La Demoiselle du Guilvinec - Firmin Le Bourhis - E-Book

La Demoiselle du Guilvinec E-Book

Firmin Le Bourhis

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Beschreibung

Une grève aux lourdes conséquences dans un port breton...

Un mareyeur et armateur du Guilvinec, en pays bigouden, débarque brutalement dans le bureau du lieutenant Phil Bozzi et du capitaine Le Duigou pour déclarer la disparition de son épouse depuis la veille au matin...
Fugue, séquestration, accident ? Qu’est-elle devenue ? La jeune femme est malheureusement découverte assassinée dans l’arrière-port du Guilvinec-Léchiagat.
L’enquête se tourne, dès lors, vers l’environnement de la victime et les OPJ vont se heurter à de nombreuses zones d’ombre.
Alors que la grève des marins éclate sur le port et se propage sur le plan national, le corps du mareyeur armateur est, à son tour, retrouvé au volant de sa voiture dans le port…
Suicide, meurtre ? Qui pouvait bien en vouloir au couple et pourquoi ?

Durant l'automne 2007, le port du Guilvinec se met en grève... Découvrez-en l'issue surprenante !

EXTRAIT

En ce vendredi matin, au même moment, un homme descendait le boulevard de Kerguelen, ainsi dénommé en hommage à Yves de Kerguelen de Trémarec, navigateur français, né à Quimper (1734-1797) et qui a découvert les îles Kerguelen en 1772. Le piéton empruntait à présent le pont qui enjambait l’Odet pour rejoindre le boulevard Dupleix et s’engager dans la rue Théodore Le Hars. L’esprit ailleurs, il marchait mécaniquement, l’air très préoccupé. Il entra dans le commissariat et demanda à rencontrer un officier de police. L’agent d’accueil l’interrogea sur l’objet de cette demande.
— Ma femme a disparu et je suis très inquiet…
L’agent n’insista pas et l’invita à s’asseoir tandis qu’il grimpait les escaliers quatre à quatre pour solliciter un officier de police disponible. Joël Le Traon étant occupé, tout comme François Le Duigou, Phil se proposa de le recevoir.

CE QU'EN PENSE LA CRITIQUE

Un petit polar agréable qui sent bon la Bretagne. - Blandine, Babelio

À PROPOS DE L’AUTEUR

Né à Kernével en 1950, Firmin Le Bourhis vit et écrit à Concarneau en Bretagne. Après une carrière de cadre supérieur de banque, ce passionné de lecture et d’écriture s’est fait connaître en 2000 par un premier ouvrage intitulé Quel jour sommes-nous ?, suivi d’un second, Rendez-vous à Pristina, publié dans le cadre d’une action humanitaire au profit des réfugiés du Kosovo.

Connu et reconnu bien au-delà des frontières bretonnes, Firmin Le Bourhis est aujourd’hui l’un des auteurs de romans policiers bretons les plus appréciés, avec vingt-huit enquêtes déjà publiées. Il est également l’auteur d’essais sur des thèmes médicaux et humanitaires. Ses ouvrages sont tous enregistrés à la bibliothèque sonore de Quimper au service des déficients.

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FIRMIN LE BOURHIS

 

 

 

La demoiselledu Guilvinec

 

éditions du Palémon

Z.I de Kernevez

11B rue Röntgen

29000 Quimper

 

DU MÊME AUTEUR

 

 

Aux éditions Chiron

 

- Quel jour sommes-nous ? La maladie d’Alzheimer jour après jour

- Rendez-vous à Pristina - récit de l’intervention humanitaire

 

Aux Éditions du Palémon

 

n° 1 - La Neige venait de l’Ouest

n° 2 - Les disparues de Quimperlé

n° 3 - La Belle Scaëroise

n° 4 - Étape à Plouay

n° 5 - Lanterne rouge à Châteauneuf-du-Faou

n° 6 - Coup de tabac à Morlaix

n° 7 - Échec et tag à Clohars-Carnoët

n° 8 - Peinture brûlante à Pontivy

n° 9 - En rade à Brest

n° 10 - Drôle de chantier à Saint-Nazaire

n° 11 - Poitiers, l’affaire du Parc

n° 12 - Embrouilles briochines

n° 13 - La demoiselle du Guilvinec

n° 14 - Jeu de quilles en pays guérandais

n° 15 - Concarneau, affaire classée

n° 16 - Faute de carre à Vannes

n° 17 - Gros gnons à Roscoff

n° 18 - Maldonne à Redon

n° 19 - Saint ou Démon à Saint-Brévin-les-Pins

n° 20 - Rennes au galop

n° 21 - Ça se Corse à Lorient

n° 22 - Hors circuit à Châteaulin

n° 23 - Sans Broderie ni Dentelle

n° 24 - Faites vos jeux

n° 25 - Enfumages

n° 26 - Corsaires de l’Est

n° 27 - Zones blanches

n° 28 - Ils sont inattaquables

n° 29 - Dernier Vol Sarlat-Dinan

n° 30 - Hangar 21

n° 31 - L'inconnue de l'archipel

n° 32 - Le retour du Chouan

n° 33 - Le gréement de Camaret

 

Menaces - Tome 1 - Attaques sur la capitale

Menaces - Tome 2 - Tel le Phénix

Menaces - Tome 3 - Pas de paradis pour les lanceurs d'alerte

 

 

 

 

Retrouvez tous les ouvrages des Éditions du Palémon sur :

 

www.palemon.fr

 

Dépôt légal 1er trimestre 2015

ISBN : 978-2-916248-94-3

 

 

NOTE DE L’AUTEUR :

L’auteur s’empare, comme habituellement, d’une véritable affaire criminelle et, au terme d’une étude approfondie des faits et avec l’aide d’officiers de police judiciaire, en donne une version romancée aussi proche que possible de la réalité…

Un fait réel qu’il transpose dans d’autres lieux pour y bâtir une enquête qu’il livre à votre perspicace lecture…

 

CE LIVRE EST UN ROMAN.

