führer et son établissement comme maîtresse de maison à Berchtesgaden. Maîtresse de maison, plus que maîtresse tout court car il semble prouvé qu’elle n’eut jamais de relation charnelle avec « Wolfie ».

Il existe une autre théorie qui est celle du meurtre commis par les services nazis pour se débarrasser de Unity. Cette théorie fit florès dans la presse de l’époque notamment française. Tuer une amie proche du Führer représentait certes un risque majeur pour l’assassin mais quelques détails troublants contribuent à cette théorie. Une voiture de l’armée de l’air fut aperçue, quelques instants après le suicide, quittant précipitamment l’English Garten, où Unity gisait sur un banc, apparemment morte. Pourquoi la police prévenue par un témoin, un professeur se promenant avec sa fille, leur intima le secret absolu ? Pourquoi le suicide fit-il l’objet d’un embargo total pendant plusieurs semaines, laissant la famille sans nouvelles ? Pourquoi l’accident fut-il déclaré Secret d’Etat (Geheime Reichessache) alors qu’il ne s’agissait que d’un fait divers heureusement sans gravité puisque l’intéressée avait survécu ? Pourquoi Goebbels lança-t-il une rumeur via la Suède sur une prétendue morte de Unity dans une prison anglaise ? Volonté de couvrir un ‘plantage’ des sicaires nazis chargés de tuer Unity, opportunisme de faire de Unity la victime expiatoire du refus de l’Angleterre d’accepter la main tendue d’Hitler ?

L’opposition au régime fit courir aussi le bruit qu’elle aurait été tuée sur l’ordre d’Hitler. Cette version n’est pas crédible. Hitler fut, de sources certaines, affligé de la nouvelle de la tentative de suicide de Unity. Il trouva, aux heures les plus décisives des premiers jours de la seconde guerre mondiale, le temps de s’assurer qu’elle était dans les mains du meilleur spécialiste de Munich, de prendre en charge financièrement les frais médicaux, de visiter Unity sur son lit d'hôpital à deux reprises, et de lui proposer soit de rester en Allemagne, sous sa protection, soit de rentrer en Angleterre. A sa demande, il organisa son rapatriement par train médicalisé assurant, en temps de guerre, un droit de survol à l’avion anglais emmenant Lady Redesdale et sa fille Deborah pour aller la chercher à Berne.

Aucun témoignage digne de foi dans les biographies de Unity Valkyrie Mitford ne permet de trancher le mystère des circonstances exactes de son ‘suicide’.

Guy Liddel, le numéro deux du MI5, le contre-espionnage intérieur britannique, publia des mémoires où il témoigne de sa rancœur de ne pas avoir été autorisé à interroger Unity Valkyrie Mitford à son retour et n’avoir jamais été convaincu de la réalité du suicide de Unity Valkyrie Mitford.

Très surprenamment, aucun témoignage ne fait état d’un suivi médical de Unity. La famille cache Unity mais celle-ci ne subit aucun examen même de routine pendant les huit ans de sa fin de vie. Tout le monde considère comme normal de vivre avec une balle fichée dans le crâne.

On peut dès lors imaginer tout aussi bien une manœuvre d’exfiltration de Unity organisée par Hitler, montant le faux suicide, pour présenter celle-ci comme une victime expiatoire des politiciens britanniques bellicistes, tout en la protégeant de la curiosité excessive des autorités anglaises. En septembre 1939, Hitler était confiant sur un écrasement rapide de la Pologne espérant encore une paix des braves avec les démocraties anglaises et françaises dont il avait mesuré l’ampleur des renoncements dans les crises précédentes en Autriche et en Tchécoslovaquie. La paix revenue, Unity serait revenue en héroïne en Allemagne.

Fiction ? Probablement, mais la désinformation lancée par Goebbels selon laquelle Unity avait été assassinée par des agents anglais semble bien participer d’un tel montage et Goebbels était tout sauf un amateur en termes de mensonge. Songeons un instant au pseudo martyr du SA Horst Wessel dont fut tiré le chant nazi officiel du régime. Les vers de mirliton mis en musique sont bien de Horst Wessel, détournés d’un chant communiste, mais Horst Wessel fut tué en 1930, non pas dans une bagarre avec les communistes, mais, petit souteneur, dans une rixe pour une fille. Goebbels en fit un martyr du NSDAP. On pourrait aussi beaucoup écrire sur la mythification du Putsch de 1923 qui vit Hitler, s’enfuir au lieu d’affronter le feu des policiers et se faire surprendre dans l’armoire de l’appartement d’Hanfstaengl où il s’était réfugié. Mais laissons là ces digressions.

