L'ondine d'Arradon - Bernard Larhant - E-Book

L'ondine d'Arradon E-Book

Bernard Larhant

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Beschreibung

Ondine Conti, 44 ans, est une légende de la natation avec l’or olympique et une carrière sans la moindre défaite. Après la compétition, elle devient femme d’affaires à la tête de la société Ondine spécialisée dans les maillots de bain. Un matin, on découvre son corps à la pointe d’Arradon, dans le golfe du Morbihan. Un mois plus tard, les gendarmes n’ont pas encore identifié le coupable. Aussi la psycho-criminologue Agnès Delacour arrive à la rescousse. Qui était visée ? La star des bassins ou la femme d’affaires ? Voilà la première interrogation à laquelle va devoir répondre celle que tous nomment la Profileuse. Ce ne sera pas la seule question, avant l’étonnante vérité.


À PROPOS DE L'AUTEUR

Bernard Larhant est né à Quimper en 1955. Après un premier roman intimiste, il se lance dans l’écriture de polars avec les enquêtes bretonnes d’un policier au parcours atypique, Paul Capitaine, épaulé par sa fille Sarah. C’est ici le second roman avec "la profileuse Agnès Delacour", après "Un pavé dans la Loire" en 2011.

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Couverture

Page de titre

Cet ouvrage de pure fiction n’a d’autre ambition que de distraire le lecteur. Les événements relatés ainsi que les propos, les sentiments et les comportements des divers protagonistes n’ont aucun lien, ni de près ni de loin, avec la réalité et ont été imaginés de toutes pièces pour les besoins de l’intrigue. Toute ressemblance avec des personnes ou des situations existant ou ayant existé serait pure coïncidence.

PROLOGUE

Lundi 5 juin 2023, 9 h 20 – Quelque part entre la gare de Vannes et la gendarmerie de Saint-Avé (56)

Chaque fois qu’elle quittait Nantes pour une mission de conseillère technique en Bretagne, la commandante de police Agnès Delacour avait une boule au ventre. Quel que soit le lieu, quelle que soit l’affaire. Sitôt installée dans la voiture dont le chauffeur l’avait acceptée en covoiturage jusqu’à destination, puisqu’elle ne disposait pas d’un véhicule personnel et avait eu quelques déboires avec les horaires de train, elle passait du mode détente du week-end à la fonction travail du début de semaine, et cela ne s’effectuait pas sans une réaction interne d’angoisse incontrôlable. Ce n’était pas l’enquête par elle-même qui la tracassait, mais davantage la première réaction de l’équipe avec laquelle il lui serait demandé de travailler. Apprendre l’arrivée d’une psycho-criminologue, analyste comportementale, pour épauler des hommes de terrain aguerris dans le suivi d’un dossier, la nouvelle faisait fatalement froncer les sourcils des détenteurs du dossier.

Depuis maintenant cinq ans, la commandante – elle tenait à cette féminisation de l’appellation – œuvrait ainsi, sur ordre de sa hiérarchie, en divers coins de l’ouest de la France et parfois aussi à Paris ; mais là, c’était une autre histoire, un peu plus compliquée. À ce jour, elle était parvenue à résoudre toutes les énigmes qui lui avaient été confiées, même les plus complexes, à déjouer les pièges les plus machiavéliques ; en revanche, elle n’avait que trop rarement réussi à se faire totalement accepter par les OPJ du secteur, policiers ou gendarmes, et ce constat navrant la tourneboulait, même si la réaction de l’équipe ne la surprenait pas. Pour beaucoup, cette réserve relevait de son tempérament indépendant, de sa personnalité clivante, pour le reste, elle exprimait le scepticisme des interlocuteurs à son égard. Au fil des dossiers traités, elle tentait de mettre un peu d’eau dans son vin, mais on ne se refaisait pas à la quarantaine passée.

Elle ne savait dire ce que ses interlocuteurs lui reprochaient réellement, et cela lui importait peu, à l’instant des adieux, à partir du moment où elle avait rempli sa mission avec succès. Après tout, elle n’avait de comptes à rendre qu’aux personnes qui l’avaient mandatée pour la résolution de l’affaire bouclée. En revanche, elle aimerait être une autre femme, plus diplomate, plus avenante, plus empathique. Une gageure. Pas facile de dialoguer avec des gens à propos desquels vous savez à peu près tout de la personnalité et des idées cachées, au premier regard. Les hommes comme les femmes. Ceux ou celles qui pensaient leurs secrets à l’abri, ceux ou celles qui la prenaient de haut, se plaçant dans un rapport de force. Ceux et celles qui la trouvaient bien foutue, assez bandante, même si elle était le plus souvent mal accoutrée. Ceux et celles qui se méfiaient d’elle, sans savoir exactement qui elle était, sans rien avoir à se reprocher, sans tenter de la draguer, juste par vigilance instinctive. Agnès n’était à sa place dans aucun groupe, en compagnie de quasiment personne, c’était une solitaire. À peine tolérait-elle un binôme pour faire la fête, le week-end arrivé et l’affaire résolue.

