Adolf - Jose Miguel Rodriguez Calvo - E-Book

Beschreibung

Récit plein d'humour et de dérision, mais aussi franche critique, sur l'indifférence et mépris de notre minable et parcimonieuse société, à l'égard de nos malheureux dans abris. Moments qui vous rire ou sourire, et d'autres qui pourraient vous arracher une petite larme. Synopsis: Adolf, un miséreux et indéfinissable chien bastard, accompagne et partage la piteuse vie de Charles et Arthur, deux valeureux clochards, dans les multiples péripéties de leur misérable vie Parisienne.

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« À nos frères d’infortune »

« À nos petits Anges »

Ce Récit est une fiction.

Toute ressemblance avec des faits réels, existants ou ayant existé, ne serait que fortuite et pure coïncidence.

Le Code de la propriété intellectuelle interdit les copies ou reproductions destinées à une utilisation collective. Toute représentation ou reproduction intégrale ou partielle faite par quelque procédé que ce soit, sans le consentement de l'auteur ou de ses ayants droit ou ayant cause, est illicite et constitue une contrefaçon, aux termes des articles L.335-2 et suivants du Code de la propriété intellectuelle.

Synopsis

"Adolf" un miséreux et indéfinissable chien bâtard, accompagne et partage la piteuse vie de Charles et Arthur, deux valeureux clochards, dans les multiples péripéties de leur misérable vie Parisienne.

Sommaire

Chapitre 1

Chapitre 2

Chapitre 3

Chapitre 4

Chapitre 5

Chapitre 6

Chapitre 7

Chapitre 8

Chapitre 9

Chapitre 10

Chapitre 11

Chapitre 12

Chapitre 13

Chapitre 14

Chapitre 15

Chapitre 16

Chapitre 17

Chapitre 18

Chapitre 19

Chapitre 20

Chapitre 21

Chapitre 22

Épilogue

1

PARIS Place Georges Pompidou 4e arrondissement.

— Eh ! t’as pas un Euro ou deux ?

— T’as vu Arthur, il ne s’est même pas retourné ce connard !

— Va te faire foutre !

Charles Duval, clochard de son état, erre dans les rues de Paris depuis on ne sait plus, et peu importe, accompagné depuis longtemps de son ami Artur, et son inséparable chien, un bâtard dont même les plus hautes éminences en la matière, seraient bien embarrassées pour déterminer les possibles croisements. Certainement un chiot issu de plusieurs générations de bâtards eux-mêmes.

« Putain de vie ! J’en ai marre de tout, de ce quartier, de cette ville et de ce pays. Il n’y a pas de justice, c’est toujours les mêmes qui possèdent tout : l’argent, les belles voitures, les magnifiques appartements, et les plus jolies femmes ».

Nous les marginaux, on nous traite comme des moins que rien, c’est tout juste s’ils ne nous exterminent pas, pour ne pas gâcher la vue de ces nantis. Tous ces messieurs de la haute, ces pimpants et sophistiqués gracieux, qui promènent leur embonpoint sans le moindre complexe, en ostentatoire signe de richesse, avec leur insupportable arrogance et snobisme.

Je me demande ce que j’ai bien pu faire au Bon Dieu, pour qu’il m’inflige cette minable et piteuse existence. Regarde un peu ces fringues et cette allure que je me trimballe, et je ne parle pas de cette odeur infecte qui empesterait une boutique de parfumerie. Même moi je ne la supporte plus, et la prochaine douche dans leurs centres crasseux, n’est pas prévue avant une bonne quinzaine. Quant à mon consubstantiel pote Artur, il n’est pas en reste, avec son immonde casquette vissée sur la tête, dont on distingue à peine le blason du « Real Madrid », et ses cheveux blancs, attachés en queue de cheval depuis des années. C’est simple : je ne l’ai jamais vu autrement. C’est à croire qu’il a peur de ne plus savoir la refaire. Et son vieil accordéon, qu’il avait d’après ce qu’il dit, jadis troqué à des gitans, contre une montre trouvée dans une benne à ordures. Et ne parlons pas de son inséparable « sac à puces », qui par sa seule présence, nous interdit l’accès aux miteux et bien camouflés centres d’hébergement où nous pourrions passer quelques nuits au chaud.