On trouvera dans un ultime rapport de Moshe Levy/Erich Müller la clé de ce mystère. Je renvoie donc le lecteur à cette lecture.

Les parents Mitford furent laissés sans nouvelles de leur fille pendant plusieurs semaines. L’ambassade américaine en charge des affaires britanniques depuis l’entrée en guerre ne pouvait être de grand secours. Unity Valkyrie Mitford avait disparue alimentant les théories les plus diverses de la presse à scandale. Ce n’est que le 2 octobre qu’ils reçurent des nouvelles transmises par Teddy von Almasy, le frère de Janos, dont on découvrira le rôle morbide sur la psyché de Unity en lisant le journal de Unity et sa part dans sa fin en lisant les rapports d’Erich.

Ce n’est pourtant qu’après la seconde visite d’Hitler à Unity Valkyrie Mitford, le 10 octobre, quand elle lui aurait demandé à être rapatriée, que les services du Reich prirent contact avec l’Ambassade des Etats-Unis pour les informer de l’état de santé de la patiente et de l’adresse de la clinique et prévenir officiellement la famille Mitford. Unity Valkyrie Mitford aura donc été pendant plus d’un mois l’objet d’un ‘Reichsgeheime’ (secret d’Etat) et d’un total embargo médiatique allemand. Goebbels a toujours su, tactiquement, être patient.

Un curieux Comte Orloff, russe blanc émigré, fera le scoop dans le Sunday Dispatch, le 5 novembre, rompant l’embargo imposé par Goebbels, sur la tentative de suicide de Unity. La presse anglaise se livrera dès lors à moult spéculations sur les conditions du suicide et le rôle supposé d’Hitler.

Le retour annoncé de Unity devint dès lors un événement médiatique national.

Janos Almasy obtiendra de pouvoir accompagner Unity dans son évacuation sanitaire de Munich à Berne dans la clinique du professeur Mati. Peut-être espérait-il s’exiler en Suisse ? Il finira massacré avec sa femme par les soldats communistes en 1945. Incidemment, rappelons la vie aventureuse de son autre frère le fameux László Almásy, le très célèbre aviateur hongrois explorateur du Sahara, homosexuel et membre de l’Abwehr… Une famille d’originaux et de snobs comme les Mitford.

Le coût du rapatriement fit scandale dans la presse populaire britannique. Le wagon médicalisé affrété par Lord Redesdale entre Berne et Calais représentait plusieurs mois de salaire d’un ouvrier. Ce traitement de princesse pour une aristocrate honnie comme la fiancée d’Hitler choqua le peuple britannique. Quelques mois auparavant, Lord Redesdale avait du encore assurer, par voie de communiqué de presse, qu’ « aucun mariage entre Herr Hitler et sa fille n’était envisagé», contribuant à enfler la rumeur.

La protection policière, interdisant l’accès du port de Folkestone, à la foule des badauds et des journalistes, venus assister au retour de la Walkyrie d’Hitler, provoqua des manifestations hostiles.

Lord Redesdale avait en effet fait jouer ses relations et, en particulier, sollicité Oliver Stanley, le Secrétaire d’Etat à la défense, son parent, pour assurer ce ‘lock out’ du port. Stanley sera vivement pris à parti à la Chambre des communes et se défendra piteusement en invoquant l’état de guerre pour justifier les mesures de protection exceptionnelles.

Les images filmées des actualités cinématographiques de l’époque montrent Lord Redesdale, très élégant dans son trench coat et chapeau mou, ses moustaches viriles d’ancien soldat au vent, passant d’un air pressé des appels téléphoniques pour organiser au mieux l’arrivée de sa fille. Le vent de la Manche souffle mais la journée est claire, il ne pleut pas.

On voit ensuite très bien, sur ces images, Unity Valkyrie Mitford allongée sur un brancard porté par deux marins; couverte d’un riche plaid écossais, appuyée sur le coude pour regarder en catimini la foule, elle se couvre par intermittence le visage d’un coin du plaid, mais le regard lucide, l’œil curieux, dur, hostile à cette foule rassemblée d’une jeune femme impeccablement coiffée, ne montrant aucun signe d’épuisement, frappe le spectateur.

Le nationalisme anglais fut exacerbé par une nouvelle provocation de Unity qui ne résista pas à la tentation de faire une ultime provocation à son arrivée, déclarant : «Etre contente de revenir en Angleterre même si je ne suis pas de votre côté».