Pour nombre de ses collègues, elle était la profileuse, une enquêtrice différente de toutes les autres, un peu bizarre, un peu “perchée”, une nana tordue aux méthodes suspectes, si peu conformistes. Un raccourci facile et inexact, puisque la profession de profileur n’existait pas sous cette appellation. Un terme chargé de suspicion et de sarcasmes, comme s’il était question d’une magicienne ou d’une illusionniste. Quelques autres acolytes, facétieux et caustiques, parlaient de la profiteuse – subtil jeu de mots –, celle qui récupérait à son bénéfice le boulot qu’ils avaient accompli en amont de son arrivée. De toute manière, certainement pas l’une des leurs, pas une fille du sérail, d’où le climat de méfiance. Et puis, mine de rien, si elle débarquait chez eux, c’était pour résoudre une affaire sur laquelle ils avaient achoppé, souvent durant plusieurs semaines, parfois de nombreux mois, ce qui n’était pas toujours agréable à digérer. Tout enquêteur possède son ego, du plus gradé du groupe au simple policier ou gendarme.

D’un autre côté, Agnès le reconnaissait elle-même, elle n’était pas toujours facile à vivre, à comprendre, à suivre dans ses raisonnements, dans ses illuminations providentielles. Pas toujours ? Pas souvent, même ! Elle était d’un naturel indépendant, elle avait toujours mené sa barque en solo, depuis l’adolescence ; d’aucuns la prétendaient sauvageonne, marginale, asociale. Ce n’était pas totalement faux : elle ne possédait aucune aptitude pour les relations humaines, elle se savait dénuée du plus infime tact ou sens de la diplomatie, même si elle tentait vainement de faire des efforts pour s’améliorer. D’où les éclats réguliers avec ses partenaires d’enquête, peu enclins à se laisser dicter la loi par une nouvelle venue, fût-elle diplômée d’une école américaine où elle s’était formée à la psychologie et avait développé ses aptitudes. Mais comment blâmer l’équipe de terrain ? Quand on a passé des journées à chercher dans une direction et qu’une inconnue, sans logique apparente ni indice sérieux, vous réclamait de creuser à l’opposé de la piste suivie : pas facile de la suivre sans sourciller.

Agnès se trouvait confortablement installée dans une 3008, auprès d’un chauffeur prudent – représentant en papiers peints de profession – et elle s’imprégnait des éléments du dossier qui lui avaient été adressés par le procureur de Vannes. Un rapport de gendarmerie, des photos de la scène de crime, le rapport du médecin légiste, quelques documents annexes à propos de la personnalité de la victime, du lieu de la découverte du corps, des premiers témoignages, non pas des témoins de l’événement, mais d’habitués des lieux.

Son compagnon de route avait vite compris qu’il avait affaire à une taiseuse et aussitôt ravalé ses interrogations. Quand on pratiquait le covoiturage, on voyageait avec toute sorte de passagers, aussi ne se formalisait-il pas de l’attitude de cette femme un peu différente de toutes les autres. Une présence physique agréable, une compagne de conversation inexistante. Agnès réfléchissait aux possibles événements de l’affaire, repassait dans sa mémoire les pièces visualisées. Les photos prises sur la scène de crime, ou plutôt le lieu de découverte du corps, car, pour l’heure, impossible de dire si elle était morte avant d’avoir été déposée sur un bout de plage du golfe du Morbihan. Le rapport préliminaire du médecin légiste ne permettait pas de l’assurer, les premières constatations des enquêteurs apparaissaient des plus sommaires, le plan des lieux révélait un bout de côte comme on en trouvait sur tout le littoral. Et puis le profil de la victime, cette femme dont elle allait devoir entrer dans la tête pour tenter de comprendre ce qui lui était arrivé, sortait de l’ordinaire. Chaque affaire débutait de la même manière, avec une avancée à tâtons, quelques frémissements d’intuitions face à des détails surprenants, des premières approches timides avec les protagonistes du dossier, une mise en abyme comme une pénétration par infraction dans l’univers intime de personnes jusqu’alors étrangères.

— Nous approchons du pont de La Roche-Bernard et de l’aire de Marzan, un petit arrêt santé ? questionna le chauffeur, sortant Agnès de ses pensées.

— Tout va bien pour moi, mes dernières analyses étaient bonnes, répliqua Agnès, sans quitter des yeux un bouquin dans la lecture duquel elle s’était alors plongée.