Toute ressemblance avec des personnes, des noms propres, des lieux privés, des noms de firmes, des situations existantou ayant existé, ne saurait être que le fait du hasard.

 

Aux termes du Code de la propriété intellectuelle, toute reproduction ou représentation, intégrale ou partielle de la présente publication, faite par quelque procédé que ce soit (reprographie, microfilmage, scannérisation, numérisation…) sans le consentement de l’auteur ou de ses ayants droit ou ayants cause est illicite et constitue une contrefaçon sanctionnée par les articles L 335 2 et suivants du Code de la propriété intellectuelle. L’autorisation d’effectuer des reproductions par reprographie doit être obtenue auprès du Centre Français d’Exploitation du droit de Copie (CFC) - 20, rue des Grands Augustins - 75 006 PARIS - Tél. 01 44 07 47 70 - Fax : 01 46 34 67 19 - © 2015 - Éditions du Palémon.

 

 

 

 

 

 

 

 

REMERCIEMENTS

 

 

 

- À mon ami Pascal Vacher pour ses renseignements techniques de police judiciaire.

 

- À Marie-Anne, de l’Office du Tourisme du Guilvinec pour son accueil et sa documentation.

 

- À Pierre-Jean Berrou pour son livret Le Guilvinec - Une commune née de la pêche.

 

- À Guénola et Éric Robins, du restaurant Le Poisson d’Avril au Guilvinec pour leur sympathique accueil et leurs informations quant aux événements qui ont perturbé la vie du port en novembre 2007.

 

- À toutes les personnes qui m’ont si aimablement accueilli et qui se reconnaîtront.

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

«La part des sentiments désintéressés

Est plus grande qu’on ne croit

Dans la vie des hommes.»

Marcel Proust (1871-1922)

 

 

«Chacun voit ce que tu parais être,

Mais presque personne ne connaît

Ce que tu es…»

 

 

Chapitre 1

Vendredi 12 octobre 2007- matin.

Après un été pourri, octobre se prélassait tranquillement au soleil, augurant un automne haut en couleurs.

L’affaire de Saint-Brieuc avait tenu le lieutenant Phil Bozzi et le capitaine François Le Duigou éloignés quelque temps, aussi cherchaient-ils à reprendre leur rythme et leur place au commissariat de police de la rue Théodore Le Hars à Quimper.

Très tôt le matin, autour de la machine à café, avant de démarrer la journée, ils avaient renoué contact avec leurs collègues. Le président de la République occupait une place de choix dans les discussions, par sa présence sur tous les fronts, l’engagement de nombreuses réformes et une vie conjugale mouvementée. Côté événement sportif, la fameuse passion du rugby tendait à s’étioler, car, malgré un match exceptionnel face aux All Blacks, la capitulation en quart de finale avait été peu glorieuse.

Bref, le mois d’octobre se déroulait tranquillement, si ce n’étaient deux événements de la plus grande importance dans le microcosme du commissariat de police de Quimper.

Le premier concernait un jeune brigadier qui venait de terminer ses six mois d’école et d’obtenir brillamment son examen d’officier de police judiciaire, avec mention, ce qui représentait une réelle performance quand on sait qu’un élève sur deux en moyenne seulement réussit cet examen. Il faisait l’admiration de ses collègues tant sa volonté et sa motivation étaient fortes.

Ce jeune homme, Joël Le Traon, originaire du Guilvinec, « J’suis un gars du Guil ! » comme il se plaisait à le dire, aurait voulu se donner à présent des airs de Starsky, mais il lui manquait encore quelques accessoires, comme le véhicule emblématique ou un fidèle compagnon, au profil de Hutch… Néanmoins, à l’image de notre président de la République, il aurait voulu désormais être sur tous les coups, tant son impatience était grande de pouvoir mettre en application ce qu’il avait appris. La grande réforme des services de police faisait que, dans l’avenir, il y aurait de moins en moins de commissaires, de commandants ou de capitaines et de plus en plus de brigadiers et de brigadiers-chefs promus OPJ1 pour assurer le travail des officiers, budget oblige.

Quant au deuxième, il concernait le lieutenant Phil Bozzi, de plus en plus fébrile au rythme des semaines, car son épouse, Gwenaëlle, qu’il appelait affectueusement Gwen, attendait un enfant… L’heureux événement devait avoir lieu vers la mi-novembre. Une fille était annoncée, ce qui le comblait de joie. Autant dire que François et Joël Le Traon ne manquaient aucune occasion de le charrier.