La foule fâchée de ne pas avoir pu approcher la fiancée d’Hitler s'énerve et conspue le cortège formé de l’ambulance et de la Rolls qui emporte Unity et la famille.

Au bout de quelques kilomètres, l’ambulance suivie par les voitures des journalistes, tombe en panne. Unity monte alors dans la Rolls, l’invalide miraculée est ingambe, dûment photographiée par les Paparazzi. La Rolls franchit enfin les grilles du manoir familial. Fin de cet épisode presque comique, non plutôt grotesque.

Lord Redesdale qui avait assuré refuser les milliers de livres offerts pour des interviews, livre ses impressions, contre espèces sonnantes et trébuchantes, dans la presse et demande qu’on respecte la convalescence de sa fille.

Unity vécut dès lors, recluse, protégée de la presse dans la maison familiale de Old Mill Cottage près de High Wycombe, puis, à partir de 1944, fit retraite dans le manoir sur l’île d’Inch Kenneth en Ecosse. Le manoir, antique, acheté sur un coup de tête par son père à un copain de club, se de dresse sur une île reliée, à marée basse, à la terre par une étroite chaussée. La vieille Lady Redesdale, qui n’avait jamais été très maternelle, se vit confinée à un rôle de garde malade d’une fille que les lettres familiales, complaisamment publiées, décrivent comme une enfant attardée, incontinente, célébrant la messe pour elle même dans la chapelle privée ouverte aux vents. Sa mère âgée maniait l’aviron pour aller chercher les provisions sur le continent. Edifiant !

Lord Redesdale, frappé par la mort de Tom, son seul fils, usé par les frasques de ses filles, ne supportant pas le spectacle de sa fille débile, ayant retrouvé de solides sentiments ‘anti-boches’ pendant la guerre s’opposait à sa femme restée pro nazie; il prit le parti de partir avec une femme de chambre, infirmière et concubine (?).

La famille était rompue.

En vertu de l’ordonnance 18b qui autorise la détention préventive de toute personne soupçonnée d’intelligence avec l’ennemi, Oswald Mosley fut interné le 23 mai 1940, son épouse Diana le 29 juin 1940.

Diana ne pardonna jamais son incarcération à sa sœur Nancy qui avait, dans un accès patriotique, dénoncé aux autorités sa grande proximité avec Hitler, dénonciation appuyée par Lord Moyne, père de Bryan Guiness, l’ex-mari de Diana.

Le premier ministre Winston Churchill nommé le 10 mai 1940 ne les sauva pas de la prison mais aménagea les conditions d’incarcération de celle qu’il appelait par jeu de mots sa jeune « Dynamite ». Après quelques mois de prison des femmes où elle tricotait des pulls pour lutter contre le froid et se plaignait de la pitance, elle put partager une cellule VIP avec son époux Oswald Mosley, cultiver des roses sur son balcon et attendre des jours meilleurs sans jamais rien renier. Libérés en 1943, ils choisirent, après guerre, comme les Windsor, un exil doré en France, le portrait dédicacé d’Hitler trônant dans leur salon parisien. Diana que j’ai réussi à joindre au téléphone, concéda que la Shoah était une erreur mais reprit la doxa nazi pour expliquer que le sort des juifs allemands avait été aggravé par le refus de la diaspora de les recevoir en exil. Quand je lui demandai quel était le souvenir le plus marquant qu’elle gardait d’Hitler, elle me répondit : «ses blagues ! ».

Jessica vit aux Etats-Unis, poursuivant son combat pour des causes libertaires dans le souvenir de son mari et de leur engagement commun dans la guerre d’Espagne.

Nancy a suivi en vain son amant, en France, son grand amour, le compagnon du général de Gaulle, Gaston Palewski et y meuble sa mélancolie par l’écriture de romans de salons à grand succès.

Deborah, la plus jeune des filles Mitford, devenue Duchesse de Devonshire, vend avec succès les produits, notamment les poules, de sa propriété de Chatsworth House et publie comme toutes les sœurs Mitford.

La veine littéraire est un gène familial depuis les grands-parents paternel et maternel.

Tom est mort, en mars 1945, en Birmanie où, refusant de combattre les allemands, il avait obtenu d’être affecté. Il mourut de blessures reçues dans un engagement contre les japonais. Certains de ses amants connurent une vraie réussite sociale comme James Lees-Milne qui devint le grand sauveur des propriétés de la noblesse anglaise en en faisant des monuments ouverts au public.