— Eh bien, moi, je vais devoir faire un arrêt au stand ! Mes deux bols de café du matin, à coup sûr… Je vois que vous avez épluché à nouveau votre dossier. Vous allez passer un examen d’embauche ?

— On peut dire ça comme ça ! Je vais en profiter pour marcher un peu et me dégourdir les jambes. Mais je surveille la voiture, n’ayez crainte, je ne veux pas finir le trajet à pied, je ne suis pas une sportive.

Quatre minutes chrono et la voiture redémarrait pour prendre la direction de Vannes. Immédiatement, Agnès replongea pour une énième fois dans ce bouquin qui représentait, à ses yeux, la pièce centrale de l’affaire. Puis elle le referma et attrapa à nouveau la chemise du dossier de l’enquête. En fait, c’était moins par peur d’avoir oublié un élément important que par volonté de ne pas avoir à répondre à des questions stupides ou indélicates de la part du chauffeur à propos du livre. Elle prit une photo de l’infortunée victime et la fixa durant de longues minutes. Une fille de sa génération, même année de naissance, aussi pensa-t-elle, une fois de plus, que quarante-quatre ans c’était un peu jeune pour mourir. Surtout pour une nana à qui tout avait réussi jusqu’alors, et dans de telles conditions. Car il ne faisait aucun doute qu’elle ne s’était pas noyée. Surtout pas elle.

La victime se nommait Ondine Conti, et même une ignare en stars du sport comme Agnès Delacour avait entendu parler de cette femme emblématique, née le même mois qu’elle, quelques jours plus tôt. Comment ne pas la connaître ? Elle avait tout remporté durant une carrière de nageuse qui s’était achevée par un titre olympique dans la course du quatre cents mètres-quatre nages, à Pékin en 2008. La consécration d’une vie dédiée à la natation. Une trajectoire sportive exceptionnelle et une suite de parcours aussi brillante, en qualité de femme d’affaires, PDG de la société “Ondine”, marque de maillots de bain féminins connue à présent dans le monde entier. Une femme hors du commun qui alliait l’intelligence, le sang-froid, l’audace, l’empathie, le charisme, un magnétisme impressionnant et une beauté qui ne pouvait laisser le public insensible.

Un mois après la découverte de son corps dans l’eau un peu saumâtre d’une grève du golfe du Morbihan – plus précisément sur la commune d’Arradon, son lieu de naissance, où elle avait implanté sa société –, l’enquête piétinait. Un choc énorme pour la région, dont l’onde s’était rapidement propagée à travers tout le pays avant de s’évanouir pour laisser place à une autre vague d’émoi, pour une autre affaire, en un autre coin du pays. Ainsi allait le quotidien, en France, à notre époque, rythmé par des drames, des scandales, des constats sociaux angoissants, jamais rien pour remonter le moral de la population. Un dossier complexe pour le procureur Serval et la brigade de gendarmerie de Saint-Avé, habilitée à enquêter sur le territoire de la commune d’Arradon. De nombreux suspects, certains plus convaincants que d’autres, des pistes qui semblaient évidentes mais manquaient de preuves ou d’indices solides, d’autres plus alambiquées pas plus probantes. Des tergiversations mal perçues par les médias nationaux et les hautes autorités, autant d’éléments qui avaient conduit à l’arrivée sur place d’Agnès Delacour, en qualité de conseillère technique. La fameuse profileuse, selon l’appellation aussi fausse que stupide – légende de séries télévisées américaines cachant une myriade d’idées préconçues assénées par les médias comme des vérités inoxydables. Un énorme écueil pour l’intéressée, à l’entame de chaque nouveau dossier. Voilà l’une des raisons pour lesquelles elle fuyait les caméras et les micros comme peste et choléra réunis.

Fidèle à son habitude, Agnès avait changé de look, de tenue, une fois de plus. Pour tenter de passer un peu plus inaperçue, pour sceller une rupture avec l’affaire suivie précédemment. Oubliée la chevelure brune et longue de la dernière mission à La Baule, elle avait opté cette fois pour un coloris châtain clair et une coupe bouclée. Comme elle avait troqué les tenues sophistiquées, un rien canailles, de l’enquête précédente dans l’univers des casinos de la côte atlantique, pour de bons pulls de laine à rayures et des pantalons bleu marine. De la sorte, elle se fondait un peu plus dans la peau d’Ondine, ainsi vêtue sur l’une des photos prises à la proue d’un superbe voilier, arborant le sourire triomphant, presque hautain, de ceux qui n’ont jamais connu la défaite.

Mais Agnès avait quelques autres tenues dans son sac de voyage ; des plus sportives et des plus glamours, pour ne pas être prise au dépourvu. À force de bourlinguer, elle avait défini un paquetage minimal et néanmoins complet pour une durée de séjour d’une semaine, temps généralement nécessaire, mais suffisant, pour boucler l’enquête.