J’exagère peut-être un peu, tout n’est pas si mauvais, après tout. Il est vrai que je suis libre d’aller et venir où bon me semble : pas de patron sur le dos, pas d’horaire à respecter, ni de justificatifs à fournir. Et puis, au moins je ne suis pas enfermé dans leurs bureaux climatisés et aseptisés. Moi je respire le bon air pur. Je dois avouer que là, j’ai peut-être un peu forcé le trait : parler « d’air pur », ici à Paris, c’est un doux euphémisme.

Mais bon, avec Arthur, il nous arrive quelquefois, de bien nous marrer, surtout lorsqu’on a un petit coup dans le nez. Autrement dit, tous les jours. On ne se gêne pas pour faire quelques compliments aux jolies femmes, qui passent à notre portée. Il faut dire que depuis notre stratégique point de vue, assis par terre, rien ne nous échappe. Même si l’on ne roule pas sur l’or, nous arrivons toujours à boucler notre budget. Il est vrai que la bouffe n’est pas toujours extra, mais nous ne mourons pas de soif, et vous l’avez sans doute deviné surtout pas d’eau, nous en prenons déjà assez sur la tête. C’est vrai qu’une partie vient des généreux dons que certains passants nous jettent dans notre gamelle. Je ne voudrais pas être mauvaise langue, mais je suspecte que c’est surtout la meilleure manière qu’ils ont trouvé, pour se débarrasser des encombrantes petites pièces jaunes. Pour le reste, c’est le fruit de notre dur labeur. Eh oui, nous travaillons, et très dur, même.

Il faut nous voir, lorsqu’on donne nos éloquents et laborieux concerts dans les couloirs du métro, et ce que je qualifierais de « à domicile », c’est-à-dire directement à l’intérieur des rames, ce qui en soi est un véritable exploit, si l’on considère les intempestifs balancements et oscillations qui nous obligent à toujours garder notre équilibre pour éviter les fausses notes. Le seul souci est que notre répertoire est assez limité. Arthur ne connaît que deux morceaux, et encore, très incomplets : seulement les refrains du

« Ah ! le petit vin blanc », et « Boire un petit coup c’est agréable ». D’après lui, c’est tout ce qu’il peut faire, étant donné qu’il manque quelques touches à son accordéon, grignotées par « Adolf », son chien, qu’il a surnommé ainsi, à cause de sa mèche rebelle sur le côté. Moi je suis le crooneur du groupe. C’est bien dommage que mon musicien manque d’envergure. Je connais presque tout le répertoire des « chansons à boire », j’aurais pu faire carrière dans le « showbiz » c’est sûr, mais que voulez-vous, aucune bonne fée ne s’est jamais penchée sur mon berceau. Et pour cause je crois qu’autant que je me souvienne, j’ai toujours dormi à même le sol, c’est certainement la raison pour laquelle je continue à le faire.

C’est vrai que les habitudes sont parfois tenaces, on ne les change pas comme cela, aussi facilement. Ma mère, trop occupée à recevoir des visites de messieurs inconnus, a décidé un beau jour de me laisser emmitouflé dans une couverture devant la porte de l’église « St. Merri », rue Saint-Martin, d’où mon attachement au quatrième arrondissement, que je considère comme mon chez-moi, et duquel j’ai bien du mal à m’éloigner. Il est vrai que je connais le moindre recoin de ce centrique pan de la capitale. Je pourrais même, si je voulais, devenir guide pour touristes. Bon, c’est une idée qui m’a effleuré l’esprit, mais je ne me suis pas rabaissé à la proposer en haut lieu, après tout ils n’ont qu’à me le soumettre. On a sa dignité et son amour-propre quand même ! Mais connaissant très bien, ces gentils fonctionnaires, je doute fort de leur empressement à me confier un quelconque emploi. Je ne voudrais pas être médisant mais je les soupçonne fortement de réserver le moindre poste à l’un de leurs proches. Que voulez-vous, après tout pourquoi les blâmer s’ils préfèrent travailler en famille.