Des lettres échangées entre les filles Mitford et avec leurs parents, dont la publication fut manifestement sélective et contrôlée, décrivent Unity comme une débile légère, incontinente, qui a tout oublié dont la mère s’est transformée, avec courage et dignité, en nurse. Unity évoque pourtant, selon d’autres témoignages, parfois Hitler, en disant qu’il lui trouvait de jolies jambes. Qui croire ?

Unity fait du vélo, prend les rames sur le canot pour aller faire les courses sur le continent, passe beaucoup de temps à célébrer la messe dans la chapelle en ruine d’Inch Kenneth. Voici la chronique affligée du clan Mitford, complaisamment confortée par lettres et courriers publiées post mortem, mais divers faits laissent apercevoir d’étranges zones d’ombre dans ce tableau.

Une photographie, prise le 19 avril 1941, montre Unity, habillée très élégamment, sortant de l’église où elle avait assisté au mariage de ‘Debo’ avec le fils cadet du Duc de Devonshire, l’une des plus hautes et riches fortunes britanniques. Son port est droit, sa démarche aisé, encore séduisante, son regard ne fuit pas l’objectif du photographe. Ce cliché fit d’ailleurs réagir les tabloïds qui s’étonnèrent, qu’aux heures les plus sombres de la guerre, l’égérie d’Hitler puisse ainsi parader. Le gouvernement fur interpellé aux Communes à ce sujet mais jugea inutile de changer quoi que soit au statut de femme libre de Unity. Étonnante indulgence alors que sa sœur Diana se morfond en prison !

Le 27 novembre 1942, Nancy organise une soirée en l’honneur d’Unity qui a fêté quelques mois avant ses trente-huit ans. Les témoins décrivent le comportement excentrique de Unity qui aurait déclaré se surprendre de détester le Blitz alors qu’elle souhaite mourir.

Plus troublant est la liaison amoureuse nouée par Unity avec John Sidney Andrew, lieutenant de la Royal Air Force, pilote d’essai.

Les rencontres entre Unity et le pilote, qui était marié, firent jaser d’autant que Unity prétendait qu’il était son amoureux. Les rapports de police locale transmis au MI5, relatent les balades en vélo de Unity dans la campagne où elle interpelle des pilotes pour les interroger.

Sa rencontre avec John Sidney Andrews, pilote de test, basé à Brize Norton, est datée du 11 septembre 1941 soit six mois après l'atterrissage très médiatisé de Rudolf Hess.

Dès la découverte de la relation par le Mi5, le lieutenant fut éloigné en urgence. Sa trace se perd. Il mourut, semble-t-il, en mission. Cette idylle nous informe que Unity était restée sous la surveillance, un peu lâche, mais sous la surveillance du contre-espionnage britannique.

On peut se surprendre que le Mi5, qui avait fort à faire à démasquer les agents introduits par les nazis en Angleterre, ait jugé utile de filer une soi-disant grande malade tombée en enfance.

Rappelons que Guy Liddel, chef du Mi5 s’était, au retour de Unity, publiquement heurté au ministre de l’intérieur qui lui refusait l’accès à Unity Valkyrie Mitford alors qu’il souhaiter la débriefer. On peut comprendre son incompréhension qu’il lui ait été refusé l’accès à une ressortissante anglaise qui quelques semaines auparavant avait parlé au dirigeant du pays qui venait d’entrer en guerre avec le Royaume Uni !

Le fait qu’Hitler ait continué, quelques mois après le retour de Unity en Angleterre, à communiquer avec elle via des intermédiaires portugais peut expliquer ce traitement policier. Hitler n’oublia jamais complètement Unity, évoquant sa naïve sincérité à l’occasion, mais Hitler tournait rapidement la page comme en témoigne le fait qu’après une très brève dépression de quelques jours après le suicide de sa nièce Geli, il ait repris ses meetings électoraux. Hitler se laissait aimer et aduler mais il n’aimait pas.

L'atterrissage rocambolesque de Rudolph Hess, le 10 mai 1941, en Ecosse est sans lien connu avec Unity Valkyrie Mitford même s’ils s’étaient rencontrés à plusieurs reprises, Hess étant le dauphin désigné d’Adolph Hitler jusqu’en 1er septembre 1939, date à laquelle il devint numéro trois, Goering étant désigné successeur officiel. On peut pourtant bâtir une hypothèse que rien, je le précise, dans de concret ne vient épauler dans les biographies ‘officielles’, mais que je livre au lecteur. Unity, inspirée par l’odyssée de Hess, aurait conçu le plan de s’enfuir d’Angleterre pour rejoindre Hitler.