Comme convenu, le conducteur déposa sa passagère silencieuse devant la gare de Vannes. Là, le procureur Fabien Serval attendait la policière, les fesses posées sur le capot de son véhicule. Un garçon de sa génération, taille moyenne, barbe de deux jours et calvitie naissante, sourire de séducteur et allure cool. Première impression assez favorable même s’il allait fatalement tenter de la draguer et qu’elle détestait cela. Elle lisait déjà dans ses pensées, le sentait la calculer de la tête aux pieds, imaginer les nuits de folie qu’on pouvait passer avec un tel corps allongé à côté du sien dans le lit d’une chambre d’hôtel. Lire dans les pensées des gens, cela n’avait pas que des avantages, même si Agnès avait appris à jauger l’importance du danger qui se présentait, mais aussi à tenter de réguler ses pouvoirs naturels de perception intuitive. Enfin, par expérience, les dragueurs n’étaient pas forcément les plus dangereux des mâles.

Galant, le procureur Serval avait empoigné le sac de sport pour le placer dans le coffre de son véhicule. Faussement détendu visiblement, le magistrat, puisqu’il tentait de rouvrir son véhicule, ce qui était déjà fait. Soit il était impressionné par la personnalité de la policière, soit il était troublé par sa silhouette, sans doute un peu des deux. Pourtant, après avoir refermé la portière derrière sa passagère et fait le tour pour s’installer au volant, tout en appuyant sur le bouton de démarrage du véhicule, il se hasarda à lancer :

— Pardonnez mon émotion, Commandant, c’est la première fois que je vais faire équipe avec une profileuse !

— Deux mauvais points pour vous dès le départ, Monsieur le procureur, répliqua Agnès d’une voix sèche. Je suis commandante de police, analyste comportementale et psycho-criminologue, pas magicienne arrivant de la forêt de Brocéliande ! Les profileurs n’existent que dans les séries américaines, je suis une enquêtrice comme les autres. Enfin presque !

— Presque ?

— Oui, je suis ici car j’ai appris à lire sur les visages de mes interlocuteurs pour découvrir leurs pensées profondes, touchantes ou inavouables ! De tous mes interlocuteurs…

— Nous sommes attendus par l’équipe de la brigade de gendarmerie de Saint-Avé, enchaîna le magistrat, la gorge soudain un peu plus sèche, les gestes plus nerveux. Par malchance, le commandant de l’unité, le capitaine Mornay, est absent pour quelques jours. Il est en stage, je crois… Mais je suis certain que son groupe vous réservera le meilleur accueil. C’est la première fois que vous venez à Vannes ?

— Pour le travail, oui ! Pour le tourisme, j’ai déjà passé une quinzaine de jours de détente dans le golfe du Morbihan. Avec Baden pour port d’attache. J’y avais déniché un excellent hôtel-restaurant. Une belle région, surtout les îles si différentes les unes des autres, j’en avais visité six ou sept. Et Vannes est une superbe ville, du moins dans ses vieux quartiers et autour du port…

— Il est vrai que là, en nous éloignant de la gare, on se retrouve dans l’une de ces banlieues semblables à tant d’autres autour des villes françaises, reconnut Fabien Serval, se cantonnant sur le terrain des banalités, encore marqué par son carton jaune initial. Avec les mêmes magasins, les mêmes cités-dortoirs, les mêmes zones pavillonnaires. En revanche, vous allez voir, la caserne de gendarmerie Arnaud-Beltrame est récente et le personnel est logé sur place, ce qui est bien pratique. Cela faisait vingt-six ans qu’elle était attendue, quand même. Tout vient à point à qui sait attendre. Au fait, vous avez prévu un logement pour votre séjour ? Sinon, je peux vous retenir une chambre dans un hôtel pas bien loin de mon domicile, vers la porte Saint-Vincent, à quelques encablures du port.

— C’est gentil de votre part, Monsieur le procureur, mais j’ai réservé une chambre dans l’hôtel-restaurant de Baden découvert lors de mon dernier séjour, non loin des locaux de la société Ondine, précisa Agnès en chaussant ses lunettes de soleil, puisque l’astre du jour faisait son apparition. Et j’ai également loué un vélo pour me balader sur le secteur, j’ai noté que le réseau de pistes cyclables était assez dense, notamment le long du golfe.

— Je vois que vous êtes une femme autonome qui ne laisse rien au hasard, commenta le magistrat.

— Néanmoins, je compte sur vous pour qu’un gendarme soit affecté à mon service, pour mes déplacements liés à l’enquête, comme pour mes relations avec la brigade de gendarmerie. Il sera mon binôme pour la semaine.