2

Même si notre territoire de chasse préféré est le quatrième arrondissement, c’est-à-dire l’enclave située entre le Boulevard de Strasbourg et la Place de la Bastille, complètement encerclée par les premier, troisième, cinquième, onzième et douzième arrondissement, il nous arrive bien entendu de nous aventurer bien au-delà de notre zone de confort, dans d’autres territoires inconnus comme les dix-huitième, dix-neuvième, ou pire : le seizième.

En parlant du seizième, j’ai une anecdote qui me vient à l’esprit. Nous étions tous les trois, c’est-à-dire, moi, Adolf et Arthur, et avions tenté de nous exhiber dans l’un des beaux quartiers pour la Fête de la musique.

Je me souviens parfaitement, c’était « avenue Foch », je ne sais pas si vous connaissez. C’est vrai que l’on avait fait des efforts inhumains pour faire bonne impression, quelquefois qu’un imprésario ne passe par là et nous remarque, on ne sait jamais, alors nous avons donné du volume et de la voix : même Adolf s’y était mis. Nous n’avons pas lésiné sur nos efforts, et débité une bonne cinquantaine de fois notre répertoire. Seulement, je ne sais pas ce qui a cloché, puisque vers deux heures du matin, sans crier gare, nous avons reçu une volée de seaux d’eau sur la tête, et non contents de leur blague douteuse, ils nous ont envoyé toute la brigade de Police de l’arrondissement. C’est bien ce que je pensais. Ces gens-là ne sont pas comme vous et moi : ils n’ont aucun sens de l’humour. Les flics non plus d’ailleurs. On avait beau leurs expliquer que nous célébrions la Fête de la musique, ils n’ont rien voulu savoir. Ils nous ont embarqué sans le moindre ménagement, prétendant que nous étions en septembre. Ah si « Jack Lang » avait vu ça ! Seulement, tous les jours ne sont pas « jour de fête », loin de là. Surtout en période hivernale. Les quelques badauds qui se risquent à mettre leurs nez dehors, accélèrent le pas déjà marathonien des Parisiens. Le passage diminue, et notre rentrée d’argent avec lui, bien entendu. Plus de flâneries sur les trottoirs ensoleillés comme au temps chaud. Il faut voir ces dames emmitouflées dans leur manteau de fourrure, avec leurs collerettes en « chinchilla » et leurs mains gantées. Pensez-vous qu’elles diminueraient le pas un instant pour laisser tomber une pièce ? Non, bien sûr que non ! Elles ont bien trop à faire. Ce soir, elles vont certainement au théâtre, au restaurant, ou les deux, et elles doivent parfaire leurs chevelures.

« Ma très chère, ça fait deux jours que je n’ai pas vu mon coiffeur, c’est inouï ».

Inouï, inouï ! Quel drôle de mot. Je ne peux pas m’empêcher de me moquer lorsque je l’entends. Et c’est toujours le même genre de personnes qui l’utilise. Il n’est pas le seul, j’en ai une collection.

« Ahurissant, incroyable, sublime, ravissant, craquant, prodigieux » et la liste est longue. « Chic, huppé » … Bon je m’arrête là, je suppose que vous avez saisi.

C’est à chaque fois ces femmes, la cinquantaine bien tassée, qui, lorsqu’elles sortent en bande, seules ou accompagnées de leurs maris, « maris, au sens large du mot », débitent cette espèce de langage précieux et quelque peu hautin, qui leur sied si bien.

Pour nous, enveloppés dans nos cartons, par moins dix, on se moque et on rit, mais intérieurement seulement. Pas question de gaspiller nos forces.

Pourtant, nous aussi on pourrait se venter et jouer les dédaigneux : il nous arrive bien souvent de dormir dans des cartons « Lacoste, Louis Vuitton ou Hugo Boss ».

Et alors ? On ne s’en vente pas pour autant.

3

Seulement, ne vous y trompez pas, ce n’est pas parce que j’essaie de faire bonne figure, et prendre cela avec un tant soit peu d’humour, que la vie est facile, pour nous les éternels oubliés de la société, les rebus du système, les laissés pour compte de l’humanité. Cette dédaignable espèce, que l’on voudrait dissimuler à tout prix par n’importe quel moyen.