Le vol, en temps de guerre, d’Angleterre vers l’Allemagne, était risqué mais possible, comme l’avait démontré Hess. A cette fin, elle aurait séduit John Sidney Andrews, un pilote très expérimenté puisque d’essai de la Royal Air Force, basé à Brize Norton à quelques kilomètres de la résidence Mitford prés de Burford dans l’Oxfordshire. Rudolph Hess était lui-même un très bon pilote qui avait longuement préparé son périple vers l’Angleterre où il espérait, sur la foi de discussions avec son ami Albrecht Haushofer, fils du professeur Karl Haushofer qui inspira largement à Hitler les développements de Mein Kampf sur le ‘Lebensraum’, espace vital revendiqué par les nazis à l’Est, arracher une paix des braves au roi George VII, le roi bègue mais autrement estimable que son gandin de frère aîné, Edouard VII, le roi tombé sous la domination sexuelle de Lady Simpson, ancienne entraineuse de bordels de Macao. «D’une vénération canine» pour Hitler, selon la formule du sous-secrétaire d’Etat américain Summer Welles, Hess était blessé comme une femme abandonnée par le désamour d’Hitler qui se consacrait à la guerre. Qu’il entreprit cette odyssée avec l’assentiment d’Hitler ou dans son ignorance, cela reste un geste d’amour que durant toute sa vie d’emprisonnement, il ne regrettera jamais. Hess mourut sans jamais avoir renié sa foi en Hitler.

La complicité de John Andrews, l’amant de Unity, le pilote de la RAF, put être acquise par amour mais rien n’interdit d’imaginer qu’il aurait été manipulé par les services secrets allemands et donc que la fuite de Unity aurait été organisée par Hitler lui-même.

J'admets que cette hypothèse repose sur un faisceau de conjectures plus hypothétiques les unes que les autres mais n’oublions pas le plan Windsor organisé par les nazis qui visait à faire enlever au Portugal le Duc de Windsor, pro nazi notoire. Winston Churchill ressentit le besoin de faire affecter en urgence le Duc de Windsor aux Bahamas, hors de portée d’un coup de main des commandos nazis. Hitler nourrissait alors encore l’espoir que le peuple anglais, épuisé par les bombardements allemands, puisse soutenir un renversement du cabinet Churchill par un Halifax ou un autre politicien pacifiste anglais prêt à faire la paix. N’oublions pas que nous nous situons en 1941 alors que les armées allemandes enchaînaient victoires sur victoires et que Winston Churchill sauva son poste de justesse par des discours remobilisant avec difficulté une Chambre des communes parfois prête à céder à la tentation d’une ‘paix des braves’ proposée par Hitler par divers intermédiaires secrets.

Chronologiquement antérieure, il convient de tordre ici le cou à la rumeur d’un enfant de Unity, enfant dont certains attribuent la paternité à Hitler. Du séjour avéré de Unity dans une clinique qui faisait aussi office de maternité, proche de la résidence des Mitford, certains ont imaginé un accouchement secret. Cette rumeur ne repose que sur un témoignage par ouï-dire, d’une confidence reçue par un témoin d’un membre de sa famille, décédé à la date de l’interview, reçu par un journaliste d’enquête de la chaine 4 britannique, donc très douteux. Que Unity ait pu tomber enceinte avec l’un de ses nombreux amants SS est possible mais non certain car elle utilisait des moyens contraceptifs. Qu’elle soit revenue d’Allemagne, grosse et ait accouché quelques mois après en Angleterre est peu crédible au regard de la simple chronologie. Qu’elle ait été fécondée des œuvres de son lieutenant de la RAF ou d’un autre amant n’est que conjecture. Bien évidemment, si je souhaitais bâtir un roman à clé, la solution s’impose : Unity, enceinte d’Hitler, accouche mais perd l’enfant. Hitler qui n’aurait appris sa paternité qu’après le retour de Unity, décide de l’exfiltrer et, à cette fin, fait trahir un pilote de la RAF pour la ramener en Allemagne. Mon article devrait alors s’intituler l’enfant caché d’Hitler mais je ne crois pas à cette hypothèse. Je renvoie le lecteur au visionnage de l’émission de la Channel 4 cité dans la bibliographie. Qu’il se forge sa propre conviction.

Venons-en maintenant aux circonstances plus que curieuses de la mort de Unity.