— Nous verrons cela sur place, Commandante, nous arrivons ! Regardez ces bâtiments presque flambant neufs, ils n’ont même pas deux ans. Au moins, ici, c’est plus simple de se garer qu’au centre de la ville. Et puis, pour l’anecdote, petit détail pittoresque, les cellules de dégrisement ont été peintes en rose fuchsia.

— Il ne fallait pas vous donner ce mal, Monsieur le procureur, je pense rester sobre durant le cours de notre enquête, répliqua Agnès sans que son interlocuteur sache s’il s’agissait réellement d’un trait d’humour. En revanche, une fois qu’elle sera bouclée, allez savoir, Dieu sait où pourraient me conduire la griserie de la victoire et l’ivresse de la satisfaction du devoir accompli. Mais nous n’en sommes pas encore là…

I

Lundi 5 juin 2023, 10 heures – Caserne de gendarmerie Arnaud-Beltrame – Saint-Avé, banlieue de Vannes (56)

Dire que le premier contact fut froid, entre les trois gendarmes chargés de l’accueil et la commandante Agnès Delacour, serait un euphémisme. L’arrivante ne s’en formalisa pas, elle était habituée aux masques et mit cela sur le compte de la timidité et de la surprise. Sans oublier le côté “bête de foire” qui, avec les rumeurs précédant fatalement son arrivée, lui forgeait une réputation bien éloignée de la réalité. Agnès savait que, si elle était diplomate et avenante, elle apaiserait la situation en deux ou trois paroles bien senties. Mais la diplomatie et elle, ça faisait deux… Le procureur tenta bien de détendre l’atmosphère, mais ses mots sonnaient creux, car, en fait, lui-même s’interrogeait sur le fonctionnement du groupe durant la semaine, sur la bonne manière de faire cohabiter l’eau et le feu. Comme il aurait aimé que le capitaine Mornay soit présent, pour sa part bien rompu aux opérations de médiation et doté du tact nécessaire pour désamorcer les situations explosives !

L’adjudant-chef Chamonaz, le plus gradé du trio, souhaita la bienvenue à Agnès, mais là aussi sa phrase sonnait faux, grommelée plus que prononcée avec élan, sans un regard franc à destination de l’arrivante. Son nom figurait sur de nombreuses pièces du dossier, et pour cause : cette enquête, jusqu’alors, c’était la sienne, même s’il rendait régulièrement des comptes à son capitaine et au procureur. Il l’avait menée avec rigueur et droiture, mais sans aboutir à un résultat probant. Comment pouvait-il réagir positivement, alors que désormais, le bébé lui échappait ?

À la gauche de l’adjudant-chef, un jeune élément, le brigadier Tudi Frabolot, pour sa part plus intimidé – ou fasciné – par la policière qu’animé de rancœur ou même simplement d’arrière-pensées. Le magistrat le présenta comme le régional du groupe, puisqu’il était originaire de Ploeren, une localité située juste à côté d’Arradon, une commune qu’il connaissait donc comme sa poche. Comme à peu près toutes celles de la région, puisque pas un seul arpent de terre ne lui était inconnu. Une manière habile pour l’adjudant-chef de placer la nouvelle venue, qui réclamait un partenaire d’enquête, entre les mains juvéniles du brigadier âgé d’un peu plus d’une trentaine d’années.

De l’autre côté du chef Chamonaz, Margot Loubière, une solide brune, au physique de sportive, très vite dans la comparaison avec Agnès, comme tant de femmes, au fil des enquêtes. Une rivalité stupide que l’arrivante avait déjà connue et qui l’agaçait vraiment. Comme si elle était là pour exciter les coqs du poulailler ou piquer une place sur le perchoir… Elle devait représenter une espèce rare face à laquelle les mecs fantasmaient et les nanas s’excitaient dans la comparaison. Pénible.

Mais pour l’heure, avant même d’envisager de se plonger dans l’enquête, il fallait briser la glace, ce qui n’était pas son fort. Et la première parole de l’adjudant-chef Chamonaz n’allait pas faciliter le rapprochement.

— Pour tout vous avouer, Commandant, on ne comprend pas très bien la raison de votre venue dans le Morbihan. Nous avons de bonnes pistes en cours d’exploration, nous avançons sérieusement dans notre enquête, nous avons juste besoin d’un peu de temps pour faire craquer le coupable, parmi nos solides suspects.

— Commandante, je préfère, je suis une femme, je l’assume et j’en suis fière. Je ne suis pas votre ennemie, vous savez. Je n’arrive pas de Nantes pour distribuer des blâmes et des punitions. Je suis là pour vous aider à boucler cette affaire avant la fin de la semaine, pour vous apporter mon point de vue sur le dossier, le fruit de mes intuitions…

— Et repartir avec les lauriers d’une enquête que nous vous avons certainement bien mâchée, insista le gendarme, mâchoires serrées, comme s’il tentait de retenir des paroles qui s’échappaient malgré lui. À ce qui se dit, c’est ainsi que vous construisez votre réputation de profileuse.