En ce vendredi matin, au même moment, un homme descendait le boulevard de Kerguelen, ainsi dénommé en hommage à Yves de Kerguelen de Trémarec, navigateur français, né à Quimper (1734-1797) et qui a découvert les îles Kerguelen en 1772. Le piéton empruntait à présent le pont qui enjambait l’Odet pour rejoindre le boulevard Dupleix et s’engager dans la rue Théodore Le Hars. L’esprit ailleurs, il marchait mécaniquement, l’air très préoccupé. Il entra dans le commissariat et demanda à rencontrer un officier de police. L’agent d’accueil l’interrogea sur l’objet de cette demande.

— Ma femme a disparu et je suis très inquiet…

L’agent n’insista pas et l’invita à s’asseoir tandis qu’il grimpait les escaliers quatre à quatre pour solliciter un officier de police disponible. Joël Le Traon étant occupé, tout comme François Le Duigou, Phil se proposa de le recevoir.

L’homme monta péniblement les marches en raison de sa légère surcharge pondérale et sans doute d’un manque d’éducation physique. Malgré sa taille, plus d’un mètre quatre-vingts, et sa large carrure, il semblait porter toute la misère du monde sur ses épaules. Il s’assit lourdement sur le siège disposé devant le bureau de Phil en soufflant, le visage rougeaud, tête basse regardant le sol, ne sachant sans doute pas par quel point commencer. Il triturait ses mains larges et puissantes. Phil avait l’habitude de ce genre de situation, il lui accorda quelques secondes, le temps de ranger son bureau et d’être en mesure de l’écouter. Puis, les mains posées devant lui, il s’adressa à l’homme qui n’avait pas bougé :

— Pouvez-vous m’expliquer, Monsieur, ce qui vous amène ?

— Voilà… c’est ma femme… elle a disparu… se contenta-t-il de répondre, le ton grave, sans oser relever la tête ni regarder Phil en face.

— Qu’entendez-vous par disparu ? Vous a-t-elle laissé un message ? Est-elle partie sans dire où elle allait ? questionna Phil sur le ton de la confidence.

L’homme releva enfin la tête, le ton de Phil l’avait sans doute rassuré.

Il se sentit davantage disposé à expliquer sa situation.

— C’est-à-dire, qu’en fait, elle n’est pas rentrée.

— Vous voulez dire chez vous, c’est ça ?

— Oui, répondit-il en acquiesçant de la tête.

— Depuis quand ?

— Hier…

Devant ce silence et la difficulté que l’homme éprouvait à s’exprimer, Phil décida d’intervenir différemment. Afin de découvrir son identité et de mieux comprendre ce qui se passait, il l’invita à lui parler d’abord de lui ; ensuite, il lui serait plus facile d’exprimer la raison de ses craintes. Ils décideraient alors ensemble de ce qu’il y avait lieu de faire, car Phil avait pensé immédiatement à une fugue ou à une légèreté de comportement.

L’homme approuva une nouvelle fois de la tête sans prononcer le moindre mot, puis, rassemblant tout son courage, se lança, de façon hésitante d’abord :

— Je m’appelle Jacques Kérity, je suis natif du Guilvinec. Mes parents y avaient créé une importante affaire de mareyage à la fin des années cinquante. J’ai pris la suite cela fait quinze ans, quand ils sont décédés tous les deux, la même année, usés par la pénibilité du travail : le froid, l’eau, la glace et ces horaires décalés… Depuis sa création, le siège social de la société se trouve au Guilvinec. Pour ce qui est du détail, nous exploitons une poissonnerie à Quimper, une autre à Nantes et à Rennes ; pour le reste, nous avons une activité de grossiste et travaillons avec les MIN (Marchés d’Intérêts Nationaux), surtout Rungis et Lyon.

— Vous dirigez une affaire importante alors ?

— Moins qu’elle ne l’a été car la quantité de poisson diminue d’année en année et avec les quotas européens… L’effectif était supérieur à cinquante personnes quand j’ai repris la direction, j’ai toujours travaillé avec mes parents. Je n’aimais pas trop l’école et, après le bac, que j’ai raté d’ailleurs, je suis rentré définitivement dans la société. Aujourd’hui, avec les départs à la retraite… bon nombre de salariés ont commencé à travailler avec mes parents… nous ne sommes plus que trente-six personnes et ça suffit, au rythme où vont les affaires.

— Je comprends.

Phil ne voulant pas s’éterniser sur la vie de son interlocuteur, l’amena à s’exprimer sur son épouse.

— Depuis quand êtes-vous mariés ? Votre épouse travaille-t-elle avec vous ?

L’homme avait commencé à se décontracter en évoquant son entreprise, mais se raidit aussitôt quand il fallut parler de sa femme.

Il bredouilla quelques mots incompréhensibles avant de se ressaisir et tenter d’expliquer sa situation :

— En fait, je ne me suis marié officiellement que depuis le mois de juin dernier et je vivais avec elle depuis maintenant un peu plus d’un an.

— Parlez-moi d’elle…

— En réalité, c’est compliqué.

— Vous savez, tout s’explique, il suffit de prendre les choses dans l’ordre. Comment l’avez-vous rencontrée ?

— C’est une longue histoire. Tout est parti d’une soirée arrosée avec mes deux copains, Guy et Jean-Paul…

— Qui sont Guy et Jean-Paul ?