Exposons d’abord la thèse officielle. Unity souffrit d’une méningite provoquée par un brutal réveil de la balle fichée dans son cerveau et malgré les soins du médecin de famille fut emporté en moins de quarante-huit heures. Le médecin de famille ne ressentit pas le besoin d’ordonner une autopsie et délivra le permis d’inhumer.

C’est la version officielle de la famille.

Une lecture attentive et médicale des circonstances du décès suggèrent une autre interprétation. La cause du décès porté sur le permis d’inhumer est méningite purulente. La famille mettra cette méningite sur un ‘réveil’ brutal de la vieille blessure. Des détails sur la maladie de Unity permettent de douter de ce diagnostic. Mi-mai, Unity souffrit d’une fièvre puis de sévères maux de tête et de vomissements. La presqu'île d’Inchkenneth étant coupée de la cote par un fort vent, le médecin n’intervint qu’après quelques jours. Il prescrivit du sulphathoazole, une molécule utilisée pour tuer les bactéries dans les piscines et, selon certain biographes, contre la gonorrhée !? Transportée d’urgence de l’île d’Inchkenneth à l‘hôpital West Highland Cottage d’Oban, sur le continent, Unity y est traité par pénicilline mais décède le 28 mai 1948 avant son transfert à l’hôpital de Killearn. Le médecin, conscient de sa bévue, aurait-il délivré un permis d’inhumer qui lui permit de dissimuler sa bourde ou a-t-il cru à la ‘fable’ de la balle se réveillant après neuf ans et cause de la méningite ? L’erreur de prescription me semble plus crédible que celle d’une balle, cachée sans dommages pendant toutes ces années, provoquant une méningite sans cause externe, même si la balle cachée fatale est plus romanesque.

Unity repose en paix avec ses sœurs, à l’exception de Jessica, dans le cimetière de Swinbrook

Sur sa pierre tombale sont gravés quelques vers :

«Say not the struggle naught avail»

(Ne dites pas que la lutte fut inutile)

choisis par Lady Redesdale comme une ultime provocation (?).

Unity continue à briller comme un astre mineur de la galaxie Mitford qui continue à occuper des blogs britanniques comme la référence absolue pour être ‘up’ comme disaient les très snobs sœurs Mitford. La diaspora Mitford est étonnante avec les fils de Diana Mitford et Oswald Mosley dont l’un fut célèbre comme patron contesté et scandaleux de la FIFA, une petite nièce mannequin ayant hérité de la grande beauté Mitford, des tirages encore importants des ouvrages de Nancy, la respectabilité retrouvée grâce à Deborah, comtesse de Devonshire.

Les errements antisémites de la famille Mitford, les débauches de Unity sont soigneusement gommées par les thuriféraires. Le lecteur découvrira à la lecture du journal de Unity, même très autocensuré, et des rapports d’Erich Muller/Moshe Levy, une toute autre Unity, irresponsable, immature certes mais qui a embrassé totalement la folie nazie.

Née avec la première guerre mondiale, décédée en 1948, Unity Valkyrie Mitford aura, contre son gré, survécu à son idole dont elle aura applaudi l’essor et pleuré la chute.

Actrice de la ‘fabrique Mitford’ ou, devrait-on dire, de l’agence de publicité Mitford qu’animait Lady Redesdale, elle rechercha le scandale avec la vergogne d’une aristocrate méprisant mais recherchant le qu’en dira-t-on. Unity Valkyrie Mitford faisait vendre et les journaux adorent.

Passionaria du nazisme, Unity Valkyrie Mitford croyait incarner un destin, elle ne fut qu’une pièce dans la désinformation du régime nazi vers la Grande-Bretagne, proposant un partage du monde entre ‘nations supérieures cousines» pour mieux flatter le camp politicien pacifiste, se prétendant le seul rempart au communisme pour rallier les milieux conservateurs. La manipulation échoua sur la lucidité tardive de Neville Chamberlain, conscient d’avoir été berné à Munich, et sur la lucidité prémonitoire de Winston Churchill.

Ironiquement, Unity qui fut beaucoup plus intime avec Hitler que sa sœur Diana, qui s’affirma, corps et âme, comme une prosélyte ardente du national-socialisme ne fut pas inquiétée à son retour en Grande-Bretagne et y vécut neuf ans à l’abri des curiosités du contre-espionnage britannique tandis que sa sœur fut internée durant toute la durée de la guerre. Le rapport du Secret Information Service justifie cette différence de traitement en décrivant Diana comme «un danger public… bien plus intelligente et beaucoup plus dangereuse que son mari, elle ne reculera devant rien pour atteindre ses ambitions». Unity apparaît bien plus naïve. «Une image entre une publicité de mode et un archange empêché», voici comment la décrit un de ses intimes de la période munichoise.