— Il faut se méfier de ce qui se dit dans une enquête, répliqua Agnès, pas d’humeur à se laisser importuner de la sorte. L’écouter, bien sûr, l’analyser rapidement, puis n’en garder que le vrai, quelques mots, pas davantage en fait, dans un long verbiage. Pour rappel, je suis analyste comportementale et psycho-criminologue. Je déteste l’appellation de criminologue presque autant que celle de profileuse. Les lauriers, sachez que je les laisse volontiers à l’équipe locale, sans que ce soit un effort pour moi. Et ceux qui prétendent le contraire sont des menteurs ou des jaloux. Il est où, le problème, adjudant-chef, puisqu’il faut crever l’abcès dès le premier instant ? Pourquoi avez-vous une dent contre moi ? Parce que je suis une intello ? Parce que j’utilise des méthodes qui sortent de l’ordinaire ? Parce que j’ai achevé mes études aux États-Unis ? Parce que je suis une policière ? Parce que je suis une femme ?

— Trop facile, la caricature ! répliqua le gendarme, en se tortillant sur lui-même. Je dis juste que nous n’avions pas besoin de votre présence sur cette enquête ; nous sommes proches de la boucler par nous-même. Nous avons trois suspects dans le collimateur, des mobiles solides, des indices concordants et…

— Et pourtant, un mois plus tard, le coupable est toujours en liberté, à ce que je sais, coupa Agnès, agacée par les justifications de son interlocuteur principal. Pouvez-vous juste certifier que la véritable cause de ce meurtre est parmi vos mobiles solides et que le criminel se trouve parmi vos suspects ? Nous avons un objectif commun : arrêter le coupable du meurtre d’Ondine Conti. Faire toute la lumière sur cette affreuse affaire, car telle est notre mission. Et si vous n’y êtes pas parvenu en quatre semaines, ce n’est pas parce que vous êtes mauvais ou incompétents. C’est juste que la vérité est plus compliquée que vous l’avez imaginée dans un premier temps. Il faut parfois se méfier des évidences, voilà ce que ma modeste carrière et ma petite expérience m’ont appris. Mais encore une fois, je ne suis pas là pour vous faire la leçon, encore moins critiquer vos méthodes d’investigations, je souhaite juste vous faire partager mon vécu et mon savoir, rien de plus. Alors, on fait équipe pour la semaine pour résoudre cette affaire ou bien je bosse toute seule dans mon coin ?

Moment de silence. Têtes baissées des gendarmes. Au bout d’une longue minute, parole du procureur pour ramener un peu de sérénité et suggérer de se rendre ensemble dans la salle dédiée à cette enquête, pour faire le point sur les éléments disponibles. Fabien Serval entama la restitution des faits, puisque personne ne s’y collait parmi les gendarmes. La découverte par un pêcheur à pied, au petit matin du mardi 2 mai, du corps d’Ondine Conti, sur le bout de plage de la jetée de la pointe d’Arradon. Le corps était visible à ce moment pour deux raisons : la marée descendante depuis 5 h 34, et le lever du soleil un peu après 7 heures. Mais juste avant, il avait séjourné dans l’eau de mer, ce qui compliquait l’indication précise de l’heure de la mort.

— La victime n’était vêtue que d’un maillot de bain, alors que la veille au soir, jour férié du 1er mai, elle participait à des festivités à La Trinité-sur-Mer en compagnie de sa mère. Elle portait une robe légère de couleur rouge, comme en attestent des photos d’elle, parues sur les réseaux sociaux. Elle a reconduit sa maman à son domicile du Bono peu avant 21 heures, avant de rentrer dans sa propriété d’Arradon juste après, donc environ vers 21 h 30. C’est vraisemblablement à son arrivée à son domicile, puisque son véhicule y était garé, qu’elle était attendue par le tueur.

— C’est certainement à cet instant qu’il, ou elle, l’a droguée, puisque le rapport du médecin légiste indique la présence d’un petit taux d’alcool dans le sang, mais surtout celle d’un inhibiteur du système nerveux, intervint Agnès, en consultant ses notes. Ondine devait bien connaître son agresseur pour ne pas se méfier d’un possible piège…

— Depuis lors, nous avons enfin reçu de Rennes les analyses complémentaires histologiques et toxicologiques réclamées par le médecin légiste ; selon les conclusions détaillées du compte rendu, Ondine Conti est morte noyée, même si elle avait avalé un poison à forte teneur en arsenic dont l’effet n’est pas foudroyant. La victime était donc encore en vie quand elle a été balancée de nuit dans les eaux du golfe depuis la jetée de la pointe d’Arradon. D’ailleurs, les traces sur le corps montrent les chocs avec les coques des bateaux amarrés au ponton voisin. Puis le corps a échoué sur la grève, au début du reflux de la marée.