— Là, il faut que je vous remonte le cours de l’histoire : mes parents fréquentaient deux couples d’amis du Guilvinec. Les Trémeur sont des commerçants qui exploitaient plusieurs magasins de vêtements au Guil mais aussi à Pont-l’Abbé, Quimper et Brest. Ils étaient très liés à mes parents et ont su leur faire profiter de leur expérience dans le commerce en les aidant à créer leurs poissonneries de détail qui sont bien plus rentables que les activités de gros. Ils n’ont qu’un fils, Guy, mon meilleur copain.

— Et l’autre couple ?

— Les Kerlarun… Ils étaient mareyeurs comme mes parents, mais eux, en plus, assuraient le transport de leurs marchandises et de celles de mes parents, jusqu’au jour où ils ne se sont consacrés qu’au transport. Ils ont cédé leur magasin de marée à mes parents, dans les années quatre-vingts, et développé une importante société de transport frigorifique avec plus d’une dizaine de tracteurs et de semi-remorques isothermiques. Aujourd’hui, c’est Jean-Paul, mon autre meilleur copain qui est à la tête de cette affaire. Et donc, ce que je voulais vous dire… Guy et Jean-Paul se sont mariés et moi j’étais toujours célibataire, faut dire que je travaillais plus de soixante à soixante-dix heures par semaine, et jamais de vacances, si ce n’est un jour par-ci par-là. Je n’avais que vingt-cinq ans quand j’ai repris la direction de la société et j’en ai quarante. Inutile de vous préciser que je n’avais pas le temps de voir la roue tourner. Et un jour, en blaguant, mes deux copains m’ont charrié en me disant de chercher une femme sur Internet, comme le font à présent des millions de personnes. Moi, sur ces machins d’informatique, je n’y connais rien en dehors de passer le cours de mes poissons et encore ! C’est mon vendeur qui s’en occupe…

— Alors, comment avez-vous fait ?

— Guy est un champion d’Internet, il est allé sur des serveurs spécialisés en rencontres et il a tout fait pour moi… C’est comme ça que j’ai rencontré Fatou…

— Fatou ? C’est son nom ou un pseudonyme ?

— C’est son prénom et Diop son nom. Fatou Diop est sénégalaise. Elle travaillait à Paris, mais n’aimait pas la capitale. Elle est native de Saint-Louis et regrettait la vie en bord de mer, le monde de la pêche, alors, dès que le contact a été établi, sachant que je n’aime pas Paris non plus, je l’ai invitée à venir au Guilvinec. Nous sommes tout de suite tombés amoureux l’un de l’autre, un vrai coup de foudre. De plus, la région lui a beaucoup plu car elle correspondait exactement à ses rêves de toujours. C’était incroyable, personne ne peut comprendre ça, Commissaire…

— Non, non, lieutenant seulement, lieutenant pour l’instant.

— Ah, excusez-moi. Oui, je vous disais donc que notre rencontre, c’est le rêve que je souhaite à tout le monde de réaliser un jour !

Cette fois, ses yeux brillaient, la vie venait de reprendre sa place pour quelques minutes, Jacques Kérity était véritablement transcendé.

— De quand datent vos premiers contacts ?

— Guy a effectué les premiers échanges sur mon microportable, en mai et juin de l’année dernière. C’est allé très vite… J’ai fait sa connaissance physiquement pour la première fois à la gare de Quimper en juillet, tenez, voici sa photo…

Jacques Kérity chercha fébrilement dans la poche intérieure de sa veste son portefeuille duquel il sortit un cliché.

Phil découvrit une très belle jeune femme noire. Elle incarnait la perfection avec des traits alliant la beauté ténébreuse et anguleuse de certains mannequins et le charme d’une femme au regard affirmé.

Ses cheveux crépus avaient été lissés sans doute pour gommer en partie ses origines.

— Elle est effectivement très belle et me paraît grande, non ?

— Oui, près d’un mètre quatre-vingts et une taille de mannequin. C’est une jeune femme extraordinaire, sensible, douce, intelligente…

— Que s’est-il passé ensuite quand vous l’avez rencontrée ?

— Je vous l’ai dit, nous nous sommes tout de suite plu. Elle venait me rejoindre tous les week-ends pendant l’été. Ensuite, je l’ai invitée à venir vivre chez moi au Guil où j’occupais la grande maison que j’ai héritée de mes parents, face à la plage de la Grève Blanche. Elle était folle de joie et ma vie venait de connaître un coup d’accélérateur sans précédent… Vous ne pouvez pas imaginer notre bonheur.

— Que faisait-elle à Paris ?

— Elle exerçait le métier de comptable dans une société d’import-export. Son patron ne voulait pas la lâcher, alors, dans un premier temps, elle continuait à y travailler à temps partiel, et moi, pour le reste du temps, je l’ai embauchée comme comptable pour gérer mes affaires ; ça tombait très bien, la comptable venait de prendre sa retraite. Du coup, ça se passait comme du temps de mes parents où ma mère se chargeait de la gestion, mon père détestait ça, et moi aussi. Et rapidement, elle s’est occupée du même coup de la SAG.

— La SAG ?