En mai 1939, un rapport du MI5 sur Unity Valkyrie Mitford concluait ainsi : «Elle parait une personnalité fondamentalement hystérique et déséquilibrée qui ne serait probablement d’aucune utilité pour les Allemands pendant une guerre». Effectivement, la guerre certaine, Goebbels pouvait livrer ouvertement son opinion sur Unity Valkyrie Mitford, opinion formulée en privé dès 1935 : «une nuisance».

Quand elle mourut en 1948, les dirigeants nazis qui l’utilisèrent comme pion, pas comme une reine, dans leur rivalité, les Canaris, Heydrich, Goebbels, Himmler étaient morts.

Hitler l’avait presque oublié ne l’évoquant que rarement pendant la guerre, regrettant en quelques occasions, la sincérité de son engagement pour le régime national-socialiste.

«Moi je veux la guerre… Nous ne capitulerons jamais. Nous succomberons peut-être mais nous entraînerons un monde dans notre chute» déclarait, dès 1932, Hitler à Rauschning.

Hitler qui n’a probablement jamais tué une seule personne de sa vie, même pendant la guerre car il servit, courageusement, comme estafette, avait provoqué la mort de 60 millions de morts dont 6 millions de juifs, allant jusqu’à vouer son propre peuple aux gémonies, s’était suicidé dans son bunker.

Se rêvant actrice de la ‘grande histoire’, Unity Valkyrie Mitford n’en fut qu’un pion mais un témoin privilégié de la ‘petite histoire’, partageant l’intimité des Goebbels et d’Hitler.

Échouant dans son fantasme d’être la Walkyrie d’Hitler, elle ne l’aura pas précédé dans le Walhalla.

S’étant rêvée l’égérie de celui qu’elle désignait comme «l’Empereur d’Europe», elle n’en fut que la groupie.

Journal de Unity Walkyrie Mitford

30 janvier 1933

4 septembre 1939

1933

30 janvier

Pourquoi ce journal ?

Adolf Hitler vient d’être nommé Chancelier par le vieux Hindenburg.

J’ai décidé de commencer ce journal pour marquer cette date heureuse et retracer mon engagement au service de la cause fasciste depuis mon adolescence.

Je m’appelle Unity Valkyrie Mitford, Unity du nom de Unity Moore, une actrice admirée par TPOF (ma mère, pour ceux qui ne connaissent pas les acronymes Mitford), Valkyrie sur la suggestion de Barty, mon grand père paternel, qui convainquit TPOF (mon père), revenu anti-Teuton de la guerre, que les Walkyries étaient des vierges scandinaves et non allemandes.

Je suis née en 1914. La rumeur familiale raconte que j’ai été conçue pendant une décevante campagne d’exploration de mes parents dans la concession minière qu’ils possédaient alors dans la petite ville de Swastika dans l’Ontario canadien. J’étais donc prédestinée à aduler le Führer !

31 janvier

Barty

Je dois ma conviction nazie à Barty, mon cher grand père paternel, même si je ne l’ai pas beaucoup connu puisqu’il est mort en 1916… mais il m’a laissé une bibliothèque que j’ai lu avec passion dès mon adolescence. C’est donc à lui et non à mes parents que je dois ma formation intellectuelle et politique, ceux-ci ayant abandonné leurs six filles à Blor, notre nurse, qui nous laissait vivre à notre guise.

Algernon Bertram Freeman-Mitford, donc, 1er Baron Redesdale, mon honorable grand père, 'Barty' pour la famille, avait été diplomate de carrière. En poste, à Saint-Pétersbourg puis, à deux reprises, pendant plusieurs années, au Japon, la saga familiale lui prêtait des bâtards nés d’une maîtresse geisha. Vraie ou fausse rumeur, il est certain que Barty était coureur de jupons pas uniquement de kimonos. Chez nous, on blague sur la ressemblance entre Tom, mon frère et Randolph Churchill, notre petit cousin. Barty, vrai Casanova, aurait, dit-on, eu comme maîtresse deux des trois sœurs Hozier : Clémentine et Blanche. Blanche Hozier est la grand-mère de Clémentine Hozier, l’épouse de Winston Churchill, le père de Randolph donc nous sommes petits neveux ou un peu plus… allez savoir. Cela n’empêche pas Randolph de courtiser Diana, ma sœur, la reine de beauté...