— La personne qui l’a empoisonnée savait ce qu’elle faisait, souligna Agnès Delacour. Un peu comme une double peine. Soit Ondine mourait par noyade, soir par empoisonnement. Dans tous les cas, elle n’avait pas la moindre chance d’échapper à son destin tragique. Voilà bien un procédé pervers émanant d’une personne animée par une haine féroce.

— D’où la piste de Karine Arpheuilles, la responsable juridique du groupe, précisa le gendarme Thibaut Chamonaz, revenu à de meilleurs sentiments. Le 28 avril, en fin de journée, selon les employés de l’usine, elle a eu des mots violents avec Ondine, car cette dernière refusait une offre de partenariat avec un concurrent, alors que cela semblait ouvrir à la société les portes de nouveaux marchés. Toutes deux ont failli en venir aux mains, séparées par une tierce personne, Maëva Kerautret. Karine a quitté les bureaux en promettant à Ondine que, d’une manière ou d’une autre, elle parviendrait à lui faire entendre raison.

— Mais, si je ne m’abuse, Karine Arpheuilles possède un solide alibi, soupira Agnès Delacour, en soulevant un procès-verbal d’audition extrait du dossier. Elle passait la soirée au pub Awen de Vannes avec un jeune skipper morbihannais qui a confirmé la rencontre, comme la réceptionniste d’un hôtel dans lequel ils ont passé la nuit ensemble. Sans oublier les témoignages de nombreux clients de cette brasserie, confirmant la présence dans la salle de ce jeune marin, déjà assez célèbre, en compagnie d’une jeune femme brune qui ne passait pas non plus inaperçue…

— Ce qui n’interdit pas de penser qu’une fois leur plaisir pris dans cette chambre d’hôtel, ils se sont quittés, laissant la suspecte libre de mener à bien son funeste plan, intervint Chamonaz, à fond dans sa piste principale.

— La société Ondine finance le chantier du futur catamaran de ce sportif et c’est Karine Arpheuilles en personne qui a suivi le dossier de sponsoring, intervint la cheffe Margot Loubière, robuste gendarme d’environ trente-cinq ans à l’accent chantant du Midi. Ils se sont peut-être fabriqué un alibi. Rien ne les empêchait de quitter l’hôtel vers 22 heures, en profitant d’une possible absence de la réceptionniste, pour piéger Ondine à son domicile, commettre leur forfait dans la foulée, puisque l’heure de la mort est située par le légiste dans une fourchette située entre 23 h 30 et un peu plus de minuit, puis rentrer se coucher.

— Pardonnez-moi, brigadier-chef, vous avez sorti un « peut-être » et un « possible » dans votre argumentaire, ce qui ne plaide pas en faveur de votre intuition, répondit Agnès, de la voix la plus douce possible, pour ne pas fâcher son interlocutrice. Par ailleurs, vous n’avez pas de preuve solide pour étayer votre hypothèse et c’est bien dommage. Comme, par exemple, les deux silhouettes passant devant les caméras de surveillance de la capitainerie de la pointe d’Arradon, ce qui nous arrangerait bigrement. Il a bien fallu mener le corps d’Ondine jusqu’à la jetée avec un véhicule, d’une manière ou d’une autre. Ceci mis à part, tout se tient dans votre raisonnement, pas de problème pour moi. Il me manque juste une preuve irréfutable…

— J’épluche toutes les caméras de surveillance de la ville de Vannes, pour tenter de trouver une trace de ces amants maudits, insista la jeune gendarme, penaude. Pour l’instant, je n’ai rien trouvé. Ils sont très forts, tous les deux.

— Ou alors ils ont bien passé la nuit dans cette chambre d’hôtel, ils ont fait l’amour durant huit heures, comme tant de couples sur la planète, avant de descendre prendre leur petit-déjeuner, puisqu’ils se trouvaient dans la salle de restaurant en compagnie des clients des autres chambres, soupira Agnès, avec le regard le plus bienveillant possible à l’attention de la jeune gendarme.

Nouveau moment de longues réflexions, de cogitations stériles. Agnès décida de se diriger vers le tableau et le visage de deux jeunes d’une trentaine d’années, Stephen Paterne et Rodolphe Cluzel. Eux aussi se trouvaient dans le collimateur des gendarmes et même si cette piste semblait encore plus tordue et aléatoire que la précédente, aux yeux de la policière, Agnès apprécia de se faire expliquer le cheminement du raisonnement des gendarmes pour en arriver à suspecter le duo ; ce que Thibaut Chamonaz se fit un plaisir de détailler.