— Oui, la Société d’Armement du Guil. Nous avions créé cette société avec mes deux potes, il y a une dizaine d’années, pour acheter trois chalutiers : deux de dix-sept mètres et un de vingt-quatre. Comme la comptable gérait les deux affaires, ça tombait bien, elle l’a remplacée. Mais ce dernier travail n’a pas duré, car nous avons vendu nos trois chalutiers aux Irlandais cet été et nous venons d’en percevoir les indemnités.

— Comment ça se passe dans ce domaine ?

— C’est le plan de sortie de flotte et les quotas européens. Le plan vise les bateaux confrontés à de graves problèmes de quotas. Le barème des indemnités est attractif, surtout pour nous, car les navires ne sont pas trop récents, ils ont été achetés d’occasion. Ce n’était pas notre activité principale, nous passions donc le maximum de charges sur nos trois affaires, alors nous ne nous en sortions pas trop mal…

— Que peuvent représenter ces indemnités ? J’avoue ne rien connaître de ce monde.

— Pour les deux chalutiers de dix-sept mètres, de cent tonneaux GT, nous avons perçu deux fois quatre cent trente-deux mille euros et pour celui de vingt-quatre mètres, de deux cents tonneaux, sept cent trente-deux mille euros. Nous sommes très contents de mettre fin à cette société car le prix du carburant ne cesse de monter et cela nous inquiète beaucoup d’autant que la pêche diminue… Un jour ou l’autre, nous aurions eu des problèmes. Il a fallu licencier les gars, ce qui a été pour nous le plus pénible. Maintenant, il va falloir rembourser les crédits bancaires et régler toutes les charges en cours : une fois tout payé, il ne devrait pas rester beaucoup à nous partager… Ça nous a fait de la peine de voir nos chalutiers quitter le port définitivement, vous savez… Et il ne faut pas oublier qu’un marin en mer fait travailler trois à cinq hommes à terre… Nous sommes bien conscients des conséquences économiques…

Une réelle et sincère tristesse envahit son visage à cette évocation.

Phil voulut alors reprendre le cours du récit car il était question de tout, sauf de la disparition de l’épouse… Pour un homme abattu et inquiet, il se montrait finalement plutôt prolixe.

— J’imagine… Pour en revenir à votre épouse, pouvait-elle tout assumer ?

— Justement non. Avec l’armement, il a bien fallu qu’elle arrête son travail à Paris. D’ailleurs, elle était fatiguée et n’en pouvait plus de tout mener, c’était au printemps de cette année. C’est là que je lui ai demandé de vivre avec moi et je lui ai proposé le mariage.

— Qu’elle a accepté ?

— Oui, immédiatement, comme si elle n’attendait que ça ! Ce fut le plus beau jour de notre vie pour tous les deux. Nous nous sommes mariés le vingt et un juin dernier, ça fait juste un peu plus de quatre mois… Mais elle ne se sentait pas très à l’aise au Guil, car étant noire, elle trouvait que, là-bas, on la regardait de travers. C’est une petite ville, vous savez… Alors, parfois, certaines personnes, rares heureusement, ont eu un comportement inconvenant.

— Inconvenant, dites-vous ?

— Il lui est arrivé, une fois ou deux, de s’entendre traiter, dans son dos, de « négresse ». C’est pour cette raison que je dis « inconvenant », pour être correct. Alors, nous ne voulions plus vivre au Guil. Mes parents avaient un très grand appartement sur le boulevard Kerguelen à Quimper, dont les locataires étaient partis en mai, si bien que nous avons aménagé dans celui-ci dès notre mariage, ce qui ne nous empêchait pas d’aller de temps en temps dans la maison du Guil qu’elle aimait beaucoup pourtant. Vous savez, les gens, par ici, sont jaloux et quand il s’agit d’une noire en plus, ce n’est pas facile…

— Je comprends. Et alors, votre épouse qu’est-elle devenue ?

— Elle se rend, une fois tous les quinze jours environ, à Paris, question de faire les magasins… car il faut dire qu’elle est belle et qu’elle a du goût, donc c’est normal, c’est son plaisir. Moi, je déteste faire les boutiques, alors je la laisse y aller seule, elle me ramène toujours quelque chose d’ailleurs.

Il s’arrêta pour réfléchir quelques instants, puis reprit son monologue :

— Elle est donc partie en train de Quimper, jeudi matin de bonne heure comme d’habitude, et elle aurait dû rentrer hier soir. Quand je suis revenu du Guil, elle n’était pas dans l’appartement. J’ai appelé sur son portable, il ne répondait pas ! Comme s’il était débranché ou déchargé. Je me suis rendu à la gare, personne ne l’a vue descendre du train qu’elle aurait dû emprunter. Je suis revenu ensuite pour chaque arrivée de train en provenance de Paris… Personne, y compris ce matin. Ce n’est pas son habitude, il lui est sûrement arrivé quelque chose, je suis inquiet.

— Quand elle vous a quitté hier matin, comment était-elle ?

— C’est que je me lève à quatre heures… alors, elle était encore couchée. Mais, la veille, nous étions allés au restaurant en ville, elle était pimpante et très heureuse et m’a répété, des dizaines de fois au cours de la soirée, qu’elle vivait un véritable rêve avec moi et priait pour qu’il ne se termine jamais… Vous ne pouvez pas savoir combien je l’aime et comme elle me manque…

— Elle ne se serait pas rendue chez des amis à Paris ou chez des collègues où elle travaillait avant ?