Je dois aussi à Barty ma passion pour Wagner. Barty, découvrant la musique géniale de Wagner lors de sa rencontre avec Houston Stewart Chamberlain écrivit : « Wagner tient l’esprit de ses auditeurs dans le ravissement de son génie… les premiers chrétiens dans les catacombes n’ont pas été plus sous une emprise plus grande». On ne saurait pas mieux dire !

Barty m’a laissé ses souvenirs de diplomates à lire mais surtout il m’a permis de découvrir très jeune Les Fondements du XXe siècle du susdit Chamberlain qu'il admirait et avait préfacé dans une traduction anglaise. Je garde précieusement l'exemplaire de cet ouvrage que lui avait dédicacé de l’auteur lors de leur rencontre à Bayreuth. J’ai souligné les passages clés notamment celui-ci : « Les Teutons son l’un des plus grands, peut être le plus grand pouvoir de l’histoire de l’humanité, on ne peut le nier... mais les Teutons ont été contaminés par le mélange avec des métis non Aryens et des Juifs… aucun argument au nom d’une prétendue ‘humanité’ ne peut détourner du combat contre ce métissage… ».

Adolf Hitler, dans son Mein Kampf, dont j’ai souligné aussi les passages les plus importants, reconnaît l’influence de cet ouvrage sur sa pensée. Chamberlain, fils d’un amiral anglais, avait choisi la nationalité allemande et épousé Eva, fille de Richard Wagner. Adolf Hitler lui a rendu visite, je dirai même a fait pèlerinage en 1923. Chamberlain après cette rencontre a envoyé à Hitler une lettre, dont je ne résiste pas à citer quelques passages dans ce journal : « … Votre regard est comme une main qui agrippe et tient une personne…. Vos mains sont si expressives dans leurs mouvements… L’Allemagne, à cette heure où elle en a le plus grand besoin, a donné naissance à Hitler, preuve de sa vitalité… ».

2 février

William Blake

Plus encore que la lecture, j’aime avant tout la peinture et le dessin. J'ai feuilleté, avec un sentiment coupable mais passionné, dès mes dix ans, les ouvrages reproduisant les tableaux de William Blake et de Hieronymus Bosch de la bibliothèque grand-paternelle. J’avais dans la bibliothèque une paix royale car mes parents ne lisant pas, n’y pénétraient jamais. Nancy écrit des romans mondains, mais c’est une autre histoire, j’en reparlerai à l’occasion. J’'ai dessiné très tôt, grâce à un don naturel, au grand scandale des mes sœurs, des hommes et des femmes nus qui s'accouplaient, prétendant hypocritement que c'étaient des anges. J'ai été une seule fois félicitée, allez savoir pourquoi, par les parents pour avoir dessiné Abraham semant à tout va ! Curieux succès pour une future antisémite !

J’ai appris par cœur les poèmes de Blake que je m’amuse à citer à mes sœurs et à mes parents qui ne comprennent rien à cette poésie mystique. Un de mes passages favoris est le suivant : « Ton amitié m'a souvent fait souffrir; sois mon ennemi, au nom de l'amitié...».

3 février

Le Juif Süss

Grâce à Barty, j’ai compris le danger juif en lisant son exemplaire du livre Le Juif Süss de Léon Feuchtwangler. Mes parents ne recevaient que des aristocrates comme nous. C’est un peu comme dans Mein Kampf où Hitler écrit avoir aperçu son premier juif «un être hideux en caftan» lors de son arrivée étudiant à Vienne. Moi c’est dans Le Juif Süss que j’ai fait leur connaissance.

Il faut dire que des Juifs, on en voyait jamais à la maison.

Pour être honnête, il faut ici avouer qu’on est passé très près d’une mésalliance et d’un métissage dans la famille ! On raconte encore, à voix basse, l’histoire du mariage, célébré en 1914, mais heureusement non consommé car rompu au retour d’un voyage de noce calamiteux à Venise, de mon grand oncle Jack, l’oncle de Muv, avec une Marie-Anne Friedlander-Fuld, héritière de l’homme le plus riche de Berlin à l’époque. Heureusement, cette tante juive ne compte donc pas car elle est entrée et ressortie de la famille de manière morganatique. Ce mariage demeure pourtant dans la mémoire Mitford, comme une maladie honteuse dont nous avons guéri.