— Au départ, Stephen Paterne est un jeune de la région parisienne qui a échoué ici un été pour un job saisonnier et y est resté comme serveur dans des bars. Et notamment au Logoden, un troquet d’Arradon qui reçoit surtout une clientèle de jeunes. Un soir où elle n’avait pas le moral, ce qui semble lui arriver assez souvent, Maëva Kerautret est restée se soûler en ce lieu jusqu’à point d’heure.

— Attendez, ne me perdez pas en route, avec tous ces noms bretons, intervint Agnès, une main levée, coupant le gendarme dans son élan. Maëva Kerautret, c’est bien l’amie d’enfance d’Ondine, sa confidente durant les années de gloire de la championne et à présent son bras droit dans la société ?

— Affirmatif ! Elles se connaissent depuis l’école maternelle, cela fait un sacré bout de chemin parcouru ensemble… Donc, ce soir-là, le patron a demandé à Paterne de ramener Maëva chez elle. Et ce qui devait arriver est arrivé. Le bougre a tenté d’abuser d’elle, mais elle a recouvré ses esprits à temps pour éviter le pire. Le lendemain, quand elle a rapporté les faits à Ondine, celle-ci est allée voir le patron du Logoden et Stephen Paterne a été viré immédiatement. Puis Ondine est venue nous voir, mais il nous fallait une plainte de Maëva pour entamer une procédure. Or, celle-ci n’est jamais venue déposer, elle ne voulait pas causer du tort à ce môme. Depuis, à chaque fois qu’Ondine voyait Stephen Paterne bosser dans un bar autour du golf, elle signalait son pedigree au patron et le môme ne faisait pas de vieux os dans l’établissement. Elle n’était pas méchante, Ondine, mais il ne fallait pas toucher à ses amis, encore moins à Maëva, sa protégée. Elle voulait que Stephen Paterne quitte la région, pour ne pas tenter d’abuser d’autres femmes, mais elle n’y est pas parvenue. Il a croisé la route de Rodolphe Cluzel et tous deux ont monté un business ensemble.

— Et vous pensez que ces deux individus auraient pu vouloir se venger d’Ondine ? questionna Agnès, sceptique.

— C’est surtout que le soir de la mort d’Ondine, avec un de ses potes, mais pas Cluzel, Paterne a été repéré dans les parages de la résidence de la victime. Tous deux circulaient à vitesse réduite, comme s’ils attendaient son retour. Pas de chance pour eux, dans ce secteur, les habitants font partie du groupe “Voisins vigilants” et sont solidaires pour protéger leurs biens. La plaque minéralogique a été photographiée et nous a été transmise. On a donc interrogé ces deux lascars. Facile de les identifier, en plus, ils roulaient dans un food truck…

— Dans un food truck ? s’étonna Agnès.

— Oui, voilà leur business, expliqua l’adjudant-chef, un tantinet narquois. Ils ont investi récemment dans un fourgon à l’intérieur duquel ils préparent de la cuisine mexicaine qu’ils proposent en été à Arradon, Ploeren, Baden, Bono et Plougoumelen, et l’hiver à Vannes. Ils nous ont dit qu’ils recherchaient une nana en week-end dans la maison familiale à Arradon. Elle avait commandé une livraison à domicile, mais elle s’était fichue d’eux, ils n’ont jamais trouvé l’adresse de la bicoque.

— D’un autre côté, on fait plus discret qu’un food truck, quand on prémédite un meurtre, non ? s’étonna Agnès, en fixant les photos des deux protagonistes. Pour se faire repérer, on fait difficilement mieux. Même pas la peine d’avoir la plaque d’immatriculation, la description du véhicule suffit…

— De toute manière, un voisin les a vus rentrer vers 23 heures à Ploeren où ils logent dans une piaule, en colocation, se lamenta Thibaut Chamonaz, mine soudainement plus fermée. Non, la piste de Karine Arpheuilles est beaucoup plus solide, elle avait un mobile et les moyens matériels de passer à l’action. En plus, dans ses plus jeunes années, elle a fait un stage dans une usine pharmaceutique, elle doit bien connaître les poisons et leur utilisation… Il nous manque juste une preuve irréfutable pour la confondre, je vous l’accorde, mais on va trouver, c’est juste une question de temps.

Nouveau long silence, l’un de ces instants qu’appréciait Agnès plus que tout, juste avant qu’elle ne surprenne son auditoire par une fulgurance venue de nulle part, un détail totalement hors sujet. Elle attendit deux minutes de plus avant d’asséner sa question surprise.

— Et pourquoi lui retirer sa tenue de soirée et lui enfiler un maillot de bain avant de la balancer dans la mer, déjà droguée ?