— Non, sûrement pas, elle n’avait plus la moindre relation avec eux et ne voulait plus les voir, sa vie c’était désormais ici, avec moi… vous comprenez… et elle m’aurait prévenu.

— Avez-vous téléphoné à vos deux amis pour savoir s’ils ont eu de ses nouvelles ?

À l’évocation de ses deux amis qu’il avait qualifiés, un peu plus tôt, de « meilleurs copains », Jacques Kérity se renfrogna, donna l’impression de se replier sur lui-même.

Visiblement cette question le dérangeait ; il répondit laconiquement :

— Non, mais ils n’ont rien à y voir. Je suis aussi passé à la maison de la grève, elle n’y était pas et, d’ailleurs, son 4x4 est toujours dans le garage souterrain de Quimper…

— Bien sûr…

De nombreuses questions germèrent dans l’esprit de Phil, suite à cette réaction, mais ne voulant pas bloquer la situation, il poursuivit :

— Je vous propose que nous lancions la recherche

sur tous nos fichiers. Pour cela, il me faut son identité et des photos récentes en pied et en portrait.

— Bien sûr, voici sa carte d’identité et la photo que je viens de vous montrer, mais que je veux conserver sur moi.

Phil se saisit de la carte ; sur le cliché photo, Fatou portait encore les cheveux crépus, cette photo datait de quelques années et devait être une de celles faites par des machines automatiques qui ne valorisent guère la personne, car elle ne ressemblait en aucune manière à celle en pied de la jeune femme. Il fut frappé par la date de naissance :

— Votre épouse n’a que vingt-huit ans… Sur l’autre photo, je lui en aurais donné davantage !

— Oui, je sais, tout le monde dit cela ! Il faut savoir que pour nous, Blancs, il nous est difficile d’apprécier l’âge des femmes de couleur : les Noires font beaucoup plus âgées et les Asiatiques paraissent nettement plus jeunes et, en plus, nous trouvons qu’elles se ressemblent toutes, c’est comme ça !

— Sans doute…

Phil s’activa sur son ordinateur pour entrer toutes les informations concernant son signalement, sa tenue vestimentaire. À propos de signe particulier, Jacques Kérity précisa :

— Vous pouvez noter qu’un grand bandage enveloppe sa main… Il réfléchit avant de préciser : gauche.

— Ah ? Que lui est-il arrivé ?

— Elle s’est profondément entaillé la main avec un couteau en faisant la cuisine, mercredi. Elle avait été très choquée et s’était rendue toute seule aux urgences de l’hôpital pour se faire soigner, mais elle est très forte et n’a pas voulu m’inquiéter, je ne l’ai su qu’en rentrant le soir. C’est là que, comme je viens de vous le dire tout à l’heure, j’ai décidé de l’emmener au restaurant.

— Et c’était grave ?

— La blessure était profonde mais, fort heureusement, la lame n’a pas touché de nerf, m’a-t-elle dit.

— Très bien. Vous êtes certain des vêtements qu’elle portait… Comme vous êtes parti au travail avant son départ…

— Oui, oui, car elle avait tout préparé dans la chambre avant de se coucher et m’avait demandé mon avis sur ce qu’elle comptait mettre, comme elle le faisait à chaque fois, elle est vraiment formidable et tellement attentive à sa présentation.

— Quant à son téléphone portable…

— Oui, je vous le disais tout à l’heure, il ne répond plus, comme s’il était coupé.

— Pouvez-vous me communiquer son numéro de téléphone ?

— Oui, bien sûr, il figure sur cette petite carte de visite qu’elle s’était faite à l’aide de son ordinateur portable.

— Merci. Vous évoquez son ordinateur portable, communiquait-elle par Internet ?

— Oui, sans doute… Moi, je n’y mettais jamais le nez…

— Pouvons-nous saisir cet appareil ?

— Bien entendu.

— Je viendrai le récupérer à votre appartement, ou ailleurs ?

— Je ne l’ai pas vu à l’appartement à Quimper, ce matin et je dois repartir au magasin du Guilvinec, je me rendrai à la maison de la Grève Blanche pour voir.

— Bien, dans ce cas, nous allons lancer les informations et nous passerons dans l’après-midi à votre magasin de marée, à quel endroit se trouve-t-il ?

— Comme tous les autres, nous sommes tous côte à côte derrière la criée, vous verrez notre enseigne.

Après avoir également noté l’identité et les coordonnées de Jacques Kérity, Phil lui remit sa carte de visite professionnelle afin qu’ils puissent s’appeler dès que l’un ou l’autre disposerait d’une information. Jacques Kérity l’avait alors regardé d’un air à la fois docile, inoffensif et avide de bien faire ; la panique se lisait dans les yeux.

— Je vais aussi prendre le nom et l’adresse de vos deux copains, à tout hasard…

Jacques Kérity se montra réticent une nouvelle fois, visiblement, cela le dérangeait, il s’obstinait à ne pas vouloir y mêler ses deux amis.

— Ils n’ont rien à voir dans cette affaire, s’étonna-t-il.

— Non, bien sûr, mais comme ce sont les personnes les plus proches de vous et… sait-on jamais ?

L’homme finit par lâcher, à contrecœur, les coordonnées de Guy Trémeur, le commerçant, et celles de Jean-Paul Kerlarun, le transporteur.

— Bien, je vais engager les recherches immédiatement et prendre contact avec nos collègues de la gare Montparnasse, en priorité. Savez-vous où elle devait se rendre précisément dans la journée ?

— Non. Aucune idée ! Peut-être ne le savait-elle même pas en partant car, bien souvent, c’est en arrivant à Paris qu’elle décide dans quelles boutiques aller flâner.

— Même pas une petite idée ?

— Non, aucune !

— Bon, nous restons en contact et, si vous avez quoi que ce soit, n’hésitez pas à m’appeler à n’importe quelle heure du jour ou de la nuit.

L’homme se leva, remercia Phil et s’en alla sans

se retourner, ni poser la moindre question de dernière minute, ni même prononcer les phrases habituelles dans ce genre de situation, comme « Faites tout pour la retrouver » ou « Je compte sur vous, je suis tellement inquiet », afin de traduire un espoir légitime, une attente et masquer les pires craintes. Phil éprouvait cette impression, bizarre et contradictoire à la fois, d’avoir rencontré un homme brisé par la peine et l’inquiétude et qui, en même temps, ne semblait pas disposé à tout dire, comme s’il voulait préserver des zones d’ombre… Mais il se rassura en se demandant :

« D’ailleurs, y avait-il autre chose à dire ? » Il considéra que ce devait être un homme un peu rustre qui n’aimait guère s’épancher sur ses problèmes personnels. Puis il s’interrogea sur ce que celui-ci attendait de son union : une sécurité pour l’avenir… la fierté d’avoir à son bras une belle femme différente des autres ? Tandis que Phil relisait son procès-verbal, la tête de Joël Le Traon apparut dans l’entrebâillement de la porte de son bureau :

— Que voulait Jacques Kérity ? Avec la tête qu’il faisait en sortant, on aurait dit qu’on lui avait piqué sa bagnole !

— Non. Sa femme a disparu !

— Sans blague ! Sa grande sauterelle noire s’est barrée ?

Joël Le Traon en profita pour rentrer dans le bureau et s’installer à la place que venait de quitter Jacques Kérity. Phil réalisa aussitôt effectivement que son collègue devait le connaître :

— C’est vrai, tu es du Guilvinec, tu pourrais m’en parler, ainsi que de ses copains ?

— Et comment ! Ce trio était célèbre à une certaine époque au Guil ! Jacques, Jean-Paul et Guy, trois joyeux fêtards quand ils étaient jeunes, c’est-à-dire il y a quinze ou vingt ans, à ce qu’il paraît. J’ai dix ans de moins qu’eux, donc ils étaient « rangés » quand je sortais à mon tour, mais j’en ai beaucoup entendu parler. Ils travaillaient dur et étaient très sérieux dans ce qu’ils entreprenaient… mais, quand ils étaient de sortie, il n’y avait plus de limite ! L’argent coulait à flots, l’alcool aussi et il y avait toujours une bande de filles qui participaient à leurs fameuses « pistes non-stop » ! Alors, comme ça, sa miss noire a fichu le camp ? Le mariage s’est fait très discrètement, au point qu’au début, personne ne voulait y croire et, un jour, il a bien fallu se rendre à l’évidence… Pour stopper toutes les rumeurs, il a montré son livret de famille… Alors là, ça a fait du bruit dans le Landerneau local ! Au départ, le couple habitait au Guil, je crois…

Pour Phil, il était amusant d’avoir des informations de « la rue », en quelque sorte, par un collègue, sur le personnage qu’il venait de rencontrer. Joël poursuivait :

— Jacques avait récupéré la maison de ses parents en face de la plage de la Grève Blanche, elle est bien placée rue Jules Guesde, mais j’ai entendu dire que sa femme ne se sentait pas très à l’aise au Guil, alors ils sont venus vivre à Quimper, il me semble, non ?

— Oui. C’est ce qu’il vient de me dire. Et tu penses que sa femme aurait fait sa valise ?

— Personne ne croit qu’elle pourrait rester avec lui toute sa vie… D’accord, il est bourré de fric, mais tout de même, il n’y a pas que ça. Lui, il est plutôt du style un peu ours, sauf quand il a bu… tandis qu’elle, il faut la voir, une vraie poupée mannequin toujours hyper bien nippée… Comme disent tous mes copains, une souris comme celle-là dans mon grenier, je tue aussitôt mon chat !

— C’est à ce point ?

— J’te l’dis, d’ailleurs, personne n’a jamais compris au Guil comment il a fait pour trouver une nana pareille !

— Ce serait Guy Trémeur, un de ses deux copains, qui l’aurait découverte par le biais d’Internet.

— Ça ne m’étonne pas, Guy c’est certainement le plus volage de la bande. Il ne peut pas voir une belle femme passer sans qu’il soit prêt à lui courir derrière aussitôt !

— Eh bien, dis donc, tu sembles bien les connaître et tu n’es pas long à leur tailler un costume !

— Le Guil, c’est une petite ville, tout le monde se connaît et tout se sait.

À cet instant, François se présenta à son tour à la porte, venant juste d’être libéré de son dernier rendez-vous.

— Que se passe-t-il ici, on complote ?

Phil récapitula les faits, aidé du coup par les commentaires colorés de Joël, fier de raconter ce qu’il savait à propos de son compatriote, Jacques Kérity.

Indépendamment des évocations de Joël Le Traon, il ne fallait retenir que la réalité, l’épouse de Jacques Kérity avait disparu et il convenait de tout faire pour la retrouver.

Ils décidèrent d’aller en rendre compte au patron, Yann Le Godarec. Celui-ci ne fit que préciser le mode opératoire relatif à une déclaration de disparition de personne ; restait à déterminer le caractère inquiétant ou non de celle-ci. Il fallait des motivations sérieuses pour que la police acceptât de considérer comme disparue, une adulte qui s’était évaporée depuis si peu de temps. Cependant, chacun demeurait conscient que, les quarante-huit premières heures étant souvent déterminantes, la rapidité et la qualité de la réaction déterminaient les chances de retrouver vivante et en bonne santé toute personne disparue. Yann Le Godarec conclut l’entretien :

— Aucun élément ne laisse présumer que la disparition soit d’origine criminelle ou délictuelle, aussi allons-nous nous inscrire dans le cadre de l’enquête administrative pour disparition inquiétante. Pour ne pas perdre de temps, répartissez-vous les rôles : Joël, vous allez lancer tout l’administratif, y compris les requêtes pour le téléphone portable auprès du LATS2, pour connaître le journal des appels, les répertoires, les SMS et autres. Ceci constituera un excellent exercice pour vous faire la main sur les procédures et, quand vous aurez terminé, vous irez à la gare interroger le personnel des guichets.

— D’accord, dit-il, en acquiesçant de la tête, même si, visiblement, il aurait préféré aller sur le terrain, chez lui, au Guil.

— François et Phil, vous filez au Guilvinec, vous passez récupérer le micro-ordinateur et vous allez voir ce Jacques Kérity dans son élément, vous jetez un œil du côté de sa maison de la Grève Blanche, vous interrogez les voisins et, ensuite, vous rendez une petite visite aux deux copains… Ce soir, nous ferons le point de cette affaire.

Pour l’instant, le patron vouvoyait Joël Le Traon tandis qu’il tutoyait les deux autres collègues, apportant une certaine distance à cette relation, sans doute le temps pour le nouveau de faire ses preuves. Ils sortirent tous les trois et regagnèrent leur bureau. Phil partit le premier, suivi de quelques pas par François qui proposa à Joël :

— Si tu rencontres un problème pour toutes les réquisitions, tu demandes à Phil, c’est un champion dans ce domaine et il connaît pas mal de monde dans les services.

— Non, non, ça ira. J’ai eu la chance de faire un stage pointu dans ce domaine et je connais tout, ou presque, sur les subtilités des SMS, MMS et autres… Au fait, sais-tu ce que signifie SMS ?

— Non… Heueueu… J’t’avoue que c’est entré dans le langage courant et on en oublie la signification, si toutefois je l’ai su un jour, ce dont je ne me souviens pas !

— SMS veut dire Short Message Service, je peux même te dire que ce « petit texte » transmis par téléphone portable a rapporté plus de trente-six milliards d’euros aux opérateurs et que plus de mille neuf cents milliards de SMS ont été transmis dans l’année…

— OK, ça va, je vois que tu t’y connais, s’était contenté de répondre François, car Joël semblait subitement intarissable sur le sujet, pas peu fier de montrer ses connaissances.

Chacun prit sa place et se prépara à la tâche qui lui était allouée.

 

*

 

Vendredi 12 octobre 2007 - après-midi.

Décidément, l’été n’en finissait pas, le soleil offrait toujours ses chauds rayons et l’anticyclone restait calé sur la France. Phil étant au volant, François relisait une nouvelle fois la déclaration de la disparition de madame Fatou Kérity-Diop. Après avoir contourné la ville de Pont-l’Abbé, à la sortie de Plomeur, François lui rappela qu’il fallait tourner à gauche dans les virages afin de se diriger vers le port du Guilvinec.

Après le carrefour de Pendreff, ils quittèrent l’avenue de la République pour tourner à gauche en direction de Tréffiagat et rendre visite à la gendarmerie, rue de Lagat Yar. La déontologie voulait qu’ils informent leurs collègues de l’enquête qu’ils menaient sur leur territoire. Ils n’apprirent rien de particulier mais eurent confirmation de ce qu’ils connaissaient déjà. Chacun savait aussi que, dans les mois et les années à venir, police et gendarmerie ne feraient plus qu’un seul corps dépendant du ministère de l’Intérieur, autant travailler ensemble et se montrer plus efficace que de travailler chacun de son côté.

Ils se dirigèrent ensuite vers le centre-ville, découvrant ici et là des maisons colorées de jaune, vert, rose ou bleu. Ces couleurs faisaient leur apparition un peu partout en Bretagne, Le Guilvinec n’y échappait pas. Elles remplaçaient progressivement le ravalement blanc, traditionnel dans la région… Déjà rue de la Marine, ils prirent à gauche pour descendre vers le port et se garer devant le magasin de marée de Jacques Kérity.